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mercredi 30 septembre 2020

COVID-19 HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (7), L’ENTROPIE POLITIQUE, L’INSECURITE, UNE GOURDE FORTE ET LA PEUR.

 

COVID-19 HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (7), L’ENTROPIE POLITIQUE, L’INSECURITE, UNE GOURDE FORTE ET LA PEUR.

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 SEPTEMBRE 2020

REVU LE 1ER OCTOBRE 2020

J’ai terminé ma chronique du mois d’Aout 2020, en suggérant au pays de choisir le chemin du dialogue, par l’amélioration de la proposition de Gabriel Fortuné[1]. Je reste persuadé que la crise haïtienne ne pourra se résoudre que par une grande entente inter haïtienne inclusive. Une fois, sur un sujet controversé qui a occupé l’actualité durant un mois, j’avais suggéré une négociation entre nous. Un ami est entré dans une colère noire et m’a répondu : « négociation entre qui et qui ?». Je me gardais de répondre, car, pour moi, la réponse était évidente : entre nous.

Il est clair que l'haïtien est trop manichéen pour discuter de quoi que ce soit, surtout en matière politique. Depuis 1806, le pays est en crise. Le résultat est ce qu’il est aujourd’hui, le seul PMA de l’hémisphère occidental. Tous ses indicateurs sont au rouge, parce que nous nous battons pour nos clans respectifs et jamais pour Haïti. Les mots clés de notre histoire de peuple sont révolution, guerre civile, révolte, division, polarisation, radicalisation. Nous nous mettons d’accord uniquement contre quelque chose ou contre quelqu’un, au point qu’il m’était venu à l’idée de proposer un « complot positif pour Haïti[2] » dans deux chroniques différentes[3]après des événements pouvant nous rallier autour de la situation de notre pays.

Comme pour le tremblement de terre de 2010, même le coronavirus ne nous a pas permis de nous mettre d’accord sur une stratégie commune, sur une entente entre nous pour Haïti. Nous avons cette fâcheuse habitude de ramener tout au plan politique et de tout mesurer à l’aune de la politique politicienne. Heureusement, pour une raison ou une autre, d’ailleurs inexplicable scientifiquement, cette pandémie mondiale ne nous a pas trop affectés. Depuis le cas no 1 du 19 mars  jusqu’à ce constat  de 0 cas enregistré ce  27 septembre 2020,  Haïti a enregistré au total: 8,740 cas confirmés, 227 morts, 6,757 cas récupérés. Le monde[4] a enregistré  au 29 septembre 2020,  33, 469,217 cas confirmés, 1, 003,791 morts et 23, 151,154 cas récupérés. Et les USA sont toujours en tête, ce qui en fait un thème de campagne, favorisant une avance significative de Joe Biden (48%) par rapport à Donald Trump (41%), selon un sondage national de New York Times, et permettant à Biden de dominer le premier débat télévisé du 29 septembre 2020 face à Trump, 60% et 28%, selon un sondage à chaud de la chaine américaine CNN. Dépendant des résultats de la présidentielle américaine, le 3 novembre 2020, les lignes vont bouger sur l’échiquier politique haïtien et auront un impact certain sur notre situation de peuple.

En ce mois de septembre 2020, notre situation de peuple est encore plus alarmante qu’avant, surtout en pleine entropie politique où le langage de division, des menaces de chambardement, de violence et de haine prédomine. En plus d’avoir faim, nous avons peur, une peur panique liée à des assassinats spectaculaires[5] découlant de la polarisation encore plus marquée des acteurs politiques, de l’insécurité globale et de leurs effets socioéconomiques sur notre pays avec une gourde de plus en plus forte. Durant ce mois de septembre 2020, en plus de l’appréciation continue de la gourde par rapport au dollar, trois événements majeurs ont focalisé tous les esprits :

(i)         L’assassinat spectaculaire de Me Dorval le 28 Aout 2020 a occupé l’actualité. Les parents  du défunt ont dû, vu la tendance à  la récupération politique de cette mort violente, organiser des funérailles intimes du Docteur en droit, Monferrier Dorval, Bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince. Ses pairs, ses étudiants en droit et ses amis ont dû se contenter de manifestations de rue et de prises de parole  dans les médias, et lors de la messe de requiem à l’Eglise Saint de Pierre de Pétionville, dont l’oraison funèbre de Me Gousse[6], l’homélie de Mgr Dumas, etc.;

 

