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samedi 16 février 2008

LE GOUVERNEMENT PRVAL/ALEXIS EST-IL BIEN PARTI?

Port-au-Prince le 10 juin 2006

Par Jean Robert JEAN-NOEL

A partir des élections non contestées, le peuple haïtien a élu le nouveau Président le 7 février 2006 et le nouveau Parlement le 21 avril 2006. Le Président et le Parlement sont acceptés par la majorité des haïtiens. Malgré la pluralité du Parlement, le Premier Ministre Alexis a passé haut la main sa ratification et a réussi à faire adopter la déclaration de sa politique générale et son cabinet presque à l’unanimité par les deux branches du Parlement. Et le 9 Juin 2006, le Président, en des termes empreints de sagesse et d’une grande maturité politique, a donné l’investiture au nouveau Gouvernement Haïtien (GOH) composé de dix huit ministres venant d’horizons divers, d’où son qualificatif de gouvernement pluriel. Ce Gouvernement PREVAL-ALEXIS est-il pour autant bien parti ? Le développement de deux grands points permettra de répondre à cette interrogation, les atouts de ce gouvernement et les risques qui pourraient surgir.

A- LES ATOUTS

Les atouts de l’actuel gouvernement haïtien (GOH) se circonscrivent entres autres choses autour des points suivants :

Préval, le rassembleur

Depuis la campagne électorale, Préval s’est comporté différemment des autres. Il était d’un cran au dessus d’eux par son attitude. Il n’a jamais attaqué personne, n’a jamais utilisé de propos choquants vis-à-vis de qui que ce soit, n’a jamais répondu aux attaques personnelles pas même de manière allusive. Une fois élu, il se comporte en rassembleur en parlant de « réconciliation nationale », de « pacte gouvernabilité », mot cher à Evans Paul, de « vision de 25 ans pour Haïti ». Il a entamé des discussions avec les partis politiques, la société civile, le secteur des affaires, le secteur populaire. Il a effectué des voyages à l’étranger tant à Washington, qu’à Cuba en passant par le Venezuela, le Chili, l’Argentine, le Brésil et la République Dominicaine. Le message est simple, de bonnes relations avec tout le monde. Le discours d’investiture du Président et le discours d’investiture du Gouvernement témoignent de ce souci de se comporter en vrai rassembleur dans le cadre d’une politique de dialogue permanent et inter haïtien.

La composition du Gouvernement Haïtien (GOH)

La formation du gouvernement avec les principaux partis représentés au parlement est un atout très sérieux pour le processus d’un vrai dialogue national, pour la mise en œuvre de la déclaration de politique générale du Premier Ministre et pour aider à l’élaboration de la vision consensuelle de 25 ans. Quand on regarde de près le profil du gouvernement, on peut avancer sans trop de risques de se tromper qu’on a affaire à des gens plutôt connus, compétents, honnêtes, expérimentés et, pour la grande majorité, rompus à la gestion des affaires de l’Etat, et aimant profondément Haïti. Autant de critères permettant une réussite probable de ce gouvernement, si nos vieux démons de division ne reprennent pas le dessus. A Alexis et à Préval d’exercer une vigilance de tous les instants et un leadership discret et efficace pour la bonne marche du gouvernement. « La feuille de route » à chaque Ministre et son suivi par le Premier Ministre pourraient constituer un élément de réussite du GOH. Alexis devrait insister auprès de chaque Ministre pour la mise en application stricte de la feuille de route au niveau de chaque Ministère tout en lui dotant des moyens de sa politique en termes de ressources humaines, logistiques et financières, etc.
La politique générale du Gouvernement

La déclaration de politique générale du Premier Ministre répond à la situation du moment en tenant compte des aspects d’urgence dans le cadre du Programme d’Apaisement Social (PAS) dont la fin est prévue pour décembre 2007 avec des actions à caractère structurant et synergique dans toutes les communes du pays ; des aspects durables par la prévision d’un certain nombre d’actions visant de réconcilier le pays avec lui-même, d’augmentation de la production nationale et de renforcement institutionnel de l’Etat, en prévoyant un cadre règlementaire favorisant un meilleur fonctionnement et un certain protectionnisme de l’Etat, en insistant sur les aspects formation, éducation , en mettant en place les infrastructures pour la modernisation de l’Etat. En ce sens, on ressent le souci de la continuité de l’Etat par l’adaptation du CCI aux préoccupations du nouveau GOH.

