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samedi 31 décembre 2011

HAITI, BILAN 2011 ET PERSPECTIVES 2012 : UN APPORT PARTICULIER DU SECTEUR AGRICOLE ?


HAITI, BILAN 2011 ET PERSPECTIVES 2012 : UN APPORT PARTICULIER DU SECTEUR AGRICOLE ?

JEAN ROBERT JEAN-NOEL

31 DECEMBRE 2011

L’exercice 2010-2011 a commencé avec des perspectives heureuses pour Haïti : Taux de croissance de 9.8% du PIB, taux de change autour de 40 G. pour 1 USD, taux d’inflation de 9.1% en glissement annuel. Selon les dernières estimations, le taux de croissance est  de 4%, donc très, très inférieur par rapport au taux de 9.8% prevu, 5.5% de taux de croissance selon le Gouverneur de la Banque centrale dont 1% de contribution du secteur agricole (Emission du 2 Janvier 2012, Radio Metropole avec Kesner Pharel). Encore meilleur que les 4% annonces par une note du Premier Ministre  aux Ministres  en Decembre 2011, mais toujours inferieur par rapport aux previsions. Cette situation économique est tributaire de la situation politique du Pays.

En effet, dès  le 28 Novembre 2010, date des élections présidentielles et Parlementaires, Haïti qui venait d’enregistrer les premiers cas de choléra, rentra dans une crise électorale qui allait culminer en décembre 2010 avec la proclamation des résultats du premier tour des élections .

La crise électorale, qui a perturbé  les derniers mois  de 2010 et les premiers mois de 2011, allait trouver un semblant de solution avec l’élection de Mr Martelly par rapport à Mme Manigat. Pourtant la prise de pouvoir par Mr Martelly a mué la crise électorale  en une crise gouvernementale liée à une lutte acharnée entre la Présidence et le Parlement dominé par l’INITE et ses alliés du Groupe GPR. Cette bataille a duré 5 longs mois avec le rejet de deux Premiers Ministres désignés présentés par le Président, jusqu’à la ratification du Dr Conille comme Premier Ministre et l’investiture de son Gouvernement en octobre 2011. Entre temps, le Choléra a  atteint plus de 6000 morts.

Les anciens chefs d’Etat, Jean Claude Duvalier et Jean Bertrand Aristide, ont débarque en pleine crise électorale durant les 3 premiers mois de 2011. Heureusement, leur présence n’a pas trop influencé le 2e tour des élections. Durant toute cette période troublée, l’économie a fonctionné au ralenti sous couvert de lutte acharnée entre le Parlement et la Présidence, l’insécurité est montée en flèche, l’insécurité alimentaire aussi.

La présidence a pu quand même , sans Premier Ministre, marquer un bon point avec le lancement de la scolarisation universelle, en dépit des critiques en lien avec la création du fonds d’éducation. Le nouveau gouvernement, en pleine tempête entre le Parlement et la présidence concernant l’affaire Bélisaire, a pu aussi organiser la 2e rencontre avec les entrepreneurs étrangers, et tout de suite après l’affaire Bélisaire, organiser (Ministère de l’agriculture avec l’appui de l’IICA) le colloque sur la Serriculture en décembre 2011. On a aussi appris lors de la crise du dollar que le pays dispose de 1.2 millards de reserve de change.

Le pouvoir judiciaire, qui a pu enfin avoir son Président de cour de cassation, est resté très discret. Il a tenté de rappeler à l’ordre les deux autres pouvoirs dans leur querelle sans grandeur, surtout lors de l’affaire Bélisaire  qui, selon plus d’un, pourrait rebondir à la faveur de la nouvelle rentrée parlementaire du 2e lundi de janvier 2012.

On est plutôt heureux d’atteindre les 4% ou 5.5% de croissance du PIB au cours de cet exercice plutôt troublé et dominé par la politique comme toute année électorale. « L’inflation en glissement annuel a atteint 10.6% dépassant le niveau projeté (9.1%) en début d’exercice », a écrit le Premier Ministre, Conille, dans sa note adressée aux Ministres en Décembre 2011. Heureusement du point de vue de la perception, « les recettes fiscales ont augmenté de 30% par rapport aux prévisions » a poursuivi la note du Premier Ministre, ce qui a permis de compenser le faible niveau de décaissement de l’aide externe. Le niveau  de dépenses a dû donc baisser de 3% par rapport à l’exercice précédent.

On comprend dans ces conditions l’importance de ce taux de 5.5 % de croissance du PIB. Si ce taux se confirme, ce sera le taux de croissance le plus élevé depuis plus d’une décennie. Ce taux augure un taux de croissance encore meilleur en 2012 si les conditions d'investissement sont meilleures que pour l'exercice 2010-2011.

En vue d’accentuer la reprise de l’économie haïtienne et de créer  les conditions susceptibles de promouvoir les investissements et la création d’emplois durables dans les diverses régions du pays, le Gouvernement Conille table sur des dépenses d’investissement de 73 milliards de gourdes. D’où les objectifs macro-économiques suivants : taux de croissance du PIB de 7.8%, tiré essentiellement de l’agriculture, des bâtiments et travaux publics, et l’industrie manufacturière, taux d’inflation de 9% en glissement annuel, taux de change de 41 G. pour 1 USD, taux de pression fiscale de 14%, limitation du déficit public a 4%, le niveau de réserve de change correspondant à  3 mois d’importation.

Les réformes fiscales permettraient  d’atteindre 45.6 milliards de gourdes. Ce niveau de recettes fiscales correspondrait à l’objectif de 14% de pression fiscale.

Le budget 2011-2012, selon la note du Premier Ministre, se décline prioritairement en : (i) la promotion de la croissance économique et la création d’emplois, (ii) la dotation des diverses régions du pays d’infrastructures de support à la croissance économique, (iii) la contribution à la réduction de la vulnérabilité des populations et des territoires, (iv) la poursuite et le renforcement de l’accès aux services de base à la population, (v) l’accès à l’éducation fondamentale pour tous, (vi)  et le renforcement de l’Etat de droit. Remarquez en passant les quatre E du programme du President Martelly a travers ces 6 points.

Pour atteindre les objectifs du Gouvernement  en 2012, chaque secteur devra affiner son plan d’action annuel. Les secteurs prioritaires devraient en principe bénéficier la plus grosse part du budget. Le secteur agricole devrait bénéficier au moins  de 10% du budget pour contribuer très fortement comme en 2009 à la croissance de 7.8% du PIB au niveau national. Les décideurs sont-ils en mesure de comprendre le bien fondé d’une telle allocation ? La balle est dans le camp du Ministre de l’agriculture pour bien défendre ce dossier auprès de l’ensemble du Gouvernement et du Parlement. Obtiendra-t-il gain de cause ? On l’espère pour Haïti et les Haïtiens, capables du meilleur comme du pire !

mercredi 28 décembre 2011

DES ASSOCIATIONS D’IRRIGANTS (AI) AU RESEAUTAGE, LA BATAILLE POUR LE TRANSFERT DE LA GESTION DES PÉRIMETRES AUX AI, UNE NOUVELLE ETAPE ?