(ii)        Les actions spectaculaires de Fantom 509, un groupe de bandits issus de la Police Nationale d’Haïti (PNH), qui avait déjà fait parler la poudre, en brulant le cabinet de Me Madistin lors des débats sur la nécessité ou non de créer un syndicat au sein de la PNH, en brulant les stands de Carnaval au Champs de Mars, et an attaquant Radio Caraïbes et le quartier Général de l’Armée d’Haïti ; ils ont remis cela la 2e semaine du mois de septembre 2020, en brulant environ une trentaine de véhicules immatriculés Service de l’Etat (SE), des bureaux  de l’Etat, Office National d’Identification (ONI) et  du Fonds d’Assistances Economiques et Sociales (FAES) qui a perdu une dizaine de véhicules à l’état neuf, tout simplement pour exiger la libération de leurs frères d’armes, dont les 4 policiers du corps (UDMO), accusés de négligence dans la surveillance de la maison de Me Dorval vandalisée et souillée, et Pascal Alexandre, un policier, membre du syndicat, suspecté d’avoir participé à certains actes de banditisme. En tout cas, Fantom 509 a eu gain de cause. Les policiers en question sont libérés et Pascal Alexandre a été accueilli comme un héros par une frange de la population métropolitaine en liesse et par quelques membres toujours encagoulés de Fantom 509.

 

(iii)       La publication d’un arrêté présidentiel de nomination[7] controversée[8] et l’investiture, au Palais National et sans l’aval de la Cour des Cassations, d’un Conseil Electoral Provisoire (CEP) de 9 membres issus d’organisations non prévues par la Constitution pour la plupart, et suscitant beaucoup de réactions négatives au sein de la société haïtienne, dont celle de Me Madistin qui y voit la mise en place d’un « Etat voyou et délinquant[9]», et celle de Me Gousse qui qualifie l’arrêté,  dont la mission est d’organiser un référendum pour la mise en place d’une nouvelle constitution et d’organiser les élections, « d’illégal et d’inconstitutionnel», sans évoquer les positions les plus tranchées de l’ensemble des acteurs de l’opposition politique, de la Société civile organisée, et celle du parti PHTK par la voix de son représentant, Liné Baltazar, qui recommande la recherche préalable d’un consensus ; il a rappelé les actes législatifs en relation avec les élections pris par le président Martelly et qui ont été retirés jusqu’à l’obtention d’un minimum de consensus en vue des élections de 2015.


La monnaie américaine en chute libre et la gourde en hausse 

Il faut signaler qu’à côté de ces faits saillants qui ont défrayé la chronique, la dégringolade du dollar par rapport à la gourde en est un fait marquant. C’est la chute libre de la monnaie américaine. Le graphe de Pierre Montès, PHD en génie de son état, est très parlant. D’Août 2018, tout de suite après les émeutes des 6,7 et 8 Juillets 2018, à Août 2020, la gourde qui s’échangeait à environ 68 G pour 1 USD a monté la rampe jusqu’à atteindre officiellement 122 G pour 1 USD et plus de 125 G pour 1 USD sur le marché parallèle. Cette même gourde a provoqué une chute brutale du dollar en un peu plus d’un mois pour passer de 122 G à environ 70 G pour 1 USD.

Cette chute spectaculaire a fait beaucoup plus d’heureux dans un camp que dans l’autre. Les employés du secteur publique et du secteur privé (environ 300,000), ayant des salaires en gourde jubilent, tandis que les industriels orientés vers l’exportation  crient aux désastres, interpellent l’administration en place sur de possibles faillites et menacent d’une éventuelle hécatombe au niveau de l’industrie de la sous-traitance, comme cela s’est produit quelques années auparavant en République Dominicaine, alors que l’économiste Labossière pense qu’il faudrait maintenir la pression pour ramener le taux de change à sa valeur réelle autour de 60-40 G pour 1 dollar et pourquoi pas à 25 G pour 1 USD ?. Il pense que la Banque Centrale devrait prendre ses responsabilités dans le cadre d’une politique monétaire axée sur les fondamentaux de l’économie haïtienne et non sur les spéculations orchestrées par les banques commerciales. Un ensemble de notes publiées par ce dernier sur Facebook et sur Twitter vont en ce sens. Tout en étant loin d’être un économiste, je penche pour cette solution qui empêcherait la reconstitution de la bulle spéculative liée à la tendance haussière du dollar qui s’est réduite comme une peau de chagrin durant cette période d’un mois et quelques jours et cela continue.

