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dimanche 28 septembre 2025

HAITI ET LE MONDE À LA CROISEE DES CHEMINS NO 59 : LA CRISE HAÏTIENNE ET L’ORDRE INTERNATIONAL A L’EPREUVE : RECOMPOSITIONS, DYNAMIQUES ET PERSPECTIVES

 

HAITI ET LE MONDE À LA CROISEE DES CHEMINS NO 59 : LA CRISE HAÏTIENNE ET L’ORDRE INTERNATIONAL A L’EPREUVE : RECOMPOSITIONS, DYNAMIQUES ET PERSPECTIVES

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

28 SEPTEMBRE 2025

Analyse des faits mondiaux, de la situation haïtienne et des enjeux pour l’ordre international

Introduction

Le mois de septembre 2025 s’est imposé comme un moment charnière, révélant la profondeur des bouleversements qui traversent à la fois Haïti et l’ordre international. La multiplication des foyers de tension, la réaffirmation de principes diplomatiques sans effet tangible sur le terrain, la montée des incertitudes économiques et technologiques, ainsi que l’aggravation de la crise haïtienne, dessinent le tableau d’un monde au seuil d’une ère nouvelle. Dans ce contexte, la crise haïtienne, loin d’être un phénomène isolé, s’inscrit dans une dynamique globale de fragmentation des souverainetés, de privatisation de la sécurité et de recomposition des alliances. Ce constat soulève une problématique centrale : Haïti n’est-elle que le miroir grossissant des dysfonctionnements de l’ordre international, ou bien le laboratoire d’un nouvel équilibre mondial encore à inventer ? L’ambition de cet article est de mettre en lumière les faits marquants mondiaux, d’examiner en profondeur la situation haïtienne, puis de croiser ces dynamiques pour montrer comment le cas haïtien éclaire la fabrique d’un ordre international en recomposition.

I. Faits marquants mondiaux : diplomatie, conflits, économie et technologie

    Diplomatie et recompositions régionales

L’actualité diplomatique de septembre 2025 a été dominée par un événement majeur : la reconnaissance officielle de l’État de Palestine par l’Australie, le Canada, la France, le Portugal et le Royaume-Uni. Cette décision, prise lors d’une conférence onusienne coprésidée par la France et l’Arabie Saoudite, a ravivé l’espoir d’une solution à deux États, bien que la réalité sur le terrain, notamment à Gaza où l’armée israélienne a lancé une offensive terrestre d’envergure contre le Hamas, reste marquée par l’inflexibilité et la violence1. Parallèlement, l’Espagne a plaidé pour l’adhésion pleine et entière de la Palestine à l’ONU, illustrant une volonté de rééquilibrage multilatéral(1).

    La 80e Assemblée générale des Nations unies : crise du multilatéralisme

La 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies, réunissant à New York chefs d’État et de gouvernement, a mis en exergue les enjeux de sécurité, la crise à Gaza et la nécessité de refonder le multilatéralisme. Toutefois, la fragmentation des alliances et la prégnance des intérêts nationaux ont limité la portée des engagements, renvoyant l’image d’un système international en quête de repères et d’efficacité (2).

    Conflit russo-ukrainien : escalade et impasses

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a connu une nouvelle intensification, la Russie menant la plus vaste attaque aérienne contre l’Ukraine depuis 2022, mobilisant plus de 800 drones et une dizaine de missiles, frappant jusqu’au siège du gouvernement ukrainien3. Cette escalade traduit l’enlisement d’une guerre qui repousse chaque jour davantage les limites du droit international et de la sécurité collective(3).

    Afrique et Amérique latine : foyers de violence et de résistance

Sur le continent africain, la situation sécuritaire demeure préoccupante, en particulier au Niger, où le djihadisme continue de semer la mort, avec au moins 27 soldats tués lors de deux attaques coordonnées dans le Grand Sahara4. En Amérique latine, le Venezuela a annoncé la saisie record de 60 tonnes de cocaïne depuis le début de l’année, mettant en lumière la persistance et la sophistication des réseaux transnationaux du narcotrafic (4).

    Économie et technologie : tensions et vulnérabilités

L’économie mondiale reste sous tension, l’inflation accélérant aux États-Unis à un rythme inédit depuis plusieurs années. Parallèlement, la décision du président américain de repousser l’échéance du rachat de TikTok cristallise les tensions sino-américaines sur la souveraineté numérique5. Les vulnérabilités technologiques sont également illustrées par la cyberattaque contre Jaguar Land Rover, qui a paralysé la production de l’entreprise et rappelé la fragilité des infrastructures industrielles à l’ère numérique (5).

II. Haïti : sécurité, crise humanitaire, politique, société et culture

    Insécurité croissante et crise humanitaire aggravée

Haïti s’enfonce dans une spirale de violence où les gangs armés dictent leur loi sur de larges pans du territoire. Les attaques meurtrières se multiplient, notamment à Bassin Bleu, à Simon Pelé (où une attaque de drones a tué 15 personnes, dont 8 enfants), et à Labodri, théâtre d’un massacre dénoncé par la société civile. Cette escalade des violences nourrit une crise humanitaire aiguë, entravant la vie quotidienne et accentuant la vulnérabilité des populations (6).

    Appels à l’internationalisation de la sécurité

Face à l’incapacité de l’État haïtien à rétablir l’ordre, de nouveaux appels sont lancés pour une force internationale plus proactive. Les États-Unis plaident pour une mission dotée d’un mandat élargi de lutte contre les gangs, tandis que le Canada s’engage à verser 60 millions de dollars d’aide, conditionnés à un soutien onusien à une « force de répression ». Cette internationalisation de la sécurité transforme la souveraineté haïtienne en variable d’ajustement des intérêts stratégiques externes (7).

