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mercredi 1 septembre 2021

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS 18 (?), DE CHOC EN CHOC, ACCORD SERIEUX POUR S’EN SORTIR (?)

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (18) (?), DE CHOC EN CHOC, ACCORD SERIEUX POUR S’EN SORTIR  (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 AOUT 2021

              En pleine incertitude politique après l’assassinat crapuleux du président Moïse[1], alors que l’instruction n’arrivait pas à être mise en place pour lui donner justice, le tremblement de terre de magnitude 7.2 du samedi 14 août 2021 et la tempête tropicale Grace du mardi 17 août  frappent de plein fouet  la péninsule sud d’Haïti. Plus de 2200 morts recensés liés à ces catastrophes, tandis que les décès liés au Coronavirus ont franchi le cap de près 600 en Haïti et d’environ 4, 500,000 à travers le monde[2] . Parallèlement, une branche de l’opposition a publié un accord[3] qui aurait dû être ratifié et signé par les parties prenantes (partis politiques, organismes des droits humains et société civile), ce 30 août 2021, à l’hôtel Montana, mais qui a tourné en pugilat entre partisans et opposants à l’accord. A noter d'autres accords en circulation par d'autres branches de l'opposition. D’où le titre de cette 18e chronique du mois d’aout 21  sous ce thème: « COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS(?)(18), DE CHOC EN CHOC, ACCORD SERIEUX POUR S’EN SORTIR  (?)

              Le monde et Haïti sont-ils toujours à la croisée des chemins (?). La réponse à cette interrogation se fait de plus en plus difficile par rapport au covid-19, par rapport à la débâcle américaine en Afghanistan après 20 ans de présence, et surtout par rapport aux chocs qui secouent notre pays Haïti, le tremblement de terre du 14 aout, et l’entropie politique qui perdure malgré la disparition brutale du président Moïse, « le chef de gang », « yo touye Chef Gang nan », pour reprendre mot pour mot le dernier quolibet de Me André Michel, lancé lors de sa dernière conférence de presse. C’est vraiment indignant d’entendre parler ainsi un leader politique vis-à-vis du président de son pays, assassiné dans les circonstances que l’on sait ! Ce qui expliquerait, s’il en était besoin, la haine des oppositions politiques vis-à-vis du président conduisant à son assassinat crapuleux.

              Avant de revenir un peu plus tard sur la situation politique après l’assassinat de Jovenel Moïse, regardons le tremblement de terre du 14 août 21 et la tempête Grace et leurs innombrables méfaits sur la péninsule sud d’Haïti.

1.       Le tremblement de terre du 14 août 21

              Selon le Comité interministériel pour l’aménagement du territoire (CIAT), dans son rapport provisoire sur le séisme : « Le 14 août 2021 un tremblement de terre d’une magnitude de 7.2 a secoué Haïti à 8.29 h am. L’épicentre a été localisé à 12km au nord-est de Saint-Louis du Sud, dans le massif de la Hotte, à 10 km de profondeur ».  La population de la péninsule sud d’Haïti couvrant les départements des Nippes, de la Grande Anse et du Sud, se chiffre à 1 585 802 habitants[4] sur une superficie totale de 5 964 km2, soit une densité de 566 hab. / km2 . En termes de comparaison avec le tremblement de terre du 12 janvier 2010,  « le tremblement de terre du 14 août 2021, de par sa localisation, est sans commune mesure avec celle de Port-au-Prince en 2010. Les superficies et les populations impliquées sont totalement différentes. Une population moindre que la région métropolitaine (plus de 5 millions d’habitants sur une superficie de moins de 200 km2 )», soit une densité de 25,000 hab. /km2.



Crédit CIAT.

