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vendredi 11 juillet 2008

VIE CHERE : ENTRE ROME ET MADRID, HAITI N’A D’YEUX QUE POUR MICHELE

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VIE CHÈRE : ENTRE ROME ET MADRID, HAITI N’A D’YEUX QUE POUR MICHELE

Par JEAN ROBERT JEAN-NOEL

Dans mon dernier texte sur la conjoncture haïtienne du 14 juin 2008 (réf. www.jrjean-noel.blogspot.com) , j’ai analysé la situation politique, l’insécurité et la problématique agricole par rapport à la Conférence de Rome sur la crise alimentaire mondiale du 3 au 5 juin 2008. Haïti a été à l’honneur en marge de cette conférence en cette journée du lundi 2 juin qui lui a été consacrée. Au cours de cette journée, il a été décidé, entre autre, d’envoyer une mission inter agence (FAO, FIDA, PAM, BM)[1] du 16 au 28 juin 2008 en Haïti et l’organisation de la conférence de Madrid le 15 juillet 2008 sur Haïti dont le thème définitif retenu est « sécurité alimentaire et développement rural en Haïti[2] ».

Entre temps, après le revers de Robert Manuel à la chambre basse, 2e Premier Ministre désigné par le Président Préval après la déconvenue d’Eric Pierre par la même chambre des députés, en particulier le fameux groupe CPP (concertation des parlementaires progressistes), le Président a pris soin de désigner au poste de Premier Ministre une femme, Mme Michèle D Pierre-Louis. Depuis, tous les médias ne parlent que de Michèle, presse parlée, écrite télévisée et les fora sur internet. Que faut-il en penser ?

L’occultation des problèmes réels du pays

Michèle a déchaîné les passions, délié les langues. Sa vie privée est étalée au grand jour, ses capacités aussi heureusement. Des prises de position pleuvent. Même le Président s’y est mêlé. Une fois de plus, Haïti a fait preuve de son incapacité à se pencher sur ses vrais problèmes : l’aggravation de la vie chère avec l’augmentation des prix du carburant qui va avoir des répercutions sur le coût de la vie et qui pourrait être l’étincelle qui provoquerait l’explosion générale cette fois-ci, la situation de vulnérabilité de notre pays en pleine saison cyclonique, la grande nécessité de trouver des réponses à ces problèmes qui pourraient valoir à notre pays une déchéance encore plus terrible, susceptible de compromettre définitivement son développement, etc., etc.

La priorité au développement d’Haïti

Le débat autour de Michèle a relégué à l’arrière plan la conférence de Madrid, qui pourrait être, si elle était bien préparée par nos responsables, la planche de salut pour notre pays pour redémarrer avec le processus de développement mis en veilleuse depuis avril 2008. Les émeutes de la faim ont empêché la conférence du 25 avril 2008 sur le financement du DSNCRP[3] qui aurait pu permettre à Haïti d’avoir accès à des fonds additionnels de l’ordre de 2 milliards de USD (J. E Alexis, avril 2008). Certes, la conférence de Madrid sur la sécurité alimentaire et le développement rural n’aura pas cette prétention, mais elle permettra à Haïti de se replacer sur l’échiquier international, d’aborder avec sérénité les aspects urgents de la problématique vie chère et jeter, avec ses partenaires de la communauté internationale, les bases pour un redémarrage du processus du développement durable du pays haïtien, ne serait-ce que dans les domaines du développement agricole et rural.

Que peut-on espérer de Madrid ?

