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dimanche 18 septembre 2011

HAITI : RATIFICATION DU DR CONILLE COMME PREMIER MINISTRE, LA BALLE EST MAINTENANT DANS LE CAMP DU SENAT



JEAN ROBERT JEAN-NOEL
LE 18 SEPTEMBRE 2011

Avec la non ratification de Me Gousse comme premier ministre par le Sénat le mois dernier, on s’est enlisé un peu plus. La situation politique aidant, c’est l’augmentation de l’insécurité globale ; c’est l’augmentation de la cherté de la vie avec un taux d’inflation autour de 9.5% ; c’est le ralentissement de l’économie ; avec le manque de moyens de production (engrais, crédit, machinerie agricole, etc. ) c’est la diminution de la récolte de printemps par rapport à 2010, responsable de 60% de la récolte globale du pays, d’où une augmentation de l’insécurité alimentaire globale (45% de la population) avec 210000 individus en insécurité alimentaire chronique (CNSA septembre 2011) qui nécessite des mesures immédiates de la part des acteurs, en particulier du gouvernement ; ce sont les dégâts causés par les pluies de septembre (saison cyclonique) ; c’est la MINUSTAH qui s’enlise avec ce viol de ce jeune garçon de 18 ans à Port- Salut par un contingent uruguayen, d’où un certain ras le bol par rapport à cette mission des Nations unies et des manifestations anti-MINUSTAH. Et puis, coté espoir dépendant de comment on voit les choses, c’est la nomination des délégués départementaux, celle  des directeurs généraux des services autonomes (CONATEL, DOUANES, OFNAC, AAN, etc.) par le Président de la République ; c’est la mise sur pied d’un Conseil Consultatif pour  favoriser les investissements en Haïti dirigé par l’Ex-Président Bill CLINTON ; c’est la désignation du Dr Garry CONILLE comme Premier Ministre dont la résidence au pays a fait couler beaucoup d’encre et sa ratification par la chambre des député à l’unanimité des présents (89/90, le Président ne votant pas, un record historique selon Ramasse de Caraïbes FM) ce vendredi 16 septembre 2011. Avec cette ratification de la Chambre basse à l’unanimité y inclus le groupe GPR, il s’est constitué  à ce niveau « une majorité fonctionnelle » qui se répercuterait au niveau du Sénat avec le Groupe des 16 Sénateurs du GPR qui serait aussi favorable au nouveau PM à moitié ratifié. Alors, et si on s’en sort vraiment ? Tout au moins de la crise gouvernementale ?

Le profil de la politique générale du Nouveau Premier Ministre ?
A moins d’un accident de parcours extraordinaire( Haïti étant une boite à surprises), Dr CONILLE passera le cap du Sénat aussi. La présentation de la politique générale deviendra une simple formalité puisqu’elle se basera sur le Plan d’action pour le relèvement et le développement national (PARDN) qui a déjà l’aval de la communauté internationale, sur son entité inédite, la CIRH avec plus de 100 projets approuvés/en cours et des fonds collectés supérieurs à 4 milliards d’USD, et sur  le programme en quatre « E » du président Martelly, Education, Emploi, Environnement, Etat de droit. Le deal qui a favorisé cette unanimité de ratification de la chambre basse et très certainement celle du Sénat, se verrait accorder une petite place dans la politique générale, le choix des ministres et d’autres hauts fonctionnaires dans le prochain gouvernement qui sera mis en place par le nouveau PM. En basant la politique générale sur le PARDN et autres, ce sera un compromis entre la continuité et le changement. C’est ce que nous avons conseillé à nos gouvernants dès le départ, ce qui  aurait évité au pays de perdre 4 mois et de s’enliser au point de ne même pas  se doter d’un budget pour l’exercice 2011-2012. Le gouvernement CONILLE sera obligé de reconduire le budget 2010-2011 (2.63 milliards de USD), ne serait-ce que dans un premier temps ? A moins que, comme nous l’avons suggéré, une équipe du Président se soit penchée dans l’ombre sur le budget 2011-2012 avec l’équipe sortante. Ainsi, on perdrait moins de temps dans la mise en place d’un budget rectificatif 2011-2012 de 4 milliards d’USD visant un taux de croissance de l’économie autour de 10%, un taux d’inflation inférieur à 10%, un taux de change autour de 40 G pour 1 USD dans le cadre d’un programme bien ficelé et acceptable pour Haïti et la communauté internationale qui finance à hauteur de 65% notre budget.

Les défis d’un  Gouvernement CONILLE
Le gouvernement CONILLE ou n’importe quel gouvernement haïtien aura à faire face a des défis énormes à partir de la situation aggravée par le tremblement de terre de 2010 et encore plus depuis  les 4 derniers mois. La question de nourriture est fondamentale. Avec l’inflation actuelle, l’augmentation du coût de la vie, même en équilibre alimentaire avec 53% d’importation et 47% de production agricole, l’accessibilité à des produits alimentaires se fait sentir à cause  du manque d’emploi, du ralentissement global de l’économie. De plus, les intempéries dues à la saison cyclonique ont réduit les accès aux zones de production, ont provoqué des inondations dans certaines régions (vulnérabilité environnementale) avec des pertes en termes de bétails, d’endommagements de maisonnettes, le retard des pluies de printemps n’a pas favorisé une augmentation de la production agricole nationale ; l’enquête de la CNSA et de ses partenaires sur la production agricole menée durant la période de soudure de 2011, a révélé une baisse de production agricole dans la plupart des département dont l’Artibonite , le grenier du pays en matière de riz. Le manque de pouvoir d’achat combiné à d’autres facteurs a conduit à une insécurité alimentaire sévère touchant 8.2% de la population qui interpelle tous les acteurs dont le gouvernement. En ce sens,  le Gouvernement ne pourrait se permettre de ne pas accorder une attention spéciale au secteur agricole tant au niveau du choix du nouveau ministre qu’au niveau des politiques publiques liées au secteur.