En tout cas, même si l’inflation est encore importante, on remarque une baisse assez significative sur certains produits de première nécessité. Puisse cela continuer sur l’ensemble des produits de base entrant dans le panier de la ménagère. Dans le Programme de Relance Post-COVID (PREPOC 2020-2023) en préparation qui s’articule autour: 1) de la diversification de l’économie et accélération de la croissance ; 2) du développement des services d’infrastructures de base et énergétiques ; 3) du  soutien aux petites et moyennes entreprises et à la création d’emplois ; 4) du développement du capital humain et de l’inclusion sociale ; 5) du renforcement de la résilience aux chocs naturels ; et 6) du renforcement de la sécurité intérieure et de l’État de droit, il faudrait que l’administration actuelle jette les bases d’une politique monétaire allant en ce sens et que le cadre budgétaire y relatif en soit imprégné.

La lettre de Cadrage budgétaire 2020-2021

Selon Le Nouvelliste sous la plume de Robenson Alphonse[10], « L’administration Moïse/ Jouthe, très optimiste, table sur une sortie de la récession économique au cours de l’exercice 2020-2021. Le taux de croissance du PIB devrait faire un bond pour atteindre 2,4 %, contre -2,9 % par rapport à l’exercice 2019-2020, a indiqué le Premier ministre Joseph Jouthe dans la lettre de cadrage du budget 2020-2021 qui fait d’autres projections. À la fin du prochain exercice 2020-2021, l’inflation estimée en glissement annuel est à 27,3 %. La projection de recettes fiscales est de 100 milliards de gourdes. La pression fiscale sera de 6.5% en raison de l’élargissement de la base des comptes nationaux de l’IHSI et des émissions nettes de trésorerie à 10 milliards de gourdes sont prévues, ce qui constitue « un niveau de financement monétaire compatible aux objectifs de stabilisation du cadre macroéconomique », selon cette lettre de cadrage qui souligne que pour « atteindre l’objectif de croissance, le gouvernement opte pour une politique de diversification et de transformation structurelle de l’économie haïtienne visant à soutenir la base productive et à créer des emplois sans toutefois négliger l’aspect de mitigation de chocs pour les groupes vulnérables ».

          « Vers 25 gourdes pour un dollar ? »


« Le scenario de la gourde forte n’est pas pris en compte dans la lettre de cadrage », selon Frantz Duval du Nouvelliste[11]. 2.4% de croissance en pleine année électorale, 27.3% d’inflation malgré la baisse de certains produits de base due à la chute du dollar, 6.5% de pression fiscale contrairement aux années précédentes autour de 10 à 13% (prévision et la réalité si situe entre 7-10%), 100 Mrds de gourdes de recettes fiscales, une nette augmentation par rapport l’exercice 2019 et 2020, comment expliquer ces prévisions de l’administration actuelle dans la lettre de cadrage? L’administration croit-elle vraiment dans le renforcement de la gourde? Ce sont les questions que se posent les observateurs avisés comme Nesmy Manigat[12], Frantz Duval et autres. En tout cas, Dr Labossière, consultant de la BRH  et du MEF (?), président de l’association des économistes haïtiens, persiste, signe et croit que l’équilibre pourrait s’établir autour de 25 G pour 1 USD. En attendant, « Le dollar qui s’échangeait pour plus de 120 gourdes le 17 août 2020 ne vaut plus ce 28 septembre que 67 gourdes 50 dans les banques et autour de 60 gourdes hors des banques.», toujours selon un éditorial de Frantz Duval, intitulé, «Vers 25 gourdes pour un dollar... Que dit la BRH? »

 

Aux dernières nouvelles, le 30 septembre 2020, le taux de change est de 62 G à l’achat et 64 G à la vente, le budget adopté en conseil des ministres pour l’exercice 2020-2021 est de 254,704,000,001 G, et le contrat d’énergie électrique entre l’Etat et Général Electric est approuvé par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif(CSC/CA) en dépit du différend entre cette institution, le MTPTC et Palais National (un bon point pour notre pays)

        

Et nous avons peur ! Entendez-vous donc pour nous sortir de là !


 La situation politique tendue décrite plus haut  et qui est une constante de notre histoire de peuple est la principale responsable de nos malheurs. Mis à part le 18 mai 1803, où nous nous fumes mis d’accord pour réaliser la seule révolution d’esclaves réussie de l’histoire mondiale moderne, nous avons pris un malin plaisir à nous détruire, en inventant la notion de « crise permanente » depuis le 17 octobre 1806, par l’assassinat crapuleux de notre père fondateur, Jean Jacques Dessalines, le Grand.

Depuis, nous sommes devenus des nains rongés par la division dont le seul et unique objectif demeure l’accession au pouvoir au bénéfice de nos clans respectifs et au détriment de ce coin de terre obtenu au prix du sang versé.