DES ASSOCIATIONS D’IRRIGANTS (AI) AU RESEAUTAGE, LA BATAILLE POUR LE TRANSFERT DE LA GESTION DES PÉRIMETRES AUX AI, UNE NOUVELLE ETAPE ?

BERNARD ETHEART ET
JEAN ROBERT JEAN-NOEL
27 /12/2011

L’élaboration d’un texte pareil répond à une double nécessité : celle de rendre hommage à tous ceux-là qui se sont battus pour asseoir l’approche participation-responsabilisation au niveau du monde rural, en particulier au sein des associations irrigants, et celle de permettre au grand public de comprendre le sens d’une bataille pour la démocratisation à la base en nous appuyant sur le sous-secteur irrigué qui a pris plus de 30 ans pour favoriser l’émergence d’une lueur d’espoir en terme de codification. Ce texte s’articule autour de deux thématiques complémentaires, (a) la méthodologie de mise en place des associations d’irrigants et (b) le réseautage des associations d’irrigants lié au transfert de la gestion des systèmes d’irrigation.

A.   Méthodologie
La méthodologie de transfert de gestion aux associations d’irrigants (AI) a été élaborée par le projet PPI-1 et appliquée par les partenaires du projet. Ensuite, elle a été reprise, affinée et amplifiée de manière consensuelle par l’ensemble des entités concernées par le sous-secteur des périmètres irrigués. Elle a été validée par les plus hautes autorités du ministère de l’agriculture en l’année 2000. Depuis, elle est appliquée en principe par l’ensemble des intervenants dans le sous secteur.

Les résultats à date (2011) sont encourageants selon le colloque organisé par la Fondation Haïtienne de l’Irrigation (FONHADI) en novembre 2011 à Villa MAMIKA (Croix-des-Bouquets) avec la participation des représentants des associations  et des fédérations d’irrigants de 7 départements sur 10, des représentants d’ONG, d’organisations nationales et internationales, des représentants du Parlement en la personne du  Député Ronald Oscar et du Sénateur Willy Jean-Baptiste, et du représentant de l’Exécutif en la personne du Secrétaire d’Etat à la production végétale, Fresner Dorcin.

Dépendant du diagnostic fait de l’association, cette méthodologie peut être appliquée sur une période variant de 2 à 8 ans avec l’implication de l’ensemble des acteurs concernés par les 4 phases, les 14 étapes et les 3 niveaux de contractualisation qui en constituent l’essence et les exigences pour une mise en œuvre acceptable avec des résultats durables .

C’est cette méthodologie qui est à la base du projet de loi sur le transfert de gestion des périmètres irrigués aux associations d’irrigants qui sera soumis au Parlement en l’année 2012. Le transfert d’un périmètre ou d’un groupes de périmètres à une association ou à une fédération ne se fera pas sans l’application préalable de cette méthodologie.

A.   Le réseautage des associations d’irrigants lié au transfert de la gestion des systèmes d’irrigation

Tel est le thème d’un atelier organisé par la Fondation Haïtienne de l’Irrigation (FONHADI) le vendredi 25 novembre à la Villa Mamika, Croix-des-Bouquets. Pour les non-initiés, cela peut paraitre du charabia, aussi allons nous devoir commencer par expliciter quelques concepts, et en premier lieu celui de transfert de gestion.

Au départ, il faut se rappeler que l’eau, en tant que ressource naturelle, est propriété de l’Etat au nom du peuple haïtien. De ce fait, toute exploitation de l’eau est sujette à une autorisation de l’Etat. Dans le cas spécifique des systèmes d’irrigation, même quand l’infrastructure a été financée par une institution privée, elle reste propriété de l’Etat, qui en assure la gestion. Cette gestion est assurée par un syndic d’irrigation, un employé du Ministère de l’Agriculture, qui assure la distribution de l’eau aux usagers du système et veille au bon état de l’infrastructure.

Dans la pratique, la formule a mal fonctionné, et ce à deux niveaux :
1)      Au niveau du syndic, les usagers se plaignent d’une mauvaise distribution de l’eau, le syndic favorisant des usagers plus « importants », probablement en échange de certains avantages ;
2)      Au niveau de la redevance que les usagers doivent verser à la Direction Générale des Impôts et qui est censée servir à financer l’entretien et la maintenance de l’infrastructure, les usagers se plaignent du fait que, une fois que ces sommes sont versées au Trésor Public, il est très difficile d’obtenir un décaissement quand ils en ont besoin pour effectuer des travaux d’entretien ou de maintenance.

D’où une double revendication de la part des usagers :
1)      Que la gestion des systèmes soit assurée par les usagers eux-mêmes ;
2)      Que la redevance soit gardée par les usagers eux-mêmes, de manière qu’ils puissent en disposer quand c’est nécessaire.

Dans l’histoire du transfert de la gestion, le premier cas connu est celui du canal d’Avezac, dans la plaine des Cayes. On parle d’une première autorisation datant du gouvernement de Paul Magloire, puis d’une autorisation accordée par l’agronome Frantz Flambert, Ministre de l’Agriculture du gouvernement de Jean-Claude Duvalier. Mais c’est avec l’Association des Irrigants de la Plaine de l’Arcahaie (AIPA) que l’agronome Gérald Mathurin, Ministre de l’Agriculture du premier gouvernement Préval, signe le premier contrat de transfert de gestion. Par la suite, l’agronome Sébastien Hilaire, Ministre de l’Agriculture du gouvernement Aristide, a signé des contrats de transfert avec des associations d’irrigants de la zone goâvienne et de la vallée des Trois Rivières.

La signature d’un contrat avec un Ministère suppose l’existence d’une association bien structurée et dotée de la personnalité civile ; or nous sommes encore loin du compte.

En ce qui concerne la structuration, le Programme de Réhabilitation des Petits Périmètres Irrigués (PPI 1) a proposé une méthodologie très élaborée. Elle n’a été adoptée que du bout des lèvres par la Direction des Infrastructures Agricoles (DIA) du MARNDR, heureusement validé par la suite au plus haut niveau du ministère ; mais tous les initiés retiennent les fameuses « 4 phases, 14 étapes et 3 niveaux de contractualisation ». Sans entrer dans les détails, on retiendra les « 3 niveaux de contractualisation », car l’idée est que, à chaque niveau de structuration de l’association, celle-ci se voit confiée par contrat un certain nombre de responsabilités, et le troisième niveau est celui où on lui confie la responsabilité de gérer le système par un contrat de transfert de gestion.

En ce qui concerne la personnalité civile, c’est plus compliqué. Il faudrait, en effet qu’une loi fixe (i) les conditions que devraient remplir une association d’irrigants, pour obtenir le statut d’association reconnue légalement, et (ii) les attributions qui doivent lui permettre de remplir ses fonctions.

