HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (36) ?
LE MONDE : GUERRE EN UKRAINE (13), LE STATU QUO ; HAITI : L’INSTABILITE
POLITIQUE ET L’INSECURITE OU LE REGNE DES
GANGS
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
6 AVRIL 2023
« Va-t-on vers un pouvoir direct des gangs ou vers une résolution de la
crise par un appui musclé de la CI ? » me suis-je interrogé en terminant ma 35e chronique relative à cette
interrogation « Haïti et le Monde à la croisée des chemins(?) ».
Cette interrogation qui s’est imposée à nous depuis les premiers cas de la
pandémie mondiale, Covid-19, s’est insinuée davantage depuis l’invasion de
l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022.
Dans cette 36e chronique,
l’actualité mondiale est toujours
dominée par la guerre en Ukraine, la Cour Pénale Internationale lance un
mandat contre Vladimir Poutine pour crime de guerre, et la guerre d’attrition
se concentre dans le Donbass, en particulier à Bakhmuth. Un autre point
important de l’actualité internationale est l’inculpation de l’ex-président
Trump. Quant à l’actualité nationale haïtienne, c’est la persistance de l’instabilité politique et
de l’insécurité généralisée avec des conséquences désastreuses sur l’économie
du pays, surtout l’industrie du kidnapping
au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. D’où le titre
de cette 36e chronique :
« HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (36) ? LE MONDE :
GUERRE EN UKRAINE (13) ; HAITI : L’INSTABILITE POLITIQUE ET L’INSECURITE
OU LE REGNRE DES GANGS.»
I.
SITUATION AU NIVEAU MONDIAL
1.1. Vladimir Poutine et Donald Trump
indexés[1]
Prenons d’abord le cas de Trump. La
saga Trump revient au-devant de l’actualité comme prévu. En effet, ce monsieur
est indexé sur plusieurs dossiers chauds. On a relevé 5 grands dossiers
d’accusation contre lui y inclus celui pour lequel il est inculpé, avec 34
chefs d’inculpation. Celui pour lequel il est inculpé concerne ses relations
sexuelles avec une actrice pornographique. Il a promis à cette actrice de la
recevoir dans un show télévisé qu’il animait. Il n’a pas tenu ses promesses.
Lorsqu’il a déclaré quelques années plus tard sa candidature pour les
présidentielles de 2016, l’actrice a décidé d’agir contre lui. Son avocat a dû
bloquer l’affaire en la soudoyant (entrave à la justice). Elle est revenue à la
charge après la fin du mandat de Trump. Le Grand Jury[2]
a dû décider de faire inculper Trump. C’est pour la première fois que c’est
arrivé dans l’histoire politique américaine, selon ce qui est rapporté par les
grandes chaines de TV américaine, CNN, ABC, etc. Il y a 4 autres cas pendants,
un dans l’Etat de New-York en relation avec le FISC, un autre à Georgia en
relation avec la fraude électorale et un en relation avec l’invasion du CAPITOL
le 6 janvier 2021, et enfin les documents « Top secret » qu’il a pris
avec lui en laissant la maison blanche. A noter et c’est très important, même
s’il est reconnu coupable de tous ces crimes, il pourra quand même redevenir
président si le peuple américain le votera. C’est la loi. Naturellement, la grande majorité des républicains parlent de
persécutions politiques.
En ce qui a trait à V. Poutine[3],
il a déporté plus de 300,000 enfants ukrainiens vers la Russie sans le
consentement de leurs parents. C’est un crime de guerre, le tribunal
international a commencé par ce cas. D’autres suivront. Souvenez-vous des
massacres de Boutcha et autres où les cas sont bien documentés. Poutine s’en
fiche. Certains pays prennent des dispositions pour appliquer le mandat dont
très certainement les pays de l’OTAN moins la Hongrie, tandis que les
partenaires de la Russie ne sont pas favorables sauf l’Arménie ou gardent le
silence sur le dossier. En tout cas, ce mandat réduit les possibilités de
déplacement du président russe qui continue son « opération militaire
spéciale en Ukraine », pour ne pas dire sa guerre, mot interdit en Russie.
1.2. La guerre[4][5]
en Ukraine[6]
Le 24 mars 2023 a marqué le 13e
mois de cette guerre. La situation n’évolue pas trop par rapport au mois
dernier. La guerre d’attrition se concentre dans le Donbass sur environ 800 km,
en particulier la bataille Bakhmuth au
prix de pertes énormes en vies humaines et en matériels des deux côtés, avec un
ratio de 1 à 10 ou de 1 à 5 en faveur des ukrainiens. Jusqu’à présent, la ville
ne tombe pas, alors que, depuis plus de deux mois, on annonce sa chute. Le
centre de Bakhmuth est contrôlé par les russes. La bataille continue de faire
rage au niveau de cette ville.
