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samedi 19 avril 2008

LES ACTIONS A PRENDRE APRES LA SORTIE DE LA CRISE HAITIENNE

Port-au-Prince, le 19 avril 2008

Ce texte vieux de 4 ans a été publié par le Nouvelliste en mars 2004. En le relisant, on verra qu’il reste d’actualité, surtout après ce qui s’est passé dans le pays d’Haiti et relatif aux émeutes de la faim conduisant au vote de sensure du Senat contre le Premier Ministre Alexis, à des consultations actuelles du Président Préval pour la nomination d’un nouveau Premier Ministre et forcément à la réorientation de la politique nationale pour répondre à la nouvelle donne introduite par cette situation qui pourrait rebondir à n’importe quel moment.Les idées émises dans ce texte restent pertinentes et pourront encore aider les décideurs.Je viens de le publier sur mon blog : http :jrjean-noel.blogspot.com, et je vous l’envoie pour information et pour une plus large diffusion,si vous le jugez nécessaire.

Port-au-Prince, le 1er mars 2004.

LES ACTIONS A PRENDRE APRES LA SORTIE DE LA CRISE HAITIENNE

PAR JEAN ROBERT JEAN-NOEL

INTRODUCTION

Haïti vit l’une des crises les plus aigues de son histoire. De 1804 à aujourd’hui, le pays a connu une succession de crises qui ont contrarié son développement. En deux cents ans d’existence, Haïti a connu trente deux coups d’état, deux occupations américaines (1915 et 1994), ce qui se traduit par une dernière place non enviable sur l’échelle de l’hémisphère occidentale. Cette situation de crise s’est aggravée à partir des élections de l’Année 2000, a atteint son point culminant le 5 décembre 2003 par l’attaque par des proches du pouvoir de la faculté des sciences humaines et s’est déterriorée par la prise le 5 février 2004 du Commissariat de police des Gonaïves par le Front Anti Aristide de l’Artibonite[1]. Depuis, le pays Haïtien fait face à une flambée de violence causant la mort de plus d’une centaine d’haïtiens et des milliers de déplacés. Certains parlent déjà de catastrophe humanitaire et la Communauté internationale tente depuis le samedi 21 février 2004 par l’intermédiaire d’une Mission de haut niveau conduite par les USA d’imposer une solution aux protagonistes politiques et de la société civile, tout en négligeant la nouvelle donne militaire créée à partir du 5 février 04 aux Gonaïves. Cette tentative de la communauté Internationale et la situation militaire laissent présager un certain dénouement de la crise. Et le 29 février 04, Aristide parti, la crise se dénoue, tout au moins dans sa forme actuelle. C’est dans cette perspective que je produis ces réflexions à destination du grand public et qui s’intitulent : « Les actions à prendre après la sortie de la crise haïtienne ».

Ce texte s’attardera sur les trois catégories d’actions : l’Urgence, le Durable et la concertation, identifiera certains acteurs clé, donnera quelques éléments de stratégie avant des conclusions appropriées.

LES ACTIONS D’URGENCE

Actuellement, en Haïti, tout est urgent. L’urgence se fait sentir dans tous les domaines et secteurs. Les actions dont nous parlons dans ce texte concernent surtout les emplois temporaires à créer dans le cadre d’un programme spécial. C’est une nécessité. La création massive d’emplois temporaires est la seule capable de mettre au travail des masses rurales et urbaines. Ces dernières si elles ne sont pas casées de 8 am à 4 h pm vont sérieusement perturber le climat de sérénité dont le pays aura besoin pour penser le durable et faire la grande concertation indispensable au redémarrage du processus de développement.

Haïti a l’habitude de ces grands programmes d’urgence et de création d’emplois temporaires. De 1993 à 1997, elle a mis sur pied un vaste programme de création d’emplois avec le financement de l’USAID, de la BID et de la Banque Mondiale pour un montant global d’environ US $ 63 millions. Le nombre d’emplois créés avoisine 600 milles personne-mois (P-M) de travail avec deux Institutions la PAN AMERICAN DEVELOPMAN FOUNDATION (PADF), une ONG internationale, et l’UNITE CENTRALE DE GESTION, une Entité Etatique, attachée à la Primature. Au mois d’aout 1996, Haïti a pu mettre au travail 40000 personnes dans les domaines de l’irrigation, l’environnement, l’assainissement, les routes rurales et urbaines et l’eau potable. Durant cette période, le pays n’a connu aucune manifestation hostile de rue. Les masses étaient trop occupées à gagner dignement leur pain quotidien. Les rares manifestations enregistrées étaient en faveur des régimes en place.

Un tel programme repris sur une période de deux (2) à trois (3) ans pourrait permettre au pays de retrouver le calme nécessaire pour la mise en branle des actions durables et l’opérationnalisation de la grande concertation pour le développement national.