Or il se trouve que dans ce beau pays il n’existe aucune législation sur les associations, d’une manière générale, voire sur les associations d’irrigants ! Le Groupe de Réflexion sur l’Irrigation (GRI), devenu par la suite la Fondation Haïtienne de l’Irrigation (FONHADI), en avait fait son cheval de bataille ; un avant-projet de loi a été élaboré et plusieurs fois remanié ; ces travaux ont culminé avec l’organisation, les 2, 3 et 4 juin 2004, d’un colloque sur le « Transfert de la gestion des systèmes irrigués en Haïti » et les actes de ce colloque ont été remis officiellement au Ministre de l’Agriculture le jeudi 14 avril 2005 (voir Conclusion du colloque sur l’irrigation, HEM Vol 19 # 12 du 20-26/04/2005). Mais il ne s’est encore jamais trouvé un Ministre de l’Agriculture qui présente cet avant-projet au Parlement.

En principe, au niveau des dirigeants, on est d’accord avec le transfert de la gestion des systèmes d’irrigations aux associations d’irrigants ; cela va dans le sens du « désengagement » du Ministère, devenu très à la mode à partir du retour du Président Aristide en 1994. On entend encore Philippe Mathieu, alors Directeur Général Adjoint, proclamer à tout moment, avec sa voix de stentor, que le Ministère doit devenir un ministère normatif et que les actions de terrain seront le fait d’opérateurs spécialisés.

Cela faisait aussi l’affaire de certains cadres du ministère qui se sont dépêchés de créer des « boites de techniciens », souvent avec un label ONG, prêtes à signer des contrats d’exécution avec le ministère ou les grandes organisations finançant des projets d’irrigation. Mais, d’un autre côté, l’idée de confier des responsabilités à des associations de paysans dérange ; cela va à l’encontre d’une vieille tradition de confiscation du pouvoir, de tout pouvoir, par une certaine catégorie sociale ; sans parler de la crainte de certains cadres intermédiaires de perdre leur job si les paysans « deviennent trop forts ».

En fait, ce ne sont que des combats d’arrière-garde. Le principe de la participation-responsabilisation, qui guide tous ceux qui appuient les associations d’irrigants fera son chemin même si cela déplait à quelques uns. A la Villa Mamika, selon la liste qu’on a pu obtenir et qui n’est peut-être pas complète, ils étaient plus de 80 participants dont une quarantaine venus de 7 départements : Nord-Ouest (5), Nord (4), Artibonite (14), Centre (1), Ouest (5), Sud-Est (5), Sud (8).

Quand on sait que de nombreuses zones n’ont pas pu être touchées, souvent parce que les organisations ne sont pas encore bien solides ou simplement pas connues des organisateurs du colloque, on peut imaginer quel potentiel cela représente ; et c’est là qu’apparait une autre cause de la réticence ; la cause politique.

Le sénateur de l’Artibonite, Willy Jean-Baptiste, lui-même agronome, spécialiste en gestion des systèmes d’irrigation, et qui a été Directeur de l’ODVA, a cité des chiffres. 20.000 hectares irrigués dans la plaine de l’Artibonite, avec des parcelles de moins d’un hectare, cultivées par un paysan à la tête d’une famille de 6 à 7 personnes, on peut calculer quelle population et combien d’électeurs potentiels cela représente ! Vous comprenez maintenant pourquoi l’Artibonite est une zone politiquement « chaude ».

Mais revenons aux associations d’irrigants. Au cours des réunions préparatoires de cet atelier, les membres de la FONHADI se sont penchés sur les services que l’association peut offrir à ses membres :
-          Des services pour une meilleure valorisation de l’eau :
v  accès aux intrants (engrais, semences, pesticides …),
v  machinisme (attelage, motoculteur, tracteur ...) pour faciliter le travail de la terre,
v  regroupement de la production,
v  transformation de la production,
v  commercialisation, recherche de marchés …. ;
-          Un service de gestion des exploitations agricoles (travailler sur la rentabilité de la production) ;
-          Des actions de plaidoyer pour un meilleur accès aux intrants, pour davantage d’investissement de l’Etat, un meilleur accès au crédit …

Dans l’idée des membres de la FONHADI, les associations seraient encore plus efficientes si, au lieu d’agir chacune de son côté, elles conjuguaient leurs efforts en se regroupant en fédérations régionales et à terme nationales. Il en existe déjà dans l’Artibonite, dans le Sud-Est, dans la zone goâvienne, sans parler de la grande Association des Irrigants de la Plaine de l’Arcahaie. C’est là un premier niveau de « réseautage » ; l’objectif est d’étendre ce mouvement à l’ensemble du pays.

Et comme on ne se refait pas, B.Ethéart ne peut s’empêcher de reprendre ce slogan qu’il a lancé à l’issue du colloque sur le « Transfert de la gestion des systèmes irrigués en Haïti » en juin 2004 (voir Conclusion du colloque sur l’irrigation, HEM Vol 19 # 12 du 20-26/04/2005), « Irrigants de tout le pays unissez vous ! »

Pour finir une bonne nouvelle : le nouveau Secrétaire d’Etat à la Production Végétale du MARNDR, l’agronome Fresner Dorcin, qui était présent à l’atelier, a promis son appui pour faire avancer le dossier de la loi sur les associations d’irrigants. Le Député Ronald Oscar et le Sénateur Willy Jean-Baptiste en ont fait de même. Aux dernières nouvelles, le Ministre  de l’agriculture, l’Ing/AGR Hébert Docteur, a passé des instructions pour inscrire le projet de loi dans la liste des projets de loi à soumettre à la Primature et à inscrire dans l’agenda législatif de 2012. Franchira-t-on cette nouvelle étape si cruciale dans la bataille pour la démocratisation du monde rural ? Ces hommes qui auront aidé à la franchir seront très certainement récompensés par l’histoire.

lundi 28 novembre 2011

ET SI L’EXECUTIF ET LE PARLEMENT SE BATTENT DESORMAIS POUR UNE AUTRE HAITI?


ET SI L’EXECUTIF ET LE PARLEMENT SE BATTENT DESORMAIS POUR UNE AUTRE HAITI?

JEAN ROBERT JEAN-NOEL

27 NOVEMBRE 2011.

Haïti traverse une période difficile depuis la prise du pouvoir par le gouvernement Conille. L’altercation entre le Président Martelly et le Député Bélisaire au Palais National, suivie de l’arrestation et du relâchement de ce dernier, a poussé le Parlement , qui n’était déjà pas en odeur de sainteté  avec le Président (rappelez-vous le sort réservé à ses deux premiers ministres désignés, Gousse et Rouzier), en a profité pour complexifier un incident certes grave mais qui , à mon humble avis, vu la problématique haïtienne, ne devait pas déboucher sur la crise  actuelle (blocage implicite du pays, menaces  à peine voilées de destitution du Président, de renvoi  du gouvernement,  de renvoi de ministres, et en fin de compte, démission du ministre de la justice, Me Pierre-Louis, en plus, possibilité de rebondissement en janvier 2012 avec la réouverture de la session  parlementaire). Durant cette période de trouble, Haïti a connu la hausse de l’insécurité, le ralentissement des activités économiques, un gouvernement qui n’a pas pu démarrer vraiment. La retraite gouvernementale du Club Indigo a débouché sur un plan d’actions gouvernementales 2011-2012. Ce plan annuel sera suivi d’un plan quinquennal. Du coté du Sénat, la commission mise en place  pour établir la vérité a sorti un rapport très bien écrit et détaillé pour confirmer tout ce que tout le monde doué de bon sens sait déjà que les acteurs impliqués dans cette affaire ont menti. Le ministre de l’Intérieur, Me Mayard Paul a été épargné, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Me Brunache, aussi, tandis que le ministre de la justice a été épinglé et a « démissionné » quelques heures  avant  la séance d’interpellation programmée par le Sénat, le 22 Novembre 2011.