Plus globalement, la Russie occupe
14% du territoire ukrainien. Les occidentaux continuent de soutenir l’Ukraine
financièrement et en armes. Elle prépare activement sa contre-offensive. Quand est-ce
que cette contre-offensive va débuter. Personne ne sait. C’est le mystère total.
Comme pour Kharkiv, elle a annoncé une contre-offensive sur Kherson au sud,
mais l’Ukraine a attaqué au nord et a récupéré environ 6% de son territoire à
date en un temps plutôt éclair. Ce qui a obligé les russes à lancer une forme
de mobilisation de 300,000 conscrits, les a lancés sur le Donbass après avoir officiellement
annexé 4 oblasts de l’Ukraine, Donets, Louhans,
Zaporijia et Kherson, et dont plusieurs parties de ces territoires sont
encore sous domination ukrainienne, l’exemple de la ville Kherson.
La Russie n’est pas en reste. On dit
qu’elle est en train de préparer aussi sa contre-offensive, tout au moins
renforcer celle qu’elle mène déjà dans le Donbass. Pour cela, elle renforce ses
relations avec la Biélorussie, un pays vassalisé frontalier de l’Ukraine, non
seulement en y amassant les troupes et armes, en menaçant d’y déployer des
armes nucléaires, à quelques encablures de l’Ukraine et surtout de l’Europe. En
tout cas, contre-offensives de part et d’autre, elles ne pourront pas avoir lieu
avant le dégel, la raspoutitsa, phénomène météo favorisant littéralement « la
saison des mauvaises routes ». On verra.
En attendant ces probables
contre-offensives, le président E. Macron
de la France[7],
qui se débat dans ses problèmes internes liés à la loi sur la retraite et les
manifestations violentes qui s’en suivent, s’est rendu en Chine pour discuter
avec le président Xi Jinping du changement climatique, de la biodiversité
marine, de la sécurité alimentaire, de la paix et de la stabilité en Europe et …
de lui demander de « ramener la
Russie à la raison ». Quant au président chinois, il parle surtout du
multilatéralisme, donc du nouvel ordre mondial qui se dessine. Avec la
présidence du Conseil de Sécurité de l’ONU
sous la responsabilité de la Russie,
cela promet, d’autant que Biden, lors de son sommet avec Trudeau, a,
entre autres, parlé de transférer le dossier d’Haïti à l’ONU.
II. SITUATION AU NIVEAU D’HAITI[8]
En ce mois de mars 2023, la situation haïtienne a évolué en pire. Les
bandits règnent au niveau de la zone métropolitaine de de Port-au-Prince et le
bas Artibonite. Les territoires de certaines zones du pays s’agrandissent au
profit des bandits. Voici un bon résumé de la situation par l’Hebdomadaire,
Haïti en Marche : « L’insécurité
continue de battre son plein. Les derniers jours ont été particulièrement
difficiles pour les résidents de la capitale. On n’a pas le temps de déplorer une
victime qu’un autre drame surgit. C’est tous les jours que les Port-au-princiens
tiennent un baromètre du crime pour indiquer par exemple à leurs proches quels endroits
éviter. Cela n’aide que partiellement vu que rien n’arrête les malfaiteurs ».
Maintenant, voyons pour les détails
de cet éditorial de l’Hebdo Haïti en Marche : « La semaine dernière, on a kidnappé un médecin. Des tentatives d’enlèvement
à Kenscoff ont été enregistrées, même si certaines ont échoué. À Delmas, pareillement.
Des bandits se sont même introduits jeudi dernier dans le Village des Palmes,
quartier limitrophe de celui de Vivi Mitchel, non loin de là où habite le
Premier ministre Ariel Henry. Heureusement qu’ils ont été repoussés par des
forces de l’ordre. De temps en temps, les gangsters prospectent des zones
résidentielles pour tenter de s’accaparer des terres des habitants et cette
fois aussi, conscients de leur puissance, ils sont allés jusqu’à pénétrer dans
une zone avoisinant la résidence du chef du gouvernement. Il y a certes des
forces de police sur place mais cette action traduit toutefois l’audace
démesurée des gangsters. Le week-end du 24 mars dernier, les hommes du chef de
gang Ti Macaque ont chassé quarante familles de leurs maisons à Laboule 12. Les
échanges de tirs entre gangs rivaux sont devenus monnaie courante. Des résidents
lancent régulièrement des SOS sur les réseaux sociaux. En un mot, la situation
ne fait que s’aggraver. Plus le temps passe plus les bandits s’enhardissent. On
constate chaque jour l’incapacité de l’État à gérer la situation. L’aide
promise par l’International pour remembrer la police va prendre un certain
temps avant d’être effective. Le problème est qu’on n’a pas ce temps parce que
les policiers sont débordés et que certains sont découragés par la violence
décuplée des bandes armées urbaines. En plus de leur nombre insuffisant, la
police doit de surcroît faire face à des espions liés aux bandits en son sein ».
