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dimanche 2 février 2020

HAITI, DIALOGUE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING , DE L’INSECURITE ET SOUS LA MENACE DU CONRONAVIRUS (?)


HAITI, DIALOGUE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING ET DE L’INSECURITE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
1er  FEVRIER 2020

L’année 2019 s’est achevée sur une accalmie politique sur fond de kidnapping, qui avait pris de l’ampleur durant la 2e moitié du mois de Décembre. C’était une année d’ouragan politique qui s’est traduit par un taux de croissance négatif (-1.2%)[1] selon le FMI, (-2%) selon le grand argentier du pays, Joseph JOUTHE, qui prévoit un taux de croissance du PIB de (0.2%)[2] pour 2020 contrairement à la Banque Mondiale qui prévoit une décroissance de (-1.4%).

Après la constatation de la caducité du Parlement par le Président Jovenel Moïse, la révocation de Me Claudy Gassant comme Directeur de l’ULCC juste après une journée porte ouverte applaudie par le Président lui-même, les bandits se font de plus en plus arrogants, tant au niveau de Martissant que de Carrefour Pèye et au niveau de la Croix-des-Bouquets, au point que la Police  ait décidé, en fin de compte, d’émettre des avis de recherche contre des grands barons les plus connus des gangs.

Le mois de Janvier 2020 a vu une augmentation du kidnapping et de l’insécurité se traduisant par des crimes odieux et spectaculaires (19 personnes tuées par balles dont 4 policiers dans la zone Métropolitaine et plusieurs autres à travers le pays, selon une organisation des droits humains (CJLAP). Quant au kidnapping, il s’oriente, ces derniers jours,  vers des religieux, 3 prêtres et une religieuse kidnappés, selon Luko Désir de  Radio Télé Eclair, Emission du 31 Janvier 2020. Il faut signaler la libération de ces religieux aux dernières nouvelles, contre rançons ou pas (?)

C’est dans ce contexte que le Comité Haïtien d’Initiative Patriotique (CHIP) a lancé, le 29 Janvier 2020, le dialogue inter-haïtien, à la Nonciature apostolique, avec l’appui du Bureau Intégré des Nations unies Pour Haïti (BINUH) et de l’OEA, dont l’objectif est d’aboutir à un accord politique pour sortir le pays de la crise.

Il faut noter que, dès le début de l’année 2020, le 1er Janvier, le Président J. Moïse n’a pu se rendre aux Gonaïves, défié par l’opposition politique. La célébration officielle de la date de l’indépendance d’Haïti a dû se faire au Palais National. Le Président en a profité pour inviter ses opposants au dialogue comme il le fait à chaque prise de parole publique depuis plus d’un an. Parallèlement, l’opposition a transformé en manifestation anti-gouvernementale les funérailles d’un militant politique  aux Gonaïves. Il faut signaler que les bandits de Savien avaient pris des dispositions pour perturber la circulation vers le grand Nord du pays au niveau de Carrefour Pèye dès le 30 Décembre 2019 jusqu’au 2 Janvier 2020. Ce qui a empêché la plupart des originaires du grand Nord de s’y rendre, pour se ressourcer, dans leurs villes et villages à la faveur des fêtes de fin d’année et du nouvel an.

Le Président au four et au moulin

Durant le mois de Janvier 2020, le Président de la République, J. Moïse, (i) a globalement repris le contrôle du pays, (ii) a effectué un certain nombre de visites dans le grand Sud et dans le grand Nord, inaugurant la mini centrale solaire de Tiburon, inspectant les travaux d’avancement de l’Aéroport des Cayes (agrandissement piste d’atterrissage), inaugurant le centre semencier du Nord-Est, inspectant les travaux de route de liaison Vallières-Mombin Crochu (percée pour la première fois) où il a déclaré « ne pas avoir un boulevard devant lui » comme on se plait à le dire après le constat de la caducité du Parlement et qu’il voudrait entamer le dialogue avec ses opposants pour sortir le pays de la crise, (iii) a  continué le « dialogue communautaire » initié en Décembre 2019, cette fois-ci au niveau de Kenskoff où il a déclaré, entre autre, que « c’est fini la transition » et a invité ses opposants à « aller aux élections »[3].

