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samedi 28 novembre 2015

HAITI:"JOVENEL MOISE NE PEUT PAS ETRE PRESIDENT"



HAITI:"JOVENEL MOISE NE PEUT PAS ETRE PRESIDENT"
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
28 NOVEMBRE 2015

L'État islamique (EI) met le monde à feu et à sang: les attentats de Paris (130 morts), les attentats au Liban, au Mali, en Tunisie. Tout ceci, à la veille de la COP21 (21e Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques) qui aura lieu à Paris du 30 novembre  au 11 décembre 2015, avec la participation  des principaux Chefs d'Etat du monde dont M. Obama des USA. En Haïti, la zone métropolitaine de Port-au-Prince s'enflamme, compte ses morts et ses blessés (3 morts à date dont 1 policier et des blessés dont 2 candidats à la présidence) et le reste du pays est globalement calme et dans l'expectative, suite (i) aux résultats préliminaires; (ii) à la vérification des vote au niveau du centre de tabulation obtenue par Maryse Narcisse contestant sa 4e position et un autre candidat contestant le nombre de votes qui lui est attribué par le CEP, à noter  que cette vérification résulte du jugement en leur faveur par le bureau du contentieux électoral national (BCEN) et confirme les suspicions  de fraudes massives et d'irrégularités dans le processus électoral, et (iii) aux résultats définitifs des élections du 25 octobre 2015 conduisant à l'élection des maires (un seul tour), des députés et sénateurs (2e tour), et à un deuxième tour controversé de la présidentielle prévu pour le 27 décembre 2015 entre Jovenel Moïse, candidat du pouvoir en place, et Jude Célestin, l'un des contestataires du Groupe des huit candidats, le G8, qui exige l'exclusion du candidat du pouvoir de la course électorale prétendument être l'unique bénéficiaire des fraudes massives. Maryse Narcisse  et les partisans de la table rase ou Front du refus également.

Cette alliance de l'opposition contre le candidat J. Moise peut-elle l'empêcher de devenir président, soit par son exclusion de la course électorale, soit par sa défaite au deuxième tour, si deuxième tour il y en aura? Avant d'essayer de répondre à cette double interrogation, voyons certains faits saillants du mois de novembre 2015.


            A.        FAITS SAILLANTS DU MOIS DE NOVEMBRE 2014

Le pape de la sécurité alimentaire en Haïti, Garry Mathieu , est décédé à 50 ans
Quelle qu'en soit  la réponse  à cette double question, la situation du pays se complique davantage (politique/économie). Nos politiciens ne se rendent même compte. Le dollar a tendance à déraper par rapport à la gourde. L'inflation aussi. Malgré les pluies, la situation de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois ne s'annonce pas rose. Justement, le pape de la sécurité alimentaire en Haïti, le fameux agronome, Pierre Garry Mathieu est décédé à New York, Manhattan, le 22 novembre 2015, à l'âge de 50ans. Le coordonnateur de la commission nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) est foudroyé par un cancer du pancréas qui ne lui a laissé aucune chance. Haïti, la tourmentée, pleure l'un de ses plus beaux esprits après la disparition de l'Agr Henriot Nader. Le ministère de l'Agriculture pleure l'un de ses fleurons, car la CNSA est sous la tutelle du Ministre de l'Agriculture.