Toujours selon l’éditorialiste de l’Hebdo
Haïti en Marche, qui a rapporté les propos d’un journaliste canadien : « Analysant la situation critique
d’Haïti, un journaliste canadien, Loïc Tassé, a écrit dans Le Journal de Montréal,
que « Haïti risque de tomber complètement entre les mains de groupes mafieux
qui se serviront encore davantage du paravent des institutions d’État pour
mener leurs trafics et pour imposer leur ordre. La population deviendra plus
misérable et le nombre de réfugiés augmentera. Cet enfer pourrait durer
indéfiniment » (fin de citation) ».
Enfin, selon l’éditorialiste et je
partage son constat : « Le pays
a besoin d’une aide militaire internationale pour aider la police haïtienne à
affronter les gangs. Mais pour toutes les raisons que l’on sait – désintérêt de
l’étranger, déficit de légitimité des dirigeants, représentants peu convaincants
côté haïtien etc., il ne l’obtient pas. Quand bien même bénéficierions-nous de
cette assistance, cela sera insuffisant aussi longtemps que nous ne parvenons pas
à trouver un consensus entre nous sur la manière de gérer le pays ».
3. III. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
La situation tant au niveau
international que national ne laisse présager rien de bon. La guerre en Ukraine
va rentrer dans une phase décisive dans les prochains jours avec les
contre-offensives annoncées et les dispositions prises par les belligérants.
Comme nous l’avons écrit, l’Ukraine est devenue plus forte qu’en février 2022.
L’expérience acquise sur le terrain par ses soldats durant plus d’un an de
guerre de haute intensité lui permettra de résister à toute contre-offensive d’une
guerre conventionnelle avec la Russie. Ils savent se battre, en témoigne la
bataille de Bakhmuth. Avec les moyens mis à disposition par les occidentaux,
ils donneront beaucoup plus de fil à retordre aux russes, à moins que ces
derniers décident d’utiliser l’arme nucléaire tactique ou stratégique. Donc le
monde et Haïti sont de plein fouet dans cette croisée des chemins. Un effort de
guerre de près de 200 milliards de dollars américains (USA +UE), cela pèse
lourd dans l’économie mondiale et se répercute sur tout le monde, y incluse
Haïti.
Notre pays importe pour plus de 3.5
Mrds d’USD dont près de 2 Mrds de produits alimentaires et dérivés. On comprend
mieux le chiffre de 6 millions de personnes en insécurité alimentaire avancé
par certains spécialistes et le taux de change sur le marché informel
avoisinant 170 G pour 1 USD. Donc la cherté de la vie bat son plein en Haïti. Et
les projections de ce journaliste canadien se révéleront judicieuses. Avec le
règne de plus en plus marqué des gangs, et leur audacité arrogante vis-à-vis
des représentants de l’Etat et de la population, ne sont-ils pas en train d’envisager
la prise directe du pouvoir à travers des bandits à cravate ?
Selon de nombreuses analyses faites sur Jean-Robert
Jean-Noël.TV[9] et
Télé Provinciale[10],
avec Jean Victomé et Reynald Orival, on s’est donné jusqu’à mars 2023 pour
envisager une évolution positive de la crise multiforme et multidimensionnelle
que traverse Haïti. Aucun signe durant ce mois de mars 2023. Au contraire, la
situation tend à s’aggraver. Les gangs règnent. Les politiciens se battent pour
le maintien et l’accès au pouvoir sans un regard compatissant pour le peuple
haïtien et le pays qui les a vus naitre. On dirait des inconscients!
Je reprends donc l’interrogation du
mois dernier : « Va-t-on vers
un pouvoir direct des gangs ou vers une résolution de la crise par un appui
musclé de la Communauté Internationale ? ».Biden envisage de transférer
le dossier d’Haïti à nouveau à l’ONU, et Abinader, le président dominicain,
notre voisin de l’Est, persiste et signe, la communauté internationale devra « Pacifier
Haïti » ; en tout cas, c’est ce qu’il a déclaré lors du
sommet Ibéro-américain qu’il a hébergé cette année.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire