Rechercher dans ce blog et le WEB

vendredi 30 juillet 2010

HAITI RECONSTRUCTION, LA CIRH ET LE FONDS FIDUCIAIRE MULTI BAIILLEURS OU EN SOMMES-NOUS ?

HAITI RECONSTRUCTION, LA CIRH ET LE FONDS FIDUCIAIRE MULTI BAIILLEURS OU EN SOMMES-NOUS ?
Jean Robert JEAN-NOEL

Le 26 juillet 2010

Pour les observateurs objectifs, le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH) a eu, depuis sa présentation à la Conférence de Reconstruction de New York au siège des Nations Unies où il a reçu 9.9 milliards d’USD de promesses de financement, quelques résultats physiques et techniques acceptables. A noter que les résultats présentés avaient à voir avec la situation d’avant le séisme et d’après le séisme du 12 janvier 2010. Pour la situation d’après le 12 janvier, on s’est surtout basé sur les prévisions du PARDNH et les actions physiques y relatives et les projets présentés par Haïti à la Conférence de PUNTA CANA (RD) (réf. www.jrjean-noel.blogspot.com ). Au cours de cette conférence, Haïti a présenté ses représentants dans la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) mais a très peu parlé du Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB). Dans le cadre de la reconstruction où en sommes-nous par rapport à ces deux mécanismes depuis cette conférence de New York du 31 mars 2010 ? Pour répondre à cette interrogation, appuyons-nous sur le PARDNH en regard de ces deux entités et analysons leur situation par rapport aux informations disponibles.

Le PARDNH et les deux entités en question

Selon le PARDNH, « le séisme du 12 janvier marque une rupture dans les approches utilisées jusque là » et nécessite « véritablement une nouvelle forme de coopération, une responsabilité mutuelle Haïti – Communauté internationale dans les résultats à atteindre ». D’où l’obligation « d’agir maintenant tout en mettant en place les conditions de la croissance structurelle nécessaire dans la durée. Aussi, le PARDNH subdivise-il les étapes de la refondation d’Haïti en « trois grands moments » de la planification des interventions (i) La période d’urgence, (ii) La période d’implantation (dix-huit mois) des projets déclencheurs pour cette Haïti de demain, et (iii) La période de concrétisation de la reconstruction et de la refondation d’Haïti sur un horizon de dix ans pour remettre le pays sur la voie du développement et dix ans de plus pour en faire véritablement un pays émergeant, les échéances sur lesquelles Haïti demande l’appui de la communauté internationale pour réussir cette refondation qui s’avère un devoir historique pour chaque Haïtien et chaque Haïtienne ».

La mise en œuvre d’un tel plan exige la mise en place de deux entités inédites jusqu’ici en Haïti, la CIRH et le FFMB.

La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH)

Selon le PARDNH, la CIRH, qui est commission paritaire composée d’Haïtiens et d’étrangers et coprésidée par l’Ex US Président et le Premier Ministre Haïtien, a pour mission « d’assurer la coordination et le déploiement efficaces des ressources et de répondre aux préoccupations relatives à la responsabilisation et à la transparence afin de maximiser les appuis fournis par les bailleurs de fonds internationaux ». En attendant de devenir la Régie pour le Développement d’Haïti (RDH) après 18 mois, le mandat de la CIRH « consiste à mettre en œuvre le Plan de Développement pour Haïti soumis par le Gouvernement. Elle donne son approbation à des propositions de projets évalués en fonction de leur conformité et de leur coordination avec le Plan de développement pour Haïti, élaborer et solliciter des projets compatibles avec les priorités du Plan de développement pour Haïti et décide de la recevabilité des soumissions externes ». « Les attributions de la CIRH seront exercées dans le cadre de l’état d’urgence. Elle dispose, en Conséquence, des pouvoirs nécessaires en vue d’exercer efficacement sa mission ». D’où cette fameuse loi d’urgence controversée de 18 mois.

Pour exercer correctement sa fonction, la CIRH a en plus de son conseil d’administration (CA) un secrétariat exécutif coordonné par un directeur exécutif. Ce secrétariat « comporte des services de planification, de communications et de gestion de projets, une équipe de conseillers sectoriels et des bureaux attribués au secteur privé et aux ONG. Ce secrétariat est composé d’experts d’Haïti, de la Diaspora haïtienne, et de personnes détachées par les principales institutions financières internationales et les bailleurs de fonds ». Entre temps les modalités de fonctionnement du secrétariat ont été définies et acceptées par le CA. Les membres de la CIRH sont en place, le Directeur Exécutif également.

