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mardi 31 juillet 2012

HAITI : UN PEUPLE QUI CHANTE ET QUI DANSE A METTRE AU TRAVAIL, SECHERESSE OBLIGE


HAITI : UN PEUPLE QUI  CHANTE ET QUI DANSE A METTRE AU TRAVAIL, SECHERESSE OBLIGE
JEAN ROBERT JEAN-NOEL
31 JUILLET 2012

C’est le carnaval des fleurs 29, 30, 31 juillet 2012, une tradition reprise au Champs de Mars dégagé finalement de ses occupants du séisme du 12 janvier 2010. Pour ce carnaval des fleurs, un succès, Champs de Mars a retrouvé ses couleurs, sa beauté et ce peuple qui se défoule et se divertit en dépit de la sécheresse et de cette chaleur. Au milieu de ces canavaliers, le Président qui  danse, qui s’amuse et qui s’évade aussi. Il y a tellement de problèmes ici, on dirait que notre résilience proverbiale est liée à toute cette culture.

Ce sont les images fantastiques des jeux olympiques de Londres ouverts officiellement par la Reine d’Angleterre le vendredi 27 juillet 2012. Durant une quinzaine de jours, les sports olympiques sont à l’honneur. Haïti y participe. «  L’important c’est de participer », a dit l’autre. Pour la plupart des pays, c’est plus que cela. Prestige oblige, il faut gagner des médailles pour montrer sa supériorité, surtout l’or. C’est donc une affaire de gros sous ! En tout cas, nous, on est rivés à nos petits écrans quand il y a électricité, ou bien on passe la génératrice, ceux qui ont les moyens naturellement.

Haïti, c’est aussi la politique avec les conseils de gouvernement et des ministres en direct (combien de temps encore ?) et  la continuation de la structuration de l’Etat. En effet,  le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) est mis en place. L’Etat de droit est en principe en marche. La publication le mois dernier de la constitution amendée conduit vers la mise en place de certaines institutions nouvelles comme, entre autres, la Cour Constitutionnelle, la mise en place du Conseil Electoral Permanent (CEP) de manière différente par rapport à ce qui avait été prévu en 1987: maintenant ce sont les trois pouvoirs qui décident. Le processus est en cours. L’Exécutif et le Judiciaire ont déjà choisi leurs représentants, le Parlement prend son temps. C’est un processus sensible et controversé. Les accusations de magouilles pleuvent comme toujours en de pareils cas. Elections sénatoriales partielles, municipales et collectivités territoriales obligent, il faut trouver un compromis politique sans compromissions pour garantir de bons résultats électoraux. Difficile mais pas impossible. Il nous faudra prendre de la hauteur. En sommes-nous capables ?

Le budget 2012-2013 est déposé au Parlement à temps (juin 2012). Peut-être la premiere fois ou la 2e fois depuis le gouvernement de transition, si ma mémoire est bonne. En tout cas, le budget rectificatif 2011-2012 est en cours d’exécution. Celui de 2012-2013 suit son cours de ratification au Parlement. Il y a de fortes chances qu’il soit opérationnel le 1er Octobre 2012. Le Gouvernement Martelly-Lamothe démarrerait  avec son premier budget voté à temps. Le plan annuel 2012-2013 du gouvernement devrait être mis en œuvre sans grosses difficultés avec des chances de réussite plus qu’acceptables, à moins que des catastrophes viennent perturber la marche des choses comme cette sécheresse hors du commun. C’est la toile de fond de cet article. Attardons-nous y un peu !

