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mardi 3 mars 2020

HAITI S’ENLISE SOUS LA MENACE DU CORONAVIRUS: KIDNAPPING, REBELLION POLICIERE, ET J’EN PASSE



HAITI S’ENLISE  SOUS LA MENACE DU CORONAVIRUS: KIDNAPPING, REBELLION POLICIERE, ET J’EN PASSE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
3 MARS 2020
Revu le 5 Mars 2020 

La pandémie Coronavirus (COVID 19) est mondiale. Elle est là à côté. Sous cette menace, Haïti s’enlise : l’insécurité fait rage sous sa forme la plus abjecte, le kidnapping, la police en rébellion, le carnaval avorté, la rigueur de la faim, échec dialogue-inter haïtien. Que faire ?

En pleine période de kidnapping qui s’est intensifié au cours du mois de Février 2020 en frappant toutes les catégories sociales sans distinction, avec des morts, des viols  et toutes autres cruautés, le « syndicat » de la Police Nationale d’Haïti, la seule institution  responsable de la sécurité du pays, a choisi la forme la plus violente pour faire entendre sa voix. La principale responsable de ce mouvement syndical au sein de la PNH, Mme Yanick Joseph, a été convoquée à la DCPG, la police des polices, le 7 février 2020. Elle s’est faite accompagnée d’autres policiers, dont certains encagoulés. Après des accrochages  à  l’intérieur du bureau de la DCPG, les policiers « syndiqués », accompagnés d’individus encagoulés, se sont mis à tirer sur la route de Delmas, au niveau du carrefour de Delmas 2, jetant la panique au sein de la population, bloquant la circulation des véhicules, tout ceci sous l’œil des caméras des Télévisions et des téléphones intelligents. Les réseaux sociaux ont été inondés de ces images choquantes. On aurait cru des bandits.

Comme il est normal en pareil cas, les sanctions tombent. Mme Joseph et 4 de ses collègues ont été révoqués pour sédition. C’était jeter de l’huile sur le feu. Les débats contradictoires sur la question syndicale au sein de cette institution hiérarchisée faisaient rage entre les avocats, juristes inféodés politiquement ou non, arguments pour, arguments contre. Le commun des mortels y a perdu son latin. Entre temps, les policiers « syndiqués » occupaient le devant la scène, rejetant au second plan le kidnapping qui a pris de l’ampleur, occupant l’espace médiatique, Mme Joseph est devenue un symbole, une icône. Le « Syndicat de la PNH, SPNH, et des « policiers encagoulés »,  ont organisé des manifestations de rue, saisissant les clés des véhicules privés et publics, causant la peur, les traumatismes chez la population civile. Les clés ont été déposées  un peu plus tard, à mille lieux de là, à Radio Caraïbe. Imaginons la pagaille d’une telle situation.

 Après une autre grande manifestation devant le quartier général de la PNH, à Pétionville, cette fois-ci, avec la présence de Yanick Joseph, en uniforme et pieds nus, entourée de policiers en uniforme et d’autres individus encagoulés, qui se réclament du mouvement, et simulant une cérémonie « vodouesque » en bénissant les policiers « syndiqués »avec une sorte de parfum, ces « policiers », accompagnés de motards  et galvanisés à souhait, se sont attaqués au cabinet de Me Madistin, brulant des groupes électrogènes, des véhicules, ont tenté de mettre le feu aux archives du cabinet, se sont rués sur les stands de carnaval au Champs de Mars, brulant tout sur leur passage, sans la réaction du reste de la PNH. On aurait dit que c’est tout le Champs de Mars qui brulait. C’était une attaque en bonne et due forme contre l’organisation du Carnaval National. Ils ont rejoint, par ainsi, la position de la plupart des membres de l’opposition politique, d’autant que, quelques jours plus tôt, le Président Moïse et le Premier Ministre  Lapin s’enorgueillissaient de la réussite du Carnaval de Jacmel. Le Président en a profité pour équiper la Vallée de Jacmel d’équipements électromécaniques et faire d’autres promesses pour la zone du Sud-Est.

Après l’annonce du PM Lapin de maintenir coûte que coûte le Carnaval National au niveau de la zone Métropolitaine de Port-au-Prince, les choses ne se sont pas arrêtées là. Des chars musicaux, stationnés à l’intérieur de la Cour du Stade Sylvio Cator, ont été incendiés par « des individus encagoulés pour la plupart se réclamant du SPNH, et, toujours accompagnés de motards.

Pour essayer de répondre aux revendications de SPNH, les autorités ont mis en place une commission de facilitation, et la veille du Carnaval, le samedi 22 Février 2020, le Président s’est adressé au Haut Etat-major de la PNH, répondant à certaines revendications des policiers, 600 logements sociaux dont la construction débute le 31 Mars, crédit policier, augmentation de 5000 G à 10,000 G la carte de débit des policiers à la base et a promis des matériels de travail, dont 15 véhicules blindés, qui ont été remis le soir même à la PNH. Nad marinad.

Le Dimanche 23 Février 2020, le SPNH, accompagné du « peuple revendicatif » et, encore et toujours, d’individus encagoulés, c’était l’occupation du Champs de Mars et l’attaque en règle du Quartier Général des Forces Armées d’Haïti (FADH) qui a répliqué. 2 morts, un soldat et 1 policier, au moins une dizaine de blessés. L’un des civils blessés a porté plainte, par l’intermédiaire de son avocat, Me Michel André, contre le Général en chef de l’Armée « illégale », Jodel Lessage. 