La saga Bélisaire-Martelly qui a mis à mal l’image du pays a-t-elle terminé ? Le Parlement et l’Exécutif ont-ils compris enfin qu’Haïti est plus importante que ces querelles sans grandeur qui ont émaillé les six premiers mois de la présidence de Martelly ? Et vont-ils s’arranger pour que les trois pouvoirs de l’Etat restent dans leurs limites constitutionnelles, en menant des actions imbriquées dans chaque pouvoir, articulées par rapport à chaque pouvoir et intégrée dans le grand ensemble qu’est Haïti pour déboucher, en finale, sur le développement harmonieux d’Haïti ?

Pour la première interrogation, rien n’est moins sûr si l’on en croit les propos de certains députés et sénateurs qui veulent aller jusqu’au bout, c'est-à-dire,  la destitution du président pour violation de la Constitution. Pour d’autres députés et sénateurs, il faudra passer l’éponge, si le président s’excuse. Ce qu’il a fait d’une certaine manière dans son discours à la Nation tout de suite après le vote du rapport de la commission parlementaire. Comme toujours en Haïti, ce n’est jamais suffisant d’utiliser un langage voilé pour reconnaitre ses torts ; il faut s’abaisser et s’humilier devant l’ennemi. Et même là encore, on n’est jamais tout à fait pardonné. En tout cas, pour le bien-être de notre pays, il serait bon de fermer cet épisode ridicule qui a le bon coté de nous faire prendre conscience des limites de chacun des pouvoirs. Comme dirait l’autre, « seul le pouvoir arrête le pouvoir ». En Haïti, il faudrait un équilibre réel des pouvoirs d’Etat et non la prééminence de l’un sur l’autre. Or le pouvoir judiciaire est inféodé par les deux autres qui se sont arrangés pour le partager jusqu’ici. Donc, il faudrait trouver la formule idéale pour qu’il fonctionne sans interférence des deux autres.

Pour la deuxième interrogation, on a cette impression que le Parlement et l’Exécutif comprennent la nécessité d’éviter les querelles sans grandeur. Ces querelles, axées sur les intérêts de groupes, font plus de mal au pays que de bien. Le sous développement d’Haïti s’explique en grande partie par ces querelles intestines qui se sont déclarées dès le lendemain de l’indépendance du pays haïtien. Actuellement, ces querelles entre le Parlement et l’Exécutif ne font que reproduire ce qui s’est passé tout le long de notre histoire tumultueuse de « Peuple Rebelle », capable d’aller jusqu’au bout, sans considérations aucunes. L’impression dégagée des deux cotés , c’est qu’ils ont compris le message de la Nation ( non pas celui des groupes d’intérêts-au contraire) qui a assisté douloureusement à cette mascarade qui, pendant un mois, a occupé l’actualité au détriment des multiples problèmes que confronte Haïti à la veille de 2012. Cette mascarade a favorisé la sortie des loups de leur tanière pour kidnapper, voler et tuer en toute impunité. En déclenchant cette affaire, l’Exécutif et le Parlement savaient très bien que le pays allait en pâtir, que le « zenglendisme » allait en profiter au maximum. A moins qu’ils ne connaissent pas bien la réalité haïtienne ou qu’ils la connaissent très bien et qu’ils agissent en connaissance de causes ! Dans les deux cas, ils sont condamnables. En tout cas, dans la conjoncture actuelle, il faut faire avec ce qu’on a et continuer avec eux en leur demandant de ne plus jamais recommencer ce petit jeu malsain susceptible de nuire à nous tous. Et qu’ils sachent aussi qu’ Haïti appartient à chacun de ses enfants et qu’ils n’ont aucun droit, aucun, sous prétexte d’être des élus, d’offrir au monde entier ce spectacle hideux et sans grandeur !

Pour la troisième interrogation,  après ce spectacle hideux, il serait bon, en premier lieu, pour ces personnes qui ont acquis le droit de nous gouverner par voie élective (magouille ou pas) de s’asseoir ensemble, en surmontant leurs différends, pour définir le contour de ce « vivre ensemble », de ce « pacte de gouvernabilité », de ce « plan de 25 ans »  dont les éléments sont disponibles (PARDNH 2010-2032, PSSN, GRANH, etc. )et les objectifs assez clairs et précis (FONHDILAC, http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/08/document-dorientation-pour-la.html). On peut tout reprocher à la Constitution de 1987, elle a au moins le mérite de définir les limites de chacun des pouvoirs d’Etat. C’est notre acquis démocratique le plus important depuis 1986. On l’a violée, vilipendée, amandée en fonction des intérêts contrairement à l’excellent travail réalisé par la commission présidentielle présidée par Claude Moïse. Elle résiste parce qu’elle porte en elle, en dépit de ses faiblesses, le germe du changement souhaité par la majorité des Haïtiens. En l’appliquant intégralement et sans volonté délibérée de la violenter, on aurait déjà obtenu  certains résultats. En tout cas meilleurs que ceux dont on a obtenu jusqu’ici !. Malheureusement, nous nous sommes confortés dans cette idiotie « constitisyon se papye, bayonet se fè ». Nous devons, à la faveur de cette affaire Bélisaire-Martelly, qui nous fait tant de mal, nous mettre ensemble pour favoriser l’harmonisation entre les 3 pouvoirs, appliquer la stratégie d’imbrication, d’articulation et d’intégration des actions (SIAA) au niveau des 3 pouvoirs, en permettant à chacun des pouvoirs d’agir de manière à imbriquer les actions en son sein, de les articuler par rapport à l’autre pouvoir et de les intégrer ensemble dans le plan de développement de notre chère Haïti. Ce travail exige beaucoup de sacrifices et aussi de la  personnalité de la part de chacun des représentants des 3 pouvoirs pour exercer le leadership éclairé nécessaire pour la bonne marche de chacun des pouvoirs d’Etat. En articulant les actions imbriquées dans chacun des pouvoirs et en les intégrant dans le grand ensemble Haïti, le pays rêvé par tous les Haïtiens dignes de ce nom verra le jour à l’horizon 2035.