Le thème de la conférence en dit long : « Sécurité alimentaire et développement rural en Haïti ». Organisée par l’Espagne et coprésidée par la France et l’Argentine, la conférence de Madrid du 15 juillet 2008, qui réunira la communauté internationale, les bailleurs de fonds et les pays amis autour d’Haïti, devrait déboucher sur une meilleure compréhension des derniers événements qui ont secoué notre pays en avril 2008, sur des engagements financiers vis-à-vis d’Haïti pour l’aider à faire face à la crise de vie chère, à combattre la faim par la distribution de nourriture à plus de 250000 personnes les plus vulnérables, par la création d’emplois dans les domaines d’assainissement, de routes, d’irrigation, de conservation de sol et de l’eau (environnement), etc., et par la relance de la production agricole tant au niveau des terres irriguées (80000 ha) qu’au niveau des montagnes humides, plaines, montagnes et plateaux secs (700000 ha) en saison pluvieuse.

En outre, cette conférence devrait permettre d’harmoniser les diverses initiatives et actions prévues au niveau de la présidence, des ministères de l’agriculture, des travaux publics, de la CNSA[4] et des agences du système des nations unies (SNU). Les besoins d’Haïti en financement pour faire face à cette grave crise devraient aller chercher, à mon humble avis, dans les 500 M de USD sur une période 2 ans et ½, et ce, en dehors des prévisions du DSNCRP. Ce qui permettrait à notre pays de créer plus de 100000 emplois journaliers pour les défavorisés durant cette période et envisager des actions durables pour le développement d’Haïti.

Cette conférence pourrait enfin statuer sur la nouvelle date de la conférence sur le DSNCRP renvoyée sine die en avril 2008 à cause des émeutes de la faim et leurs conséquences sur la situation globale du pays haïtien (instabilité politique, insécurité, coup d’arrêt au processus de développement, etc.).

En guise de conclusion, ce pays a trop de choses sérieuses à faire pour se concentrer uniquement sur les beaux yeux de Michèle D Pierre-Louis, encore que c’aurait été compréhensible. Mais descendre en dessous de sa ceinture, c’est vraiment le comble !

Que ceux-là qui ont réellement contribué au développement de ce petit pays « le plus pauvre de l’hémisphère occidentale » et qui se sentent moralement à point par rapport à eux-mêmes dans leur âme et conscience et par rapport à Haïti « lui jettent la première pierre » !

Sinon regardons ensemble ce que nous pouvons faire pour sortir notre pays du bourbier. Madrid pourra être notre planche de salut pour positionner Haïti comme « le pays modèle » dans la cadre de cette lutte mondiale contre le fléau de la faim. Pourquoi pas ? Haïti fut, selon Jean Généus (Autant en emporte la révolution, 2008), le pays modèle en matière de solidarité par sa « contribution dans la lutte de libération des peuples de l’Amérique latine » dont d’une certaine manière l’Argentine, face aux puissances coloniales européennes d’alors dont l’Espagne et la France. Les trois se mettent ensemble pour organiser la conférence de Madrid, à nous de profiter de leur solidarité actuelle pour le bien être de notre pays au lieu de nous chamailler sur le corps d’une femme de 61 ans. Et si c’était un homme comme on en a eu durant deux cents ans avec toutes sortes de mœurs et à tous les niveaux de l’appareil étatique, on en chuchoterait tout simplement comme on en avait l’habitude.

Laissons Michèle en Paix. Que son sort soit décidé uniquement au regard de la constitution de 1987 et de sa politique générale eu égard au programme proposé pour le développement d’Haïti. Au parlement de prendre objectivement ses responsabilités. Et ensemble regardons momentanément du coté de Madrid en ce 15 juillet 2008.



[1] FAO : organisation des Nations unies pour l’agriculture. FIDA : Fonds international de développement agricole. PAM :Programme alimentaire mondial. BM : Banque Mondiale.

[2] Le terme « souveraineté » alimentaire préalablement choisi a été remplacé par « sécurité » alimentaire. En tout cas, Haïti a intérêt à profiter de cette conférence pour initier des actions pour sa souveraineté alimentaire.

[3] Document Stratégique National pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté, notre nouveau cadre de coopération avec la communauté internationale (CI) qui a remplacé le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI) depuis octobre 2007.

[4] Commission nationale de sécurité alimentaire