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mardi 7 mars 2023

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (35) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (12), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, PLUS DE TERRITOIRES POUR LES GANGS

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (35) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (12), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, PLUS DE TERRITOIRES POUR LES GANGS

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 MARS 2023

              J’ai terminé la 34e chronique relative au questionnement «  Haïti et le monde à la croisée des chemins (?), avec la certitude que notre pays, « Haïti ne pourra pas sortir de ce bourbier sans un appui musclé de la communauté internationale ». C’est aussi « la position de 69% de la population haïtienne ». Et j’ai écrit aussi  que  « la solution à la problématique haïtienne passera forcément par une proposition collective haïtienne en termes de programme d’urgence et de long terme appuyée par la communauté internationale. C’est la porte de salut pour Haït[1]i ! »  

              Dans cette 35e chronique, si, au niveau mondial, l’actualité est dominée (i) par le tremblement de terre (7.8 de magnitude) en Turquie et en Syrie, avec des dégâts considérables et près de 50,000 morts, et (ii) par la stagnation de la guerre en Ukraine au niveau de Donbass, dans l’est de l’Ukraine, avec un certain avantage pour la Russie,  au niveau d’Haïti c’est la mort subite de l’Ex PM Gérard Latortue[2], la persistance de l’instabilité politique et de l’insécurité avec des gains territoriaux de la part des gangs tant au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qu’au niveau de l’Artibonite. D’où le titre de  cette 35e chronique : « HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (35) ? LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (11), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE, PLUS DE TERRITOIRES POUR LES GANGS.»

  1.     SITUATION AU NIVEAU MONDIAL

 

 La guerre en Ukraine[3]

Le 24 février 2023 a marqué le 12e mois de cette guerre et amorce le 13e mois. La situation n’évolue pas trop par rapport au mois dernier. Le Donbass demeure le centre névralgique  de la guerre d’attrition qui y sévit, avec un certain avantage pour la Russie.  Elle est en train de gagner la bataille Bakhmuth[4] au prix de pertes énormes en vies humaines et en matériels. Les soldats ukrainiens se retirent au fur et à mesure sur les hauteurs dominant la ville.

              La guerre en chiffres  

Plus globalement, après un an de guerre, la Russie, qui, dans les premiers mois (février-juin 22), avait occupé 20% du territoire ukrainien, a dû, face à la contre-offensive de l’été (août 22), en concéder 6% à l’Ukraine dont les territoires des grandes villes comme Kharkiv, Kherson, etc. Les pertes en vies humaines se chiffrent en  dizaines de milliers et même en centaines de milliers. Les ukrainiens admettent avoir perdu plus de 13,000 hommes, quant aux russes, ils parlent de 6000 hommes. Mais les sources occidentales parlent de près de 200,000 du côté russe et de 80 à 100,000 du côté ukrainien. Les civils ukrainiens atteignent au moins 100,000 morts. Quant aux réfugiés ukrainiens, on parle plus de 8,000,000 personnes, en excluant les 300,000 enfants déportés vers la Russie. Les pertes en matériels de guerre atteignent près de 10,000 du côté russe et près de 7000 du côté ukrainien. Quant aux dégâts matériels, ils se chiffrent à des centaines de milliards de dollars américains. Certaines villes ukrainiennes sont rasées à 90% par les bombardements russes. Les installations civiles en matière d’électricité, très endommagées jusqu’au début de l’Hiver, sont actuellement réparées ou en phase de réparation. Ce qui fait dire aux occidentaux que l’Ukraine a gagné la bataille de l’électricité.

Contre-offensive russe ou Ukrainienne ?

Pour la suite  de cette guerre de longue durée, les occidentaux ont fourni et fournissent, même avec beaucoup de retard, des armes sophistiquées offensives et défensives à l’Ukraine. Actuellement, l’Ukraine  est beaucoup mieux armée qu’elle ne l’était au début de la guerre. Avec les moyens mis à disposition par l’Occident, Etats Unis en tête, l’Ukraine deviendra encore plus forte et pourra mieux faire face à une probable contre-offensive russe et/ou mieux préparer une nouvelle contre-offensive dans les prochaines semaines ou deux prochains mois, très certainement après le dégel du printemps.

Joe Biden en Ukraine, Zelensky en Europe de l’Ouest

Il faut noter qu’au cours du mois de février, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, a effectué des visites d’Etat en Angleterre, en France, et a été reçu au Parlement Européen. Le président américain, Joe Biden, a effectué une visite surprise dans la capitale ukrainienne, à Kiev, le 20 février 23, et a promis d’autres appuis au président Zelensky, avant de se rendre en Pologne. Et le 24 février, le jour du 1er anniversaire de la guerre, l’Assemblée Générale des Nations Unies a voté, avec une majorité de 141 pays « pour », de 7 pays « contre » et de l’abstention de 32 pays dont naturellement la Chine, la résolution condamnant l’agression de la Russie contre l’Ukraine. La chine a présenté un plan de paix plutôt pro-russe sans consulter l’Ukraine, la victime de l’agression, dossier Taïwan oblige.