L'étude de la Banque interaméricaine de développement (BID) sur le secteur agricole, une vraie découverte
Justement, le Ministère de l'agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR) et la BID ont organisé un atelier de restitution et de complémentarité sur une étude du secteur agricole, du 18 au 20 novembre 2015, avec la participation d'une cinquantaine de cadres du MARNDR (structures centrale, déconcentrée, et décentralisée), de la BID, du secteur privé (petit et gros), du Comité interministériel de l'aménagement du territoire (CIAT). "L'Etude exhaustive et stratégique du secteur agricole et des investissements publics requis pour son développement", menée de main de maitre par  CIRAD-FRANCE, a fait un diagnostic très sérieux  et sans complaisance  de la situation du secteur agricole par rapport à la situation globale du pays et la situation internationale. L'atelier s'est réalisé en six grands moments, (i) Présentation succincte des 15 chapitres du document; (ii) Présentation des trois (3) scénarii, a) le statu quo actuel fait de saupoudrage qui pourrait être qualifié d'Etat ONG, b) un Etat fort à la manière de Rwanda, d'Ethiopie,  d'Equateur, de Bolivie, et de Venezuela, c) un Etat incitateur, régulateur combinant les éléments prometteurs  des deux premiers et ses éléments propres (l'idéal quoi !); (iii) Organisation Atelier-Restitution, un double atelier-restitution sur des questions clés sur lesquelles ont réfléchi quatre groupes: le secteur privé, le MARNDR central, le MARNDR déconcentré, le Groupe en appui au Parlement, réfléchissant  sur  des propositions thématiques et  des mesures de politiques publiques et leur viabilité environnementale, socio-économique, financière, institutionnelle et politique  et le financement des ces mesures, ces réflexions de groupes seront versées dans le dossier; (iv) Présentation en profondeur de certains chapitres du document tard dans la soirée comme la macro économie/ la croissance économique (PIB/HAB 1960-2014), le flux financier, gouverner l'agriculture haïtienne autrement; ce qu'il y a à retenir, entre autres, cette économie rentière/humanitaire ne peut favoriser le développement du pays car " là où il y a beaucoup d'aide publique au développement (APD), il y a moins d'investissements privés", selon un des intervenants; (v) Une belle séance de commentaires et d'échanges sur l'atelier et l'étude en question avec accent sur des thématiques importantes, le foncier, la réforme du MARNDR, le fonctionnement des structures déconcentrées, en particulier les bureaux agricoles communaux, etc.; (vi) La clôture de l'Atelier  par Gilles Damais de la BID qui voit dans cette étude, une aide en vue de mieux définir la politique publique du secteur agricole, tandis le Directeur Général du MARNDR, Edie Charles, voit dans l'étude du CIRAD, "un nouvel éclairage sur les décisions à notre portée". Cet atelier a permis de jeter un regard neuf sur le secteur agricole à partir des données existantes et mises en relation par le CIRAD, une vraie découverte.