Naturellement, d’autres urgences pouraient être prises en compte dans le cadre des Ministères sectoriels et certaines ONG. Ces autres urgences pourront créer d’autres emplois temporaires ajoutés à ceux créés dans le cadre du programme spécial. L’objectif national de création d’emplois temporaires pourrait se circonscrire autour de 100 milles emplois journaliers avec une moyenne de 10 mille par département géographique.

LES ACTIONS DURABLES

Les actions durables seront menées parallèlement aux actions d’urgence tout en s’accordant le temps nécessaires pour leur conception et mise en oeuvre. Elles serontt constituées de l’ensemble des projets et programmes déjà en cours dans le cadre d’accords et conventions avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ceux négociés, approuvés et non encore opérationnels, et ceux à concevoir et à négocier avec les bailleurs de fonds tant nationaux qu’internationaux.

Les actions en cours sont ménées par les Ministères sectoriels, les organismes autonomes de l’Etat, les Agences multilatérales ( FAO, PNUD), les ONG, le secteur privé, etc.

Les actions durables feront l’objet d’études poussées, auront un effet structurant et respecteront scrupuleusement les normes environnementales. Elles peuvent êtres des actions physiques ( infrastructures urbaines et rurales) et /ou des actions d’éducation, de formation, de définitions de politiques, de méthodologies, de méthodes, de planification, de sensibilisation, de responsabilisation… visant la transformation de l’homme haïtien en vue d’une meilleure gouvernance politique et économique du pays haïtien. Elles devront être articulés et modulées de manière à résorber à terme le chômage chronique d’Haïti par la création massive d’emplois durables avec le souci constant de se rapprocher des taux de chomage à un chiffre des pays développés.

Les actions durables en cours et déjà négociées avec les bailleurs et agences multilatéraux et bilatéraux avoisinent les US $ 500 millions. Elles donnent l’impression d’être conçues sans articulation et cohérence. Elles ne font pas partie d’un plan global convergeant vers le développement harmonieux du pays. Mais elles permettent et favoriseront la création d’un nombre important d’emplois durables, en attendant leur intégration, modification et adaptation dans un plan global de développement issu de la grande Concertation souhaitée par la majorité des Haïtiens.

LA GRANDE CONCERTATION POUR LE DEVELOPPEMENT[2]

Dans la conjoncture actuelle, on ne peut comme par le passé se contenter de ces deux catégories d’actions décrites plus haut. Haïti les a expérimentées déjà sans grand succès. En témoignent l’état du pays et sa place dans l’Hémisphère. D’où la nécessité de cette troisième catégorie d’actions : les actions de concertation.

La grande Concertation pour le développement d’Haïti interpelle tous les Haïtiens sans exclusive. La grande majorité l’exige. Il suffit d’écouter les émissions de libre tribune ; les politiciens également ainsi que la Société Civile organisée, le Groupe 184, le GREH[3] d’Himmeler REBU, la FONHDILAC[4], etc. Certains écrivains comme Claude Moïse[5] ont même proposé une démarche pour sa mise en œuvre , certains thèmes et concepts clé à prendre en considération, et les gens à mobiliser pour contribuer à l’élaboration du plan. La FONHDILAC propose quant à elle un plan global de développement de 100 ans et un cadre global de référence avec six (6) axes : l’Humain, le Social, l’Environnemental, l’Infrastructurel, l’Economique, la Politique[6] .

La grande concertation ne doit négliger aucun aspect du développement qui pourrait être des éléments des six (6) axes comme la sécurité publique, la justice, l’emploi, etc. Bref tous les éléments essentiels du développement intégral du pays doivent être pris en compte.

C’est un travail de longue haleine qui doit se réaliser dans un climat de sérénité. Il faudra éviter la précipitation, l’exclusivisme. Il s’agit de penser le développement d’un pays meurtri. Tous ses fils doivent y participer et le travail de réflexion conduisant au cadre global de référence et au plan global y afférent doit être mené avec beaucoup de sérieux dans un souci de durabilité comme les systèmes étrangers qui ont fait leur preuve. La finalité recherchée sera un nouvel homme haïtien compétitif partout avec un sens de respossabilité très poussé évoluant dans un système non exclusif pour une nouvelle Haïti, politiquement responsable, économiquement riche et socialement équitable.

LES PRINCIPAUX ACTEURS

Les principaux acteurs pour ces trois catégories d’actions sont le peuple haïtien, la communauté internationale et les bailleurs de fonds.

Le peuple haïtien

L’acteur principal est le peuple haïtien à la fois tenant et aboutissant de tout ce processus. Les trois catégories d’actions ne bénéficient enfin de compte qu’ au peuple haïtien dans toutes ses composantes. C’est la raison fondamentale qui détermine l’aspect inclusif de tout le processus.

