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vendredi 7 décembre 2018

HAITI : DU BANDITISME VERS UN ETAT INCLUSIF TOURNE VERS LE DEVELOPPEMENT


HAITI : DU BANDITISME VERS UN ETAT INCLUSIF TOURNE VERS LE DEVELOPPEMENT

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 DECEMBRE 2018, 

Revu et corrige le 8 Decembre 2018

Suite à la séance de convocation du conseil Supérieur de la police nation (CSPN) au Sénat de la République sur la sécurité du pays, le mardi 4 décembre 2018, il m’est venu l’idée de produire ce texte.

Cette séance au Sénat n’a pas été à la hauteur des attentes de la population. La montagne a accouché d’une souris. Mais c’était nécessaire d’avoir cette séance pour bien appréhender l’ampleur du phénomène du banditisme haïtien, le juguler et projeter ensemble un nouvel Etat D’Haïti inclusif tourné vers le développement harmonieux de notre pays.

Après près de 10 heures de temps de débats plutôt stériles sur la question de la sécurité du pays, il est clair, pour tous ceux-là qui ont un minimum de bon sens, de tirer la conclusion suivante : le pays est gangrené de bases de banditisme. 

En effet, tous les sénateurs ont fait mention de la prolifération des gangs au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, mais aussi au niveau l’ensemble du pays. Ces gangs se déplacent d’une zone à une autre avec armes et bagages, selon les pressions exercées par les forces de l’ordre. Ces gangs sont alimentés en majeure partie par nos politiciens et aussi par le secteur privé. « ke se swa nan secte prive-a, ke se swa nan gouveneman e nan opozisyon-an, nou tout gen gang», a confirmé l’honorable Saurel Jacinthe.     (Ref. https://web.facebook.com/radiotelevisioncaraibes/videos/358571548232679/?t=11800)


Déjà, nous savions que plusieurs zones du pays avaient des gangs, des bandits, mais nous ne savions pas que le phénomène était aussi répandu. Dans le temps, on parlait de Cité Soleil au niveau  de  la zone métropolitaine de Port-au-Prince, de Chalon au niveau de Miragoâne, de Nan Paul et de Savane Diane à St Michel de Latalaye, des gangs de la Vallée de l’Artibonite, des gangs à Raboteau aux Gonaïves, des gangs à l’entrée du Cap-Haïtien, des gangs à Petit Goâve, aux Cayes, etc.

Récemment, on a mis le focus sur Martissant,  Jalousie, Grand Ravine, village de Dieu, la Saline, Canaan, Remy et Bas Morne à Cabri à Croix-des-Bouquets, sur  Thomazeau dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince ; sur saint Médard), Williamson à l’Arcahaie ; sur Saint Marc ; sur une bonne partie de La Vallée de l’Artibonite ;  sur certains bidonvilles  de la région métropolitaine du Cap-Haïtien ; sur Petit-Goâve (Chabannes), et  sur Miragoâne (chalon[1]).

Maintenant, au cours de cette séance, nous avons compris que le banditisme s’est métastasé et que c’est le pays entier qui en souffre, d’autant que le banditisme, qui était un phénomène marginal sous la dictature, a pris ses galons durant  la période tumultueuse de l’apprentissage démocratique. Les macoutes non désarmés se sont reconvertis pour la plupart en attachés, il en sera de même pour certains membres de l’Armée d’Haïti après la dissolution  de l’institution par Aristide en 1995.

Depuis les élections de 1987, stoppées dans le sang, (souvenez-vous de Ruelle Vaillant) par l’Armée et les attachés, le banditisme a bénéficié de la protection politique. Les élections de 1990, organisées par Mme Herta Trouillot, ont vu la victoire de Jean Bertrand Aristide (JBA). Les masses défavorisées se sont vu propulsées au pouvoir à travers le Président JBA en 1991, qui, face à des rumeurs de coup d’Etat, va faire l’apologie du supplice du collier (caoutchouc). Ce qui n’a pas évité le coup d’Etat sanglant de l’Armée d’Haïti  contre JBA et a mis fin à cette première expérience du processus démocratique.

Pour résister, le peuple va s’organiser en bases jusqu’au retour de JBA après trois ans d’exil à Washington en 1994. Par la suite, les bases vont proliférer sous tous les gouvernements, en particulier sous le 2e gouvernement de JBA (2001-2004) en vue de faire face à tout éventuel et nouveau coup de force contre l’administration d’Aristide. 

Après le renversement de JBA, le 29 février 2004, elles feront une démonstration de force paralysant la zone métropolitaine de Port-au-Prince durant toute une semaine, et organisant par la suite «l’ opération Bagdad », qui va donner du fil à retordre au gouvernement de transition, jusqu’aux élections générales de 2006, ramenant René Préval au pouvoir, le « frère jumeau » de JBA. Elles ont pris tellement conscience de leur force, Préval a dû utiliser les forces de la police Nationale et de la MINUSTHA[2] pour atténuer leur ardeur et terminer son 2e mandat.

Et Martelly a dû composer avec les bases et d’autres forces pour accéder au pouvoir. Tous les élus, à quelque niveau qu’ils appartiennent, utilisent directement ou indirectement les bases et ont dû composer avec elles, à un moment ou à un autre, pour accéder au pouvoir. Les membres des bases, renforcés par d’autres forces (djab mele ak bon mas), se sont transformés, pour la plupart, en militants politiques et/ou en groupes de bandits sous la protection de la majorité de nos politiciens qui les actionnent pour régler leurs comptes avec leurs adversaires et ennemis politiques. Certains sont devenus des politiciens. D’où la gangrène d’aujourd’hui.