La problématique de la sécheresse
Le jeudi 5 juillet 2012, le Ministre de l’agriculture a souligné, lors du Conseil de Gouvernement, organisé au Cap-Haïtien, que la sécheresse sévit sur la grande majorité des départements du pays et aura une incidence négative sur la récolte de printemps, responsable de 60% de la production annuelle du pays. La commission nationale de la sécurité alimentaire s’est aussitôt mise au travail pour fournir les données nécessaires à la prise de décisions par les autorités du pays, en particulier, le MARNDR et la Présidence, pour faire face à cette situation. Il faut noter que ce même phénomène est observé aux USA compromettant en grande partie la récolte de maïs dans les divers Etats producteurs de cette denrée rentrant dans la consommation de nourriture. Ils l’ont attribué au phénomène du changement climatique. « 55% du territoire américain est déclaré en état de sécheresse sévère. C’est la pire sécheresse qu’ont connu les USA depuis 56 ans ».

Selon les études effectuées par la CNSA, tous les départements sont touchés par ce phénomène de sécheresse, dont les plus touchés sont le Nord-Est, l’Artibonite, l’Ouest, le Sud-Est, et la Grande Anse de « moyennement à sévèrement affectés » tandis que les autres sont touchés de «  faiblement à moyennement affectés » (réf. Carte d’affectation de la sécheresse), surtout le  Centre, les Nippes, le Sud, le Nord et le Nord-Ouest. A bien regarder la carte de sécheresse produite par la CNSA, tous les  départements sont affectés ainsi que les îles adjacentes qui sont sévèrement affectées, sauf l’île de La Tortue qui est moyennement affectée.  

Par analogie, nous pouvons attribuer ce phénomène au changement climatique. De toute manière, quelle que soit l’origine de ce phénomène, on doit y faire face de manière la plus professionnelle que possible. D’autant que la constatation de ce phénomène  aux USA, notre premier partenaire commercial, et dans d’autres pays comme la Russie, grands producteurs de céréales, devrait inciter Haïti à réfléchir sur les conséquence  d’une hausse éventuelle des prix des produits alimentaires sur le plan mondial qui pourrait avoir des répercutions graves sur notre pays. Dans une conjoncture aussi fragile qu’est celle d’Haïti, ces répercutions pourraient être  exploitées à des fins politiciennes avec des conséquences incalculables pour notre fragile économie.  Rappelez-vous les « émeutes de la faim » de 2008. http://jrjean-noel.blogspot.com/2008/05/haiti-08-vie-chere-causes-consequences.html.

Selon la CNSA, il y a une possibilité à ce qu’en Août 2012, la pluie recommence à tomber. Dans ce cas précis, selon ce qu’a rapporté Le Nouvelliste : « Si la seconde saison pluvieuse qui débutera en août 2012 offrira des opportunités d'emplois aux pauvres au niveau des montagnes humides dans les plantations des haricots et de tubercules, elle risque  aussi  d'être désastreuse à cause des éventuelles inondations et cyclones. En ce sens, la CNSA tire la sonnette d'alarme sur l'éventualité d'une nouvelle recrudescence de l'épidémie de choléra, comme c'était le cas en 2011, ce qui risque d'affecter des ménages et de mettre durement à l'épreuve les plans de contingence mis en place par la direction de la Protection civile, la Croix-Rouge et leurs partenaires.
Toutefois, « si les pluies s'arrêtent, les pauvres peuvent se trouver dans la précarité dès le mois de septembre dans de nombreuses communes, particulièrement dans le Nord-Ouest et le Nord-Est, où se pratique la culture du maïs », prévient la CNSA. » Réf. Le Nouvelliste, Carl Henry Cadet, Incidence de la sécheresse sur la production agricole, 6 juillet 2012.
Alors quoi faire ?
En mai 2012, la Direction des infrastructures agricoles du ministère de l’agriculture a élaboré pour le compte d’ABA GRANGOU un dossier très sérieux de plus de 20 M USD pour créer des emplois  (130000 P-M) dans le pays à partir des informations fournies par les Directions Départementales agricoles (DDA) (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2012/04/haiti-lheure-de-verite.html). Durant la même période, il a été entendu que le  MTPTC aurait du produire un dossier du même genre ( ?). Le plan de 4 mois mis en place par le gouvernement a prévu  de faire des interventions à partir de ces dossiers. Il faudrait rapidement penser à la mise en application partielle ou totale de l’ensemble de ces dossiers pour avoir le plus d’impacts possibles. Ces travaux HIMO devraient démarrer et se poursuivre durant cette période de juillet  à octobre 2012, incluant la réouverture des classes en commençant par les départements et/ou communes les plus affectés pour recapitaliser les gens qui sont les plus touchés. Ces travaux devraient continuer jusqu’en février 2013 pour favoriser la soudure entre les différentes campagnes en cours et à venir.  Ce serait l’idéal. Alors que propose le gouvernement, plus particulièrement le MARNDR ?