Le nouvel ordre mondial est en train de se dessiner

La guerre en Ukraine oriente le monde vers trois camps, les pro-russes, les pro-occidentaux et les pro-non alignés qui penchent un peu plus du coté russe. Le nouvel ordre mondial est en train de se dessiner.  Dans cette répartition du monde, le dossier d’Haïti à l’ONU oppose la Chine et la Russie d’un côté, les USA, la France et le Canada de l’autre. Et la crise multiforme d’Haïti s’invite dans la géopolitique mondiale.

        3.     SITUATION AU NIVEAU D’HAITI[5]

 En ce mois de février 2023, Haïti a beaucoup dansé, période carnavalesque oblige, sans pour autant baisser le niveau d’insécurité, sauf durant les trois jours  gras. Donc, il n’y a pas de différence entre le mois de février et les six derniers mois. La détérioration de la situation globale persiste, et l’insécurité prend de l’ampleur. L’origine de toute cette situation est bien décrite dans le rapport des Nations Unies sur le trafic d’armes et de drogue en Haïti qui est devenue un carrefour de trafics de tous genres. Malgré la 44e Réunion de la CARICOM à Bahamas, malgré la présence dans les eaux haïtiennes de 2 bateaux de guerre de la marine canadienne, malgré la présence d’une mission de la CARICOM, avec à sa tête le premier ministre de la Jamaïque, Andrew Holness, la situation semble connaitre une accélération négative. La mission de Mme Lalime à la tête du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a pris fin. C’est ce moment-là que l’ex-Pm Gérard Latortue a choisi pour danser « le dernier Tango[6] » à l’âge de 88 ans. Paix à son âme !

Le chaos, l’instabilité politique et l’insécurité généralisée

Dans le cadre de l’accord du 21 décembre 2022, il a été mis en place le Haut Conseil de Transition (HCT) le 6 février 2023, avec à sa tête Mme Manigat. Tout le long du mois de février, la situation générale du pays se détériore davantage. Comme on est un peuple qui chante et qui danse, la période carnavalesque aide beaucoup le pays à oublier ses problèmes quotidiens, en tout cas une bonne et grande partie  du peuple haïtien.

Toutefois, les bandits n’ont pas chômé. Un peu effrayés lors du survol du territoire haïtien par cet avion canadien et par l’opération tornade 1 déclenchée par la police nationale, les bandits se sont repris et ont agrandi leurs territoires tant au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qu’au niveau du Bas-Artibonite. Le leader des 400 Mawozo est revenu sur la scène, tandis que Vitelhomme Innocent, en difficulté un moment et coincé par la PNH, s’est replié pour rebondir. Ses hommes qui ont tué au moins 4 policiers au mois de janvier et plusieurs civils, ont envahi la zone de Fort Jacques, se sont emparés du commissariat du même nom, y ont mis le feu et calciné des véhicules de la PNH, et se sont attaqués à des résidences privées, volant, violant et tuant des personnes paisibles. Ce qui a provoqué un exode de la plupart des résidents vers des zones plus clémentes aux environs de la Capitale et dans les villes de province.

Quant aux bandits de l’Artibonite, en l’occurrence, Base GrandGrif et autres, ils ont étendu leurs territoires tout le long de la route interdépartementale, Pont-Sondé-Mirebalais, occupant les villes comme Désarmes, Verrettes, Deschapelles et Liancourt, s’accaparant par la même occasion les commissariats et sous-commissariats se trouvant sur leur parcours. Le commissariat de L’Estère a été évacué durant quelques jours ; heureusement la PNH en a repris le contrôle. 

Les conséquences de la situation décrite plus haut

Les territoires occupés sont des zones résidentielles, commerciales et de productions agricoles. Ce qui a des effets socioéconomiques très sérieux. Pour ce qui concerne la zone du Bas Artibonite, c’est là que se situe le plus grand système d’irrigation du pays où se concentre la plus grande rizière du pays (32,000 ha), sans compter les autres systèmes de moyenne importance qui, en plus du riz, produisent d’autres cultures vivrières. Imaginez les impacts de ces occupations de territoires sur la production nationale en générale, et la production agricole en particulier.