Haïti agonise à cause de cette entropie politique qui mange ses fils et filles les plus qualifiés. C’est la déroute de l’intelligence, le règne de l’impunité, l’apologie de la médiocratie, l’ôte toi que je m’y mette. Sans projet, sans programme, sans plan pour nous sortir de là de manière définitive. On dirait qu’on se complait dans cette descente aux enfers et qu’on y trouve du plaisir jouissif à détruire l’autre, à se détruire et à détruire ce coin de terre qui nous a été légué.

C’est tellement triste ! En plus de favoriser le pouvoir parallèle, réel et occulte des gangs, des bandits au niveau de l’ensemble  du pays, nuisant considérablement à la libre circulation des personnes et des biens, le peu d’institutions qui nous restent n’arrivent même pas à s’entendre, à cause de la prédominance de notre manichéisme,  sur un simple contrat selon les règles de l’art, à instituer correctement une entité vitale pour la démocratisation du pays. L’institution en charge de notre sécurité est inféodée de bandits qui brulent, qui détruisent, et les autres gangs qui gangrènent la République en profitent pour nous voler, nous piller, nous violer et nous tuer de manière spectaculaire dans la rue et chez nous.

Et nous avons peur ! Entendez-vous donc pour nous sortir de là !!!



[7] https://lenouvelliste.com/article/221140/jovenel-moise-nomme-un-cep-pour-organiser-les-elections-et-un-referendum-pour-une-nouvelle-constitution

dimanche 6 septembre 2020

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (6) : LA POLITIQUE FAVORISE L’INSECURITE. QUAND SORTIRA-T-ON DE CE BOURBIER ?

 

COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (6) : LA POLITIQUE FAVORISE L’INSECURITE. QUAND SORTIRA-T-ON DE CE BOURBIER ?

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 SEPTEMBRE 2020

Je commence par m’excuser auprès de mes lecteurs pour le retard. En général, depuis une quinzaine d’années, mes articles sont publiés à la fin du mois concerné ou début du mois suivant. Ce mois-ci, j’ai reçu deux coups de massue sur la tête qui m’ont empêché de synthétiser l’ensemble des 50 pages  d’informations collectées et de la masse d’informations absorbées sur les réseaux sociaux depuis le début du mois d’Aout 2020 jusqu’au début de septembre. Il s’agit de la mort tragique de la Dr Jessica Jeanniton, l’ainée de mes amis Edgard et Eveline Jeanniton, emportée avec son bébé par les eaux d’une rue au niveau de la commune de Tabarre, et l’assassinat par balles de Me Monferrier Dorval. Chaos débout, j’ai mis du temps à me reprendre  et à me décider à produire ce papier. Que mes lecteurs me pardonnent !

A.      HAITI ET LE MONDE EN BREF

Le mois d’Août 2020 n’a pas fait de cadeau à notre pays et ses habitants. Certes, il est constaté un retour timide de l’électricité dans plusieurs endroits du pays, en particulier au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince ; mais le cyclone Laura vient nous rappeler notre vulnérabilité. Avec la réouverture des classes, le 10 Août, nos politiciens de l’opposition plurielle ont aussi repris du service. Les alliances se font pour faire face au pouvoir en place en vue de le pousser à la démission, qui, lui-même, met le cap vers les élections. Pour cela, il faudra mettre sur pied un nouveau Conseil Electoral Provisoire (CEP), les organisations sollicitées par le pouvoir, dont la plupart sont liées à l’opposition plurielle, se font de plus en plus réticentes. Le pouvoir se retrouve dans une véritable impasse et utilise d’autres stratégies pour arriver à ses fins. L’opposition fourbit ses armes et prend des dispositions pour forcer le Président à partir le 7 Février 2021 au plus tard. Le 3e rapport de la Cour Supérieur des comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) sur le dossier Petrocaribe a mis de l’eau au moulin de l’opposition face à Jovenel Moïse et au PHTK « impliqués dans la dilapidation des fonds PETROCARIBE ». Certains membres de l’opposition, ayant des prêts avec l’ONA, sont convoqués par l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) ainsi que le Directeur Général de l’ONA pour des explications. La convocation de l’ex-sénateur Latortue a donné lieu à des casses et d’incendie de véhicules. Enfin, l’assassinat par balles du bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Dorval, le 28 Aout, chez lui, à Pèlerin 5, le même quartier où habite le Président Moïse, et d’autres cas d’assassinats survenus la veille, semblent servir de catalyseur pour amorcer la mobilisation anti-Jovenel.

