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vendredi 17 avril 2009

HAITI : DU G20 A LA CONFERENCE DES BAILLEURS DE WASHINGTON, RESULTATS (324 M USD) ET PERSPECTIVES.

HAITI : DU G20 A LA CONFERENCE DES BAILLEURS DE WASHINGTON, RESULTATS (324 M USD) ET PERSPECTIVES.

Jean Robert JEAN-NOEL

16 avril 09

Le capitalisme est en crise. La mondialisation aussi. Cette « mondialisation, qui, selon Raymond Barre, ne signifie pas autre chose que la compétition généralisée ». Qui dit compétition dit recherche du profit maximum au détriment de tout le reste, surtout au détriment de l’homme et de la nature. L’exploitation outrancière par cette forme de mondialisation de ces deux ressources naturelles a conduit au carrefour d’aujourd’hui qualifié de « crise totale » par Mohamed BELAALI . Face à cette situation désastreuse, caractérisée par la désorientation des places financières, la panique des institutions, la baisse du profit et de la croissance, la hausse du chômage et de la misère, le saccage de la nature et la menace d’extinction de l’espèce humaine , les Grands de ce monde, principaux bénéficiaires de cette mondialisation, ont décidé d’élargir le G7 au G20. C’est ainsi qu’en novembre 2008, à Washington, eut lieu la première réunion du G20 avec un Président américain sortant, Mr Georges Bush. Et la deuxième rencontre de ce G20 a été fixée pour le 2 avril 2009, à Londres. Elle a bien eu lieu mais, cette fois-ci, avec panache, essentiellement à cause de la présence du nouveau Président des USA, Mr Barack Hussein Obama, le grand communicateur qui veut promouvoir une nouvelle image de l’Amérique et qui a qualifié de « tournant » cet évènement, auquel propos le Président Français, Mr Nicolas Sarkozy, a précisé qu’ « une page du capitalisme a été tournée, à Londres ».
Alors, qu’en est-il exactement ? Et en quoi ce G20 intéresse-t-il la pauvre Haïti, le Pays le plus pauvre de l’Hémisphère occidental ? Justement essayons de répondre à ces interrogations, en nous basant sur le communiqué final de la rencontre du G20, en passant en revue les diverses conférences des bailleurs de fonds sur Haïti et leurs résultats, en analysant les attentes du Gouvernement Haïtien par rapport à cette énième conférence, et en dégageant certaines perspectives qui pourraient contribuant au développement durable de notre pays.

Les solutions proposées par le G20 de Londres face à la crise financière mondiale.
Les solutions proposées sont consignées dans le communiqué final signé par les chefs d’Etat et de Gouvernement. C’est un document assez long avec 29 points d’engagement. Nous n’allons pas nous attarder sur l’ensemble du document mais sur certains aspects jugés en relation avec les pays pauvres comme Haïti. Tout en ayant à l’esprit le cas d’Haïti comme pays pauvre, parlons un peu du G20 et les solutions proposées en relation directe avec la crise financière.


Le G20 de Londres et les solutions envisagées
Le G20, ci-devant le G7, est le groupe des 20 pays les plus industrialisés qui partagent « 90% de la richesse mondiale ». Ils se répartissent sur l’ensemble de la planète : L’Europe en compte six (6), l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume Uni, l’Union Européenne et le Russie ; l’Amérique cinq (5) : les USA, le Canada, le Mexique, le Brésil et l’Argentine; l’Asie sept (7) : la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie Saoudite et la Turquie ; l’Afrique un (1) :l’Afrique du Sud, et l’Océanie un(1) : l’Australie. Ce sont ces pays qui se sont penchés, ce 2 avril, à Londres, sur la situation de crise financière mondiale créée par la plupart d’entre eux, en particulier les USA, mais qui ont accepté collectivement de s’engager à la résoudre à partir de ce communiqué, cette déclaration d’intention.

