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lundi 1 février 2021

COVID-19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (11), LUTTE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING, LE CHOIX DE LA CONFRONTATION

 

COVID-19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (11), LUTTE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING, LE CHOIX DE LA CONFRONTATION

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 JANVIER 2021

La lutte politique est plus importante que notre pays, du moins c’est qui ressort de cette bataille rangée qui se prépare et dont l’issue sera connue le dimanche 7 Février 2021. Dans « le bilan 2021 et perspectives 2021[1] », nous espérions de toutes nos forces de voir les acteurs politiques trouver un terrain d’entente pour sauver notre pays, Haïti. Kesner Pharel, dans ses grands rendez-vous du début d’année 2021, avec le ministre de l’économie et des finances (MEF), Patrick Boisvert, avec le Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti, Jean Baden Dubois, avec le secteur Privé, Pierre Marie Boisson, avec Paul Farmer sur le Covid-19, et avec Frantz Duval du Journal Le Nouvelliste, a souhaité implicitement la même chose. Ses invités également. Après une année 2020 de récession économique, en grande partie liée au Covid-19 au niveau mondial, et liée en Haïti à l’instabilité politique qui a aggravé la situation économique exacerbée par le kidnapping et autres phénomènes connexes, on ne s’attendait pas à des miracles en ce mois de Janvier 2021 ni au cours de l’année en cours. Mais, je restais persuadé que, pour Haïti, « aucun sacrifice n’était trop grand de la part de nos politiciens », d’autant que le coronavirus a amorcé une remontée spectaculaire tant au niveau mondial qu’en Haïti. Malheureusement, nos hommes et femmes politiques ont choisi la voie de la confrontation comme en 2004, 17 ans plus tôt. D’où le titre  de cette chronique « COVID-19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (11), LUTTE POLITIQUE SUR FOND DE KIDNAPPING, LE CHOIX DE LA CONFRONTATION ».

Pourtant, si nos politiciens se donnaient la peine d’écouter avec attention les cinq (5) interviews d’une facture inégalable de Pharel, ils auraient compris la nécessité de placer prioritairement notre pays au-dessus de la lutte politique pour les broutilles du pouvoir, d’éviter la confrontation et de sacrifier leur orgueil, leurs intérêts mesquins au profit du bien-être de la population haïtienne au bord de l’asphyxie, traversée par la pauvreté, la peur et la terreur du kidnapping politisé par les deux camps, s’accusant mutuellement d’en être les auteurs, sans penser à la population qui en subit  les conséquences désastreuses de court, moyen et long termes. On n’en a assez de tant d’inhumanité. On en a vraiment marre. De plus, on nous pousse à choisir entre la transition et le maintien, un débat stérile qui ne mène nulle part, sinon à aggraver la situation de sous-développement de notre pays.  

Essayons de voir ce qui se passe dans le monde, en particulier aux USA avant d’analyser la situation haïtienne de ce mois de Janvier 2021 sur les plans politique et socioéconomique.

La situation au niveau mondial, en particulier aux USA

Trump a fini par lâcher prise après avoir été pris en flagrant délit de velléité de coup d’Etat en incitant ses sbires à attaquer le Capitol, le symbole par excellence de la démocratie américaine, le 6 Janvier 2021, pour interrompre le processus de ratification de Joe Biden par le Parlement américain. Les parlementaires ainsi que le Vice-Président, Mike Pence, ont dû être mis à couvert pour se protéger des partisans de Trump prêts à tout (krazebrize et 5 morts). Des images terribles de leur envahissement du Capitol ont fait le tour du monde entier.

Non seulement Biden a été ratifié. Trump a subi sa 2e procédure d’empêchement. Malheureusement, sa destitution nécessiterait  17 sénateurs républicains pour atteindre le niveau de 2/3 indispensable (67 Sénateurs). Son procès en destitution est prévu pour le 9 Février 2021. Il a déjà choisi ses avocats de défense. Quant à Biden, il est donc confirmé comme le nouveau président des USA, il a prêté serment  et a fait un discours axé sur l’unité face à la fracture sociale laissée par Trump, et  dont il aura du mal à colmater.

Entre temps, le coronavirus, malgré les débuts prometteurs des divers processus de vaccination dans les grands pays, atteint des niveaux jusqu’ici non égalés[2]. Les cas de contamination (102, 741,314), les cas de mortalité (2, 223,750) et les cas de récupération (67, 307,216) ont franchi des sommets inimaginables, le 31 Janvier 2021. Ce qui a poussé certains pays et non des moindres à ré-confiner.