Les gangs se sont attaqués aux établissements scolaires en kidnappant les parents et les enfants, selon certaines sources ils ont kidnappé plus de 80 personnes pour le seul mois de février. Comme ils se sont mis à se battre entre eux pour des territoires (Bélair, Solino, Delmas 24, Nazon. Etc.), on dénombre des morts et des blessés. La plupart se sont permis de faire irruption dans des hôpitaux pour achever leurs rivaux blessés en présence des soignants (Docteurs, infirmières, auxiliaires). Ce qui a provoqué des fermetures d’hôpitaux, de centres de santé et autres dont le dernier hôpital géré par Médecins Sans Frontières. Là encore, imaginez les effets et les impacts sur la population haïtienne. C’est tout simplement l’enfer !

La Communauté Internationale et l’entente inter-haïtienne ?

Et la Communauté internationale (ONU, OEA, CARICOM, USA, CANADA) s’amuse avec le dossier Haïti, organisant des réunions, envoyant des missions, avions et bateaux en Haïti, avec un seul refrain, la nécessité d’abord d’une entente inter-haïtienne. Ce refrain dure depuis Jovenel Moïse, qui a été crapuleusement assassiné. Et son assassinat aurait été déjà oublié si les USA n’avaient pas continué à investiguer sur ce dossier. Un Procureur américain d’origine haïtienne, Mackenzie Lapointe, a fait venir d’Haïti les principaux prisonniers du Pénitencier National, dont Sanon et 3 autres, et  a fait coffrer 4 suspects américains de l’entreprise, dont le chef d’origine vénézuélienne, impliquée dans la planification de l’assassinat du président Jovenel Moïse.

Le rapport de l’UNODC et la crise haïtienne

Le rapport produit par l’UNODC sur le trafic des armes et de la drogue vers Haïti explique en grande partie la situation actuelle d’Haïti. Il suffit de bien regarder les schémas y relatifs pour comprendre les routes suivies par les armes et la drogue vers Haïti. Ce rapport nous a permis de comprendre les sources d’approvisionnement qui sont les USA et la Jamaïque, et de déduire les parties prenantes nationales impliquées dans l’approvisionnement des gangs en armes et en munitions. Ce rapport a retracé  les pays d’origine de la drogue, des pays de l’Amérique latine et de la Caraïbe (Colombie, Venezuela, Costa-Rica et la Jamaïque. La drogue passe en transit en Haïti, va vers la République Dominicaine, les USA et vers l’Europe, Italie et autres. On comprend, à partir de ces informations, qu’il aurait été difficile pour notre Haïti, en tant que Carrefour, de ne pas en subir les conséquences. Le trafic d’armes et de la drogue contribue grandement au chaos, à l’instabilité politique, à l’impunité, et surtout à l’insécurité généralisée.

            3.    CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

J’aurais pu garder les conclusions et perspectives de la 34e chronique pour cette 35e chronique consacrée à cette interrogation «  Haïti et le Monde à la croisée des chemins ? ». J’invite mes lecteurs à y jeter un coup d’œil. En tout cas, à une année de la guerre en Ukraine, le monde est à peine commencé à subir les répercussions de cette « guerre mondialisée ».  Cette première année de guerre sur le sol européen entre la Russie et l’Ukraine semble partir pour durer. Certes, elle s’enlise maintenant dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine, avec un certain avantage pour la Russie.

Malheureusement, les deux camps sont en train de préparer une sorte de contre-offensive. Personne ne peut prévoir à ce stade l’issue de la guerre. L’Ukraine est devenue beaucoup plus forte qu’elle ne l’était au début de la guerre. Les armes fournies par l’Occident et d’autres moyens mis à sa disposition devraient favoriser une meilleure résistance face à une éventuelle contre-offensive russe et même de pouvoir envisager une probable contre-offensive contre la Russie pour récupérer ses territoires en tout et en partie sous domination russe. Cette guerre continue d’impacter le monde entier, en redessinant l’ordre mondial actuel, en aggravant la crise économique mondiale par ses effets immédiats et de long terme sur le monde et sur Haïti.

Quant à Haïti, elle n’est pas prête de sortir de l’auberge. La crise multiforme et multidimensionnelle s’aggrave de jour en jour. L’occupation des territoires de plus importants par les gangs amenuise de plus en plus la marge de manœuvre de l’Etat, qui se révèle de plus en plus inexistant. Les politiques qui ne comprennent rien à rien, sinon le maintien ou la prise du pouvoir à n’importe quel prix, se fichent pas mal du sort du pays haïtien. C’est la bataille des clans au détriment du pays. Et la communauté internationale (CI) nous regarde nous entredéchirer en faisant semblant de se préoccuper de notre sort. Va-t-on vers un pouvoir direct des gangs ou vers une résolution de la crise par un appui musclé de la CI ?