Plan de réponse à la sécheresse de 2012 du MARNDR
Alors que la sécheresse bat son plein actuellement, les pluies de la période cyclonique et surtout celles de la seconde saison pluvieuse (à partir d’Aout 2012) sont attendues avec grande préoccupation pour tout ce qu’on a évoqué plus haut mais aussi avec impatience pour éviter le pire en matière de sécheresse, l’agriculture haïtienne étant essentiellement pluviale. A travers cette sécheresse se profile une crise alimentaire et agricole caractérisée par un contexte national et international  comme décrit plus haut.

Conséquences significatives attendues de la sécheresse. Les effets pervers de la sécheresse sur la sécurité alimentaire et la production agricole du pays devraient déboucher, selon le ministère de l’agriculture, sur (i)  une baisse de revenus, (ii) une baisse de disponibilité alimentaire, (iii) une baisse de la disponibilité des semences, (iv) une hypothèque des campagnes agricoles d’hiver 2012 et de printemps 2013. Ce qui a conduit à l’adoption des lignes d’actions suivantes.

Les lignes d’actions  retenues et à mettre en œuvre  de juillet à octobre 2012 sont  : (i) les Travaux à Haute Intensité de Main d’Œuvre (HIMO) avec la création de 200000 personnes-mois (P-M) de travail pour une valeur de 1.1 Mrds de gourdes ; (ii) la Maitrise et valorisation de l’eau : Réparation et  mise en fonctionnement de pompes d’irrigation et la réparation des ouvrages d’irrigation, plaine des Gonaïves (3000 ha de terre), l’acquisition et la mise en service de motopompes à travers le pays avec une concentration sur le plateau central, les Nippes et le Nord-Ouest ; (iii) le Programme d’amélioration de la sécurité alimentaire : la mise en place de Stocks Stratégiques d’aliments au niveau des zones sensibles, un projet de production de cultures à cycle court : Sorgho à cycle court (développé à Savane Diane), Pois génois ( un mois et demi); Gombo  (en moins de 2 mois), maïs (variété Sweet Corn, récolté en 2 mois) ; (iv) La mise en œuvre d’un programme de distribution de caprins au profit de 10,000 familles paysannes, l’ouverture officielle de cinq nouvelles unités de transformation de lait, le renforcement de la station avicole de Damien et les débuts de travaux pour la mise en place de deux nouvelles stations avicoles (département du Centre et de la Grand ‘Anse). Le financement global de ces activités à travers le Trésor Public et autres partenaires financiers se chiffre à 1.4 Mrds de gourdes.

En guise de conclusion, la situation haïtienne actuelle est moins d’être aussi rose que le carnaval des fleurs le laisse paraître. Si ce plan du MARNDR combiné avec d’autres plans sectoriels, est mis en application, il y a de fortes chances qu’ « aprè dans tambou yo pa twò lou ». Tout est une question de bonne planification et de bonne exécution.  Avec le vote du budget de 2012-2013 et en y  incluant les préoccupations liées à la sécheresse, Haïti pourrait y faire face avec l’appui de ses partenaires de la Communauté Internationale (PNUD : Appel consolidé aide humanitaire 47 M USD en juillet 2012 sur 128 M USD de budget révisé). Le secteur agricole avec un budget global de 400 M USD/an pourrait grandement contribuer à la relance de l’économie haïtienne. Jouet t pou responsab yo !!!