              Pertes et dommages liés au tremblement de terre et à la tempête Grace

De plus, le tremblement de terre du 14 aout s’est concentré dans un espace essentiellement rural contrairement à celui de 2010, essentiellement urbain. Ce qui explique le différentiel de morts et de dégâts enregistrés, plus 2200 morts en 2021 (partiel) et plus 250,000 en 2010. Selon la Protection civile #Haïti, les trois (3) départements ont enregistré, selon le bilan partiel du 22 aout 2021, 2207 morts, 344 personnes disparues et 12,268 blessés, 53,923 maisons détruites, 77,006 maisons endommagées. Il a été constaté (i) des glissements de terrain dans plusieurs endroits, en particulier au niveau de la Nationale N0 7 (Cayes-Jérémie) qui a été momentanément coupée ; (ii) des dégâts au niveau de certains ouvrages de traversée, dont le plus important demeure le Pont Estimé sur la Rivière Grande Anse ; (iii)  des éboulements de pans entiers d’arbres forestiers, d’arbres fruitiers et des jardins sur des pentes fortes (35-45%) ; (iv) des affaissements de terrains (liquéfaction), (v) des tranchées béantes près de la ligne de faille ; (vi) l’arrêt momentané (72 h) de l’écoulement du Saut Mathurine et redémarré grâce aux pluies abondantes de la tempête Grace ;  et (vii) même, à Saint Michel du Sud, l’émergence d’un foyer de feu, qui ressemble à de la larve, heureusement arasée sur une petite surface au niveau du terrain naturel.

La population du grand Sud est donc frappée dans son essence (600,000 directement) par ce tremblement de terre qui a provoqué des pertes en vies humaines dont celle de Gabriel Fortuné, des dégâts matériels considérables tels qu’énumérés plus haut, a laissé un nombre important de personnes sans-abri et a augmenté considérablement le nombre de personne en insécurité alimentaire dans les cinq (5) catégories de référence dans le domaine de la sécurité alimentaire. Ce qui nécessite des mesures d’urgence, de relèvement et de développement. Le Post Desaster Needs Assessment (PDNA 2021) coordonné par le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE) et lancé par le PM Ariel Henry, le 31 aout 2021, viendra chiffrer en détails toutes les informations relatives à ces pertes et dommages liés au tremblement de terre et aussi liés à la tempête Grace  du 17 aout 21, qui est venue aggravée la situation.

Même si on ne connait pas encore exactement les pertes et dommages liés à ces deux chocs naturels, tremblement de terre du 14 août 2021 et tempête Grace du 17 août 21, le montant serait probablement en deçà de 50% du PIB négatif de 2020), en comparaison au PDNA de 2016 relatif au passage de Matthew sur la péninsule sud en octobre 2016 (32% du PIB), et  au PDNA de 2010 relatif au tremblement du 12 Janvier 2010 (120 % du PIB de 2009). Bien avant le lancement du PDNA de 2021, les aides affluent tant au niveau national et surtout international.

Indemnité, aide et promesse d’aide, liées au séisme

Depuis le tremblement de terre du 14 aout 21, l’aide et les promesses d’aide affluent de toutes parts, les USA, la Colombie, la République Dominicaine, le Canada, le Chili, le Brésil, la Russie, la France, la Chine. Certains pays comme les USA, à travers l’USAID et un bateau avec 200 soldats, sont à pied ’œuvre et interviennent au niveau de la zone impactée. D’autres sont en route. Pour les aides provenant directement d’Haïti ou de la diaspora, elles atteignent, pour la grande majorité, les populations impactées, en particulier au niveau des villes. Quant aux zones rurales reculées et enclavées, elles sont les moins touchées par les aides. Des efforts à dos d’ânes, à motocyclettes et en hélicoptères de l’armée américaine permettent d’atteindre certaines zones ; mais ces efforts méritent d’être intensifiés. Il faut noter la présence des politiciens, Jean Charles Moïse de Pitit Dessalin, Youri Latortue de AAA, le Secteur Démocratique et Populaire (SDP) d’André Michel et de Nenel Cassy, etc. Le Sénateur Rony Célestin du Centre a donné 25 M de gourdes, la Unibank, la Banque Interaméricaine de développement (BID) 1 M de dollars américains. La Banque de la République d’Haïti a arrêté un certain nombre de mesures pour soulager les familles et les entreprises de la péninsule Sud d’Haïti. En termes d’indemnité et autres, Haïti peut compter sur 264 millions[5] issus des droits de tirages spéciaux (DTS) et la Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility (CCRIF), une indemnité liée à la police d’Assurance CCRIF à laquelle adhère Haïti depuis 2007.