La Situation sociopolitique au niveau d’Haïti

En Haïti, les cas de contamination s’élèvent à 11,533, tandis ceux de mortalité atteignent 245, et ceux de récupération se chiffrent à 9,063. Il faut noter une augmentation des cas de fièvre et autres symptômes s’apparentant aux cas de coronavirus classique.  Face à l’augmentation des cas confirmés de contamination, le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a recommandé au Premier Ministre de ré-confiner partiellement le pays comme en Mars 2020 de 10 h Pm à 6h Am. Jusqu’à présent, aucune décision n’est encore prise en ce sens. A l’approche de la période des jours gras qui pourraient favoriser une nette augmentation des cas de contamination, certains groupes ont fait savoir qu’ils ne vont pas performer au carnaval national de Port-de-Paix, d’autres attendent avant d’arrêter une décision définitive. Ils évoquent non seulement le coronavirus mais aussi la situation politique incertaine qui pourrait déboucher sur des confrontations incontrôlables.

L’opposition menace de « krazebrize » en des termes à peine voilés si le Président Moïse, dont « le mandat constitutionnel prend fin le 7 Février 2021 » selon elle, ne laisse pas le pouvoir à cette date. D’ailleurs tout le long de ce mois de Janvier, elle met en application ses menaces sans grand succès, car en face la police nationale d’Haïti (PNH) veille aux grains à coup de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, sans épargner personne, y inclus les journalistes. Il faut ajouter que la PNH continue sa lutte contre les Gangs, en désorganisant la plupart, mais « le G9 et alliés » ont organisé, ironie de l’histoire, une grande manifestation contre le kidnapping, l’insécurité et « le peyilok » sans intervention de la PNH. Ce qui a agacé les observateurs et dérangé la plupart des médias et l’opposition politique.

Le kidnapping fait rage, appauvrit, viole et tue, surtout le petit peuple et la classe moyenne. La peur s’installe. Le Président y va de son bilan, le 1er Janvier 2021 au Palais National, car interdit par l’opposition de se rendre aux Gonaïves, et dévoile ses priorités pour 2021, « Référendum sur la nouvelle constitution, les élections et l’énergie » dans un délai se terminant au 7 Février 2022.

L’intervention de la PNH au bas de Delmas contre Jimmy Chérisier, Babekyou, le chef de « G9 et alliés », est perçue comme une manœuvre de diversion. L’incendie des véhicules dans le  garage central de la PNH n’a pas eu trop d’écho au niveau de la presse, contrairement à l’arrestation, une semaine auparavant de l’ex-sénateur, Nenel Cassy, à Miragoâne, et vite relâché par le pouvoir, suite à des manifestations le soir même au niveau de la Capitale, Port-au-Prince. M. Cassy a accusé le Président Moïse d’avoir ordonné son arrestation. Le Ministre de la Justice, R. Vincent, a démenti cette information. On est plus enclin à croire l’opposant que le représentant du pouvoir, malgré l’arrestation de trois accompagnateurs de l’ex-sénateur avec des armes trafiquées, selon le porte-parole de la PNH.

Ce qui a jeté de l’eau au moulin de l’opposition et renforcé son semblant d’unité. Et « Haïti en Marche », l’un des fleurons de la presse écrite, n’a pas hésité à comparer Léon Charles, le chef de la PNH, à Ti Boulé, le tortionnaire chef de recherche criminelle sous Duvalier. De là à voir une certaine levée de bouclier contre la PNH, il n’y a eu qu’un pas et  les Journalistes, accompagnés de certaines personnalités des droits humains et de la société civile, l’ont franchi dans une marche contre la Police Nationale d’Haïti (PNH), où certains accusent cette institution de brutalité tout en gardant de se laisser aller en invectives, et d’autres, en infériorité numérique, de prendre position contre le pouvoir en place. Le scenario catastrophe est donc en train de prendre corps. Une PNH affaiblie et sur plusieurs fronts en même temps, coincée par les « G9 et Alliés » qui ont paralysé la zone métropolitaine par des barrages un peu partout ayant forcé beaucoup de paisibles citoyens à ne pouvoir accéder à leur domicile, le vendredi 29 Janvier au soir, et très certainement par d’autres gangs à l’affut, la bataille s’annonce plutôt sanglante.

Toutefois, à la fin du mois, les manifestations, comme l’a prédit Jean Charles Moïse, le leader de « Pitit Desalin », commencent à prendre corps. Me Michel André ameute les troupes dans un langage violent digne de la période de « peyilok ». Les étudiants choisissent leur camp du côté  de l’opposition à Port-au-Prince. Les Cayes ont donné le signal le vendredi 29 Janvier, Léogane le lendemain. La zone métropolitaine de Port-au-Prince le 31 Janvier, Carrefour Delmas/Aéroport et l’Eglise Saint Jean Bosco de Pétionville, les points de ralliement cités par Jean Charles Moïse, et cap vers le Palais National. Cette manifestation émaillée de violences et soldée par deux blessés par balle, a pu atteindre le Champs de Mars sans pouvoir franchir le barrage érigé par la PNH pour protéger le Palais National. Il faut noter les manifestions le même 31 Janvier, à Saint-Marc, Cap-Haïtien, Petit-Goâve, Jérémie. Tandis que les syndicats des transporteurs programment deux journées de grève les 1er et 2 Février à travers l’ensemble du territoire.