            B-        PLACE A LA SITUATION POLITIQUE
Et maintenant, plein feu sur la situation politique haïtienne et la déchéance morale qui en découle. Mais tout de même une lueur d'espoir pour garder le moral, rester positif et ne pas sombrer.
L'exclusion de Jovenel Moise de la course électorale
Au cours de ce mois de novembre 2015, le Conseil Electoral provisoire (CEP), a donné les résultats préliminaires et définitifs des élections  du 25 Octobre 2015, le pays s'enflamme et le sang a coulé une fois de plus. Les maires, les députés, les sénateurs sont élus ou sont en contestation. Au niveau de la présidence, tous les principaux candidats, y inclus Jude Celestin arrivé en 2e position (25.27%), contestent la première position (32.81%)  de Jovenel MOISE, le candidat du pouvoir, l'accusant d'être l'unique bénéficiaire des fraudes électorales. Mis à part  FANMI LAVALAS et un autre candidat  à la présidence, qui ont choisi la voie légale de contestation, les autres candidats choisissent les manifestions de rue comme mode de contestation; FANMI LAVALAS aussi, donc il joue sur les deux tableaux. Les manifestations séparées dans un premier temps se sont vite transformées  en des manifestions regroupées, incluant tout le monde, le groupe des huit candidats (le G8), LAVALAS et les partisans de la table rase ou Front du refus ( transition), et exigeant l'exclusion de Jovenel MOISE de la course électorale, très certainement en souvenir des élections de 2010 où cette stratégie a favorisé le candidat MARTELLY, actuel président d'Haïti.
... l'ampleur des fraudes malheureusement profitables à tous
Suite aux plaintes déposées pour vérification de la sincérités du vote et l'exclusion pure et simple de Jovenel Moïse de la course électorale par devant le BCED qui s'est déclaré incompétent et le BCEN qui a tranché pour la vérification du vote et non pour l'exclusion de Jovenel Moise, il s'est révélé que 100% de l'échantillon vérifié sont soit frauduleux, soit irréguliers. Devant l'ampleur des fraudes et irrégularités malheureusement profitables à tous ou, tout au moins, à l'ensemble des principaux candidats, incluant Jovenel Moïse, le G8 et  Maryse Narcisse, le CEP a décidé, après l'élimination de certains votes, de poursuivre le processus électoral qui ne reste qu'une étape, le 2e tour de la présidentielle entre J. Moise et J. Celestin, et les collectivités territoriales (Conseils des sections communales ou CASEC), le 27 décembre 2015.
Mettre dehors tous les fraudeurs...ou sauver le processus, un vrai choix cornélien
Cette décision du CEP de poursuivre avec la processus a indisposé les puristes, ce qui est normal car contraire au décret électoral qui prévoit des sanctions contre les fraudeurs. Selon toute logique, il aurait fallu exclure la majorité des candidats et à tous les niveaux; car s'il y a fraudes au niveau de la présidentielle, à plus forte raison, il y en a  au niveau de l'ensemble du processus (maires, députés et sénateurs). Mettre dehors tous les fraudeurs équivaudrait à l'annulation pure et simple de l'ensemble du processus. Légalement, c'est ce qui aurait dû être fait, mais politiquement, les contestataires, excepté le Front du Refus qui est pour la table rase (annulation des élections, renvoi du CEP, de Martelly et son administration), semblent opter soit pour l'exclusion de Jovenel Moise, soit pour l'annulation de la  présidentielle, soit pour la nomination de l'un des trois candidats qui viennent après Jovenel Moise, mais pas pour l'annulation de l'ensemble du processus. Pour la présidentielle, tout le monde a déclaré l'avoir gagnée. D'autant que  une firme brésilienne a déclaré, selon un sondage effectué à la sortie des urnes, le 25 octobre, Jovenel Moise serait en 4e position avec seulement 6.5% des votes exprimés, Célestin étant premier, J C Moise en deuxième et M. Narcisse en 3e position. Ce qui est venu mettre de l'eau au moulin de ceux-là qui veulent l'exclusion du candidat du pouvoir. Mais le CEP a choisi de violer son propre décret pour sauver le processus électoral, un vrai choix cornélien, en dépit des protestions des uns et de l'incompréhension des autres.
Une sorte  de fatalité!
Comme à leurs habitudes, nos politiciens se mettent ensemble en général contre quelque chose et jamais pour Haïti, la lutte pour le pouvoir, la bataille des clans étant plus importante que tout le reste. Le pouvoir en place parle de continuité pour renforcer les acquis, corriger les erreurs et permettre à Haïti de continuer à aller de l'avant. L'opposition veut sauver Haïti des griffes de ce "pouvoir corrompu" qui n'a rien foutu si ce n'est qu'amplifier la corruption en faveur de son clan. Mais, quant il s'agit de se mettre ensemble pour aller aux élections et faire échec à ce pouvoir, elle y va en ordre dispersé. Elle a accusé tout l'appareil d'Etat de se liguer en faveur de Jovenel Moise, mais ne prend aucune disposition jusqu'à date pour faire échec au pouvoir en place si ce n'est l'organisation de manifestations de rue, la même stratégie durant tout le mandat de Martelly. L'administration et le CEP sont accusés de "fraudes massives", de "coup d'Etat électoral" en faveur du candidat du pouvoir. Quand on regarde de manière objective, tout le monde a fraudé comme l'a fait remarqué l'Ex Senateur Lambert, battu à plate couture aux sénatoriales dans le Sud-Est, qui a eu l'élégance de reconnaitre sa défaite. Selon l'ex-ministre de l'intérieur, Réginald Delva, parmi les votes annulés par le CEP, "8% sont attribuables au candidat du pouvoir", donc par déduction 92% aux autres. C'est bien triste de voir un pays recourir à des élections frauduleuses pour renouveler son personnel politique. Et qui pis est, nous sommes obligés de faire avec cette situation. Une sorte de fatalité! Et les honnêtes gens  comme Henry Bazin (paix à son âme) sont partis sans avoir vu leur modèle de sérieux, d'honnêteté, d'amour profond pour Haïti se généraliser et triompher!
Alors que faire?
Les cas de figure
Le CEP a tranché en quelque sorte. Puisque tout le monde a fraudé, on maintient le cap vers la finalisation du processus électoral avec des "élections honnêtes, démocratiques et inclusives". Jovenel sera opposé à Jude le 27 décembre 2015. La campagne pour le 2e tour de la présidentielle est ouverte le 26 novembre et prendra fin le 22 décembre 2015. Donc c'est la poursuite du processus sans aucune  autre forme de procès.
L'opposition semble opter jusqu'à présent pour les manifestations de rue au lieu de faire bloc derrière Jude Célestin en vue de canaliser toute l'énergie de ses partisans et sympathisants vers un seul but, gagner le second tour des élections; car mathématiquement elle est en mesure de le faire. "Cette option est impossible", selon un observateur averti de la politique haïtienne. "Si Jude choisit d'aller au second tour, il sera lâché par ses pairs et aura du mal à battre Jovenel", a-t-il ajouté avec une confiance aveugle dans ses prévisions.
Au cas où Jude Célestin désisterait, on suppose que Jean Charles Moise ferait la même chose et Maryse Narcisse, ne faisant pas partie du G8, n'hésiterait pas à affronter seule Jovenel Moise, confiante en la force lavalassienne (?). "Elle serait battue, crierait au scandale et rejoindrait les autres dans les manifestations de rue", a poursuivi mon observateur averti.
Les principaux candidats désisteraient, mais, comme en 2000 face à Aristide, un des "petits candidats"  à la manière du pasteur Dumas J. Arnold, accepterait le pari d'affronter J. Moise qui gagnerait sans coup férir le 2e tour. Ce sera la crise assurée tout le long de son mandat jusqu'à sa chute avant l'heure comme en 2004.
L'opposition ferait bloc, intensifierait les manifestations, l'économie deviendrait de plus en plus anémiée, le peuple ayant faim se mêlerait de la partie, Martelly partirait dans le désordre. Ce sera la transition qui n'en finirait pas avec le wait and see de la communauté internationale et tout ce que cela comporte de retour en arrière (2004), mais cette fois-ci sans les Alexandre, les Latortue (trop vieux) et surtout sans Ricot Bazin (décédé), qui, on l'a reconnu un peu tard, ont fait du bon travail, en renforçant l'arsenal législatif du pays (environ 60 décrets et autres actes législatifs) donc initiation de la réforme de l'Etat, en permettant à l'économie de renouer avec la croissance (taux de croissance positif, augmentation de la réserve de change, réduction de l'inflation, taux de change stabilisé), et en organisant des élections acceptables en 2006.
"Jovenel Moise ne peut pas être président, en tout cas  pas cette fois-ci".