Le Fonds fiduciaire Multi-Bailleurs ( FFMB)

Qu’en est-il du FFMB ? Voici ce qu’en dit le PARDNH « Le Fonds Fiduciaire Multi-Bailleurs (FFMB) est un instrument qui doit faciliter l’harmonisation entre les programmes et projets nécessitant du financement et les fonds disponibles. C’est un dispositif qui permet de regrouper les fonds pour des programmes dont l’envergure dépasse les capacités d’un seul bailleur de fonds. C’est finalement un mécanisme qui doit en principe faciliter la coordination des aides externes et assurer la saine gestion des fonds mis à disposition pour la refondation d’Haïti ». Toujours selon le PARDNH « Haïti a demandé la création d’un Fonds Fiduciaire Multi-Donateurs dont l’administration sera confiée à la Banque mondiale. Un partenariat regroupant la Banque Interaméricaine de Développement, les Nations Unies et la Banque Mondiale doit permettre d’atteindre les objectifs cités au paragraphe précédent, mais il doit y avoir obligation de résultats, i.e. (1) permettre de mobiliser davantage de fonds et les rendre disponibles plus rapidement, (2) accroître la fluidité des flux financiers, (3) accélérer les procédures d’approvisionnement et de mobilisation des opérateurs pour l’exécution des programmes, (4) fournir, aux partenaires contributeurs, les garanties de probité et de diligence dans l’utilisation des ressources financières et (5) réduire les coûts de transaction de l’aide ».

Le PARDNH rapporte un peu plus loin : « Il est peu prévisible, même si c’est là le souhait du Gouvernement d’Haïti, que tous les fonds disponibles, y compris ceux qui transitent par les agences multilatérales et les ONG, vont effectivement être gérés via ce fonds. Il est donc impératif de préciser la portée effective de la compétence de ce fonds et de ses modalités d’approvisionnement et de décaissement ». Ce qui nous conduit tout droit vers l’analyse de la situation par rapport aux informations disponibles.

Analyse de la situation par rapport aux informations disponibles

A la lecture des informations tirées du PARDHN, il est clair que le GOH devait prendre une loi d’urgence pour favoriser l’évolution de la CIRH. D’un autre coté, la communauté des bailleurs n’était pas tout à fait d’accord avec le souhait du GOH d’avoir un fonds unique pour pouvoir mieux gérer la reconstruction. Elle a estimé que sa façon d’opérer était correcte et qu’elle n’avait pas à se courber par rapport à un souhait du Gouvernement Haïtien. Comme elle était partie prenante de l’élaboration du PARDNH, elle l’a fait passer dans ce document pour pouvoir mieux faire à sa façon par la suite.

D’où les propos de Jean Michel CAROIT dans le journal Le Monde, le 30 mars 10 : « Inspiré par l'expérience de l'agence pour la reconstruction mise en place en Indonésie après le tsunami de décembre 2004, ce modèle risque de se heurter aux réticences de plusieurs bailleurs de fonds soucieux de préserver le contrôle et la visibilité de leurs apports. Pour le responsable de la mission des Nations unies en Haïti, Edmond Mulet, la constitution d'un fonds unique multi donneur serait la meilleure façon d'éviter l'éparpillement des initiatives et les doubles emplois. Craignant que cette formule soit peu réaliste, il suggère que chaque grand bailleur prenne en charge une zone géographique ou un secteur d'activité, ce qui permettrait de mieux évaluer les résultats ». Et un peu plus loin, il rapporte que « C'est aux Haïtiens qu'il appartient de définir leur avenir, répètent les responsables de la communauté internationale (CI) ».

C’est cela notre plus grand problème, nous ne savons pas négocier avec la CI et défendre correctement les points de vue haïtiens argument contre argument. Ainsi, nous nous sommes retrouvés avec une CIRH pratiquement imposée par la CI, malgré les susceptibilités proverbiales de l’Haïtien eu égard à la question de souveraineté du pays. Mais cette CI, malgré les principes de la déclaration de Paris, malgré les multiples problèmes liés à l’harmonisation des procédures et pour des questions de simple visibilité, s’est arrangée pour échapper au FFMB pourtant claironné par le GOH comme une victoire, et surtout pour continuer à fonctionner chacun avec ses propres procédures. Le GOH aurait pu exiger de la communauté des bailleurs d’avoir des procédures consensuelles ou, tout au moins, l’adoption des procédures de l’un des bailleurs. Ce qui fait qu’enfin de compte, le FFMB ne gérerait, selon deux responsables de la CI en Haïti, que 10 à 15% des fonds promis à New-York. Aux dernières nouvelles, le montant total du FFMB est de 500 M d’USD, soit seulement 5% des promesses de NY. Voici ce qu’en rapporte Radio Métropole ce 24 juillet 2010 : « Les 97 millions de dollars représentent moins de 20% du montant total (500 millions) du fonds fiduciaire multi donateur ». La BM serait incessamment en attente des fonds « du Canada, de l’UE, de la France, de la Géorgie, de l'île Maurice, du Qatar, de l'Arabie saoudite, de la Corée du Sud, de l'Espagne, de la Suède et des USA ».

Pour l’auteur de cet article, fin observateur de la situation haïtienne depuis des années, c’est de la foutaise cette belle envolée du PARDNH : « Selon le prospectus du Fonds, ce mécanisme a comme objectif de faciliter le leadership du Gouvernement d’Haïti sur la structure d’approbation et d’exécution des programmes et projets. Il doit en outre permettre de développer une structure de gouvernance inclusive des différents paliers du gouvernement, de la société civile, du secteur privé et des ONG ».

En tout cas, ce qui va se passer, la CIRH, à travers son secrétariat exécutif, va avoir toutes les peines du monde à orienter les programmes et projets vers les multiples bailleurs y inclus cette nouvelle entité, le FFMB, avec l’obligation pour les ministères qui vont exécuter ces programmes et projets de respecter les procédures de ces divers bailleurs de fonds. Ceci va grandement compliquer la tâche de la CIRH et l’Etat Haïtien qui vont être accusés d’incompétents par « manque de capacité d’absorption » à cause même des multiples procédures à appliquer. Malheureusement pour cette communauté internationale (CI), elle fait partie intégrante de cet organe de décision qui s’appelle CIRH et qui deviendra plus tard RDH.

En guise de conclusion, le GOH n’avait pas à souhaiter la mise en place d’un fonds commun mais devait l’exiger. Il fallait forcer les bailleurs à appliquer intégralement les principes de la déclaration de Paris y inclus celui d’Harmonisation. La responsabilité de réussir la refondation d’Haïti est certes avant tout haïtienne, elle est aussi mutuelle par l’implication de nos amis de la CI. S’il est fait exigence au GOH de se courber à certains principes, il en est de même pour la CI. Il est donc du devoir des co-présidents de la CIRH d’exiger de la communauté des bailleurs d’adopter le FFMB ou tout au moins des « procédures consensuelles et célères pour Haïti ». Les 250000 morts l’exigent, Messieurs, et votre devoir le commande également !

dimanche 25 juillet 2010

HAITI RECONSTRUCTION, OU EN SOMMES-NOUS ? QUEL CHOIX : CLANS OU PAYS ?

HAITI RECONSTRUCTION, OU EN SOMMES-NOUS ? QUEL CHOIX : CLANS OU PAYS ?
Jean Robert JEAN-NOEL
21 juillet 2010

L’idée de produire cet article est venue à partir d’un ensemble d’interrogations soulevées par mes amis concernant le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH). Depuis sa présentation à la Conférence de Reconstruction de New York au siège des Nations Unies où il a reçu 9.9 milliards d’USD de promesses de financement, ce plan, bien accueilli par la communauté internationale, a été l’objet de critiques de la part de l’opposition politique, et d’une 2e conférence, celle de Punta Cana, en République Dominicaine. Au cours de cette conférence, Haïti a présenté ses représentants dans la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) prévue par le PARDNH et un ensemble de projets/programmes sous les rubriques, refondation territoriale, refondation économique, refondation sociale et refondation institutionnelle. Cette CIRH, qui a été l’objet d’une loi controversée, est une des deux entités inédites prévues par le PARDNH, l’autre étant le Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB). Où en sommes-nous par rapport à la situation globale du pays depuis cette conférence de New York du 31 mars 2010 ? Quel choix : clans ou pays ? Pour répondre à ces interrogations, appuyons nous sur le PARDNH, les actions en cours dans le pays, l’exemple du ministère de l’agriculture, les projets présentés à PUNTA CANA, et sur certaines considérations en termes de conclusions.