L’héritage du Gouvernement Boniface- Latortue

Le cadre de coopération intérimaire (CCI) est le seul cadre de référence pour des négociations avec la communauté internationale (CI) actuellement. Lors de la conférence de Bruxelles sur Haïti en octobre 2005, le GOH intérimaire a eu le souci de le prolonger en accord avec la communauté internationale jusqu’en décembre 2007 et a commencé la préparation du document stratégique de réduction de la pauvreté version intérimaire (DSRPI) qui, après validation du nouveau GOH, devrait favoriser l’accès d’Haïti à des fonds concessionnels. Depuis, la nouvelle équipe a pris effectivement en charge l’élaboration de ce document en collaboration avec la CI. En attendant la validation du DSRPI, le nouveau GOH utilise l’outil CCI dont les décaissements au 31 mars 2006 se chiffrent à 964 M USD. Il faudrait noter que cette valeur ne serait engagée sur le terrain qu’à hauteur de 200 à 300 M USD. Ce qui fait que l’actuel GOH disposerait de plus de 600 M USD pour la mise en œuvre de son programme et de plus de 100 M USD de réserve de change au niveau de la BRH. A tout cela, il faudrait ajouter les actions en cours comme la route Gves- St marc, la route des Rails, la route Port-au-prince- Mirebalais, la Route Cap-Ouanaminthe, les rues en adoquins au niveau des petites villes de la Cote Sud d’Haïti et au niveau d’autres villes du pays, la réhabilitation de l’Aéroport du Cap-Haïtien sans parler des multiples actions entreprises au niveau du monde rural haïtien avec un certain succès.

En plus des aspects visibles, le GOH de transition a fait un travail remarquable sur le plan législatif, plus d’une cinquantaine de décrets, d’arrêtés, de dispositions légales et d’un ensemble de projets de lois remis au GOH actuel visant pour la grande majorité l’institutionnalisation et la modernisation de l’Etat. Il faut citer ici deux décrets sur la réforme administrative et l’administration centrale. Celui sur l’administration centrale définit clairement les prérogatives du Président de la Républiques par rapport à celles du Premier Ministre telles que vues par la Constitution de 1987. Enfin, il faut noter que les modèles de lois organiques pour tous les ministères sont disponibles, l’actuel Ministre du Plan, Mr Bellerive en sait quelque chose car il a dirigé la cellule qui a travaillé sur la plupart de ces textes législatifs.

Malheureusement, le GOH de transition a souffert d’un déficit criant de communication et n’a pas su correctement informer la nation sur les actions entreprises. Les nombreuses interventions du Premier Latortue n’ont pas eu l’effet escompté. Au contraire. En tout cas, le « livre blanc » laissé par ce GOH pourrait être mis à profit par le nouveau GOH.