Le Parlement « caduc » ou « dysfonctionnel »

Dans un autre registre, le constat, le 13 Janvier 2020, de la caducité du Parlement, lui a valu des démêlés judiciaires avec les 9 sénateurs, élus dans les élections législatives de 2015, et qui estiment que, selon le décret électoral de 2014, leur mandat ne prendrait fin qu’en 2022 contrairement au Palais National  qui croit que, Constitution à l’appui, le mandat de ces sénateurs a pris fin le 13 Janvier 2020. Quant au Conseil Electoral Provisoire (CEP), sollicité dans le cadre de ce conflit par les Sénateurs déchus, il s’est déclaré incompétent[4].

Le parlement est donc réduit à 10 Sénateurs présidés par le Sénateur Sildor du Sud, la Chambre des Députés étant arrivée à son terme le 2e lundi de Janvier 2020. Le Parlement est donc « caduc », selon le pouvoir en place,  « dysfonctionnel », selon certains parlementaires. Question sémantique et de gaspillage d’énergies. Le parlement n’a pas fonctionné depuis son badigeonnage par des matières fécales par des partisans des Sénateurs de l’opposition et des scènes dignes d’un film de cowboy animées par deux Sénateurs proches du parti au pouvoir, dont l’un a blessé, « par accident » selon le mot du Sénateur Dumont, un partisan et un journaliste-photographe, et l’autre, l’arme au poing, menaçait les partisans de l’opposition qui le chahutaient.

 De fait, le Parlement était déjà dysfonctionnel à cause des questions de rivalités politiques responsables, en grande partie, de la situation actuelle du pays, aggravée par l’ouragan politique dû aux trois moments de « Peyilok » de 2019 et, un peu plus tôt, des événements découlant des émeutes des 6,7 et 8 Juillet 2018, liées à l’augmentation ratée des cours du carburant. Cette subvention des produits pétroliers par l’Etat constitue un manque à gagner et une contrainte au financement des activités de développement pour le pays. Tôt ou tard, il faudrait y remédier et ne plus en faire une thématique politique. Il y va du fonctionnement normal du pays perturbé depuis des années par la question du carburant contrairement à d’autres pays de la  région qui ont résolu ce problème.

Le dialogue inter haïtien à la Nonciature Apostolique

Par rapport au dialogue en cours pour sortir le pays de la crise politique à la Nonciature apostolique, voici le compte rendu du Journal Le Nouvelliste par rapport à la première journée : « Trois signataires de l’accord de Marriott sur cinq, à savoir Mache kontre, la société civile, le Bloc démocratique, et les signataires de l’accord de Kinam ont pris part à la première journée du dialogue politique. Des partis politiques signataires d’aucun accord comme le RDNP, KONA, INIFOS et Palmiste y ont participé aussi. Pour le Palais national il y avait Rénald Lubérice, secrétaire général du Conseil des ministres, Jessy Ménos et Jude Charles Faustin, conseiller du président de la République. Figuraient également la Fédération protestante, la Conférence des évêques de l’Eglise catholique, entre autres ». « La cheffe du Bureau intégré des Nations unies pour Haïti (BINUH), Helen La Lime, le représentant de l’OEA et le représentant du Vatican ont participé à l’ouverture des négociations, mais n’ont pas participé aux discussions, ont fait savoir au Nouvelliste plusieurs sources ayant pris part à la rencontre ».« À l’issue de cette première journée de discussions, sont formulées des propositions qui vont dans le sens d’un accord politique même si celles-ci ne sont pas identiques. Tous les participants sont pour trouver un accord politique », a rapporté au Nouvelliste le professeur Victor Benoît du Bloc démocratique, signataire de l’accord de Marriott.