    Justice, flux illicites et pression américaine

L’arrestation de l’homme d’affaires Dimitri Vorbe par les autorités américaines en Floride, ainsi que la saisie massive d’armes et de stupéfiants en provenance des États-Unis, illustrent l’ampleur des réseaux transnationaux et la dépendance d’Haïti à l’égard de la justice étrangère (8).

    Crise politique et défi éducatif

La crise politique s’accentue, comme en témoigne l’exaspération du président kényan William Ruto à la tribune de l’ONU face à la paralysie du dossier haïtien, révélant les blocages de la Mission multinationale. Sur le plan intérieur, le Plan décennal d’éducation et de formation demeure dans l’impasse, la réouverture des classes à Bassin Bleu étant compromise par la situation sécuritaire (9).

    Culture et résilience

Malgré ce contexte difficile, lors de la cérémonie annuelle de Ballon d’or, la 69e qui a vu le sacre de Dembélé et de Paris Saint-Germain, la performance de Melchie Dumornay, classée 18e au Ballon d’or, offre un rare motif de fierté nationale, rappelant la vitalité et la résilience de la jeunesse haïtienne face à l’adversité (10).

III. Analyse croisée : Haïti, reflet des recompositions de l’ordre international

Les convulsions haïtiennes ne sauraient être isolées des dynamiques globales observées à travers le monde. La fragmentation de la souveraineté, la privatisation de la sécurité et la manipulation des flux migratoires font d’Haïti un laboratoire, voire un symptôme, des recompositions de l’ordre international6. L’externalisation de la gestion sécuritaire, la dépendance à l’aide conditionnée et l’impuissance des institutions nationales résonnent avec les limites du multilatéralisme et la montée de l’arbitraire géopolitique observées ailleurs. L’onde de choc du conflit russo-ukrainien, la recomposition des alliances au Moyen-Orient, les vulnérabilités économiques et numériques : tous ces facteurs convergent pour accentuer l’instabilité haïtienne, tout en révélant la porosité croissante des frontières entre crises locales et désordres globaux.

Ainsi, Haïti n’est plus seulement un théâtre de crise nationale, mais un terrain d’expérimentation des nouveaux modes de gestion de l’insécurité, de la gouvernance conditionnelle et des interventions internationales. Ce cas met en lumière l’incapacité des structures multilatérales à apporter des réponses durables, tout en révélant la marchandisation croissante de la sécurité et la transformation de la souveraineté en fiction juridique.

Conclusion : vers un nouvel ordre mondial incertain

    Vers un nouvel ordre mondial incertain

Le mois de septembre 2025 a incarné tous les paradoxes de la scène internationale contemporaine. D’une part, on observe une réaffirmation vigoureuse de grands principes diplomatiques, portés lors de conférences et tribunes internationales, mais ceux-ci peinent à se traduire par des avancées concrètes sur le terrain. Les initiatives multilatérales et les efforts de la communauté internationale se sont multipliés, toutefois sans produire de résultats tangibles, laissant les crises s’enliser et les sociétés concernées dans l’attente de solutions efficaces. Parallèlement, la période a été marquée par une intensification des violences et des inégalités, notamment en Haïti, qui concentre de manière exemplaire les défis de cette nouvelle ère d’incertitude.

Désormais, Haïti et le reste du monde partagent une même impression d’incertitude face à l’avenir. L’ordre international semble en pleine mutation, où la sécurité, autrefois considérée comme un bien public, se transforme en marchandise ; la souveraineté des États apparaît de plus en plus comme une notion abstraite, voire fictive, et le futur s’impose comme un pari sur l’inconnu. Dans ce contexte, seule une véritable refondation des solidarités, à la fois locales et internationales, pourrait permettre de rompre la spirale du chaos. Il s’agirait alors d’offrir aux sociétés, à commencer par Haïti, la possibilité de se réapproprier leur destin et d’imaginer un avenir commun, fondé sur une coopération renouvelée et sur le dépassement des clivages actuels.

Annexe : Liste des références utilisées dans l’article

1.       1)Reconnaissance de l’État de Palestine et dynamique diplomatique lors de la conférence onusienne coprésidée par la France et l’Arabie Saoudite.

2.       2)80e session de l’Assemblée générale des Nations unies : fragmentation des alliances et crise du multilatéralisme.

3.       3)Offensive aérienne russe contre l’Ukraine : intensification du conflit et remise en cause du droit international.

4.       4)Situation sécuritaire au Niger (djihadisme) et lutte contre le narcotrafic au Venezuela.

5.      5) Tensions économiques et technologiques : inflation américaine, tensions sino-américaines autour de TikTok, cyberattaque contre Jaguar Land Rover.

6.     6)  Violence des gangs en Haïti : attaques meurtrières, crise humanitaire, perte de contrôle de l’État.

7.      7) Appels à l’internationalisation de la sécurité haïtienne : initiatives américaines et canadiennes, conditionnalité de l’aide.

8.       8)Justice transnationale : arrestation de Dimitri Vorbe, saisies d’armes et de stupéfiants en provenance des États-Unis.

9.      9) Blocages politiques : intervention du président kényan à l’ONU, difficultés du Plan décennal d’éducation.

10.   10)Résilience culturelle : performance de Melchie Dumornay au Ballon d’or.