Et l’affaire Bélisaire-Martelly aura été utile à quelque chose,  le Parlement et l’Exécutif auront gagné la bataille pour la mise en place, avec le Judiciaire, de l’Etat de droit prévu par la Constitution et après lequel nous courons depuis 1986. Et Haïti sera vue autrement grâce à l’harmonie enfin retrouvée entre les trois (3) pouvoirs d’Etat, et le développement durable de ce pays ne sera plus ce rêve d’intellectuels en quête d’évasion pour éviter cette hideuse réalité haïtienne! Nos Dirigeants actuels ont cette occasion unique, cette dernière occasion, après cette mascarade, de nous permettre de contempler cette image lointaine de l’autre Haïti en lançant cette bataille dès aujourd’hui pour se faire pardonner. Puissent-t-ils s’inspirer de Dessalines et de Pétion pour devenir des bâtisseurs comme Christophe et des visionnaires comme Toussaint ? C’est peut-être trop demander à ces petits hommes. Qu’ils nous étonnent en nous démontrant le contraire ! Et Haïti leur sera éternellement reconnaissante ! C’est tentant ! N’est-ce pas, Messieurs et Dames ? A moins que….

jeudi 20 octobre 2011

HAITI : POLITIQUE GENERALE DU DR CONILLE ET LE SECTEUR AGRICOLE, UN PARI A GAGNER ?




HAITI : POLITIQUE GENERALE DU  DR CONILLE ET LE SECTEUR AGRICOLE, UN PARI A GAGNER ?

JEAN ROBERT JEAN-NOEL
20 OTOBRE 2011

Ouf, enfin, Haïti a un Premier Ministre (PM) cinq (5) mois après l’investiture du Président Martelly !!! En effet, après la ratification du PM par le Sénat, Dr Garry Conille et son cabinet ministériel ont bénéficié d'un vote de confiance de la part de 81 députés et de 16 sénateurs à la fin de la semaine dernière, suite à la présentation de l’énoncé de sa politique générale. Ce nouveau gouvernement est le bien venu dans la conjoncture actuelle dominée par la réouverture des classes avec l’accompagnement de 772000 enfants dont 142 600 nouveaux écoliers;  par la réouverture des tribunaux et la nomination d’un nouveau Président à la Cour des Cassations après plus de 5 ans d’intérim de Me Georges MOISE ; par la recrudescence du choléra après les dernières pluies de septembre et d’octobre ; par les visites  du Président Equatorien, de la Reine d’Espagne, du Secrétaire général de la Francophonie , du « banquier des pauvres », M. Muhammad Yunus, avec sa théorie de la 3e voie, le « social business » se situant entre l’économie du profit (grandes entreprises) et l’économie de la charité ou humanitaire (ONG/ agences des Nations unies) ; par les écarts de langage du Président de la République vis-à-vis d’un journaliste et d’un député, et par la semaine de la réconciliation nationale  caractérisée par des rencontres du Président Martelly avec les anciens Chefs d’Etat Haïtien, Avril, Aristide, Alexandre, Duvalier, Namphy. Ce qui a poussé Jean Eric RENE à qualifier Mr Martelly d’ « apôtre de la réconciliation nationale ». Et le président de préciser à Marchand Dessalines à l’occasion du 17 octobre 2011 qu'il entend travailler conjointement avec les ex présidents René Préval, Jean Bertrand Aristide et Jean Claude Duvalier quoiqu'il n'ait jamais été membre de leur équipe. « Nous sommes tous des haïtiens, nous devons résoudre les problèmes du pays. » A-t-il martelé, (Radio Métropole). 

Avec l’investiture du Gouvernement  ce mardi 18 octobre, et l’installation des  ministres le lendemain à partir de cérémonies plutôt émouvantes, le Président  Martelly se donne-t-il les moyens de sa politique ? La déclaration de politique générale du PM contient-elle l’essentiel de ces moyens, tout au moins en ce qui concerne le secteur agricole, le plus grand pourvoyeur  d’emplois du pays actuellement ?

La déclaration de politique du PM CONILLE

C’est un document d’une quatre vingtaine de pages  organisées en 8 chapitres si l’on tient compte de l’introduction et de la conclusion. Le document s’articule autour  de  (i) Cahier Des Charges Des Elus ; (ii) Pacte Du Bien-Vivre Ensemble ; (iii)  Les Urgences De L’heure ; (iv) Les Quatre Piliers Du Président Martelly auquel  le PM a ajouté un 5e pilier : 1) Education (Les défis actuels, L’urgence de la scolarisation universelle, De nouvelles voies pour l’enseignement professionnel, l’enseignement supérieur et la recherche), 2) Etat de droit ( Instauration de l’Etat de droit, Le Système Judiciaire, La PNH , Le Système pénitentiaire , Ordre de route et calendrier pour les 100 premiers jours , Défense et protection civile , Renouvellement des institutions démocratiques , Politique sociale, La protection sociale, La santé, La politique de population et de développement , Femme et Famille, Jeunesse et Sports) , 3) Emploi et création de richesse (La stratégie, Agriculture et milieu rural , Tourisme, Logement et reconstruction, Vêtement et industrie légère, Culture et industries créatives et culturelles) , 4) Environnement ( La fracture environnementale , Les réponses à la vulnérabilité , Le développement transfrontalier) , 5) Energie ( Mines et ressources énergétiques, Electricité) ; (v) Politique Etrangère ; (vi) Voies Et Moyens ( Reforme de l’Etat et Décentralisation, Budget) .

Le document de politique général est en rupture par rapport aux déclarations de politique générale antérieures, tout au moins est différent en ce sens qu’il s’apparente beaucoup plus à un programme gouvernemental avec certains indicateurs qu’à une déclaration de politique générale articulée en général autour d’une vision, des grands objectifs stratégiques, des grands principes et des grandes orientations (Phito Blémur). En effet dans ce document, il est prévu un budget de 600 milliards de gourdes (15 mds d’USD) sur une période de 5 ans avec 120 milliards d’investissement par an (3 mds d’USD), un taux de croissance moyenne annuelle de 9%, un taux d’inflation inférieur à 10%, 1 million d’emploi formel, réduction de 50% du nombre de personnes vivant avec moins de 2 USD par jour, réduction d’un tiers (1/3) du déficit de la balance commerciale en pourcentage du PIB.

La stratégie prévue par la déclaration de politique générale
Pour y parvenir le gouvernement  entend redynamiser l’ensemble des territoires de la République pour les transformer en milieux économiquement actifs, maximiser la création d’emplois durables sur la totalité du territoire et dans tous les secteurs clés par la conception et la mise en œuvre d’un ensemble de politiques publiques appropriées visant à garantir les solidarités essentielles à notre société et mieux assurer la place d’Haïti dans la région ; établir des zones économiques intégrées (ZEI) en vue d’apporter un renouveau à la dynamique de pôles d’entreprises dans tout le pays, en favorisant le maillage économique des territoires par la valorisation de tous les départements dans une logique de complémentarité et de coopération avec la politique des pôles de compétitivité et celle des pôles d’excellence rurale ; Tout ceci  dans le cadre d’une révolution de  croissance inclusive, en se basant sur des secteurs prioritaires supportés par les piliers transversaux suivants: (i) routes, bâtiments, ports, aéroports, réseaux d’irrigation et de drainage, les réseaux électriques, etc. (ii) Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) en tant que moteur de la compétitivité ; (iii)L’éducation et la formation ; (iv) La mise en place d’un cadre propice aux affaires, grâce à un partenariat privé-public (PPP) à travers des réformes de politiques publiques et la promotion systématique de l’entreprenariat.