La 2e journée s’est achoppée[5], selon les médias, sur la démission du Chef de l’Etat ou la réduction de son mandat et la formation du gouvernement. Les débats auraient étaient très houleux : les représentants de la présidence et les représentants de l’accord de Kinam étaient en face de ceux de l’accord de Marriott. Ce qui est normal. Il ne pouvait pas être autrement. En fin de compte, ils se sont rabattus sur la feuille de route du prochain gouvernement, laissant de côté les sujets qui fâchent et espérant déboucher sur « un accord ou un miracle », selon les propos de certains acteurs sous couvert de l'anonymat,  a rapporté le Journal Le Nouvelliste sous la plume de Robenson Geffrard.

Selon un tweet de R. Geffrard @robbygeff , « 12 heures de discussions entre les acteurs politiques à la Nonciature apostolique ! Les acteurs sont déjà d’accord sur la formation d’un gouvernement. Ils négocient maintenant sur la réduction du mandat de Jovenel Moïse, selon un membre de la société civile qui participe aux négociations. »

Le miracle n’a pas eu lieu. Le dialogue est un échec. La présidence n’a pas accepté la réduction du mandat du Président Jovenel Moïse, selon le Nouvelliste : « Après trois longues journées de négociations, les acteurs politiques haïtiens n’ont pas pu arriver à un accord. Une solution concertée de sortie de crise n’est pas pour demain. C'est sur l'impossibilité de s'entendre sur la question de la réduction du mandat du président de la République, que les participants ont constaté leur désaccord aux environs de 2 heures du matin, samedi 1er février après trois journées de négociations politiques à la Nonciature apostolique[6] »En tout cas, si on lit entre les lignes les extraits du communiqué du Gouvernement et de celui du « Core Group », rapportés par Le Nouvelliste, les portes ne sont pas totalement fermées pour déboucher sur un accord dans le cadre d’un éventuel autre round de négociations.

Nécessité d'un second Round de négociations

C’était une bonne chose de s’asseoir ensemble dans une conjoncture aussi difficile. Quand on voit la tournure que prennent le kidnapping et l’arrogance des bandits, il faudrait rapidement que les politiques se mettent d’accord sur quelque chose pour Haïti et non pour leur clan respectif, avec ce leitmotive : Haïti d’Abord et Avant Tout. Les accusations qui veulent faire croire que les deux camps alimentent la situation d’insécurité et de kidnapping, devraient leur permettre de s’entendre pour montrer qu’ils n’y sont pas impliqués et qu’ils veulent à tout prix sortir le pays de cet enfer, « aucun sacrifice n’est trop grand pour Haïti »,crient-ils à longueur de journée. Prouvez-le !

L’opposition politique s’insurge contre cet état de fait et programme une manifestation pour le 7 Février 2020, le jour du 3e anniversaire de la prise de pouvoir par Jovenel Moïse. En voilà une occasion, une opportunité même, pour tout le monde de se mettre ensemble contre ces bandits qui rendent le pays invivable, au lieu de s’accuser mutuellement d’entretenir cette situation qui nuit surtout au peuple haïtien. Il ne faudrait pas que ce soit un prétexte pour une reprise des manifestations anti-Jovenel Moïse vers une autre forme de « peyilok ». Ce serait dommage !

J’avais terminé mon « bilan de l’année 2019 et perspectives 2020 [7]» sur la nécessaire et indispensable concertation entre nous. Les discussions entre la plupart des acteurs politiques à la Nonciature Apostolique ont été en soi un bon début. Il faudrait rapidement reprogrammer un second round de négociations pour déboucher coûte que coûte sur  un accord politique[8],  ce serait le plus beau cadeau que nos politiciens  pourraient offrir au peuple haïtien et à notre pays en ce début d’année 2020, où le coronavirus menace la planète entière.

















[2] Interview du 1er Janvier avec K Pharel de Radio Métropole
[7] Idem que 1
[8] Qui prendrait en compte les recommandations  de ce « Bilan 2019 et Perspectives 2020 », en totalité ou en partie.