Le résumé des solutions et le clin d’œil aux pays à faible revenu
Pour faciliter la compréhension rapide du communiqué final du G20, essayons de regrouper les 29 points d’engagement en six grands objectifs stratégiques ou axes stratégiques (i) rétablir la croissance et l’emploi, (ii) renforcer la surveillance et la règlementation, (iii) renforcer les institutions financières mondiales, (iv) résister au protectionnisme et promouvoir le commerce mondial et l’investissement, (v) garantir une croissance juste et durable pour tous, et (vi) respecter les engagements pris.
En dehors de ces grands axes, le G20 prévoit, entre autres, de mettre à la disposition des institutions financières, en particulier le FMI, plus de 1 Mds de USD en termes d’avance, de droits de tirages spéciaux (DTS), de vente de réserve d’or, d’éliminer les secrets bancaires et les paradis fiscaux par la mise en place des listes noire, grise ou blanche en fonction du niveau d’opacité et de transparence des pays dans lesquels les fonds sont placés, fournir 50 Mds de dollars à l'appui de la protection sociale et la sécurité alimentaire, pour accroitre le commerce et garantir le développement dans les pays à faible revenu, utiliser des ressources supplémentaires de ventes de réserves d'or du FMI et des excédents de recettes de l’ordre de 6 milliards de dollars supplémentaires en termes de financement concessionnel et souple pour les pays les plus pauvres au cours des prochains 2 à 3 ans, soutenir l'emploi en stimulant la croissance, investir dans l'éducation et la formation, et par le biais de politiques actives du marché du travail, en se concentrant sur les plus vulnérables.
Toutes ces informations glanées ça et là dans le communiqué final du G20 visent en partie les pays les plus pauvres victimes de la crise financière comme Haïti et sont articulées autour des mesures pour aider ces pays à affronter la crise avec le maximum de chance de s’en sortir.
Quant aux commentaires par rapport à ce G20, ils sont légion. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement composant le G20 sont optimistes, tandis d’autres commentateurs, comme Jean Eric René , sont plutôt pessimistes et ce dernier écrit qu’ « il s’agit d’un palliatif visant à lui (au système économique mondial) assurer une mort lente et douce, mais non d’une mesure curative ». Quant à nous autres non initiés aux lettres fines de l’économie, nous pensons qu’il faudrait prendre à la lettre les engagements du G20 et en tirer le maximum, en attendant la mort lente et douce du système. Pour cela, il faut profiter de chaque occasion dont celle de la Conférence des bailleurs de fonds (BF) de Washington sur Haïti avec la participation des institutions de Brettons Wood, de l’ONU, de l’OEA, de l’UE, de la BID, et des donateurs bilatéraux, et celle du Sommet des Amériques du 17 au 19 avril 09, à Trinidad and Tobago, avec 34 Chefs d’Etat et de Gouvernement dont Mr Obama, le Président de la première puissance économique mondiale, et Mr Préval, le Président du pays le pauvre de l’Hémisphère occidental, les deux premiers et plus anciens pays indépendants de l’Amérique. Ironie de l’histoire ! En attendant de nous attarder sur la Conférence de Washington, faisons un peu d’histoire eu égard aux conférences des BF sur Haïti à partir de 2004.

Les conférences des BF sur Haïti de 2004 à aujourd’hui
La Conférence des BF sur Haïti qui a lieu ce 14 avril 09, à Washington, n’est sans aucun doute ni la première ni la dernière sur notre pays. Bien avant 2004, on a enregistré des conférences sur Haïti, à titre d’exemple, citons les accords de Paris (1994) qui, selon Kern Delince , avaient prévu plus de 1 milliard de USD d’aide pour Haïti.
De juin 2004 au 14 avril 2009, Haïti et les BF se sont mis d’accord pour organiser un ensemble de conférences, certaines pour des levés de fonds et d’autres pour le suivi et l’ajustement des actions.
Sous le Gouvernement de transition, les 19 et 20 juillet 2004, il y eut la conférence de Washington sur le Cadre de coopération intérimaire (CCI) qui s’est soldée par des promesses de fonds de l’ordre de 1.4 milliards de USD y inclus des fonds déjà promis sous les Gouvernement de Préval I et d’Aristide II de l’ordre de 450 M de USD ; la conférence de Cayenne (mars 2005) en Guyane qui était une sorte de conférence de suivi de Washington et qui s’est soldée par 380 projets et 750 M d’euros de promesses ; la conférence de Montréal de 16 et 17 juin 2005 où il était question de sécurité, du processus électoral et de l’avancement du CCI en général , et la conférence de Bruxelles en novembre 2005, en Belgique, axée sur quatre (4) thèmes : les élections, le sécurité, la mise en œuvre du CCI et l’économie, et des priorités comme le document stratégique de réduction de pauvreté intérimaire (DSRPI), la création d’emplois temporaires, le financement des partis politiques, l’appui budgétaire, l’accompagnement des nouveaux élus, enfin le document stratégique de réduction de pauvreté définitif (DSRPD) ou programme de long terme appelé à remplacer le CCI. Ces conférences permirent de débloquer pour des projets plus de 900 M de USD dont environ 300 M étaient réellement engagés sur le terrain par le Gouvernement de transition, au point que, dans le document de référence de la conférence de Port-au-Prince élaboré par le nouveau Gouvernement issu des urnes et installé, le 9 juin 2006, il a été spécifié, en annexe 2, que 1.3 milliards d’USD de projets étaient en cours.
Sous le Gouvernement issu des urnes, on a dénombré deux conférences si l’on fait exception de la conférence de Brasilia de mai 2006, la conférence de Port-au-Prince du 25 juillet 2006 a permis des promesses de fonds de l’ordre de 750 M d’USD sur les 545 M d’USD sollicités par le GOH avant la conférence. Cette valeur devait permettre au Gouvernement, qui avait présenté un programme de 5 ans de 7.1 milliards d’USD avec huit (8) grands chantiers, de couvrir ses besoins jusqu’en septembre 2007. La conférence de Madrid a eu lieu, le 30 novembre 06, en Espagne, et s’est largement appuyée sur la déclaration de Paris pour introduire la notion de « coresponsabilité » ou de « responsabilité partagée » entre le GOH et la communauté internationale (CI). C’était la dernière conférence de l’ère du CCI qui allait être remplacé par le Document Stratégique National pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) en octobre 2007. Cette stratégie nécessite 3.86 milliards USD pour sa mise en œuvre. La conférence sur le DSNCRP, programmée pour le 25 avril 2008 en vue de récolter des fonds complémentaires de 2 milliards d’USD , a dû être renvoyée sine die à cause des émeutes dites de la faim. C’est cette conférence qui est reprise, ce 14 avril 2009, à Washington.