Les dispositions de la Communauté Internationale

Depuis Avril 2004, la CI a dans son ensemble manifesté son intention de renforcer ses liens avec Haïti pour certains et pour d’autres de revenir en Haïti. Actuellement, toute la CI est à pied d’œuvre en Haïti avec des promesses de financement dans le cadre du CCI de l’ordre de 1.4 milliards de USD et des décaissements de 964 M USD. Dans le cadre de la conférence de Brasilia le 23 mai 2006, elle a renouvelé ses engagements vis-à-vis de notre pays. Tous les gouvernements reconnaissent celui d’Haïti, y inclus ceux de la CARICOM. Les bailleurs de fonds promettent d’augmenter leur niveau de financement, la BID veut mettre 140 M en plus, le FIDA augmentera de 16 M USD son niveau actuel de financement de 50 M USD en cours d’exécution dans le secteur agricole. Les autres agences multilatérales comme la BM, l’UE en feront autant. Les agences bilatérales comme l’USAID, l’ACDI, l’AFD comptent aussi augmenter leur niveau de financement sans parler de TAIWAN et autres. La conférence sur Haïti prévue le 25 juillet 2006, si elle est bien préparée, devrait permettre la concrétisation de ses bonnes dispositions de la CI vis-à-vis de notre pays.

B- LES RISQUES

Les risques qui pourraient nuire à la réussite du GOH actuel sont de plusieurs ordres dont l’état précaire de l’environnement physique d’Haïti. On en parlera peut-être dans un autre article. Aujourd’hui, on se contentera d’élaborer sur les points suivants :

Le débordement du Gouvernement sur son aile gauche

L’impatience des organisations populaires (OP) pourrait être préjudiciable à l’actuel GOH. Les revendications politiques actuelles de certaines OP ne sont pas à la portée du GOH. Il lui faudra négocier, il ne pourra arrêter des décisions hâtives sous peine de ternir son image par devant la CI et une grande partie de la communauté nationale. En même, s’il tarde trop à se prononcer, il pourra faire face à des manifestations violentes. Aussi, il lui faudrait expliquer à la branche du secteur populaire concerné la délicatesse des questions soulevées et des implications dangereuses liées à toutes solutions hâtives et unilatérales du GOH.

L’incohérence du Gouvernement liée à sa pluralité

En plus de ce qui vient d’être décrit plus haut, le GOH pourrait avoir des problèmes de contradictions internes liées à sa pluralité. Comme pour le GOH de transition qui parfois affichait de sérieuses incohérences liées à des questions de personnalités et d’appartenance, l’actuel GOH pourrait se retrouver en face d’une telle situation qualifiée par l’actuel Ministre de l’Agriculture, Mr F. Severin, de « fonctionnement de couloirs ». Le surgissement d’une telle situation pourrait nuire considérablement à la réussite de l’action gouvernementale. Il faudrait toute la vigilance du Premier Ministre et du Président de la République pour éviter toute éventuelle dérive.

La tentation de l’exclusion

A entendre les revendications de certaines personnes proches du pouvoir, on sent une nette démarcation par rapport au discours du Président qui se veut rassembleur et inclusif. Or la tendance prédominante à la base du pouvoir, c’est d’exclure ceux-là qui sont considérés à tort ou à raison comme des GNBistes. Il y en a même qui commencent à intimider, faire des menaces verbales, provoquer et exercer des pressions, selon certains employés du ministère des finances et de la TELECO. Parmi les cadres au niveau de certains ministères, il y en a et non des moindres qui commencent déjà des manœuvres d’exclusion en portant des accusations sans preuve, en falsifiant la vérité. Tout ceci dans le seul souci d’obtenir un poste ou de placer un ami, un proche à un poste sans tenir compte de certains aspects liés à la compétence, à l’expérience, à l’honnêteté, etc. C’est le droit du nouveau GOH d’opérer des changements, mais il faudrait que ce soit utile et efficace.


L’attitude de la Communauté Internationale (CI)

La CI promet et observe avant de donner. D’ailleurs, on en a la preuve avec le CCI. C’est seulement maintenant qu’on commence à sentir les effets des fonds promis. C’est le GOH actuel qui va profiter de la majorité des fonds promis à Boniface et à Latortue. Et même là encore, rien ne dit si on enregistre des dérapages, cette CI, qui a pratiquement abandonné Haïti à la fin de la première présidence de Préval et sous la présidence d’Aristide, ne va pas refaire la même chose. D’où la nécessité de lui envoyer des signaux positifs comme le fait si bien l’actuel GOH. L’attitude et la bonne perception de la CI seront déterminantes dans la réussite de l’actuel GOH. Il faudra avoir toujours à l’esprit que plus de 80% de notre budget d’investissement sont financés annuellement par cette CI.