Le souci du respect de la pensée du prince
L’épine dorsale du document demeure le programme en 4 E du Président Martelly ; on y décèle en filigrane quelques similitudes avec le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH) avec ses 4 axes, refondation sociale, refondation économique, refondation territoriale et refondation institutionnelle, regroupés autrement pour s’aligner au programme du Président avec accent particulier en lien avec le secteur agricole. Ce qui rend le document fastidieux à lire, n’est-ce pas, Mr le Premier Ministre ? Et qui a fait somnoler certains parlementaires et le grand public accroché au petit écran lors de l’énoncé de la politique générale. Mais vaut mieux s’accrocher à la pensée du prince au lieu d’un texte cohérent comme le PARDH qui donnerait l’impression d’une allégeance à la communauté internationale !

Le secteur agricole dans la déclaration de politique générale

Diagnostic
Le document enchaine à partir du diagnostic  que l’on connait « L’agriculture demeure au pays le secteur fort de l’emploi. Après avoir été pendant longtemps le secteur le plus performant de par sa contribution au PIB, le secteur agriculture a connu, ces dernières années, un déclin progressif et quasi continu. La dégradation continue de l’appareil productif haïtien, tel qu’observée particulièrement dans ce secteur devenu incapable de satisfaire la demande locale de produits agro-alimentaires, a eu comme conséquence une nette progression des importations de produits dérivés depuis le début des années 80. La part de ceux-ci dans les importations totales est en effet passée de 18.3% en 1981 à 26.8% en 2004.  Ce taux avoisine les 40% et atteint jusqu’à 80% pour certains produits à l’heure actuelle. »

C’est une agriculture à faible productivité et non compétitive faute essentiellement de capitaux. « Le peu de ressources disponibles est exploité de façon anarchique, alors que la croissance démographique annuelle est d’environ 2,5% dans un secteur où le taux global d’inactivité a été estimé (en 2009) à 51,1% ». Selon le document : « La contribution de l’agriculture, de la sylviculture, de l’élevage et de la pêche s’est maintenue autour de 25% du PIB. Haïti importe près de 60 % de ses besoins alimentaires. Le riz qui constitue la base de notre ration alimentaire est importé à près de 80%. Une telle dépendance expose évidemment le pays aux variations de prix des commodités alimentaires sur les marchés internationaux ». Ce qui aggrave la situation en matière de pauvreté rurale : « De plus, à l’heure actuelle, la pauvreté est deux fois plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain. Le revenu per capita à la campagne n’est que de $ 400 l’an, comparé à $ 800 en milieu urbain. La majorité de la population rurale a faiblement accès à l’éducation, aux soins de santé, à l’eau potable et à l’électricité. Des trois (3) millions de personnes souffrant d’insuffisance alimentaire, 77% vivent en milieu rural ». D’où certaines propositions faites par le dernier gouvernement et adoptées dans leurs grandes lignes par le gouvernement actuel  qui fait sien le « document de Politique de développement agricole (2010-2025), assorti d’un plan national d’investissement agricole (PNIA) couvrant la période 2010-2016. » « Toutefois, il est important de noter que la vision actuelle est guidée par un autre paradigme, positif et dynamique, à savoir CREER LA RICHESSE au lieu de simplement « lutter contre la pauvreté » comme le propose le DSNCRP ».

La stratégie
L’actuel gouvernement s’engage à : promouvoir un système de production agricole rentable pouvant garantir un revenu acceptable aux producteurs, lutter plus efficacement contre la pauvreté et la cherté de la vie, prévoir la mise en place d’un dispositif qui structure l’ensemble des programmes agricoles et assure la valorisation du potentiel des différentes zones agricoles, reprendre les activités de la Banque de Crédit Agricole, comme outil de financement des activités et de renforcement des capacités des producteurs. « Pour faciliter le décollage de ce secteur et encourager l’investissement privé, un financement externe des investissements agricoles garanti par l’État haïtien sur une période d’au moins dix (10) ans est envisagé. » Et  « un important soutien logistique et financier sera également apporté au développement des chaînes de valeur agricoles, (transport, engrais, équipements agricoles etc. »

Il sera encouragé, « le développement des pôles de croissance et des zones économiques spéciales, en tenant évidemment compte des caractéristiques des Zones (climat, produits), dans le but de faciliter à ces produits l’accès au marché et maximiser les externalités positives et les liens intersectoriels. Ces zones économiques spéciales auront un statut juridique particulier qui les rende plus attractives pour les investisseurs tant nationaux qu’étrangers et offriront des facilités aux entreprises qui s’y installeront. »

Et le gouvernement croit que « Cette valorisation des immenses potentialités des diverses régions du pays aboutira indubitablement à la création massive d’emplois et de richesses, au désengorgement des villes et à la réduction de la délinquance. »

Les objectifs et résultats visés
Objectifs spécifiques. Afin d’assurer aux populations une alimentation en quantité et en qualité suffisantes et aux producteurs de denrées alimentaires des revenus décents, le Gouvernement s’est fixé entre autres les objectifs spécifiques suivants :

(i)Eliminer les blocages au niveau du foncier surtout dans les zones de conflits terriens à répétition par la révision du cadre juridique et règlementaire en matière foncière ; (ii)Augmenter de 50% le revenu per capita rural; (iii) Réduire de 25% la dépendance alimentaire pour atteindre un taux d’autosuffisance de 60% au bout des cinq prochaines années; (iv) Accroître la productivité des populations rurales par le renforcement de l’organisation et de la capacité des acteurs ; (iv) Mettre en œuvre un Plan global de mécanisation agricole ; (v) Encourager un partenariat actif entre les producteurs agricoles et les micros, petites et moyennes entreprise agro-industrielles ; (vi) Faciliter l’accès au crédit des promoteurs agricoles et des groupements de jeunes désirant se lancer dans l’agriculture en développant des mécanismes innovants de nantissement des titres de propriété ;(vii) renflouer les banques de crédit agricole par des fonds de garantie et de contrepartie suffisants ; (viii) Réaliser des infrastructures hydro-agricoles (grande et petite irrigation) dans la perspective d’une augmentation significative de la production agricole d’ici 2015 ; (ix) Augmenter la production locale de riz de manière à couvrir les deux tiers (2/3) de la consommation nationale.

Les Grandes lignes d’actions
Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement s’assurera de : 1) Promouvoir l’intensification de la production dans les zones appropriées particulièrement en plaine ; 2) Augmenter la valeur ajoutée des produits agricoles issus des filières porteuses ; 3) Faciliter la croissance des filières génératrices d’emplois et de richesses ; 4) Améliorer l’organisation, la sécurisation et le développement des marchés agricoles ; 5) Protéger l’environnement et la biodiversité ; 6) Améliorer la gouvernance du secteur ; 7) Transformer le cadre réglementaire et légal et adapter le cadre macroéconomique ; 8) Encourager la mécanisation des outils agricoles ; 9) Fournir un accompagnement financier aux producteurs agricoles.