A. Rappel des prévisions du PARDNH

Selon le PARDNH du 31 mars 2010, le séisme du 12 janvier marque une rupture dans les approches utilisées jusque là. L’importance des problèmes à résoudre, des moyens à mobiliser appellent de nouvelles façons de faire, véritablement une nouvelle forme de coopération, une responsabilité mutuelle Haïti – Communauté internationale dans les résultats à atteindre.

Le Plan d’action doit conjuguer l’impératif d’agir maintenant tout en mettant en place les conditions de la croissance structurelle nécessaire dans la durée. Aussi, les « trois grands moments » de la planification des interventions, les échéances sur lesquelles Haïti demande l’appui de la communauté internationale pour réussir cette refondation qui s’avère un devoir historique pour chaque Haïtien et chaque Haïtienne, sont :

1- La période d’urgence, qui doit servir à améliorer les conditions d’hébergement des sans-abris, à retourner les élèves à l’école et les étudiants à l’Université et aux centres de formation professionnelle, à préparer la prochaine saison cyclonique de l’été, à poursuivre les efforts pour redonner une normalité à la vie économique notamment en créant massivement des emplois par des activités à haute intensité de main d’œuvre, en garantissant la stabilité du système financier et l’accès au crédit aux micro, petites et moyennes entreprises, à continuer la réorganisation des structures de l’État. Durant cette période, il faudra travailler sur les stratégies et plans de développement des nouveaux pôles choisis, poursuivre les actions en faveur de l’équipement des zones d’accueil des populations déplacées par le séisme, mettre en place le processus électoral pour éviter tout vide constitutionnel.

2- La période d’implantation (dix-huit mois) des projets déclencheurs pour cette Haïti de demain et la mise en place du cadre d’incitation et d’encadrement à l’investissement privé sur lequel est fondé le choix de croissance économique fait par Haïti. En effet, comme le prévoient les différentes analyses et évaluations, les investissements privés, dans l’économique comme dans le social, vont constituer la colonne vertébrale de la refondation de notre pays. Parmi les engagements pris avec les donateurs, il a été retenu d’accompagner le développement du secteur privé, tout le secteur privé, pour le doter des capacités nécessaires pour remplir ce rôle.

3- La période de concrétisation de la reconstruction et de la refondation d’Haïti sur un horizon de dix ans pour remettre le pays sur la voie du développement et dix ans de plus pour en faire véritablement un pays émergeant.

Au cours de cette Conférence de New York, les partenaires internationaux se sont engagés de manière ferme sur les deux premières périodes et ont accepté le principe d’un accompagnement de notre pays « sur le long terme pour concrétiser ce pacte de responsabilité mutuelle convenue à Madrid dès 2006 », en promettant 9.9 milliards d’USD sur une période de 10 ans dont 5.3 milliards de dollars sur les premiers 18 mois. Les trois périodes prévues sont donc couvertes, tout au moins en termes de promesses et de certaines actions qui étaient déjà en cours après le 12 janvier 2010. Ici, il faut se rappeler que toute cette solidarité internationale par rapport à notre pays a un coût financier ; et ce coût-là est très certainement pris en compte dans les 9.9 milliards d’USD.

Pour avoir accès à cet argent, le Gouvernement Haïtien (GO) et la Communauté Internationale (CI) se sont mis d’accord dans le cadre du PARDNH pour mettre en place la CIRH qui deviendra plus tard l’Agence pour le Développement d’Haïti (ADH) et le FFBM. Ces deux entités inédites jusqu’ici dans les annales de la coopération haïtienne avec la CI, devront favoriser « l’instruction des dossiers, la formulation des programmes et projets, leurs financements et leurs exécutions, tout cela dans une approche coordonnée et cohérente ». Ceci est valable tant pour la fin de la période d’urgence, pour la période d’implantation de projets déclencheurs (18 mois) que pour la période de concrétisation de la reconstruction et de refondation d’Haïti (10 ans). Cette dernière période sera couverte par « trois cycles de programmation des Stratégies Nationales de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (SNCRP) ».