Le pouvoir attend de pied ferme l’opposition, selon le ministre de l’intérieur a.i, Conzague Edner Day, et promet que l’administration Moïse ne se laissera pas faire comme en 1986. Il n’y aurait pas de krazebrize. Le Président Moïse, tout en ouvrant ses bras à l’opposition politique, semble déterminer à défendre son mandat du bec et des ongles et n’est pas du tout, mais pas du tout, d’accord avec cet argument constitutionnel de fin de mandat le 7 Février 2021. Il ne rate pas une occasion pour le faire savoir, lors du lancement du Plan de Relance Economique Post-Covid (PREPOC 2020-2023, 4.83 Mrds USD), lors de sa causerie avec le peuple à travers les réseaux sociaux, lors de  sa participation au congrès constitutionnel de la diaspora, lors de la 5e Journée de l’économie[3] (28 Janvier), lors de l’inauguration du 5e centre germoplasme et de propagation végétale de Grand Pré, aux environs du Cap-Haïtien, et de l’inauguration de 2 systèmes de pompage solaire alimentant en eau 2 systèmes d’irrigation (500 ha), dans le Nord du Pays, à Limonade, le samedi 30 Janvier 2021.

Sur un autre plan, le pouvoir en place  par l’intermédiaire de la commission indépendante, a fait sortir la première version de la nouvelle constitution, qui fait une place de choix aux femmes (quota de 30 à 40%), à la diaspora haïtienne (susceptible de briguer n’importe quelle haute fonction dans le pays), à un parlement monocaméral, à un vice-président, à un président non mineur, à un procureur de la République en lieu et place du commissaire du gouvernement et sous la responsabilité du pouvoir judiciaire, etc.

De même, l’opposition a sorti son document de transition, une commission choisirait le président à la Cour de Cassation, les membres de l’organe de contrôle du gouvernement de 14 ministres ; ce gouvernement de 2 ans à partir du 7 Février 2021, serait dirigé par un premier ministre choisi par le président avec l’appui de la commission. L’organe de contrôle n’aurait rien à voir avec ce qui reste du Sénat actuel.  Justement, le président du Sénat actuel, Lambert, organisera un dialogue national entre les protagonistes politiques à Tara's, La Sapinière, les 3 et 4 Février 2021, en vue de trouver une solution pacifique à la crise politique.

Conclusion : Et si on adopte le leitmotiv, « Haïti d’abord et avant tout ! »

En guise de conclusion, tant au niveau mondial qu’en Haïti, la situation n’est pas du tout rose. Le monde est malade. Le coronavirus porte un coup fatal à l’économie mondiale. Les Etats essaient de mettre en place des plans de relance économique post-covid (USA, Haïti, etc.).

Les retombées politiques de cette pandémie sont terribles pour les USA, c’est en partie ce qui explique la chute de Trump, qui a minimisé les effets de cette maladie et l’a politisée au point de reconnaitre ses partisans par une nette tendance à la non utilisation des mesures barrières, comme le port des masques par exemple. Ce qui a favorisé une plus grande propagation de la maladie, amplifié la division au sein de la société américaine, et qui complique le travail et la tâche de son successeur Joe Biden.

A problème profond et complexe, solution profonde et complexe

Par contre, en Haïti, le coronavirus a exacerbé la situation sociopolitique et surtout socioéconomique. Le kidnapping, érigé en industrie, et qui est étroitement lié à l’entropie politique, a appauvri davantage la classe moyenne et les masses, et a favorisé l’autofinancement des gangs. Utilisé comme arme politique, le kidnapping exacerbe davantage la situation politique entre les deux  forces en présence et renforce encore plus les tendances à la confrontation que celles liées à l’entente.

Sur ce point, on rejoint la situation de division constatée aux USA, même si, selon Bernard Ethéart (chroniques sur Mélodie FM), la crise haïtienne est beaucoup plus profonde et complexe que la façon dont nous l’abordons jusqu’ici, ses racines historiques, sociologiques, économiques et financières, analysées à la lumière des éclairages d’auteurs haïtiens et étrangers qui se sont penchés sur la société coloniale domingoise et haïtienne, comme B. Ethéart, lui-même, Me Serge Moïse, et l’économiste Fritz Jean, pour ne citer que ceux-là. A problème profond et complexe, solution profonde et complexe. J’ai compris donc, en écoutant les chroniques de Bernard y relatives, cette approche superficielle de résolution de la crise, ne nous mènera nulle part, sinon à l’aggraver  et à compromettre davantage le développement du pays.

Je nourris l’espoir que, à force de discuter avec des gens de la société civile, des cadres et responsables de l’Etat, des cadres des partis politiques, et à force de produire des réflexions, on finira par provoquer la réalisation de cette grande concertation nationale avec une masse critique de gens maitrisant les fondamentaux de la crise haïtienne et susceptibles de guider nos hommes et femmes politiques dans la résolution définitive de la crise, en dehors de l’approche simpliste et manichéenne (pour ou contre), mais dans le cadre d’une approche holistique, avec un seul leitmotive : HAITI D’ABORD ET AVANT TOUT.