Si Possible, Haïti devrait se prémunir aussi contre les catastrophes politiques (entropie)

En effet, selon le Ministre Boisvert du MEF, « Depuis 2007, Haïti adhère à la police d’assurance CCRIF et paie régulièrement sa prime d’assurance. Cette compagnie, mise en place dans la Caraïbe, a déjà versé à cinq reprises des indemnités à Haïti. En 2010, après le tremblement de terre, Haïti avait reçu 7 millions de dollars. Après le passage de l’ouragan Matthew en 2016, la compagnie a versé 23,4 millions de dollars en termes d'indemnités. Suite aux inondations causées par le cyclone Laura en août 2020, le pays a bénéficié de 7,2 millions de dollars. Il y avait une indemnité accordée à Haïti à la suite de fortes pluviométries. Il y a enfin cette indemnité de 39,9 millions de dollars versée au pays après le séisme du 14 août 2021 ». L’allocation d’assurance payée par notre pays, qui était de 3.5 millions d’USD chaque année, est passée depuis 2017-2018 à 6.9 millions d’USD/an, compte tenu de la forte exposition du pays aux catastrophes naturelle. Si possible, Haïti devrait se prémunir aussi contre les catastrophes politiques (entropie) qui font autant sinon plus de dégâts que les catastrophes naturelles.

2.       Situation Politique et accord sérieux pour s’en sortir

Depuis 2004, je proposais la grande concertation nationale[6] comme solution à la crise multiforme haïtienne en suivant la trace du politicien haïtien, Turnep Delpé, de regretté mémoire. Je ne sais combien de papiers j’ai faits sur le sujet de 2004 à date, au point de me demander dans une de ces chroniques, la grande concertation nationale est-elle possible en Haïti[7]? C’est à croire que c’est impossible.

En effet, l’opposition politique plurielle a combattu Jovenel Moïse depuis sa première candidature à la présidence en 2015, durant sa présidence du 7 février 2017 au 7 juillet 2021 soldée par son assassinat crapuleux. Et même après sa mort. N’est-ce pas hier encore, Me André Michel qui le traite de « chef de gangs » ? Jovenel a tenté sans succès de réaliser les états généraux  sectoriels de la nation (EGSN) ; il a offert et tenté de dialoguer avec l’opposition politique plurielle. Rien. Les oppositions politiques ont proposé et signé des accords entre elles visant un seul objectif la démission de Jovenel Moïse. Il a résisté aux assauts des oppositions jusqu’à son brutal assassinat. Ces oppositions qui disaient aussitôt qu’il serait parti, le pays redeviendrait normal, les gangs disparaitraient, la paix reviendrait. Elles ont tout misé sur un départ hypothétique  de Jovenel Moïse, en nous faisant croire qu’elles avaient la solution à la problématique complexe du pays, entrainant dans leur sillage la majorité des secteurs organisés du pays qui n’ont pas hésité à prendre position contre J. Moïse, l’accusant de tous les maux du pays. Une fois ce dernier brutalement assassiné, on constate que toutes les oppositions ne visaient qu’une chose, « ôte-toi que je m’y mette ».

Au lieu de proposer un accord sérieux pour sortir le pays de cette situation invivable, chaque groupe va de son petit accord. L’article du Journal Le Nouvelliste sous la plume de Frantz Duval[8] est très édifiant à ce sujet. Quand on lit en profondeur la plupart des accords proposés par les oppositions, c’est comme si, avec la disparition brutale du président Moïse, le pouvoir leur revient de droit. Même Ariel Henry qui sort de leur sein car recommandé par la plupart d’entre  eux avant d’être choisi et nommé par J. Moïse, la veille de son assassinat crapuleux, ne trouve plus grâce à leurs yeux. Dans leurs petits accords, du fait d’avoir été nommé par le défunt, il n’y a pas de place pour lui. Quand on regarde les témoignages de l’un d’entre eux sur Télé Métropole, le sénateur Evalière Beauplan, nous expliquant qu’au fort du 3e pays lock en octobre 2019, le président Moïse avait accepté de leur donner « 95% du pouvoir », les ténors de l’opposition plurielle voulaient tout le pouvoir selon le principe  de « ôte-toi que je m’y mette ». Et le grand public a compris que Jovenel n’était pas le problème. La preuve, presque 2 mois après son assassinat, aucune solution sérieuse n’est proposée, sinon une transition de 24 mois sans trace des actions de Jovenel Moïse, en particulier l’élimination de ses actes législatifs au lieu de les réviser, pas un mot sur les travaux en cours (route, électricité, agriculture, changement de constitution), rien sur le rôle à jouer par le PM Ariel Henry qui tient les rênes du pouvoir. Par contre, tout y passe en ce qui a trait au discours anti-Jovenel, procès Petrocaribe, massacres La Saline, Bélair, Martissant, Delmas 2, Delmas 32, attribués à tort ou à raison à la seule présidence de Jovenel Moïse pour les besoins de la cause, et j’en passe. Le tremblement de terre n’est pas oublié. Changement du Système, Justice pour Dorval, Justice pour le président assassiné, aux abonnés absents. Assauter le pouvoir pour quoi faire ? Où est passé le principe de continuité de l’Etat ? Suivant ce principe, il faut évaluer ce qui est cours, corriger ce qui est nécessaire et avancer sur les mêmes bases ou sur de nouvelles bases. Il ne faudrait pas tout rejeter en bloc parce que c’était initié par l’autre.