En plus de cela, ces individus se sont attaqués à Radio Caraïbe, qui était en direct au moyen de ces drones, tentant d’y mettre le feu et incendiant les véhicules en stationnement devant la station. Ce qui a forcé les associations de médias et de journalistes à s’insurger contre les agissements de ces individus se réclamant du SPNH et qui mettent en péril notre fragile démocratie. Il faudrait écouter l’éditorial de Marcus Gracia de Mélodie FM à ce sujet. C’était le comble.

Le Carnaval a été annulé à Port-au-Prince, maintenu aux Cayes, à St Marc, aux Gonaïves, et au Cap-Haitien où Sweet Mickey, Michel Martelly, ancien président d’Haïti, arrivé en triomphateur au Cap, circulant à pied au milieu d’une foule de partisans au son d’une bande à pied, a dû déchanter le lendemain à cause de la manifestation anti-Martelly orchestrée par l’opposition politique et doublée de la « passivité » de la PNH du Nord. Est-ce un avant-goût de la bataille électorale de 2021 ?

Malgré tout, la bande à Martelly est sortie le 2e jour gras, accompagnée d’une foule compacte, qui a été ensuite dispersée sous une pluie de balles, heurtant le char de Sweet Mickey et blessant à la jambe l’un de ses proches fanatiques. Martelly a, dans une courte adresse pré-enregistrée, jeté l’éponge et le Carnaval du Cap-Haïtien a maintenu son cap le lendemain sans incidents, avec, entre autre, la participation de Tropicana et Septentrional, les deux orchestres ténors du pays et de la Zone Nord. 

Par la suite, les deux hauts états-majors des FADH et de la PNH se sont réunis  pour offrir une image de paix, de solidarité et d’entente pour « Koaper » ensemble le phénomène d’insécurité qui gangrène le pays. Le haut état-major de la PNH a mis sur pied une commission pour dialoguer avec le SPNH avec l’assistance du Protecteur des Citoyens, M Hedouville. Et, contrairement aux hypothèses les plus  pessimistes émises, la situation s’est miraculeusement dégelée.

Durant toute cette période troublée, les négociations entre les partis politiques ont continué dans la discrétion la plus totale, semble-t-il. Paul Denis, dans un tweet, s’est plaint  d’en être écarté et une note a annoncé l’échec des négociations inter-haïtiennes. Le  Président devrait incessamment nommer un premier ministre, et le pays, sous la menace du COVID19, devrait être doté d’un gouvernement d’ici la mi-mars. Surprise, le 2 Mars, un tweet du Président de la République annonce la nomination de l’ing Joseph JOUTHE, ministre ai de l’environnement et ministre ai de l’économie et des finances, comme nouveau premier ministre du pays. Ce dernier aura pour mission de constituer un gouvernement d’union nationale dans un délai relativement court. Il a, en effet, constitué un gouvernement basé sur "un consensus minimal", le 4 Mars 2020, et axé sur 3 priorités: (i) Rétablissement d'un climat sécuritaire, (ii)réduction  des inégalites sociales et (iii)relance de l'économie. Une lueur d'espoir dans cette tragédie haïtienne(?)

Ce film tragique, qui s’est déroulé sous nos yeux, traduit la dure réalité haïtienne, avec une gourde qui a perdu 3 points par rapport au dollar, passant de 93,50 G à 96.50 G pour 1 USD, La population appauvrie davantage par le phénomène du kidnapping, traumatisée et stigmatisée par les viols collectifs et les tueries sauvages, est confrontée à l’insécurité alimentaire, la faim, 4 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire en cette période de soudure où le Barrage de Péligre n’arrive plus à alimenter en eau d’irrigation la Vallée de l’Artibonite, en proie au banditisme, et en électricité la zone métropolitaine de Port-au-Prince, en proie au blackout, au banditisme/kidnapping. Les bandits ont profité de la rébellion policière pour se renforcer et rendre beaucoup plus invivable la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ont infiltré le SPNH pour commettre leurs forfaits en toute impunité  et accomplir, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes par des gens mal intentionnés, le sale boulot pour empêcher le déroulement normal du Carnaval et attaquer le quartier général de FADH. « Une tentative de coup d’Etat », selon le ministre de la Justice.

L’échec du carnaval au niveau de cette zone métropolitaine et l’incendie des stands et des chars carnavalesques constituent une perte sèche pour l’économie et le secteur culturel. Les orchestres musicaux auront du mal à se relever d’une telle situation, la période carnavalesque étant celle la plus profitable pour ces orchestres, selon les explications fournies par les leaders de ces bandes musicales.

L’industrie du loisir, qui vient de passer toute une année de vache maigre en 2019 à cause du phénomène «peyilok», est loin de sortir de l’auberge. C’est le pays tout entier qui en pâtit.

C’est ce pays moribond, enlisé dans une crise politique sans fin (une lueur d'espoir avec le nouveau gouvernement?) et ses conséquences désastreuses sur l’économie et le social, qui attend, pratiquement sans défense, l’arrivée de cette pandémie mondiale, le coronavirus/COVID19 qui infecte, au 5 Mars, 96,170 personnes et fait 3,305 morts[1] à travers la planète. A noter qu’il n’y a encore ni remède, ni vaccin pour ce virus inconnu originaire de la Chine continentale.

En attendant, il faut se préparer. N’est-ce pas l’occasion de se donner la main pour Haïti et faire "une trêve" comme sollicité par le nouveau Premier Ministre ? Il faut oublier nos querelles politiques intestines et claniques, en nous tournant résolument vers Haïti d’abord et avant tout. Arrêtons l’enlisement de notre Haïti chérie, notre patrimoine commun!!!