B. Les actions en cours dans le pays.

En effet, dans le cadre du DSNCRP, certains programmes étaient en cours. En mai 2009, on en avait dénombré six (6) programmes totalisant 1060 projets pour un montant 4.3 milliards d’USD (réf. Indice de perceptions de la corruption et projets, www.jrjean-noel.blogspot.com). Momentanément arrêtés après le séisme, la plupart de ces projets ont repris leur cours normal comme les projets de routes avec le ministère des TPTC, Gves-Port-de-Paix, Gves-St Marc, St Marc-Montrouis, Cayes-Jérémie, Mirebalais-Port-au-Prince (achevé), Mirebalais-Hinche, etc. D’autres sont à peine lancés et/ou en gestation comme ceux présentés à Punta Cana dans le cadre de cette 2e conférence sur le PARDNH organisée en République Dominicaine début juin 2010.

Il faut noter les actions pour la reprise des cours dans des abris provisoires en bois couverts de tôles ou de pailles, la mise en place des tentes et des abris provisoires dans les villes affectées par le séisme. Des actions sont menées dans le cadre de la préparation à la saison cyclonique 2010, aux Gonaïves, à l’Estère, à Cabaret, à Léogane, Grand Goâve et aux Cayes. Ces actions sont menées par le GOH, par les agences de coopération et par les ONG. L’impression, c’est qu’il n’y a pas encore de réelle coordination de ces actions par le GOH. A coté de ces actions, on relève d’autres qui se faisaient à travers les organismes de l’Etat en partenariat avec des ONG et qui continuent de plus belle à travers toute la République. On va s’attarder sur la plupart de ces actions avant de présenter les projets qui ont été listés à la conférence de PUNTA CANA en République Dominicaine.

Projets d’Initiatives communautaires (PIC)

A coté des projets décrits plus haut, certains projets d’initiatives communautaires ont vu le jour grâce à un concept de petits projets de l’ordre de 5 à 10 mille USD introduit par le FIDA (2002) dans le cadre du Projet d’intensification des cultures vivrières (PICV II) (21 M USD) et repris (2004) par la Banque Mondiale (BM) (17500 USD/projet) dans le cadre du Programme de développement communautaire participatif (PRODEP) de 40.6 M USD. Ces petits projets gérés directement par les structures rurales/paysannes ont permis la structuration du monde rural dans les zones d’intervention de ces projets. La BM et le bureau de monétisation ont vulgarisé ces types de projets avec l’appui de leurs partenaires, le CECI et la PADF. Ces petits projets s’exécutent dans les 65 communes les plus pauvres selon la carte de pauvreté de 2004. En plus du PRODEP qui se retrouve en milieu rural, la BM et ses partenaires ont pu introduire une autre variante en milieu urbain, Programme de développement participatif urbain (PRODEPUR) . Le Programme d’appui aux initiatives productives en milieu rural (PAIP, 28 M USD) financé par le FIDA à travers le FAES et le Projet de développement de la petite irrigation (PPI II) dans une moindre mesure ont appliqué le même concept de petits projets. Dans le cadre du PRODEP, il a été prévu 1300 sous-projets sur 5 ans. Dans le cadre du PICVII, les PIC prévus étaient au nombre de 700. A titre d’exemple, le PICV II a assuré le suivi de 19 PIC d’aménagement hydro agricole (511 ha) pour cet exercice 2009-2010. Tout ceci pour dire que les projets d’infrastructures rurales et urbaines pullulent en Haïti.