Les actions d’urgence concernent en premier lieu les masses urbaines et rurales qui connaissent des difficultés énormes actuellement. Mais elles auront une influence sur l’ensemble du peuple puisque dans un second temps les actions d’urgence même réduites devraient intégrer un cadre normal de développement.

Les actions durables visent particulièment la structuration et l’institutionalisation du pays et du peuple haïtien dans le respect de l’environnement, éléments essentiels de développement du pays haïtien. Elles concernent en premier lieu les secteurs organisés du pays, secteurs public et privé, ONG, organisations de base et collectivités territoriales.

La grande concertation qui est essentiellement un travail de réflexion interpelle l’ensemble du peuple à travers les représentants de ses composantes organisées.

La communauté Internationale[7]

La communauté internationale a essentiellement un rôle d’accompagnement, d’assistance et de partenariat. En tant qu’acteur, nous devons tenir compte de son importance dans le cadre des trois catégories d’actions à mettre en œuvre. La communauté internationale a toujours été un acteur de premier plan de la crise haïtienne. Elle doit être un acteur de la solution du problème, qui vise le développement intégral du pays haïtien en passant, entre autres, par les actions d’urgence, les actions durables et la grande concertation.

Les bailleurs de fonds[8]

Les bailleurs de fonds tant nationaux qu’internationaux interviendront principalement au niveau du financement des actions. Leur importance n’est pas à négliger. Sans financement les trois catégories d’actions resteront au stade de rêve et de vœux pieux. Toutefois, ce financement ne doit pas orienter dans le mauvais sens le développement du pays comme il l’a fait jusqu’ici. Il doit suivre strictement les grandes tendances exprimées par les révendications avant la mise en œuvre de la concertation et l’orientation de la grande concertation.

CERTAINS ELEMENTS DE STRATEGIE

Pour la mise en œuvre des trois catégories d’actions, il y a lieu de dégager certains éléments de stratégie dont la plupart se retrouvent en filigrane tout au long du développement du texte. Les actions doivent être ménées selon un processus participatif avec l’ implication directe ou indirecte de toutes les composantes nationales et internationales directement concernées. Elles doivent rechercher la responsabilisation du peuple haïtien à travers ses organisations politiques, sociales, culturelles, économiques et financières. Elles se feront dans le cadre de partenariat entre l’Etat, le secteur privé, l’international, les populations rurales et urbaines, les collectivités territoriales et les financeurs. La recherche de synergie et de mise en réseaux sera capitale pour la réussite des actions. Il faudra à tout prix éviter la duplication c’est à dire la répétition des mêmes choses par des acteurs différents aux mêmes endroits ; éviter des méthodes d’intervention différentes aux mêmes endroits pour des actions similaires. Il faudra rechercher la convergence des actions pour maximiser les effets bénéfiques pour le peuple haïtien et le pays.

CONCLUSION

Ces trois catégories d’actions sont à notre avis les plus urgentes à mettre en oeuvre dans la conjoncture actuelle, exception faite des actions liées à la sécurité publique qui est la priorité des priorités. Elles favoriseront le processus du renforcement du développement intégral du pays haïtien, en permettant la création d’emplois temporaires et durables, l’emploi demeurant un des éléments essentiels de stabilité d’un pays, et en incitant les Haïtiens à se mettre ensemble formellement à travers les représentants de leurs organisations politiques, sociales et économiques. Les résutats de la grande concertation conduiront notre pays vers des sommets inconnus durant ces deux cents ans d’histoire et le positionnera à sa vraie place dans le concert des nations. Le cadre global de référence et le plan global de 100 ans y afférent, les deux principaux résultats de la grande concertation nationale redonneront à notre Haïti son rôle de pays de référence en matière de développement[9] comme elle l’est déjà en matière d’histoire. Le Gouvernement d’Unité Nationale ou de Consensus quel que soit le nom qu’on lui donnera, aura intérêt à faire siennes ces actions et à les initier une fois sa prise de fonction.

Jean Robert JEAN-NOEL

Ing Civil,Consultant

jobyand@yahoo.com



[1] Ex Armée Canibale, proche d’Aristide

[2] L’articulation technique et politique ou la nécessité d’un modèlede développement non exclusif pour Haïti, JR JEAN-NOEL, mars 2003.

[3] Groupe de réflexion sur Haïti

[4] Fondation Haïtienne pour le développement intégral latino américain et caraïbéen

[5] La Croix et la Bannière

[6] Document de présentation de la FONHDILAC

[7] ONU,OEA, UE, FAO, les Ambassades etc.

[8] BID, BM, ACDI, USAID, AFD,UE, GOH, etc.

[9] Pendant la période coloniale française, St Domingue était une référence en matière de développement économique.

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