En nous basant sur ces hypothèses (ces cas de figure), il est plutôt difficile pour Jovenel Moise de devenir président, à moins que l'opposition s'entête à ne pas parler d'une seule voix. En fait, ce qu'elle veut par dessus tout,  c'est éviter coûte que coûte la continuité de Martelly à travers J. Moise. Elle n'a pas un problème particulier avec la personne de Jovenel qui est plutôt un gars sympathique avec un discours apaisant et rassembleur, mais elle veut à tout prix évincer cet "usurpateur de Martelly", ce "vagabond"qui a osé entrer dans l'arène politique "comme un éléphant dans un magasin de porcelaine". En tout cas, à mon humble avis, la meilleure stratégie pour barrer la route à Martelly, c'est de participer au second tour de la présidentielle  à travers Jude Célestin et de manière vraiment unie, en s'organisant pour contrôler les fraudes et en évitant de frauder (mais il faut faire vite). Ainsi, en cas de fraudes massives du pouvoir, même gagnant, le candidat du pouvoir serait exclu si le CEP applique, cette fois-ci à la lettre et sans état d'âme, le décret électoral. Et, comme le souhaite l'ex-sénateur Annacacis Jean Hector, "Jovenel Moise ne peut pas être président, en tout cas  pas cette fois-ci". A moins qu'il y ait une entente entre Jovenel et les autres candidats pour partager le pouvoir ou, à la manière de Balaguer et de Pena Gomes, pour se succéder l'un l'autre ou les uns les autres. N'est-ce Clarens Renoit et Paul Gustave Magloire? Cette entente  suivie d'une grande concertation nationale pour "bâtir ensemble la nouvelle Haïti et la rendre possible" (Lucien Borges de TeleGinin et Valérie Numa de Vision 2000) étonnerait le monde et redonnerait espoir au pays, aux honnêtes gens qui souffrent de cette déchéance, de cette descente aux enfers. Faut rester positif et garder le moral pour ne pas sombrer dans la dépression collective. N'est-ce pas, Messieurs et Dames? Que Dieu bénisse Haïti!!!