Programme de création d’emplois pour l’amélioration de la sécurité alimentaire (HIMO)

Parallèlement à l’élaboration du PARDNH et d’Haïti Demain , le GOH a favorisé le lancement d’un vaste programme de création d’emplois financé par le PAM, le PNUD, la FAO, l’USAID, l’ACDI à travers tout le pays. Ce programme de création d’emploi permet à des personnes sinistrées de la zone métropolitaine et des régions affectées par le tremblement de terre ou celles déplacées à travers le pays d’acquérir une certaine autonomie. (Réf. Manuel d’opération du programme de création d’emplois, avril 2010)

Le programme vise trois objectifs (i) L’amélioration de la sécurité alimentaire des bénéficiaires directs par la possibilité d’accès à des revenus acceptables et/ou à leur paiement partiel en nature avec des provisions alimentaires ; (ii) L’assainissement des zones concernées et la diminution de la vulnérabilité du pays par la réalisation de travaux de déblayage, curage de canaux d’irrigation et de drainage, traitement des bassins versants, correction de ravines et de berges de rivière, reboisement, etc , et (iii) La relance de la production agricole et alimentaire, par l’entretien, la réhabilitation et la construction des infrastructures productives (routes, systèmes d’irrigation, etc.), et travaux agricoles.

Plus d’une centaine de projets sont validés par les comités départementaux de validation dans le cadre de ce programme. Environ 30000 personnes travaillent par jour. En vitesse de croisière, ce programme atteindra plus de 60000 emplois par jour pour plus de 100 projets d’une durée de 3 mois à 1 an. Il ne faut pas toutefois confondre ces projets qui pour la plupart s’exécutent en milieu rural avec les actions du ministère de l’agriculture.

C. L’exemple du ministère de l’agriculture

Tous les autres ministères ont des actions en cours. Le choix de s’attarder sur les actions du ministère de l’agriculture répond à une logique de cohérence des actions par rapport au PARDNH et de continuité par rapport aux actions antérieures au séisme du 12 janvier 2010 et de leur adaptation et articulation par rapport à cette nouvelle donne. Les réalisations sont ici articulées autour de 4 groupes d’activités : Préparation de documents d’orientations et de plaidoyer pour le secteur agricole, Appuis aux campagnes agricoles, Réhabilitation physique, Coopération/Partenariat pour la mise en œuvre de programmes et projets. Dans le cadre de cet article, on s’attardera sur deux aspects. Là aussi, le choix de se concentrer sur des actions en cours en 2010 et sur le plan d’investissement 2010-2016 répond à cette même logique d’actions à l’intérieur d’un cadre global, le PARDNH, d’un cadre spécifique, la politique de développement agricole 2010-2025, et d’une imbrication des actions dans un cadre de continuité articulant le passé, le présent et l’avenir. Il faut insister sur le fait que les actions ne sont pas que d’ordre physique comme la construction de nouveaux locaux au niveau central pour héberger les cadres mais aussi d’ordre institutionnel, ne serait-ce que pour renforcer le MARNDR pour augmenter sa capacité d’absorption.

Les Projets d’infrastructures rurales en 2010.

Le Directeur de la Direction des infrastructures rurales (DIA),Ing. M Charles interviewe en juin 10 par l'auteur de l'article, a dénombré pour l’année 2010 trente six (36) projets d’infrastructures rurales en cours d’exécution actuellement. Ce sont dans l’ensemble des projets ayant une composante d’infrastructures d’irrigation, de traitement de bassin versant, de construction de lacs collinaires, de traitement de berges de rivières, de construction de citernes.

Ces projets sont localisés dans l’ensemble des départements avec une forte concentration dans l’Artibonite (11), dans l’Ouest (7) ; le Centre, le Nord Est, le Nord Ouest et le Sud Est en comptent chacun 3, tandis que le Nord et le Sud les suivent avec 2 projets chacun ; les Nippes et la Grande Anse ferment la marche avec chacun 1 projet.

Les agences d’exécution sont le MARNDR à travers des Unité de Coordination de projet (UCP) et ses Directions Départementales Agricoles (DDA) comme le PIA, le PICV2, le PPI2, les DDA. Certaines activités se font dans le cadre des Projets WINNER localisé dans l’ouest, l’Artibonite et le Centre et DEED localisé dans l’Ouest et l’Artibonite. Il faut noter que la FAO exécute directement un de ces projets dans le NE. L’exécution des travaux se fait en général à travers des opérateurs (Firmes, ONG, DDA, Agence de coopération technique (ACT).

Le Projet où l’on dénombre des infrastructures d’irrigation d’envergure est le Projet d’intensification agricole (PIA) où il est dénombré des actions sur plus de 10000 ha tandis que le projet avec la plus grosse infrastructure est l’Artibonite 4C avec la construction projetée d’une usine hydroélectrique et de la mise en place de 4000 ha équipés d’infrastructures d’irrigation (financement Coopération Brésilienne).