Sur le plan international, le coronavirus a franchi le cap de 26 millions de cas de contamination et se rapproche de 1 million de morts au 3 Septembre 2020. Les USA sont toujours en tête suivi du Brésil, de l’Inde et de la Russie. Malgré les effets néfastes de la pandémie sur l’économie mondiale, en particulier sur l’économie américaine, les démocrates et les républicains se sont affrontés par convention interposée, en amorçant la dernière ligne droite vers la présidentielle de Novembre 2020. Même si la pandémie demeure un thème de campagne, avec ses effets sur l’économie, on ne sent pas des propositions sérieuses et innovantes sur l’après covid-19. Veut-on refaire pareil sur du papier vélin comme si cette pandémie n’exige pas une nouvelle approche, une nouvelle façon de faire, un nouvel ordre mondial sous le leadership américain ou autres puissances?

Ce qui nous ramène à notre interrogation de Mars 2020, Haïti et le monde sont-ils à la croisée des chemins? Quant à notre pays, Haïti, continue-t-il de voir nos politiciens s’entredéchirer pour les broutilles du pouvoir, nos élites diviser en camps et en clans selon une approche totalement manichéenne, nos gangs s’accoquiner avec eux et d’autres secteurs pour éliminer les honnêtes gens comme Me Dorval en tant que dommages collatéraux, et, par ainsi, aboutir à nous enfoncer davantage dans la crise politique et ses conséquences sur l’économie ? Ou à trouver une formule pour sortir de ce bourbier ?

B.      CORONAVIRUS DANS LE MONDE ET EN HAITI

On sait déjà que le coronavirus met à plat l’économie mondiale. La remontée de la pente sera longue et douloureuse si on se réfère à la récession mondiale de 1929. La récession mondiale de 2020 est donc partie pour durer, d’autant que la plus grande économie mondiale, les USA, se débat avec le virus qui prend de l’ampleur en Californie, au Texas, en Floride, en Géorgie et dans d’autres états américains. Et on craint une deuxième vague  en Automne et surtout en Hiver prochain, le froid aidant. Il suffit de regarder ce qui se passe en Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Pérou, Chili, etc.), en plein hiver austral  et en Afrique du Sud à un degré moindre. Cette inquiétude de 2e vague est valable aussi pour l’Europe. C’est ce qui explique la course aux vaccins (La Russie, Les USA, la France, etc.)

En attendant, la situation est ce qu’elle est au niveau mondial[1] : 26,112,402 cas confirmés, 864,691 cas de mortalité et 17,292,011 de guérisons, avec toujours les USA en tête suivis du Brésil (Amérique du Sud), de l’Inde (Asie), de la Russie (Eurasie), avec une grande prédominance des pays de l’Amérique parmi les premières places.

Heureusement, dans les Caraïbes, et particulièrement en Haïti, la situation demeure plutôt bonne, mise à part la République Dominicaine, où le nouveau Président Abinader, qui a mis en place son administration en un temps record, a dû prolonger l’état d’urgence sanitaire pour autre période de 25 jours pour tenter d’enrayer les effets de Covid-19 sur la population dominicaine. Ce qui complique un peu plus les efforts de ce pays pour relancer son économie. Vu la situation de « vases communicants » (Pharel[2]) et de « colocation » (Henri Hebrard) de la même île, les relations dominico-haïtiennes devraient trouver un souffle plus positif pour avancer ensemble face à la nouvelle conjoncture créée par cette pandémie et la prise de pouvoir par ABINADER. Ce qui est possible avec le nouveau Président dominicain beaucoup plus enclin à collaborer avec notre pays (discours d’investiture). Puisse-t-on saisir cette opportunité pour traiter les vrais problèmes entre ces deux nations sœurs partageant l’Ile Quisqueya ?

Dans un autre registre, quand on regarde ce qui se passe aux USA, où j’ai eu un bref séjour au mois d’Août, les aéroports fréquentés fonctionnent à moins de 50% de leur capacité. Les boutiques à l’intérieur de ces aéroports sont pour la plupart fermés ou fonctionnent au ralenti. Quant aux grands centres commerciaux en Géorgie, j’ai constaté beaucoup d’espaces « for lease » (à louer), et aussi certaines grandes entreprises comme Walmart, qui fonctionnaient 24/24, ferment à une certaine heure. Bref, la reprise est vraiment timide. Qui plus est, on n’a pas senti, lors des conventions  démocrate et républicaine, des propositions sortant de l’ordinaire. Certes, les démocrates ont une bonne avance dans les sondages sur les républicains pour la présidentielle de Novembre 2020, mais cela est plus dû aux effets négatifs de Covid-19 et à la gestion au petit bonheur de M. Trump qu’à des propositions pertinentes et innovantes  de la part des démocrates. Ce qui est sûr, tant du côté de notre voisin de l’Est que du grand voisin du Nord, les choses ne s’annoncent pas du tout rose quant à la reprise économique et ses retombées sur Haïti.