En conclusion, en analysant les atouts du GOH actuel, il est clair qu’il est plutôt bien parti, mais il faudra qu’il prenne en compte les risques qui pourraient surgir à n’importe quel moment. D’où nécessité d’une bonne gestion préventive de ces risques. Le GOH actuel a des hommes et des femmes susceptibles de donner des résultats nettement supérieurs à ceux du GOH de transition. Premièrement, ce GOH dispose de plus de temps, deuxièmement, les conditions de départ sont nettement meilleures, troisièmement, il est issu des urnes donc légitime. Donc, s’il arrive à bien gérer la question sécuritaire, à inciter les Ministres à regarder au-delà de leur petite personne et de leur appartenance, et à s’élever à la dimension de la problématique actuelle de l’Etat d’Haïti et de la Nation haïtienne, les résultats seront au rendez-vous. Aucun sacrifice n’est trop grand pour le démarrage effectif de notre pays. N’est-ce pas Messieurs et Dames ? La balle est dans votre camp.


Jean Robert JEAN-NOEL

www.jrjean-noel.blogspot.com

LA DECLARATION DE POLITIQUE GENERALE (DPG) DU PREMIER MINISTRE,LE CCI ET LES OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE DEVELOPPEMENT(OMD)

Port-au-Prince, le 14 juin 2006



Par Jean Robert JEAN-NOEL

L’idée de produire ce texte m’est venue suite aux discussions récentes avec certains amis haïtiens et étrangers sur la situation politique actuelle. J’ai relevé un certain malaise et certaines inquiétudes en relation avec la déclaration de politique générale (DPG) qui serait « en rupture par rapport au CCI » et ne se réfèrerait « pas du tout ou pas assez » aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Selon certains, la communauté internationale n’aurait pas encore « d’interfaces haïtiens maîtrisant suffisamment leurs dossiers » pour « des discussions sérieuses et de nouvelles directives » et craindrait un « double jeu de l’actuel pouvoir » ou, tout au moins, relèverait « des ambiguïtés au sein du pouvoir actuel ». Bref, il y a confusions et inquiétudes, comme cela se produit au début de tout nouveau pouvoir en Haïti. Ce qui m’a poussé à relire des textes en relation avec les OMD, le CCI et surtout la DPG pour pouvoir produire ce papier qui, je l’espère, apportera certaines lumières et dissipera certains doutes. Voyons un peu.

1. RAPPEL HISTORIQUE

Depuis l’adoption des OMD par la majorité des pays de la terre au début du 21e siècle, tous les bailleurs de fonds en font leur cheval de bataille, le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA), la Banque Mondiale (BM) pour ne pas les citer. Toutes les institutions internationales et la plupart des institutions nationales développent des politiques, des stratégies, des approches, des plans, des programmes et projets visant l’atteinte de ces OMD. La plupart des pays pauvres ont élaboré de manière participative, en référence aux OMD et avec l’aide de la Communauté Internationale (CI), en particulier de la Banque Mondiale (BM), leur Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP), un exercice de trois ans de travail assidu, selon les experts.

Haïti et les OMD

Haïti a commencé cet exercice sous le Gouvernement du Président Aristide et n’a pas eu le temps de l’achever à cause des événements aboutissant au 29 février 2004. Le Gouvernement de transition, en l’absence du DSRP, en accord avec la CI et sur la base du principe cher à l’ex-Premier Ministre Latortue « nous faisons et vous nous aidez », a dû prendre un raccourci, le cadre de coopération intérimaire (CCI). Le CCI s’est donc référé aux OMD et s’en est inspiré. Le GOH de transition en collaboration étroite avec la Communauté Internationale (CI), spécialement le PNUD, a fait un travail de sensibilisation et de vulgarisation des OMD à travers tout le pays. Le Premier Ministre Alexis ne s’y est référé qu’en conclusion de sa déclaration de politique générale, et quant au CCI il n’y a fait référence que dans la partie consacrée au Programme d’Apaisement Social (PAS). Mais s’est-il inspiré des OMD et/ou du CCI?