A part les projets financés par le Trésor Public qui souvent s’exécutent à travers les DDA, les projets dénombrés ont une durée de vie de 5 à 7 ans. Il faut noter que les travaux de curage sont récurrents tandis les travaux de réparation et de réhabilitation sont séquentiels et pourraient s’étendre sur plusieurs années en fonction des disponibilités financières de l’Etat (Exemple : Cas des 5 périmètres de Montrouis : 910 ha sur une période de 3 ans).

Ces projets sont financés par la BID, l’USAID, l’UE, la BM, le FIDA, l’AFD, l’ACDI, la coopération Taïwanaise, la coopération brésilienne et le Trésor Public (TP). La plupart des projets prévus dans le plan d’investissement seront financés par les mêmes bailleurs.

Le plan d’investissement agricole 2010-2016

Le ministère de l’agriculture avec l’appui de toutes les parties prenantes du secteur s’est doté d’un Plan National d’investissement 2010-2016 de 790 M d’USD en harmonie avec la politique de développement agricole 2010-2025 et partie intégrante du PARNDH. Le Plan national d’investissement agricole ou National Agriculture Investment plan (NAIP juin 2010) est fondé sur la réponse globale du Gouvernement haïtien à l’effort de reconstruction consécutif au tremblement de terre, ainsi que sur la politique agricole. Il vise à coordonner et fixer des grands principes communs pour le financement et les besoins d’investissements nécessaires au développement du secteur. Le Plan national d’investissement agricole vise les objectifs suivants : (i) augmenter la productivité et la compétitivité du secteur agricole ; (ii) accroître de 25 % la contribution de la production agricole à l’offre alimentaire au niveau national ; (iii) diminuer de 50 % le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire en Haïti d’ici2015 ; iv) améliorer les conditions sanitaires et la nutrition des Haïtiens, en mettant l’accent sur les groupes vulnérables ; (v) augmenter les revenus agricoles d’au moins 500 000 ménages ; (vi) accroître l’entrée de devises étrangères dans le pays ; (vii) et diminuer la vulnérabilité de l’ensemble de la population aux risques de catastrophes naturelles.
Les mesures à court terme (jusqu’en septembre 2011) représentent 28 % du total des investissements proposés. Le MARNDR gère actuellement un budget annuel total (hors sources de financement externe et interne) d’environ 150 millions USD , et le Plan proposé devrait entraîner des dépenses supplémentaires ordinaires de 15 millions USD par an après la date de clôture du Plan (2016). Ces chiffres représentent une augmentation de 10 % sur le budget global actuel du secteur, augmentation que l’on estime gérable et dans les capacités actuelles et prévisibles du MARNDR. Il importe toutefois de noter que, pour soutenir durablement un tel niveau de dépenses ordinaires, le MARNDR va devoir poursuivre le programme de renforcement institutionnel en cours et les activités supplémentaires prévues par le Plan.

A noter que les besoins non couverts (Gap financier) sont notamment évalués à 578 millions USD. Sur ce montant, la BID s’est engagée à hauteur de 200 M USD sur 5 ans, l’USAID à hauteur de 110 M USD sur 1 an et le GAFSP à hauteur de 35 M USD sur 4 ans ; tandis que le FIDA entame le processus de financement d’un nouveau projet de 18 M USD dans le département des NIPPES sur 7 ans, tout en procédant à l’annulation de la dette d’Haïti vis-à-vis du FIDA (57 millions USD) suite aux discussions engagées, et en procédant au lancement d’un projet d’urgence de 2 ans de 2.5 M USD. Le renforcement institutionnel du ministère est en cours pour augmenter sa capacité d’absorption. D’autant que les projets présentés à PUNTA CANA ont fort avoir avec le Plan d’investissement.