Le développement des infrastructures hydro agricoles. Il sera procédé à l’amélioration et à l’extension des infrastructures d’irrigation et les systèmes de gestion des périmètres irrigués : 30,000 ha à réhabiliter, 40,000 ha à construire, dans la perspective de rétablir un certain équilibre territorial, ces nouveaux périmètres à identifier principalement dans des régions du pays traditionnellement laissées pour compte telles que: Savane Diane dans le Centre; la Plaine de Maribaroux, la Plantation Dauphin dans le Nord-est; la Plaine des Baconnois dans les Nippes; le Farwest dans le Nord- ouest.  Ce qui fera passer la superficie correctement irriguée de 50,000 à 120,000 ha à la fin des 5 années du mandat présidentiel. Il sera procédé au curage des canaux des systèmes d’irrigation fonctionnels, en particulier les 34000 ha de la Vallée de l’Artibonite, au drainage du delta du fleuve et au curage de la rivière Salée, soit une augmentation de 30% de l’offre agricole de la région globalement. Un effort particulier sera fait sur des centaines de lacs collinaires, des milliers de citernes individuelles et des dizaines de barrages de retenue sur les rivières surplombant des espaces exploitables pour renforcer l’aquaculture et développer l’agriculture intensive.

Amélioration et extension des voies d’accès agricoles. Il sera entrepris un vaste programme de réhabilitation  (850 km)et de percement (1500 km) de routes, de pistes agricoles et de chemins muletiers majoritairement sur la base de travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO dans les zones d’intervention suivantes : les plaines du Nord-est, du Nord, le Plateau Central, le grand périmètre de l’Artibonite, le Sud-est, les Nippes, le Nord-ouest, le Sud- ouest.

Le Développement des Filières . Le Développement des Filières constituera un autre élément clé de la politique agricole : La mise en valeur des réserves foncières du pays (Nord, Nord-est, Plateau Central) par la création d’exploitations agricoles modernes, la reprise des exploitations agricoles importantes délaissées depuis quelques années (plaine des Cayes/Cavaillon, Léogane/Cul-de-Sac/Arcahaie, Plaine du Nord), les céréales, l’agroforesterie, l’élevage, la pêche et l’aquaculture, etc., la promotion de l’agro-industrie et l’accès à la mécanisation et aux intrants agricoles.

En guise de conclusions et recommandations, on peut dire qu’c’est un programme ambitieux qui nécessiterait un pourcentage important du budget national pour le secteur agricole (10-15 %), une reforme en profondeur du MARNDR axée sur sa réorganisation et un mariage intelligent de jeunes cadres et de  cadres plus ou moins âgés, un leadership et une coordination sérieuse du ministère par rapport à l’ensemble des acteurs du secteur, un appui politique soutenu des plus hautes autorités du pays vis-à-vis du ministère de l’agriculture. Il est a noter que le plan national d’investissement agricole (PNIA : 792 M d’USD) dispose  des ressources financières négociées de l’ordre de 300 M d’USD par le gouvernement Préval-Bellerive. Une bonne utilisation de ces fonds par le nouveau gouvernement par suite d’adaptation du PNIA aux priorités gouvernementales se révélerait un bon exemple de changement dans la continuité et un bon guide dans la façon d’opérer du reste du gouvernement. Et c’est Haïti qui gagnerait à ce jeu ! N’est-ce pas là un bon pari ?

dimanche 18 septembre 2011

HAITI : RATIFICATION DU DR CONILLE COMME PREMIER MINISTRE, LA BALLE EST MAINTENANT DANS LE CAMP DU SENAT



JEAN ROBERT JEAN-NOEL
LE 18 SEPTEMBRE 2011

Avec la non ratification de Me Gousse comme premier ministre par le Sénat le mois dernier, on s’est enlisé un peu plus. La situation politique aidant, c’est l’augmentation de l’insécurité globale ; c’est l’augmentation de la cherté de la vie avec un taux d’inflation autour de 9.5% ; c’est le ralentissement de l’économie ; avec le manque de moyens de production (engrais, crédit, machinerie agricole, etc. ) c’est la diminution de la récolte de printemps par rapport à 2010, responsable de 60% de la récolte globale du pays, d’où une augmentation de l’insécurité alimentaire globale (45% de la population) avec 210000 individus en insécurité alimentaire chronique (CNSA septembre 2011) qui nécessite des mesures immédiates de la part des acteurs, en particulier du gouvernement ; ce sont les dégâts causés par les pluies de septembre (saison cyclonique) ; c’est la MINUSTAH qui s’enlise avec ce viol de ce jeune garçon de 18 ans à Port- Salut par un contingent uruguayen, d’où un certain ras le bol par rapport à cette mission des Nations unies et des manifestations anti-MINUSTAH. Et puis, coté espoir dépendant de comment on voit les choses, c’est la nomination des délégués départementaux, celle  des directeurs généraux des services autonomes (CONATEL, DOUANES, OFNAC, AAN, etc.) par le Président de la République ; c’est la mise sur pied d’un Conseil Consultatif pour  favoriser les investissements en Haïti dirigé par l’Ex-Président Bill CLINTON ; c’est la désignation du Dr Garry CONILLE comme Premier Ministre dont la résidence au pays a fait couler beaucoup d’encre et sa ratification par la chambre des député à l’unanimité des présents (89/90, le Président ne votant pas, un record historique selon Ramasse de Caraïbes FM) ce vendredi 16 septembre 2011. Avec cette ratification de la Chambre basse à l’unanimité y inclus le groupe GPR, il s’est constitué  à ce niveau « une majorité fonctionnelle » qui se répercuterait au niveau du Sénat avec le Groupe des 16 Sénateurs du GPR qui serait aussi favorable au nouveau PM à moitié ratifié. Alors, et si on s’en sort vraiment ? Tout au moins de la crise gouvernementale ?

Le profil de la politique générale du Nouveau Premier Ministre ?
A moins d’un accident de parcours extraordinaire( Haïti étant une boite à surprises), Dr CONILLE passera le cap du Sénat aussi. La présentation de la politique générale deviendra une simple formalité puisqu’elle se basera sur le Plan d’action pour le relèvement et le développement national (PARDN) qui a déjà l’aval de la communauté internationale, sur son entité inédite, la CIRH avec plus de 100 projets approuvés/en cours et des fonds collectés supérieurs à 4 milliards d’USD, et sur  le programme en quatre « E » du président Martelly, Education, Emploi, Environnement, Etat de droit. Le deal qui a favorisé cette unanimité de ratification de la chambre basse et très certainement celle du Sénat, se verrait accorder une petite place dans la politique générale, le choix des ministres et d’autres hauts fonctionnaires dans le prochain gouvernement qui sera mis en place par le nouveau PM. En basant la politique générale sur le PARDN et autres, ce sera un compromis entre la continuité et le changement. C’est ce que nous avons conseillé à nos gouvernants dès le départ, ce qui  aurait évité au pays de perdre 4 mois et de s’enliser au point de ne même pas  se doter d’un budget pour l’exercice 2011-2012. Le gouvernement CONILLE sera obligé de reconduire le budget 2010-2011 (2.63 milliards de USD), ne serait-ce que dans un premier temps ? A moins que, comme nous l’avons suggéré, une équipe du Président se soit penchée dans l’ombre sur le budget 2011-2012 avec l’équipe sortante. Ainsi, on perdrait moins de temps dans la mise en place d’un budget rectificatif 2011-2012 de 4 milliards d’USD visant un taux de croissance de l’économie autour de 10%, un taux d’inflation inférieur à 10%, un taux de change autour de 40 G pour 1 USD dans le cadre d’un programme bien ficelé et acceptable pour Haïti et la communauté internationale qui finance à hauteur de 65% notre budget.

