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dimanche 30 septembre 2012

HAITI: CHERTE DE LA VIE, QUELLES SOLUTIONS ?



HAITI: CHERTE DE LA VIE, QUELLES SOLUTIONS ?
JEAN ROBERT JEAN-NOEL
30 SEPTEMBRE 2012

Singulier petit pays ! Depuis le Congrès de l’Arcahaie, le 18 mai 1803, où Dessalines et Pétion se sont mis d’accord pour la lutte en vue de  l’indépendance d’Haïti, le 1er janvier 1804, face à la plus grande puissance coloniale de l’époque, la France,  l’histoire n’a pas rapporté d’autres dates où nous nous sommes mis ensemble pour quelque chose. C’est comme si la leçon fondamentale retenue de ce Congrès est la lutte « contre la puissance française » et non « pour l’indépendance d’Haïti ». En effet, deux ans 10 mois  et 17 jours après l’indépendance, nous nous sommes mis d’accord contre le père de l’indépendance, en tuant l’Empereur Dessalines. Ce « parricide » a ancré  dans notre subconscient, peut-être pour  payer  ce crime expiatoire, la tendance à nous mettre toujours d’accord contre quelque chose ou quelqu’un et jamais pour Haïti. Au lieu de construire, nous nous sommes mis à détruire. Jusqu’à réduire à une peau de chagrin notre espace de vie. Haïti est tellement devenue vulnérable que, eu égard à nos luttes intestines pour le pouvoir politique, la moindre averse se traduit par des inondations et des dizaines de morts. Nos efforts pour nous donner à manger se heurtent aux phénomènes naturels et anthropiques  susceptibles de les anéantir mais aussi et surtout de nous apporter d’autres sources de souffrances.

Cette semaine, à la faveur de la cherté de la vie, un phénomène mondial qui, vu notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur, nous frappe de plein fret, surtout les plus vulnérables, on dénombre des manifestations au Cap, aux Cayes et à Port-au-Prince contre la vie chère, et de plus en plus contre le Président Martelly. La ville des Gonaïves, baromètre politique depuis 1985, s’est prononcée pour le Président Martelly, pendant combien de temps encore ? D’un phénomène économique sur lequel on aurait dû se mettre d’accord consensuellement pour trouver des solutions de court, moyen et long termes pour notre pays exsangue, on l’a transposé sur le plan politique pour mieux nous antagoniser et régler nos comptes politiques avec le pouvoir en place.  Alors, la cherté de la vie en Haïti, quelles solutions ? Techniques ou politiques ?

Les racines de la vie chère en Haïti en 2012

La situation de la vie chère n’est pas particulière à Haïti. Cette sécheresse qui a touché les grands pays producteurs de céréale comme les USA, la Russie, a permis d’augurer cette situation de vie chère. Certes, la situation n’est pas comparable à 2008. En 2008, la tonne de riz sur le marché international était autour de 1000 USD, actuellement elle est autour de 500 USD. Le baril de carburant est loin d’être comparable à 2008. Les émeutes de 2008 se sont produites au Printemps à partir d’une exploitation politique de la situation  de l’époque : http://jrjean-noel.blogspot.com/2008/05/haiti-08-vie-chere-causes-consequences.html. En ce mois de septembre 2012, on vit une période post sécheresse et post cyclone Isaac. On estime à plus de 40% les pertes de production liées à la sécheresse. Les pertes réelles liées au passage d’Isaac sont de 160 M USD (CNSA). Il en résulte, en Haïti, une augmentation des prix  de 48.5% des produits stratégiques (riz, maïs, pois, farine de blé) de septembre 2011 à septembre 2012 (CNSA).

Les outils à disposition actuellement

En référence au lien internet plus haut, nous avons analysé, en 2008, le phénomène de la vie chère tant sur le plan conjoncturel, qui est un peu différent maintenant, que sur le plan structurel, qui reste fondamentalement le même, mais qui est mieux cerné maintenant et qui dispose d’outils de réponse. Ces outils, même appliqués entièrement, ne pourront donner leur pleine mesure que sur le long terme (horizon 2025). Actuellement, Haïti dispose  de toute une batterie de réponses, le plan d’action pour le relèvement et le développement national (PARDN 2010-2032), le Plan Stratégique de développement d’Haïti (PSDH non encore validé), le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNSAN 2010-2025), la politique de développement agricole (PDA 2010-2025), le plan national d’investissement agricole (PNIA 2010-2016), le Plan Directeur de vulgarisation agricole (PDVA 2010-2016), le programme de développement agricole du gouvernement actuel basé en grande partie sur le PNIA, le programme de réponse post sécheresse et post cyclone Isaac de 1.87 Mrds HTG (Sept 2012-Février 2013) actuellement en application.

La situation de la sécurité alimentaire d’Haïti et quelles solutions immédiates ?

En outre, en 2011 selon la CNSA, Haïti ne produit  que 50% de ses besoins alimentaires, reçoit 4% d'aide alimentaire et importe, par l'intermédiaire des commerçants, 46% de ses besoins pour être en équilibre alimentaire. Pour agir immédiatement sur la situation actuelle, il a fallu envisager une approche de subvention comme pour le carburant et comme, récemment, pour l'engrais. En clair, l'Etat subventionne et fixe les prix des produits stratégiques sur tout le territoire, ne serait-ce que pour un temps limite? Combien de temps? Combien d'argent ? Et ou trouver cet argent?