2. LES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT (OMD)

Les objectifs du millénaire pour le développement (MD) sont au nombre de huit (8). Il s’agit de :

Réduire la pauvreté de moitié d’ici 2015,
Garantir l’éducation primaire,
Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme
Réduire la mortalité infantile
Améliorer la santé maternelle
Combattre le VIH/SIDA
Protéger l’environnement
Renforcer le partenariat mondial pour le développement

3. LE CADRE DE COOPÉRATION INTÉRIMAIRE (CCI)

Avec l’appui de la Communauté Internationale (CI) et en dépit des catastrophes naturelles qui ont frappé le Pays au niveau de Fonds Verrettes, de Mapou (mai 2004), le Gouvernement Intérimaire (GOH I) a pu élaborer le Cadre de Coopération Intérimaire plus connu sous l’appellation du CCI qui s’articule autour de quatre (4) axes :

(i) Assurer une meilleure gouvernance politique et promouvoir le dialogue national ;

Sécurité, Police et DDR, Justice, Prisons et Droits Humains, Processus Electoral et Dialogue National


(ii) Renforcer la gouvernance économique et contribuer au développement institutionnel ;

Gouvernance Economique, Renforcement des Capacité Institutionnelles, Aménagement du Territoire, Développement Local, Décentralisation.

(iii) Favoriser la relance économique ;

Stabilité Macro-economique, Electricité, Création Rapide d'Emplois et Micro finance, Développement du Secteur Privé/PME/PMI, Agriculture, Routes et Transport, Protection et Réhabilitation de l'Environnement, Gestion des Déchets Solides.

(iv) Améliorer l’accès aux services de base

Aide Humanitaire d'Urgence, Eau et Assainissement, Santé et Nutrition, Education, Jeunesse et Sports, Culture, Médias et Communication, Sécurité Alimentaire, Développement Urbain/Amélioration des Bidonvilles, Filets de Sécurité et Protection Sociale

L’élaboration du CCI a nécessite la mobilisation de deux cent cinquante (250) experts tant nationaux qu’internationaux sur dix thèmes prioritaires. Il est à noter que la Conférence de Washington (19-20 juillet 04), la première d’une série de quatre sur le CCI, fut un succès avec des promesses de la communauté Internationale de l’ordre de 1.4 milliards de USD. Il est à noter aussi et surtout que le CCI est plus qu’un simple programme du Gouvernement de transition, c’est un cadre de développement inclusif, participatif et moderne qui reprend l’essentiel des revendications du peuple haïtien, au point qu’actuellement très peu d’institutions travaillant dans le domaine du développement en Haïti peuvent prétendre le faire en dehors du CCI. Il faut rappeler que dans le cadre du CCI, la CI a décaissé au 31 mars 2006, 964 M USD et qu’environ 200 à 300 M USD sont réellement engagés sur le terrain par le GOH intérimaire et non totalement dépensés. Par exemple le FIDA a décaissé environ 50 M USD pour Haïti bien avant le CCI, a engagé sur le terrain les 50 M USD dans le cadre trois (3) projets agricoles et de développement local, et n’a dépensé jusqu’à aujourd’hui qu’environ 20% de cette valeur.

4. LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE (DPG) DU GOUVERNEMENT

La DPG est un document articulé autour de quatre grands points qui reprennent l’essentiel de la problématique haïtienne.