Les défis d’un  Gouvernement CONILLE
Le gouvernement CONILLE ou n’importe quel gouvernement haïtien aura à faire face a des défis énormes à partir de la situation aggravée par le tremblement de terre de 2010 et encore plus depuis  les 4 derniers mois. La question de nourriture est fondamentale. Avec l’inflation actuelle, l’augmentation du coût de la vie, même en équilibre alimentaire avec 53% d’importation et 47% de production agricole, l’accessibilité à des produits alimentaires se fait sentir à cause  du manque d’emploi, du ralentissement global de l’économie. De plus, les intempéries dues à la saison cyclonique ont réduit les accès aux zones de production, ont provoqué des inondations dans certaines régions (vulnérabilité environnementale) avec des pertes en termes de bétails, d’endommagements de maisonnettes, le retard des pluies de printemps n’a pas favorisé une augmentation de la production agricole nationale ; l’enquête de la CNSA et de ses partenaires sur la production agricole menée durant la période de soudure de 2011, a révélé une baisse de production agricole dans la plupart des département dont l’Artibonite , le grenier du pays en matière de riz. Le manque de pouvoir d’achat combiné à d’autres facteurs a conduit à une insécurité alimentaire sévère touchant 8.2% de la population qui interpelle tous les acteurs dont le gouvernement. En ce sens,  le Gouvernement ne pourrait se permettre de ne pas accorder une attention spéciale au secteur agricole tant au niveau du choix du nouveau ministre qu’au niveau des politiques publiques liées au secteur.

La complexité de la sécurité alimentaire d’Haïti
Les défis de la sécurité alimentaire sont certes liés à l’agriculture mais aussi à l’environnement, à la santé, à l’éducation, à l’économie, à la finance, au commerce à l’industrie (politique commerciale, politique fiscale, politique industrielle, etc.), à l’infrastructure en général, à l’emploi. C’est un domaine complexe bien appréhendé par le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle actualisé par la CNSA et publié par le ministère de l’agriculture. La transversalité d’un tel domaine vital dans la prise de décision gouvernementale mérite d’être bien maitrisée au niveau le plus élevé du gouvernement et  en particulier par  le ministre de l’agriculture et les autres ministres concernés. D’où la nécessité pour le nouveau Premier Ministre de s’entourer de gens compétents ayant un savoir faire éprouvé pour faire face à ces nombreux défis que confronte le pays. Le deal politique qui favorise sa ratification ne doit en aucun cas obnubiler son jugement dans le choix de ses collaborateurs immédiats, en l’occurrence ses ministres. L’exigence de la compétence devra être le critère no 1 de tout choix de ministre dans le prochain gouvernement. Le clientélisme sans compétence doit être banni. Sans quoi, ce sera l’échec.

L’adaptation du programme Martelly par rapport aux défis haïtiens
Le programme Martelly basé sur les 4 « E » devra être révisé ( s’il n’en n’avait pas tenu compte) en fonction de ces considérations. Il est clair que le Président veut commencer la mise en application de son programme d’éducation dès cette année fiscale 2011-2012 avec 142600 enfants en plus dans le circuit. Mais, il ne faut pas négliger la qualité de l’éducation et les préoccupations haïtiennes y relatives, débouchant en final sur un haïtien compétitif évoluant dans un environnement régénéré, bien équipé, grâce à un nouveau système socialement équitable, économiquement riche et politiquement responsable (FONHDILAC, 2001) . Ce qui nécessite une éducation adaptée aux défis environnementaux haïtiens, à l’emploi, à l’Etat de droit. Le programme gouvernemental doit clairement indiquer les mesures à arrêter pour favoriser 1) le traitement de  l’environnement haïtien sur une période de 5 ans avec l’objectif de récupérer 5% de l’espace environnemental haïtien, 2) la création de 100,000 emplois temporaires renouvelables tous les 3 mois dans l’environnement, l’agriculture, l’aménagement de rues, de pistes rurales, l’assainissement, le logement, etc., et la création d’emplois permanents dans ces domaines et dans l’industrie (zones franches, sous traitance, agroalimentaire, etc.), 3) la mise en place de l’Etat de droit selon une vision haïtienne, avec une meilleure distribution des services au niveau territorial et de sa richesse au niveau national, une meilleure gouvernance, une meilleure distribution de la justice (réforme de l’Etat, en particulier, réforme de la justice), la mise en place d’un Etat compétitif basé sur l’éducation, la principale garante de la compétitivité haïtienne (Haïti est 141e /142 pays en matière de compétitivité, K Pharel, Investir du 16/09/11), un Etat sécuritaire bien contrôlé tant au niveau de ses ports, aéroports, ses infrastructures routières, douanières, frontalières, et doté de structures de régulation, de coordination, de contrôle, de suivi et d’évaluation.

La balle dans les pieds des Sénateurs
En guise de conclusion, la ratification du Dr CONILLE par le  Sénat après celle de la Chambre des députés débouche à coup sûr sur la mise en place d’un nouveau gouvernement qui aura des défis énormes à gérer. Ce qui nécessite des choix judicieux du personnel politique axés sur la compétence et des politiques publiques susceptibles d’apporter le bien-être à la population haïtienne dont le simple besoin de se nourrir est un défi, voire alors le besoin de se loger. Le choix du Président de se concentrer sur les 4 « E » est en soi très judicieux. Mais ce sont autant de défis dont les 5 ans de son mandat ne permettront de résoudre que partiellement, encore qu’il faudrait bien cerner les problématiques. Et aucun haïtien digne de ce nom ne devrait souhaiter l’échec du Président quelles que soient son idéologie et son aversion par rapport à la personne de Martelly ou de SWEET MICKY. Tout échec du Président sera l’échec d’Haïti. La mise en place de ce nouveau gouvernement avec le Dr CONILLE comme PM sera peut-être le premier pas pour sortir de l’enlisement. C’est un choix politique maquillé constitutionnellement. Que ne faudrait-il pas faire pour sauver Haïti ? Et si on s’en sort vraiment, et pour de bon cette fois-ci ? Ce n’est pas le Sénat qui se mettrait au travers de ce premier pas positif depuis 4 mois ? La balle est dans vos camps, Messieurs !!!