La complexité de la sécurité alimentaire d’Haïti
Les défis de la sécurité alimentaire sont certes liés à l’agriculture mais aussi à l’environnement, à la santé, à l’éducation, à l’économie, à la finance, au commerce à l’industrie (politique commerciale, politique fiscale, politique industrielle, etc.), à l’infrastructure en général, à l’emploi. C’est un domaine complexe bien appréhendé par le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle actualisé par la CNSA et publié par le ministère de l’agriculture. La transversalité d’un tel domaine vital dans la prise de décision gouvernementale mérite d’être bien maitrisée au niveau le plus élevé du gouvernement et  en particulier par  le ministre de l’agriculture et les autres ministres concernés. D’où la nécessité pour le nouveau Premier Ministre de s’entourer de gens compétents ayant un savoir faire éprouvé pour faire face à ces nombreux défis que confronte le pays. Le deal politique qui favorise sa ratification ne doit en aucun cas obnubiler son jugement dans le choix de ses collaborateurs immédiats, en l’occurrence ses ministres. L’exigence de la compétence devra être le critère no 1 de tout choix de ministre dans le prochain gouvernement. Le clientélisme sans compétence doit être banni. Sans quoi, ce sera l’échec.

L’adaptation du programme Martelly par rapport aux défis haïtiens
Le programme Martelly basé sur les 4 « E » devra être révisé ( s’il n’en n’avait pas tenu compte) en fonction de ces considérations. Il est clair que le Président veut commencer la mise en application de son programme d’éducation dès cette année fiscale 2011-2012 avec 142600 enfants en plus dans le circuit. Mais, il ne faut pas négliger la qualité de l’éducation et les préoccupations haïtiennes y relatives, débouchant en final sur un haïtien compétitif évoluant dans un environnement régénéré, bien équipé, grâce à un nouveau système socialement équitable, économiquement riche et politiquement responsable (FONHDILAC, 2001) . Ce qui nécessite une éducation adaptée aux défis environnementaux haïtiens, à l’emploi, à l’Etat de droit. Le programme gouvernemental doit clairement indiquer les mesures à arrêter pour favoriser 1) le traitement de  l’environnement haïtien sur une période de 5 ans avec l’objectif de récupérer 5% de l’espace environnemental haïtien, 2) la création de 100,000 emplois temporaires renouvelables tous les 3 mois dans l’environnement, l’agriculture, l’aménagement de rues, de pistes rurales, l’assainissement, le logement, etc., et la création d’emplois permanents dans ces domaines et dans l’industrie (zones franches, sous traitance, agroalimentaire, etc.), 3) la mise en place de l’Etat de droit selon une vision haïtienne, avec une meilleure distribution des services au niveau territorial et de sa richesse au niveau national, une meilleure gouvernance, une meilleure distribution de la justice (réforme de l’Etat, en particulier, réforme de la justice), la mise en place d’un Etat compétitif basé sur l’éducation, la principale garante de la compétitivité haïtienne (Haïti est 141e /142 pays en matière de compétitivité, K Pharel, Investir du 16/09/11), un Etat sécuritaire bien contrôlé tant au niveau de ses ports, aéroports, ses infrastructures routières, douanières, frontalières, et doté de structures de régulation, de coordination, de contrôle, de suivi et d’évaluation.

La balle dans les pieds des Sénateurs
En guise de conclusion, la ratification du Dr CONILLE par le  Sénat après celle de la Chambre des députés débouche à coup sûr sur la mise en place d’un nouveau gouvernement qui aura des défis énormes à gérer. Ce qui nécessite des choix judicieux du personnel politique axés sur la compétence et des politiques publiques susceptibles d’apporter le bien-être à la population haïtienne dont le simple besoin de se nourrir est un défi, voire alors le besoin de se loger. Le choix du Président de se concentrer sur les 4 « E » est en soi très judicieux. Mais ce sont autant de défis dont les 5 ans de son mandat ne permettront de résoudre que partiellement, encore qu’il faudrait bien cerner les problématiques. Et aucun haïtien digne de ce nom ne devrait souhaiter l’échec du Président quelles que soient son idéologie et son aversion par rapport à la personne de Martelly ou de SWEET MICKY. Tout échec du Président sera l’échec d’Haïti. La mise en place de ce nouveau gouvernement avec le Dr CONILLE comme PM sera peut-être le premier pas pour sortir de l’enlisement. C’est un choix politique maquillé constitutionnellement. Que ne faudrait-il pas faire pour sauver Haïti ? Et si on s’en sort vraiment, et pour de bon cette fois-ci ? Ce n’est pas le Sénat qui se mettrait au travers de ce premier pas positif depuis 4 mois ? La balle est dans vos camps, Messieurs !!!