(i) Les quatre (4) conditions pour un redémarrage du pays

Dans cette partie du texte en créole, le Premier Ministre Alexis a identifié les conditions suivantes,
· Le dialogue national et la réconciliation nationale,
· La déconcentration administrative,
· La recherche d’équilibre entre le taux de croissance de la richesse et celui de la population du pays,
· Le rétablissement de l’autorité de l’état ;

(ii) Les constats sous forme de richesses et de défis à relever

Quant aux constats le Premier Ministre les a regroupés en richesses et en défis
La jeunesse du pays : 52% de la population ont moins de 20 ans ;
La solidarité entre les Haïtiens d’ici et de la diaspora ;
Le rôle des femmes haïtiennes dans les activités comme le commerce et autres ;
La capacité des hommes et des femmes haïtiennes à se battre pour des causes justes ;
Les différents écosystèmes dont dispose l’environnement naturel haïtien ;
Notre capacité de création et d’innovation ;
La spécificité du patrimoine culturel haïtien ;

Ce sont là les quelques richesses relevées mais aussi certains défis comme :

· La non scolarisation de 500,000 enfants du pays ;
· Les 70% de la population qui n’ont pas accès au logement, à l’eau potable ;
· La disponibilité de services de santé dans les zones urbaines pour certaines catégories de personnes seulement ;
· La disponibilité des services de ramassage d’ordures pour 8% seulement des maisons ;
· La dégradation avancée de l’environnement haïtien,
· Le manque d’électricité, de bons ports et aéroports, de bonnes routes, de logements ;
· L’absence de l’Etat dans certaines zones du pays ;
· Le manque d’accès des jeunes aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ;

(iii) Les grandes orientations du quinquennat

Les grandes orientations imprimées au quinquennat par le Premier Ministre sont les suivantes :
(1) La modernisation de l’Etat subdivisée en la refondation de l’Etat vers un Etat stratège, décentralisé, de droit et bon gestionnaire ; en la solidification des institutions démocratiques par le renforcement institutionnel ; en la déconcentration administrative de l’Etat pour favoriser le processus de décentralisation en étroite collaboration avec les collectivités territoriales.

(2) La création de richesse par l’investissement privé en favorisant l’essor du secteur touristique, du secteur des NTIC, du secteur de l’industrie manufacturière, du secteur des petits producteurs agricoles et du secteur informel.

(iv) Les actions prioritaires du Gouvernement

Les deux grandes orientations conduisent aux huit (8) priorités suivantes :

· Le programme d’apaisement social (PAS) se fera avec l’appui de la communauté internationale et touchera toutes les communes du pays. Il vise, en utilisant toutes les ressources disponibles au niveau des communes, à répondre aux besoins des populations les plus vulnérables urbaines et rurales, à rétablir l’accès aux services de base (eau potable, assainissement, électricité etc.), à relancer le cycle de production d’où son aspect durable, et enfin à créer des emplois pour les travailleurs non spécialisés. Ce programme d’urgence à caractère structurant, qui sera financé par le GOH et par les fonds prévus dans le CCI revu et corrigé, prendra fin en décembre 2007.

· La sécurité et la Justice. Dans ce domaine le GOH vise la reconquête de la souveraineté nationale et une approche intégrée police/justice pour doter le pays d’un système judiciaire responsable, professionnel et capable de faire face aux crimes de toutes sortes.

· La gestion du cadre macro économique et du processus budgétaire pour permettre à l’Etat de prendre toutes les mesures pour la relance des investissements privés, tout en limitant l’inflation, en assurant un taux de change compétitif afin de dégager les allocations nécessaires pour répondre aux exigences d’investissements sociaux, tout ceci en étroite collaboration avec les institutions financières internationales (IFI).Le taux de croissance visé pour le prochain exercice 2006-2007 est de 4% et la pression fiscale passera de 9% à 12-13% à moyen terme. Le défi majeur sera de dégager des ressources pour la satisfaction des besoins urgents de la population et la réalisation des conditions nécessaires à la création de richesse sur une base stable pour réduire le taux de pauvreté.