La conférence de Washington, les attentes du Gouvernement Haïtien (GOH)
Organisée par la Banque interaméricaine de développement (BID) et le GOH, la conférence a pour thème « Vers un nouveau paradigme de coopération en faveur de la croissance et de nouvelles perspectives ». Elle a réuni les dirigeants de 28 pays donateurs et organisations multilatérales qui ont discuté des priorités pour Haïti et des mesures à prendre pour accroître l'efficacité de l'aide et la coordination entre les donateurs.
Dans un message à la nation avant son départ pour la Conférence, la Première Ministre, Mme Pierre-Louis, a fait part de ses attentes, soit 125 M d’USD en appui budgétaire complémentaire pour l’année fiscale 2008-2009. Dans le document de référence discuté à la rencontre préparatoire d’Ottawa de mars 2009, il a été question d’actions pour les deux prochaines années de l’ordre de 500 M d’USD. Mais, notre Première Ministre n’en n’avait pas parlé. Toutefois, en énumérant les actions prévues et priorisées, on a compris que le GOH aurait besoin de cette valeur pour le financement de ces actions. Elles se déclinent en quatre grandes catégories (i) La réduction de la vulnérabilité aux désastres naturels, (ii) La relance économique, (iii) Le maintien de l’accès aux services de base, et (iv) La stabilité du cadre macroéconomique. « L'agriculture, les infrastructures, l'éducation, la santé, les risques et désastres, sont les différents secteurs ciblés par les autorités haïtiennes et pour lesquels des programmes et projets seront présentés » a déclaré la Première Ministre quelques jours avant son départ pour Washington.

La barre placée trop bas par le GOH mais des perspectives plutôt heureuses pour le pays
Si on se réfère aux autres conférences passées, c’est pour la première fois qu’un GOH a sollicité des montants aussi bas. Certes, la crise financière mondiale incite à la prudence, mais, face au momentum actuel vis-à-vis d’Haïti, au travail de lobbying de Ban Ki Moon, au communiqué du G20 et ses bonnes intentions vis-à-vis des pays à faible revenu et vulnérables, on n’a pas compris cette position du GOH. En tout cas, les promesses de fonds (324 M d’USD) faites à l’issue de la conférence de Washington sont nettement au-delà des attentes du GOH, même s’il faudrait mettre un bémol par rapport au montant alloué à l’appui budgétaire inférieur aux 125 M sollicités. Ce qui permettra, tout de même, au pays, qui a déjà 3 milliards d’USD de projets en cours (déclaration finale de la conférence), avec l’effacement de 1 milliards d’USD de la dette à partir de juin 2009, et subséquemment une diminution du service de la dette de l’ordre de 48 M d’USD/an (Le Matin 15/04/09), de contempler son avenir immédiat avec un certain optimisme.
En effet, Haïti, selon la Première Ministre, pourra (i) créer 150000 emplois sur une période de deux ans, (ii) réhabiliter et mettre en valeur 6000 ha de terre dans le Nord et le Nord-est, 12000 ha dans la vallée de l’Artibonite et 5000 ha dans la Plaine des Cayes, (iii) réhabiliter la route Carrefour Joffre/Gros Morne/Port-de-Paix, la route St Marc/Cap-Haïtien et la route Miragoâne/Nippes, (iv) Réduire la vulnérabilité des villes comme Gonaïves, Cabaret, Léogane et Jacmel, (v) améliorer les services de base (santé, éducation, eau potable), (vi) rendre disponible l’électricité pour l’implémentation des usines et les activités scolaires nocturnes.
Avec un ensemble de dossiers disponibles ou en phase de finalisation, le DSNCRP (3.86 Mds USD), le PDNA (800 M USD), le Maillage routier National , la politique de relance du secteur agricole , le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNSAN), le programme d’urgence pré-cyclonique 2009 (16.3 M USD), le document d’orientation pour la protection des Gonaïves (941 M USD), le rapport Collier, pour ne citer que ceux-là, Haïti dispose de suffisamment d’atouts, qui pourraient rentrer dans un plan global de 25 ans, avec l’apport éventuel et souhaitable des gens de la société civile (SC), du secteur privé (SP), de la diaspora et de la communauté internationale (CI), pour aller tester les bonnes intentions du G20 et de la frange de la CI déjà acquise à notre cause. Pour cela, il nous faut renoncer à nos vieux démons de division, de corruption, de dénigrement de nous-mêmes et, surtout, du déchoucage, en vue de nous mettre ensemble pour regarder dans une seule direction, le développement durable de notre pays, en agissant simultanément et sérieusement sur l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique et la politique (gouvernance). Kote sa nou pa ka fè la ?