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mercredi 27 juillet 2011

HAITI, SORTIRA-T-ON DE L’AUBERGE ?

JEAN ROBERT JEAN-NOEL
Le 27 juillet 2011

La situation haïtienne est des plus complexes ces trois derniers mois. C’est la rentrée parlementaire ; c’est l’amendement constitutionnel raté ; c’est la prise du pouvoir par le nouveau président de la République ; c’est la saison cyclonique ; c’est la recrudescence du choléra, de l’insécurité ; c’est le rejet de Mr ROUZIER comme Premier Ministre pressenti et désigné ; c’est l’expectative en matière politique durant une à deux semaines ; c’est la désignation d’un nouveau Premier Ministre en la personne de Me Bernard GOUSSE sur fond de confrontation entre le Parlement et la Présidence ; c’est la multiplication des voyages du Président MARTELLY à l’étranger . C’est le succès de l’évènement ”Livres en folie” ; c’est l’organisation des examens d’Etat ; c’est l’anniversaire de naissance des anciens chefs d’Etat, Jean Claude DUVALIER (60 ans) et Jean Bertrand Aristide (58 ans) ; c’est le début des fêtes champêtres d’Eté ; C’est la disparition de notre Azor, le Trésor national en matière de musique traditionnelle. C’est la poursuite des négociations avec le Parlement sur la ratification du Premier Ministre désigné. C’est l’annonce d’une probable prorogation d’un an de la CIRH sur fond de contestation de certaines organisations. C’est la visite du couple présidentiel dans le Nord du pays ponctuée de ”jets de pierres ” selon une certaine presse, de ”deux bouteilles lancées par des membres de la Base « Renfort »” selon le réseau citadelle . C’est la mort d’un député, celui de Beaumont. C’est enfin de compte le ralentissement de l’économie haïtienne sans apparemment une conscience claire de la part du Parlement et de la Présidence. Sortira-t-on de l’auberge ? Et que faire pour s’en sortir ?

Remarques

Dans cette grisaille politique qui surplombe notre pays, les aspects les plus encourageants restent et demeurent la culture et l’éducation. On peut certes reprocher les failles relevées dans l’organisation des examens d’Etat, mais on constate avec plaisir que ces examens sont organisés en temps et lieu, malgré les multiples problèmes que confronte le pays haïtien.

D’un autre coté, l’évènement culturel annuel « Livres en folie »a eu, une fois de plus cette année, un succès fou. Toutes les catégories sociales se sont déplacées comme pour dire au monde entier, « ça c’est notre force, aucune puissance étrangère ne peut nous l’enlever ». Cette puissance culturelle s’exprime encore plus dans les fêtes champêtres qui connaissent chaque année un succès extraordinaire mais qui, cette année, grâce à l’amélioration des réseaux routiers, enregistrent beaucoup plus d’affluence de gens de l’intérieur du pays (tourisme local) et de la diaspora haïtienne. Les fêtes d’anniversaire de deux anciens chefs d’Etat (réf. Haïti en Marche)avec leurs amis dans leur pays après des années d’exil, les funérailles nationales de notre Azor, un trésor culturel haïtien dans l’art du maniement du tambour, ce sont là des traits culturels haïtiens qui nous confortent et nous permettent de traverser dignement des moments de grisaille politique.

L’éducation d’un coté, la culture de l’autre, les deux piliers sur lesquels devra s’appuyer notre pays pour se refonder, en commençant par la résolution tout de suite de la crise gouvernementale en puisant dans notre culture et dans notre histoire de peuple capable d’étonner le monde quand il le fallait.