· La relance de la production nationale, « poto mitan pwogram sosyal ak economik » du Gouvernement dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, de l’agriculture, au tourisme en passant par l’artisanat, l’agro alimentaire, la sous traitance. D’où nécessité de reforme agraire, de formation, d’utilisation de nouvelles techniques, et d’un nouveau type d’entrepreneur susceptible de maîtriser les NTIC, surtout dans le secteur agricole. Les entrepreneurs et l’épargne de la diaspora ne seront pas négligés. D’où les dispositions pour la création d’un « Fonds d’investissement de la diaspora haïtienne ».

· Les infrastructures productives telles, les pompes d’irrigation, les routes, les ports, les aéroports, la fourniture d’électricité, la régulation du secteur de communication, etc auront une attention spéciale de la part du GOH.

· L’environnement, l’eau potable et l’assainissement. « Le grand défi de notre pays en ce début du 21e siècle est celui de la protection de notre environnement », écrit le Premier Ministre. Le GOH travaillera dans le cadre du plan d’action pour l’environnement adopté en 1999. Et tout un ensemble d’actions dans ces domaines est prévu au niveau des communes du pays.

· Le développement et la mise en valeur des ressources humaines. Sous cette rubrique, il faut voir la réalisation de la scolarisation universelle et la continuation de la réforme de l’éducation, l’alphabétisation des adultes. Pour y arriver, le GOH insistera sur la question de prévention et des premiers soins, surtout les maladies sexuellement transmissibles, se penchera sur la question de la mortalité infantile et maternelle et organisera des campagnes de vaccination pour les bébés et les enfants en âge d’aller à l’école. Tout ceci dans le cadre d’un partenariat public et privé.

· La culture et la valorisation du patrimoine. « La diversité de notre culture et l’héritage de notre patrimoine national forment tous deux notre premier avantage comparatif dans la région caribéenne. », écrit le Premier Ministre. Il poursuit, « le GOH travaillera de concert avec les institutions locales à la sauvegarde et à la réhabilitation du patrimoine national, à l’établissement de plans de gestion et d’exploitation, ainsi qu’à l’élaboration de mesures pour la promotion de ce patrimoine »

En guise de conclusion à sa déclaration : le Premier Ministre croit que toutes ces mesures permettront d’ « arriver le plus près possible des objectifs du millénaire pour le développement » et a annoncé deux documents en préparation en relation avec « la vision de 25 ans », chère au Président de la République.

5. QUELQUES CONSIDÉRATIONS

Dans le résumé de la DPG présentée au point 4, on retrouve tous les thèmes en relation avec les OMD, les mesures relatives au huit (8) OMD sont disséminées à travers le texte depuis les conditions pour le redémarrage du pays, en passant par les constats, les grandes orientations et en s’attardant sur les huit (8) priorités du GOH, le PAS et autres, jusqu’à la conclusion. Le lecteur est invité à bien regarder le point 4 afin de s’en rendre compte et comprendre l’esprit et la lettre de la DPG.

Les quatre axes du CCI se retrouvent aussi dans la DPG. Ils sont agencés de manière différente au point que le lecteur trop habitué à l’ordonnancement du CCI a du mal à se retrouver et a tendance à parler de rupture par rapport au CCI donc par rapport au travail du GOH intérimaire. Le lecteur est invité à se référer aux points 3 et 4 tout en ayant à l’esprit le souci de comparaisons des thèmes retenus par le CCI et par la DPG. On y relève très peu de différences thématiques. On notera que l’ordonnancement de la DPG est plutôt de type classique. Quant aux stratégies prévues avec la participation et l’implication de la base, des collectivités territoriales, de la société civile, du secteur privé et de la communauté internationale, elles sont en droite ligne par rapport au document de mise en œuvre du CCI avec ses trois niveaux de coordination, stratégique, opérationnelle et d’exécution. Il faut le rappeler, la coordination du CCI a montré beaucoup de faiblesses. La mise en oeuvre de la DPG devrait bien identifier ces faiblesses pour une coordination plus efficace et plus efficiente du programme de GOH à élaborer, étant entendu qu’une DPG ne peut tenir lieu de programme.