Entre temps, malgré les efforts de la Police Nationale d’Haïti (PNH), les gangs reprennent du service. Les cas de kidnapping sont signalés à Pétionville, à la Plaine du Cul de Sac, sur la route Gros Morne –Port-De-Paix. La gourde se dégringole par rapport au dollar, se vend à 98 G pour 1 USD officiellement et n’est accessible que sur le marché parallèle à plus de 100 G pour 1 USD. La misère augmente, très certainement l’insécurité alimentaire aussi au niveau de l’ensemble du pays. En attendant les chiffres officiels, on peut présumer que la moitié de la population (6, 000,000  de personnes environ?) traversent des moments très difficiles en matière d’insécurité alimentaire à cause de la cherté de la vie et autres facteurs. Peut-on continuer avec nos petites querelles intestines et claniques liées à la politique politicienne au détriment du développement du pays ?

3.       Nécessité d’un accord sérieux pour Haïti (?)

Après ce terrible tremblement de terre du 14 août 2021, nous ne pouvons plus agir comme par le passé, nous ne pouvons pas répéter les erreurs de 2010 après le tremblement de terre  et  celles de 2016 après le passage de Matthew. Il nous faut agir autrement et faire de la politique autrement. Nous devons accepter que la manière dont faisons de la politique  soit contreproductive et agisse négativement sur le développement de notre pays. Continuer dans cette voie est tout simplement  criminelle. L’assassinat du président Moïse, le tremblement de terre et la tempête Grace, ce triple choc, c’est l’occasion rêvée pour la grande concertation nationale. Le PDNA de 2021 devrait nous permettre d’évaluer les effets du tremblement de terre et de la tempête Grace sur le grand Sud, d’affiner le diagnostic de  la situation sur le reste du pays et de proposer des solutions sur la péninsule Sud d’Haïti en particulier et sur l’ensemble Haïti en général.

Les PDNA de 2008, de 2010, de 2017 et les documents des ministères sectoriels peuvent aider dans l’approfondissement du diagnostic régional et national ainsi que dans les propositions de solution et des stratégies de mise en œuvre. Cette évaluation de 2021 et les propositions qui en découlent, pourraient servir comme point de départ pour un nouveau processus de développement sur une période de 20 ans, incluant les aspects d’urgence, de relèvement et de développement.

Eléments d’un accord minimal sérieux (?)

Ce document serait mis en œuvre partiellement par le gouvernement de consensus à deux têtes issu d’un accord minimal sérieux (i) incluant Ariel Henry,  (ii) combattant l’insécurité/banditisme, (iii) mettant en place un CEP de consensus, (iv) révisant le projet de constitution et les actes législatifs de J. Moïse, (v) traitant les urgences de l’heure, (vi) continuant les actions de développement en cours (route, électricité, irrigation (barrage sur Grande Rivière du Nord et mise en place des pompes solaires, etc.) et les actions relatives à l’environnement, à la santé (covid-19), à l’éducation, (vii) initiant les actions en justice, (viii) organisant un referendum pour l’adoption de la nouvelle constitution, (ix) réalisant les élections générales inclusives et transparentes   et (x) remettant le pouvoir au gouvernement issu des urnes au plus tard le 14 mai 2022, qui lui devrait continuer les actions en cours et initiées par le gouvernement de consensus.

Cet accord minimal ne donnerait pas l’impression d’une chasse aux sorcières et aurait l’adhésion des pro-oppositions et des pro-Jovenel et alliés. Ainsi, Haïti sortirait de cet imbroglio politique qui la ronge depuis sa naissance. Vive Haïti à tout jamais unie ! Faut rêver n’est-ce pas ?



[4] IHSI 2015