En tout cas, c’est cette solution qui est actuellement en application accouplée au programme post sécheresse/cyclone Isaac : http://jrjean-noel.blogspot.com/2012/09/haiti-savanne-dianee-et-isaac-de.htm. L’Etat a décidé de subventionner un ensemble de produits stratégiques (riz, maïs, pois, huile, etc.).  La solution subvention ne peut être que provisoire car l'Etat d'Haïti, contrairement aux grands pays industrialisés et grands producteurs de denrées alimentaires, n'a pas les moyens d'une subvention permanente du secteur agricole. Nos amis n'accepteraient jamais de financer la subvention du secteur agricole haïtien. Le programme post sécheresse/cyclone ne reçoit qu’une partie des financements nécessaires de l’Etat d’Haïti. Il faudrait trouver le GAP du coté de la communauté internationale. Ce qui nécessiterait des négociations dans une ambiance non surchauffée. Or la situation politique qui se développe actuellement ne permet pas d’avoir une ambiance sereine propre aux négociations. Au contraire ! Donc si le Gouvernement ne trouve pas de moyens propres et quelques dons sans trop grandes conditionnalités de la communauté internationale, la situation aura de préférence tendance à s’empirer.

Les solutions à moyen et long termes

De plus, il faudrait envisager, à coté de ces solutions de court terme, des actions de long terme contenues dans le plan national de sécurité alimentaire, le plan national d'investissement agricole, le programme agricole du GOH actuelPour arriver à avoir des réponses durables à la vie chère, Haïti a tiré les leçons des émeutes de la  faim de 2008. Malheureusement, tous les GOH, mis à part l'exercice 2008-2009 à partir des apports extrabudgétaires avec des résultats que l’on sait : http://jrjean-noel.blogspot.com/2009/12/haitibilan-2009-du-secteur-agricole-un.html, n'ont pas su doter le secteur de 10% du budget national pour favoriser la relance de l'économie haïtienne. C'est un secteur porteur utilisé au niveau du discours et négligé dans la réalité des faits. D'ou notre situation actuelle de vie chère. Pour la changer définitivement, il faut prendre des mesures appropriées de court, moyen et long termes. Or ces solutions existent heureusement.  Donc il nous faudrait tout simplement nous donner les moyens financiers de notre politique en la matière. En avons-nous la volonté? Préférerions-nous des solutions de chambardements politiques comme en 2004 ou comme en 2008 ?

Les solutions politiques

En 2004, l’année de nos 200 ans d’indépendance, nous nous sommes mis d’accord pour renvoyer le Président Aristide. Car nous croyions dur comme fer que son depart était la solution à nos problèmes. Il est effectivement parti pour revenir 7 ans plus tard nous retrouver dans une situation encore plus alarmante. C’était la même chose en 2008. Haïti a été le seul pays à renvoyer son gouvernement en la personne de M. ALEXIS pour cause de cherté de la vie. En réalité, le renvoi de M. ALEXIS a été fondamentalement politique. Dans les deux cas cités, au lieu de trouver un consensus politique pour avancer, nous avons choisi de chambarder politiquement pour reculer. Notre économie ressemble à celle d’une « économie en guerre », et nous nous foutons pas mal de caracoler en queue du classement mondial en tout. On dirait même que nous en sommes fiers ! C’est toujours l’autre, le responsable!

C’est en fonction de ces expériences vécues, profitables plus à des clans politiques qu’au pays, que j’avais prévu qu’il pourrait y avoir une exploitation politique de la situation post sécheresse et post cyclonique. Cette exploitation politique pourrait être liées à certaines mesures administratives arrêtées par le GOH à l’encontre de ses alliés naturels, ou, tout  au plus, certains d’entre eux. En tout cas, certains membres du Parlement, adversaires politiques du Président Martelly, s’en donneraient à cœur joie  et s’en donnent effectivement (Ramasse de Radio Caraïbes du 29 Sepembre 2012). Il en est de même au niveau de l’opposition politique, les alliances politiques commencent à se dessiner. Comme en de pareilles circonstances, les facteurs combinés conduisent toujours à une augmentation du taux d’insécurité. Ça y est. On est en plein là-dedans, au point que nos amis  des USA, du Canada et de la France ont jugé bon de mettre en garde leurs ressortissants à ne pas faire le voyage en Haïti, si ce n’est strictement nécessaire et d’éviter certaines zones pour ceux-là qui sont sur place. Ce qui complique la tache de l’actuelle administration (open for business) qui fait du tourisme un des piliers de son programme.

La mise à pied du pouvoir exécutif actuel ?

Pour certains parlementaires, partis politiques et personnalités politiques, le départ de l’actuel exécutif est la principale réponse à la cherté de la vie. D’autres, en sourdine, pensent qu’il serait bon que le Président parte en laissant le champ libre au Premier Ministre (diviser pour régner) ou l’inverse (probable position des gens au sein du pouvoir actuel (?), Ex : le cas du PM CONILLE). Or, tous, nous savons que la cherté de la vie a tres peu à voir avec le pouvoir Martelly. Aucun gouvernement (ni actuel ni nouveau) n’a et n’aura de solutions magiques à la cherté de la vie. C’est un problème complexe qui demande du temps, de l’argent et des politiques publiques pour être solutionné. La mise à pied du pouvoir actuel ne résoudra rien. Au contraire ! A moins que... Bon appétit, Messieurs !