C.       HAITI, VICTIME DU  LAURA ET DE SES DEMONS POLITIQUES

Et chez nous, mise à part l’annonce non officielle d’un plan post-covid-19 en préparation du côté du gouvernement et des documents d’alliance de l’opposition plurielle pour contrecarrer l’administration en place, qui, elle-même, est en pleine action pour concocter un énième CEP en vue des élections en 2021, et en pleine préparation d’une nouvelle constitution dont une première version est soumise au Président Moïse par une commission composée d’illustres inconnus, notre quotidienneté, aggravée par le passage de la tempête tropicale Laura, le 22 Aout 2020, est emmaillée de misère, d’insécurité globale, d’insécurité alimentaire, d’inflation, de victimes de Laura et de Covid-19, etc.

                           « L’Eternel a donné. L’Eternel a ôté. Que le Nom de l’Eternel soit béni »

Le coronavirus est là, même si on estime être relativement « épargné[3] ». Le 1er Septembre, le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP)[4] a fait état de 43 nouveaux cas de contamination et 4 morts. Ce qui porte le total à 8301 cas confirmés, 210 cas de mortalité et 5880 cas de personnes récupérées. Les 43 nouveaux cas se répartissent ainsi : 23 dans le Nord, 9 dans l’Ouest, 5 dans le Nord-Est, 4 dans le Centre et 2 dans l’Artibonite. Les 4 morts sont enregistrés uniquement dans l’Ouest.

Quant à la tempête Laura, elle a provoqué 31 morts, 8 disparus et 8 blessés, 2320 maisons endommagées, 6272 inondées et 243 détruites, selon le bilan de la Protection civile rapporté le 28 Août. Parmi ces morts, les cas de la pédiatre Dr Jessica Jeanniton et de son fils Joshua, emportés par les eaux en furie dans une rue de la Commune de Tabarre, ont défrayé la chronique. Les parents de Jessica, ce brillant cerveau, Edgard et Eveline Jeanniton, mes amis, ainsi que son mari et ses deux petits frères ont dû souffert et souffrent encore le martyre. Lors des funérailles émouvantes[5] à l’église Saint Pierre de Pétionville, l’assistance était émue aux larmes. Moi personnellement, j’ai dû fixer le plafond de l’église Saint Pierre pour retenir mes larmes alors que ma femme sanglotait à côté de moi, ressassant à coup sûr les souvenirs où nos enfants et ceux des Jeanniton, dont la belle et discrète Jessica, avaient été ensemble, surtout lorsqu’on a été à l’Hôtel le Roseau de Joanas Gué, à Mirebalais. Sur le perron de l’Eglise, après la cérémonie, j’ai entouré l’épaule d’Edgard qui m’a remercié d’une voix presqu’inaudible d’un automate : « merci d’être venu ». Bertude, la petite sœur  d’Eveline, la tante de Jessica, la femme de notre ami Ronald Baudin, versait de chaudes larmes lorsqu’elle devait nous fournir quelques explications sur l’endroit où ma femme et moi devrions trouver Eveline après la cérémonie religieuse. On a donc laissé les abords de l’église Saint Pierre, en nous consolant avec ces mots de la Bible : « L’Eternel a donné. L’Eternel a ôté. Que le Nom de l’Eternel soit béni », en pensant furtivement à tous ces morts dont les parents, amis et alliés devraient être dans le même état qu’Eveline et Edgard, en particulier aux assassinats perpétrés par les malfrats, les 27 et 28 Août, contre de paisibles citoyens dont un cerveau comme Dr Dorval, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Port-au-Prince.