D. Le document de projets/programmes présenté à Punta Cana

Dans un document en espagnol « lanzamiento del plan para la recuperación y el desarrolló de Haití, Mayo de 2010”, il a été dénombré quatre groupes de projets sous les rubriques : refondation territoriale (43), refondation économique(4), refondation sociale (13) et refondation institutionnelle (3). Ces quatre groupes totalisent soixante un (61) projets pour un montant global de 11. 5 milliards d’USD. Voici en détails les 4 groupes:

(I)Refondation Territoriale avec 43 projets pour un montant de 5.9 milliards d'USD dans les domaines suivants: zones dévastées, Routes, Saisons cycloniques, aéroports, ports, zones franches, pôles régionaux de développement, rénovation urbaine, électrification, aménagement du territoire et développement local, aménagement Bassins Versants, etc.

(II)Refondation Economique avec 4 projets pour un montant de 737.58 M d'USD dans des domaines suivants: Production agricole, crédit, intrants, Lacs collinaires, réseaux d’irrigation, petites entreprises Investissement, agro-industrie, etc.

(III)Refondation Sociale avec 13 projets pour un montant de 4.2 milliards d'USD dans les domaines suivants:Logement temporaire et permanent, création d'emplois à haute intensité, Protection sociale, éducation : retour à l'école, construction d’école,santé, sécurité alimentaire et de nutrition, eau et assainissement, etc.

(IV)Refondation Institutionnelle avec 3 projets pour un montant de 675 M d'USD dans des domaines suivants:Gouvernance, Relance des administrations centrales et décentralisées : salaires, délocalisation, équipement, justice et sécurité, etc.


E. Considérations en termes de conclusions

Dans le cadre de cet article, il a été délibérément choisi de se concentrer sur les actions physiques et d’ordre technique. Les résultats montrent clairement qu’en dépit du fait que la communauté internationale ne réponde pas encore suffisamment aux promesses faites le 31 mars 2010 à la conférence de New York, les multiples actions techniques en cours ou en préparation augurent quand même des lendemains meilleurs. La mise en place de la CIRH, les actions physiques en cours, les dossiers préparés, les gens qui sont hébergés sous les tentes et abris provisoires même dans des conditions très précaires, les actions en relation avec la saison cyclonique 2010, les emplois créés incitent à regarder l’avenir avec un certain optimisme.

Toutefois, on n’a pas compris pourquoi politiquement, le GOH a pris des décisions si controversées qu’elles occultent les actions physiques et techniques en cours. La loi d’urgence créerait beaucoup moins de problème s’il y avait des explications claires de la part du pouvoir politique concernant cette exigence de la communauté internationale qui voulait que son argent soit géré le mieux que possible et si le GOH n’avait pas jugé opportun de venir avec une loi prolongeant le mandat du Président jusqu’en mai 2011. C’est cette dernière loi qui a été à la base des manifestations de rues dont le Mondial 2010 a pu permettre une trêve et donner un second souffle au GOH.

Durant cette période d’accalmie, le GOH, au lieu de peaufiner une stratégie de dialogue en vue de la participation de tout le monde aux prochaines élections entre temps annoncées pour le 28 novembre 2010, a choisi de continuer avec le processus d’exclusion mis en marche avant le tremblement de terre. Ce choix gouvernemental est perçu comme « une provocation » par l’opposition. Le Mondial conclu par la victoire de l’Espagne une fois achevé se prolonge sur un challenge politique incertain sur fond de manifestations anti-Préval et des inscriptions pour des présidentielles sans enthousiasme. Ce qui pourrait déboucher, si le GOH et la communauté internationale n’arrivaient à venir à bout des manifestations, (i) sur la modification du Conseil Electoral Provisoire (CEP), (ii) sur son renvoi et son remplacement par un autre CEP, (iii) sur le renvoi du processus électoral à une date ultérieure, (iv) sur le ralentissement du processus de reconstruction qui confronte déjà des problèmes de décaissements et de la mise en place du fonds fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB), (v) sur la chute du Président, (vi) et au pire sur une tutelle non déguisée cette fois-ci.

Veut-on continuer à jouer avec l’avenir du pays en piétinant les 250000 cadavres du tremblement de terre par le jeu macabre de la politique politicienne orientée vers la satisfaction des clans politiques et économiques au détriment du bien-être de la collectivité? Le choix est si évident que, dans le cas d’un choix contraire, les 250000 morts et l’histoire ne manqueront pas de demander des comptes à nos politiciens d’aujourd’hui. Alors, ressaisissez-vous et faites le choix du bien être collectif et du développement durable d’Haïti! A moins que…