Comment arriver à penser le développement dans une telle ambiance ? Actuellement, tous les indicateurs sont au rouge. Les bandits font la loi. L’économie périclite. Le peu de moyens dont dispose le gouvernement est utilisé à des fins d’apaisement social et autres, sans pouvoir allier à sa cause les chefs de gang qui s’arrangent pour manger dans tous les râteliers et créer une situation d’instabilité quasi-permanente en Haïti.

Que faire ? aurait dit Lenine

Avant toute chose, il faut reconnaitre que la prolifération du banditisme est un phénomène social, économique et politique. Pour y face, il faut l’attaquer dans ses trois dimensions.

L’inégalité sociale qui sévit dans ce pays est liée à l’économie. Haïti est l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Cette situation a atteint depuis longtemps son seuil d’intolérance. Il faut la changer au plus vite dans le cadre d’une révolution tranquille ou elle se changera toute seule par la violence aveugle. A nous de choisir. En tout cas, il faudra agir vite politiquement.

Dans un premier temps, il faudra soulager la misère actuelle, apaiser socialement la population, en particulier les couches les plus défavorisées dans les zones les plus défavorisées du monde rural et dans les bidonvilles aux alentours des grandes agglomérations urbaines. Dans le budget 2018-2019 et d’autres budgets à venir, il faudra prévoir des actions d’apaisement social équivalentes  à 10% du budget, où la réinsertion des éléments des gangs et la coercition contre leurs éléments réfractaires et les plus dangereux  seront prises en compte, pour arriver à leur élimination progressive. L’ensemble des programmes sociaux seront regroupés, mis en œuvre de manière concertée par les acteurs impliqués (Etat,  Collectivités territoriales, Secteur Privé, ONG et Société civile) afin de maximiser leurs effets et impacts sur la pacification du pays.

Dans un second temps, il faudra parallèlement, à côté de cette bataille contre le banditisme à coup de programmes sociaux imbriqués par secteur, articulés d’un secteur à un autre et intégrés à l’action gouvernementale, organiser le procès PETROCARIBE, la grande concertation nationale, qui se soldera par le pacte de gouvernabilité et la mise en place du nouvel Etat d’Haïti.

Pour la grande concertation nationale, Haïti dispose des éléments d’un plan de développement inclusif. Le diagnostic est fait sur le plan humain, social, environnemental, infrastructurel, économique et financier, et sur le plan politique/gouvernance, des solutions appropriées sont proposées. Les études sont là : Depuis la commission nationale de la réforme administrative, (CNRA), les diverses commissions présidentielles de l’administration Préval, le Post desasters Needs assesment (PDNA 2010), les documents du secteur Privé, de la société civile, les diverses études du ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE), des bailleurs de fonds, jusqu’aux documents de politiques sectorielles des ministères, le PDNA de 2017, les documents du PNUD-HAITI, de la CNSA,  de la caravane du changement, des états généraux, sectoriels de la nation, etc.

Il nous faudra améliorer tout cela et en faire un plan de développement sur 25 ans pour transformer l’Etat d’Haïti en un État inclusif où tous ses fils et filles vivront en harmonie, dans la prospérité due à l’exploitation correcte de nos ressources naturelles et minières, estimées à plus de 100 trillions de dollars américains[3] par diverses sources dont les plus connues sont le Dr Henri Vixamar[4], l’ing Antoine Dimanche[5], le feu Dr Mathurin pour ne pas les citer.

Depuis 1987, le banditisme a gagné ses galons et plonge le pays dans une forme de crise permanente sous couvert d’un processus démocratique interminable qui a nui considérablement au processus de développement du pays. Cet Etat prédateur, inégalitaire et anti peuple, a atteint ses limites actuellement. Il s’est transformé en un Etat groupusculaire contrôlé par des gangs qui se sont infiltrés dans tous ses interstices et même dans ses sphères d’actions les plus élevées. Il faut juguler cet Etat et le transformer en cet autre Etat inclusif, issu de la grande concertation nationale, en vue d’aboutir à ce développement National d’Haïti rêvé par chacun de ses filles et fils et où il fera bon vivre. Nous pouvons le faire, nous sommes obligés de le faire ! Sans quoi nous périrons tous !



[1] En termes de zone sous contrôle de gang, Chalon est une constante. Entre janvier et Mars 2011, Chalon s’est illustré depuis  comme le point névralgique de la Nationale No2, comme le sera devenu Saint Médard (Arcahaie) depuis l’élection de Jovenel Moïse à partir  janvier 2017 jusqu’à date sur la Nationale No 1.
[2] Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti
[4] Interview à l’émission Le Point du 3 Février 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=-2xh5WyRnSY&t=1201s
[5] Effectivement, selon l’ingénieur Antoine Dimanche, le Pays dispose  de l’or, de l’argent, du cuivre, du pétrole prêt à être exploité,  du gaz naturel (5 Trillion de mde propane), du béton bitumineux à l’état naturel sur 24 km2 (zone de Jérémie), etc. Une fois ces ressources en phase d’exploitation, l’ haïtien le plus pauvre aurait, selon lui, 100,000 USD au minimum sur son compte en banque. Réf. https://jrjean-noel.blogspot.com/2014/08/haiti-imbroglio-politique-desras.html