samedi 31 octobre 2015

HAITI ELECTIONS 25 OCTOBRE 2015, LA PLUPART DES PRETENDANTS ANNONCENT LA COULEUR DU SANG


HAITI ELECTIONS 25 OCTOBRE 2015, LA PLUPART DES PRETENDANTS ANNONCENT LA COULEUR DU SANG
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 OCTOBRE 2015

Revu le 2 Novembre 2015

En dépit des mises en garde du décret électoral, la plupart des candidats à la présidence n'ont pas attendu les résultats du Conseil Electoral Provisoire (CEP) pour monter au créneau et annoncer la couleur. Pourtant, selon l'ensemble des observateurs du processus électoral, la journée du 25 octobre 2015 a été calme (0 mort si l'on excepte la mort accidentelle d'un policier), sans incidents majeurs (sauf quelque 285 arrestations, la question de vote des mandataires des partis politiques et des organisations d'observateurs électoraux, et autres petites anicroches relatives aux élections haïtiennes). Alors que s'est-il passé pour pousser certains prétendants au pouvoir et non des moindres  à dénoncer des fraudes massives, accuser le pouvoir en place de "coup d'Etat électoral ", à demander de mettre dehors le candidat du pouvoir Jovenel Moïse pour "fraudes massives", et de préparer à investir la rue au cas où le vote du peuple serait travesti? Il y en a même qui veulent la table rase (démission de Martelly et du CEP). A écouter le président du CEP, les résultats pour les présidentielles seront proclamés le 3 Novembre 2015 (le 5/11/15 pour se donner le temps d'analyser les pleintes des partis politiques) et refléteront le vote du peuple, car le système va rejeter tous les cas de fraudes et pourra même permettre d'identifier les fraudeurs tant du système qu'en dehors du système.  Ce qui est plutôt rassurant. Alors? 

FAITS SAILLANTS DU MOIS D'OCTOBRE 2015

Avant de rentrer dans le vif du sujet, passons en revue quelques faits saillants du mois. (i) La visite en Haïti de John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, n'est pas, à mon humble avis, innocente à la "réussite de la journée électorale" tout au moins sur le plan sécuritaire. (ii) Le retrait du décret créant la commune des Arcadins qui a paralysé partiellement le pays durant près de deux mois à cause du blocage de la Nationale No 1 par la population de l'Arcahaie. (iii) La visite du Président Martelly en République Dominicaine où il a rencontré son homologue dominicain sur les questions bilatérales, en particulier la mesure adoptée par Haïti sur les 23 produits interdits par voie terrestre (voir  http://jrjean-noel.blogspot.com/2015/09/haiti-elections-2015-le-secteur.html ) et la déportation des haïtiens et dominicains d'origine haïtienne. (iv) Le gouvernement a confié à une firme israélienne dénommée HLSI la gestion des frontières du pays pour une période de 10 ans. En ce sens, un protocole d’accord a été signé, le vendredi 23 octobre 2015, au ministère de l’Economie et des Finances, entre le gouvernement représenté par Wilson Laleau, titulaire dudit ministère et la représentante de la firme Eva Peled, vice-présidente de HLSI. La firme investira environ 49,3 M USD dans la restructuration et la modernisation d’une dizaine de postes douaniers et aussi dans l’acquisition de matériels et équipements pour la gestion des frontières.  (v) La prise d'un décret par le pouvoir en place favorisant la mise à disposition, aux ministres et secrétaires d'Etat,  des primes de 50 à 40,000 USD pour leur permettre de retourner dignement à la vie normale; ce décret a fait couler beaucoup de salives, vu la situation économique du pays actuellement. (vi) Haïti vient de rentrer dans une phase inflationniste à deux chiffres (10.3% d'inflation en rythme annuel); on comprend notre inquiétude au cas où nos politiciens, candidats à la présidence, qui se déclarent gagnants des élections du 25 octobre, passent de la parole aux actes après la proclamation des résultats par le CEP. Ce sera tout simplement terrible pour l'économie rachitique et malade d'Haïti. Maintenant, revenons à la question électorale.