                           L’assassinat de Me Dorval

A partir du moment que les positions se radicalisent au niveau politique, je savais que l’insécurité globale allait prendre de l’ampleur. Je ne savais pas qu’elle serait aussi brutale. En général, les malfrats profitent de nos démons politiques pour opérer de manière spectaculaire. Et on enregistre des cas de morts accidentels par balles perdues comme la mort accidentelle du bébé de Cité Soleil et du bébé de Nan Papaye (Croix-des-Bouquets). Mais des assassinats ciblés et spectaculaires, comme ceux de Me Yves Volel, Me Lafontant Joseph, de Me Mireille Durocher Bertin, il y a longtemps qu’on n’enregistre pas ces cas d’assassinats. La semaine du 24 au 28, on a assisté impuissant à 4 assassinats par balles au niveau de la zone métropolitaines de Port-au-Prince d’hommes d’affaires, d’un travailleur de la Presse et d’un avocat, non pas n’importe lequel, le Bâtonnier du barreau de Port-au-Prince, le brillant Me Monferrier Dorval, l’homme au-dessus des camps, suite à une interview au matin avec Robenson Geffrard de Magik 9[6], où il a déclaré, sur l’insistance du Journaliste « être souvent consulté par l’opposition aussi », confirmant par ainsi d’avoir été consulté par le Président. A noter que le Président Moïse, qui, le lendemain, a avoué avoir été en contact avec Me Dorval, veut à tout prix changer la constitution et Me Dorval est pour une nouvelle constitution, avec « un régime présidentialiste et un équilibre parfait des trois pouvoirs ». Il a déclaré, au cours de cette interview, que « c’est le moment idéal de changer la constitution », et ceci, « avec ou sans Jovenel », « en l’absence du Parlement qui n’acceptera jamais de perdre les pouvoirs accordés par l’actuelle constitution », et, tout cela, « avant les élections ». Ce sont des positions très tranchées de la part de l’homme de loi, lâchement assassiné par les malfrats. A qui profite ce crime odieux ? Au pouvoir en place qui semble accuser l’opposition et les « oligarques du secteur de l’Energie » (réf. La lettre du Ministre des Affaires Etrangères, Claude Joseph) ? A l’opposition qui désespérément cherche à remobiliser la population contre le Président Moïse et le PHTK, le parti au pouvoir?

Toujours est-il que l’indignation est générale tant au niveau du pays qu’à l’étranger. Le Président Moïse a réagi ainsi, le 29 Août : « C’est comme si il y a un déclenchement de la machine de l’insécurité depuis jeudi dernier avec l’assassinat de deux entrepreneurs et d’un animateur de radio ». « Qu’ils ne peuvent pas tuer les idées de Monferrier Dorval car ses idées ont pris corps ». Accusant un secteur adepte de la pensée unique : « Le culte de la pensée unique est révolue, nous sommes en démocratie. La démocratie est la tolérance et elle ne se fait pas avec des armes, dit Moïse. Elle se fait de préférence avec la dialectique. Le moment est arrivé pour que les universités, les intellectuels et les élites de refuser l’obscurantisme, l’intolérance, les forces ténébreuses et les petits intérêts ». A cette occasion, la présidence a décrété 3 jours de deuil national du 31 Août au 2 Septembre 2020.

Nous avons appris du Journal Le Nouvelliste[7] : « des messages du monde entier condamnent l’assassinat de Me Monferrier Dorval ». Quant au Barreau de Paris, il a fait de Me Dorval membre du Barreau de Paris à titre posthume. Nous recommandons à nos lecteurs cet article du Nouvelliste où le monde entier honore la mémoire du grand disparu pendant que nous, nous en faisons une affaire politique, alors que lui, l’homme au-dessus des camps, est un dommage collatéral de cette foutue lutte pour les broutilles du pouvoir. Nous espérons que son assassinat, qui est étroitement lié à la situation d’insécurité globale du pays favorisée elle-même par nos luttes intestines, ne restera pas impuni. Le pouvoir a intérêt de trouver, le plus rapidement possible, les assassins sous peine d’être accusé de ce crime odieux survenu à quelques encablures de la résidence privée du Président de la République.

D’autant que, malgré les efforts de la Police Nationale d’Haïti (PNH), depuis les injonctions du Premier Jouthe[8] au Palais, désavouant sans ménagement le Chef de la police, Normil Rameau, lors du dialogue communautaire organisé par le Président Moïse du weekend 8 Août 2020, et consacré aux questions d’énergie et d’insécurité, cette institution se bat sur plusieurs fronts malgré des pertes dans ses rangs, l’œuvre des bandits, qui ne défraient pas la chronique et ne semblent pas interpeller outre mesure les organisations des droits humains, prêtes à  clouer ses membres au pilori à la moindre bévue.