La DPG du GOH s’inscrit donc dans la continuité de l’Etat en tenant compte des politiques publiques en cours mais aussi celles qui ont été interrompues. En témoignent les thématiques relatives au CCI, au premier Gouvernement de Mr Alexis comme la relance de la production nationale, la restauration de l’autorité de l’Etat, les thématiques liées à l’humain, au social, à l’environnemental, à l’infrastructurel, à l’économique et au financier, et même à la politique comme la réconciliation nationale, le dialogue nationale. Ce sont des thématiques vieilles pour la plupart de plus d’une dizaine d’années. Il faut noter que cette fois-ci, le terrain est beaucoup plus propice pour leur mise en œuvre avec des possibilités de réussite nettement supérieures. D’ où la nécessité de regarder au-delà des mots et de s’attarder sur le contenu. Ce conseil vaut tant pour les Haïtiens que pour les étrangers et la frange de la communauté internationale présente en Haïti. La plupart semblent ne pas se retrouver tout à fait, d’autant que les discours sont en créole ou mixtes créole et français.

Par rapport au malaise ressenti en discutant avec certains cadres haïtiens et étrangers et par rapport à certaines inquiétudes perçues au sein de la communauté internationale et la méfiance qui pourrait en découler vis-à-vis du GOH du Premier Ministre Alexis, il faudrait de la part du GOH des positions claires et des choix arrêtés. Le GOH a intérêt à désigner des interfaces haïtiens vis-à-vis de la CI qui maîtrisent le jargon de cette CI pour bien expliquer ses positions et choix. En aucun cas, le GOH ne gagne en s’éloignant trop du cadre déjà tracé. Le Président Préval l’a compris et utilise jusqu’ à présent un langage direct, clair et précis mais rentrant parfaitement dans le cadre défini. Cela lui vaut la sympathie de cette CI. Voilà la voie à suivre. Il faudrait garder à l’esprit que toutes les composantes de la CI sont parfaitement synchronisées en ce qui a trait à leur vision pour Haïti et en ce sens sont très solidaires les unes des autres. Les contradictions qui apparaissent de temps à autre ne sont rien par rapport à cette solidarité. D’où nécessité d’une maîtrise parfaite des dossiers (passés, présents et futures) avant des discussions et négociations avec la CI.

6. CONCLUSION

Haïti vient de se donner de nouveaux Dirigeants à partir d’élections acceptables. La communauté internationale (CI) a salué unanimement l’arrivée au pouvoir du nouveau Gouvernement Haïtien (GOH). Le discours du Président de la République est bien reçu par la majorité des Haïtiens et par la CI. La déclaration de politique générale est adoptée par le Parlement haïtien dans son ensemble. Elle constitue désormais le nouveau cadre de référence pour les négociations avec la CI et le CCI, qui est prolongé jusqu’en décembre 2007, doit s’y adapter. D’où nécessité par l’actuel GOH de mettre en place une équipe sérieuse et compétente pour, de concert avec la CI, la société civile, faire les adaptations nécessaires du CCI, élaborer et/ou finaliser le programme de cinq (5) ans y inclus le PAS, préparer la conférence de Port-au-Prince sur Haïti le 25 juillet 2006, finaliser le document stratégique de réduction de la pauvreté version intérimaire (DSRPI), commencer la préparation du DSRP définitif et animer le travail d’organisation et d’élaboration de la vision consensuelle de 25ans sur Haïti. Trop de choses à faire pour mettre Haïti sur les rails du développement, on ne peut plus se donner le luxe de palabrer et de perdre davantage de temps. Que tout le monde s’y mette immédiatement !


Jean Robert JEAN-NOEL
www.jrjean-noel.blogspot.com