LES ELECTIONS DU 25 OCTOBRE 2015

Le taux de participation autour de 25 à 30%
L'ensemble des observateurs ont reconnu que les élections présidentielles, sénatoriales 2e tour, et municipales se sont déroulées dans le calme le plus parfait sous la haute surveillance de la police nationale appuyée par la MINUSTAH, la force des Nations Unies. Le CEP a tenu compte des erreurs commises aux élections parlementaires du 9 aout 2015 et des recommandations des organisations de la société civile et des droits humains. La journée électorale du 25 octobre a été mieux organisée par le CEP, mise à part la question des mandataires qui a fait couler beaucoup d'encre. Les 17 organisations d'observation ont fait les mêmes constats et ont estimé le taux de participation autour de 25 à 30%, dont plus de la moitié des votants (14-16%) sont des mandataires et des observateurs qui, semble-t-il, se sont amusés à voter plusieurs fois et dans divers bureaux de vote (BV) avec la complicité de certains responsables de BV.

Accusations sans preuves 
Il est donc admis par l'ensemble des observateurs qu'il y a eu beaucoup d'irrégularités à cause de la présence des mandataires des partis politiques, des observateurs nationaux dont la pluparts ont commis beaucoup d'impairs. Pour les mandataires, il est rapporté au cours de la semaine suivant la journée du 25 octobre que certains ont utilisé leur statut pour voter plusieurs fois; il y a même une coalition d' observateurs qui est impliquée dans   des fraudes et des irrégularités. Il faut noter que ces fraudes et irrégularités ne peuvent avoir lieu sans la complicité des responsables de Bureaux de vote (BV). Les compables se sont donc désignés. Il serait difficile sinon impossible de trouver les auteurs intellectuels de "ce crime" dont on accuse le pouvoir en place; comme quoi l'ensemble des mandataires, qui sont de partis politiques différents, et des observateurs, neutres en principe, auraient perpétré ce forfait pour le compte du pouvoir. Il en est de même pour les bourrages d'urnes et le changement de bulletins en faveur du candidat du pouvoir dans des bureaux de vote dont les responsables sont des représentants de partis politiques. Réussir un tel coup à la barbe de tous les observateurs tant internationaux que nationaux, de tous les mandataires des autres partis politiques relèverait tout simplement du génie ou de la fiction. Un observateur averti n'accepterait jamais de telles accusations sans des preuves tangibles. Mais pauvre peuple haitien! Comment peut-il saisir de telles nuances dans les accusations et fournies en plus avec un tel luxe de details et une telle assurance par nos prétendants au pouvoir suprême?

"Jovenel Moise ne peut pas être président"
Parmi les 54 candidats à la présidence, les 36 candidats au Sénat, les multiples candidats à la Députation et aux communales, il y en a qui se sont déclarés vainqueurs de ces élections sans attendre les résultats du CEP. Certains ont mis dehors leurs partisans pour protester et intimider en vue d'infléchir les tendances  des votes affichés dans les centres de vote (CV) en leur faveur, en dépit de l'interdiction formelle du CEP. Quand on spécule à partir des premières déclarations, il ressort que quatre(4) candidats à la présidence émergent de ces élections. Il s'agit, par ordre alphabétique, de Jude Célestin (LAPEH), Jean Charles Moise (Pitit Dessalines), de Jovenel Moise (PHTK) et de Maryse Narcisse (LAVALAS). Il est à signaler que le premier à protester a été J.C. Moise et ses partisans ont occupé les rues du Cap-Haitien, la 2e ville du pays. Le parti LAVALAS a aussi dénoncé le candidat du pouvoir et a clairement demandé au CEP son éviction de la course sans autre forme de procès. Quant à LAPEH, ils ont dénoncé un "coup d'Etat électoral" et déclaré par la voix de l'ancien sénateur Anacassis que "Jovenel Moise ne peut pas être président, en tout cas peut-être plus tard, mais pas à ces élections" , a précisé l'ancien sénateur. Mises à part la réaction du ministre de la communication qualifiant de "mauvais perdants" certains candidats à la présidence, la réponse de Me  G. Mayard Paul au Sénateur Anacassis, et la conférence de presse de Monchéry, un allié de PHTK,  on n'a pas de réaction officielle de PHTK et, en particulier, du candidat de PHTK. Une chose est claire, on va vers un 2e  tour avec deux des candidats dont les tendances du vote placent dans le peloton de tête.