D.      LA SITUATION ECONOMIQUE

La dégringolade du dollar par rapport à la gourde

C’est dans cette ambiance de morosité politique et économique qu’évolue la population haïtienne aux abois et ne sachant à quel saint se vouer face à l’insécurité grandissante et surtout préoccupée par la gestion de la quotidienneté, la recherche du primum vivere en liaison à la cherté de la vie. Heureusement, la sortie fracassante du Gouverneur Baden Dubois[9] de la Banque Centrale face à l’hémorragie causée par la dégringolade de la Gourde face au dollar qui, à certains moments , a dépassé le seuil de 125 G. pour 1 USD au marché parallèle, en prenant des mesures comme l’injection de 47 M. USD dans l’économie sur un montant global prévu de 150 M d’USD, en annonçant d’autres mesures de coercition contre les contrevenants, en les appliquant contre la UNIBANK, le Capital Bank ( respectivement 865.4 millions de gourdes et près de 4 millions de gourdes de pénalités), en favorisant à de simples citoyens d’avoir accès à un certain montant en dollar (2500 USD), et en annonçant la mesure gouvernementale de geler toutes dépenses non essentielles à partir du 4 Septembre (effectivement en vigueur), a créé un choc psychologique qui, depuis, inverse la tendance : la dégringolade du dollar par rapport à la gourde à un rythme accéléré et inquiétant.   Le dollar se vendait, le 4 Septembre, à 98 G. au marché parallèle ; la UNIBANK affiche, le 5 septembre 2020, Taux de change USD/HTG Achat : 98.00 HTG Vente : 100.00 HTG. Pour cette même date le taux de référence de la BRH est de 106.5290 G. Que se passe-t-il ? Pourquoi ce grand GAP?

                           La bulle spéculative qui éclate ?

Eu égard à l’appréciation de la gourde par rapport au dollar américain, à ce « rebond spectaculaire[10] », je ne suis pas trop convaincu par les explications de nos économistes. De la même manière, je n’étais convaincu par les explications fournies par ces mêmes économistes lors de la dégringolade de la gourde[11], sauf Dr Labossière et Valéry Numa qui insistaient plutôt  sur la spéculation[12],  en pleine période du ralentissement drastique de l’économie haïtienne. Et en cette période de pandémie, malgré l’annonce des accords avec le FMI, des promesses des bailleurs, la concrétisation de certaines promesses, cette dégringolade de la gourde persistait et s’aggravait au point d’atteindre la barre de 125 G pour 1 USD sur le marché informel. A côté d’arguments  de déficit budgétaire, de quasi absence de la production nationale, je demandais des arguments plus costauds[13].

E.       EN GUISE DE CONCLUSION 

Le vrai taux de change serait de 60 G pour 1 USD selon Dr Labossière

Maintenant, c’est la même chose. Dans une conjoncture politique aussi difficile marquée par les crimes spectaculaires, des menaces de chambardement de l’administration actuelle, des tueries dans la zone de Bélair, des effets de la tempête Laura, on ne peut pas me dire que ce sont les mesures prises par la BRH, par l’administration en place et l’apport des 3.7 Mrds de gourdes de l’Union Européenne (UE) qui sont à la base de l’appréciation de la gourde par rapport au dollar. Je préfère l’argument de la bulle spéculative qui éclate. En ce sens et une fois de plus, Dr Labossière revient à la charge[14] : « Depuis plusieurs années map di (j’ai dit)  que la dépréciation de la gourde est en grande partie due à la spéculation des banques commerciales et que les fondamentaux de l'économie haïtienne étaient responsables pour une très faible part ». Il croit dur comme fer que : « le vrai taux de change de la gourde par rapport au dollar Américain est d'environ 60 gourde pour un dollar Américain en ce mois de septembre 2020. J'ai obtenu ce chiffre à partir d'un modèle macroéconomique de Simulation qui tient compte de l'offre et de la demande de dollars Américains et des fondamentaux de l'économie haïtienne.»

Il nous faudra stopper la descente aux enfers. Au lieu d’utiliser l’assassinat de Me Dorval, l’homme d’aucun camp, qui a horreur de l’approche manichéenne nous caractérisant, à des fins politiques pour les broutilles du pouvoir, servons-nous de ses idées pour nous entendre et avancer pour Haïti et non pour nos camps et clans respectifs. Ne serait-il pas mieux d’approfondir la proposition de G. Fortuné[15], « Du conseil national de transition à la nouvelle République », pour trouver la solution idéale nous permettant du 18 Novembre 2020 au 18 Novembre 2022, de sortir la tête haute de ce bourbier dans lequel nous pataugeons ? Haïti en sortirait renforcée et tout le monde y gagnerait !!!          

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[2] https://www.youtube.com/watch?v=5wilPSjFzKU&feature=youtu.be interview de Pharel avec l’économiste dominicain Henri Hebrard.