Solutionner la crise gouvernementale

Après l’échec de Rouzier, le Président Martelly avait dit qu’il allait demander au Premier Ministre, Bellerive, de faire plus que liquider les affaires courantes. Depuis, on ne sent pas « ce faire plus ». Au contraire ! Les ministres laissent le gouvernement petit à petit. Ceux qui sont là fonctionnent au ralenti. Le Président a-t-il organisé un Conseil des Ministres pour confirmer ses dires et donner plus de marge de manœuvres au gouvernement ? En tout cas, on ne sent pas le gouvernement de Bellerive. D’où le ralentissement de l’économie qui se traduit par le manque d’emploi, une réduction de la production nationale, une impression de manque sécurité (assassinats spectaculaires, Toussaint, Dorvil), une insécurité alimentaire qui pointe à l’horizon et qui pourrait déboucher sur les émeutes de la faim et favoriser une exploitation politique. En attendant la ratification de Me Gousse ou le choix d’un autre Premier Ministre, un Conseil des Ministres pourrait statuer sur un programme minimum à exécuter par le gouvernement démissionnaire. Il y va de la nécessité de sauver ce qui peut l’être d’un exercice fiscal partiellement compromis et de préparer le prochain exercice fiscal 2011-2012. Le Sénateur PRIVERT, en tant que l’un de nos meilleurs spécialistes de la question, si ce n’est le meilleur tout au moins en matière fiscale, a le devoir de convaincre ses collègues du Parlement de s’élever à leur niveau d’hommes et de femmes d’Etat pour doter le pays, avant octobre 2011, d’un budget pour l’exercice fiscal 2011-2012, naturellement en accord avec le Président Martelly. Sinon, on sera obligé, à la fin de cet exercice, de reconduire le budget de 2.6 milliards de USD, alors qu’il nous faudrait, selon la FONHDILAC, un budget de l’ordre de 4 milliards d’USD pour soutenir une croissance économique de 8 à 12% pour l’exercice 2011-2012. Or il est possible de trouver une partie de cet argent dans le cadre de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) qui sera probablement prorogée pour une période d’au moins 1 an. Réalisme politique et économique oblige ! Il faudrait solutionner la crise gouvernementale par la nomination d’un nouveau gouvernement ou l’élargissement du mandat du Gouvernement Bellerive.

Alors, peut-on sortir de l’auberge ?

Le jusqu’auboutisme ne nous mènera nulle part. La Présidence le sait. Le Parlement aussi. Alors, pour sauver ce pays qui est nôtre, il faudrait :

1) Continuer les négociations en évitant la confrontation ouverte : modération du langage des deux cotés car Haïti l’exige, il y va du bien-être de la nation. Nous avons besoin de paix et de sérénité.

2) Convoquer un Conseil des Ministres pour permettre au Gouvernement Bellerive de faire plus que liquider les affaires courantes en l’instruisant de mettre en application les points non pris en compte dans les recommandations de l’article :” Haïti, une cigarette allumée aux 2 bouts”(Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/06/haiti-une-cigarette-allumee-aux-2-bouts.html. Journal le Matin et Haïti en Marche)

3) Continuer le processus de ratification de Me Gousse ou d’un autre Premier Ministre sur la base des négociations avec les deux parties relatives à la décision arrêtée en termes de partage de responsabilités au sein du Gouvernement avec les trois (3) ministères accordés au Groupe GPR, Economie et Finance, Agriculture et Santé, selon le Sénateur Zeni (Radio Vision 2000).

4) Encourager le Président, le Premier Ministre désigné, le Premier Ministre sortant et son gouvernement, et les parlementaires à s’investir dans la création d’un climat de confiance entre les deux (2) parties en donnant au pays l’impression que tout va pour le mieux.
5) Donner au Premier Ministre désigné les mains libres pour dégager une majorité au Parlement sur la base de négociations et non sur la base de chantage. En aucun cas, les négociations ne doivent dépasser les limites de l’indécence.

6) Se garder (Présidence et Parlement ), durant la période de négociations, de toutes déclarations intempestives susceptibles de jeter de l’huile sur le feu. Certains Sénateurs et le Président doivent se contrôler durant leur prise de parole.

7) Procéder (Le Parlement )à l’analyse des pièces du PM désigné qui, une fois ratifié, procédera à la présentation de sa politique générale qui sera adoptée à coup sûr par les deux chambres parce qu’elle sera le fruit d’un compromis.

8) Procéder (Le Président) à l’investiture officielle du nouveau gouvernement qui rentrera en fonction en remplacement de celui de Bellerive.

Haïti, comme en 1803 après le Congrès de l’Arcahaie, sortira de l’auberge pour entamer, cette fois-ci et pour de bon, sa refondation en toute tranquillité. Ce sera l’heure de la délivrance et notre pays sera sauvé parce que, comme Pétion et Dessalines, le Parlement et la Présidence auront compris qu’il faudra privilégier la concertation à la confrontation pour sauver ce qui peut l’être encore de cette nation en lambeaux. Nos actuels dirigeants ont-ils cette grandeur d’âme et ce sens du bien commun pour rééditer le passé ? A eux de le prouver !!!