Le pays à feu et à sang comme en décembre 2010?
Quant aux autres candidats de second niveau, selon les premières tendances, ils ont dénoncé "le coup d'Etat électoral", les fraudes et les magouilles orchestrées par le pouvoir, et semblent prêts à  se rallier aux partisans de la table rase. Concernant ceux-là qui n'ont pas participé aux élections du 25 Octobre 2015, ils ont crié victoire et se sont donnés un certificat de satisfécit pour avoir prédit ce qui allait se passer. Ils se sont attribué le faible taux de participation  enregistré et ont déduit que plus de 70% de l'électorat sont pour la transition. Et ils vont se mobiliser pour obtenir le départ de Martelly et du CEP. Naturellement, après les résultats du CEP, ils vont très certainement avoir l'appui de la majorité des perdants pour mettre le pays à feu et à sang (?) comme en 2010 en faveur de Martelly. Mais à la différence de 2010, ce sera contre Martelly et encore contre le pouvoir en place. Et bonjour madame l'inflation et le renforcement du marasme économique dans lequel nous pataugeons!

CONCLUSION

Les rumeurs et informations rapportées par les médias soulèvent beaucoup d'inquiétudes. Les déclarations des candidats créent une situation de confusion et de peur. On se demande qu'est-ce qui va se passer à l'annonce des résultats par le CEP. Comme presque tout le monde avait déclaré avoir gagné les élections, on est sur d'une chose: quels que soient les résultats proclamés par le CEP, il y aura beaucoup d'insatisfaits, et s'ils mettent en application leurs menaces, Haïti va connaitre des moments difficiles sinon catastrophiques.

Il faut rappeler à nos politiciens que notre économie est dans une phase inflationniste ascendante(10.3%). Ce qui est de très mauvais augure pour toute la population. Avec les événements annoncés, la situation du pays sur le plan économique pourrait devenir intenable. Nos hommes politiques doivent en tenir compte dans leurs réactions et mots d'ordre à la population à travers le pays. C'est bien de défendre son vote, il est malsain et irresponsable de pousser la population à mettre le pays à feu et à sang au cas où tel candidat ou tel autre ne gagnerait pas les élections. Il ne peut y avoir qu'un gagnant par poste électif. Et, pour les présidentielles, il ne peut y avoir un 2e tour à quatre (4) candidats. Est-ce que nos politiciens ont bien compris tout cela?

Autre chose, aucun parti politique n'a le droit de décider qui a le droit d'être président ou pas. Seul le vote de la population peut décider du sort d'un candidat. Ce qui s'est passé en 2010 n'était pas du tout démocratique, c'était un accident  de parcours. On n'a pas le droit de le reproduire sous aucun prétexte. Au CEP de trouver la meilleure formule pour contrecarrer les fraudes perpétrées; de faire punir les coupables quels qu'ils soient, sans tenir compte de leur appartenance politique et sans exclusive; de corriger les fraudes et irrégularités,  et de donner les résultats correspondant au vote de la population. A nos politiciens d'accepter le verdict des urnes et non leur verdict personnel!

Il y va de l'avenir du pays et non de celui de quelques clans politiques se réclamant l'exclusivité de l'amour de la patrie. Pensons Haïti d'abord et avant tout. Et pour cela, cessons d'annoncer la couleur du sang! N'est-ce pas, Messieurs et Dames, les prétendants aux destinées de la patrie commune, notre chère et unique Haïti?