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lundi 31 décembre 2018

HAITI : BILAN 2018 ET PERSPECTIVES 2019, DE PETROCARIBE A LA STAGNATION DE LA PAUVRETE VERS UNE ENTENTE NATIONALE POUR CHANGER LE SYSTÈME ET AMORCER LE DEVELOPPEMENT DU PAYS, AVEC OU SANS JOVENEL (?)


HAITI : BILAN 2018 ET PERSPECTIVES 2019, DE PETROCARIBE A LA STAGNATION DE LA PAUVRETE VERS UNE ENTENTE NATIONALE POUR CHANGER LE SYSTÈME ET AMORCER LE DEVELOPPEMENT DU PAYS, AVEC OU SANS JOVENEL (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 DECEMBRE 2018
Revu le 2 JANVIER 2019

L’année 2018 s’achève. C’est l’heure du bilan. C’est aussi le moment de dégager les perspectives pour l’année 2019, une année électorale,  qui s’annonce plutôt difficile et beaucoup plus agitée que 2018, une année d’entropie politique avec Petrocaribe comme prétexte, élément perturbateur du statuquo  et catalyseur de mobilisation sociale et politique, avec, comme objectif, le procès petrocaribe, le changement du  système haïtien et, pour l’opposition politique radicale, la chute du Président Jovenel Moïse. D’où le titre de cet article : Haïti : bilan 2018 et perspectives 2019, de petrocaribe à la stagnation de la pauvreté vers une entente nationale pour changer le système et amorcer le développement du pays, avec ou sans Jovenel (?).

    1.   FAITS SAILLANTS DE L’ANNÉE 2018 ET FAITS SAILLANTS DU MOIS DÉCEMBRE 2018 

Un ensemble de faits politiques, sociaux et économiques ont marqué l’année et le mois de décembre 2018. Ces faits sont pour la plupart des irritants, des éléments perturbateurs de la vie politique et économique. Certains faits, comme le dossier petrocaribe, nous forcent à prendre conscience de l’ampleur d’un fléau, la corruption, qui a des effets néfastes sur le développement du pays.

1.1   Faits saillants de l’année 2018

Le principal fait marquant de l’année 2018 est sans conteste le dossier petrocaribe. Depuis le commencement de l’année jusqu’à sa fin, ce dossier s’est révélé une constante de la vie politique et sociale d’Haïti. Au début, il était utilisé par l’opposition politique  pour déstabiliser le pouvoir en place, le rapport du Sénateur Beauplan aidant.

Occulté par la stratégie caravane du changement étendue sur tout le pays à partir de février 2018, Petrocaribe va supplanter tous les autres faits, y incluse la caravane, après les évènements de 6, 7 et 8 juillet 2018 dus à la hausse ratée des cours du carburant en Haïti. Ces événements ont marqué un tournant dans l’administration Moïse qui a dû changer de Premier Ministre, Céant a remplacé Lafontant.

Le remplacement de Lafontant par Céant, qui est un fait politique marquant, n’a pu empêcher la grande manifestation du 17 octobre 2018 pour le procès petrocaribé organisé par les petrochallengers infiltrés par les politiciens radicaux qui exigent, contrairement aux petrochallengers, le départ du Président Jovenel Moïse, très  affaibli par les événements des 6,7 et 8 juillet 2018. Avant le 17 octobre et entre le 17 octobre et 18 Novembre 2018, une série d’actions liées au banditisme, attisées par les politiciens de tous bords, a envenimé la situation globale du pays, en causant des pertes en vies humaines (Ex:La Saline,71 morts selon les organismes des droits humains). 17 octobre 2018 a marqué un tournant dans la vie du pays en exigeant le changement du système haïtien.

Malheureusement, les politiciens radicaux, dans leurs soucis de récupérer le pouvoir à tout prix au détriment de l’actuelle administration, ont bousillé l’élan des petrochallengers, en essayant de récupérer le dossier petrocaribe à des fins politiques lors des manifestations programmées pour le 18 novembre 2018. Ote-toi que je m’y mette. La politique a une fois de plus, une fois de trop, occulté le dossier petrocaribe. Les politiciens l’utilisent à des fins politiques, au point de démobiliser momentanément les petrochallengers. Les tentatives de mobilisations politiques contre le pouvoir en place sans les petrochallengers ont jusqu’à date piteusement échoué. Depuis les événements des 6,7, 8 juillet 2018, les manifestations des 17 octobre et 18 novembre 2018, le pouvoir en place est en mode dialogue, mais l’opposition radicale et ses alliés ne jurent que par la démission du Président.

1.2   Faits saillants du mois décembre 2018

La Cour Supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA), en charge du dossier petrocaribe, traine les pieds et accuse les cadres de l’Etat du ministère de l’agriculture et de l’institut national de formation professionnelle (INFP) de faire obstacle à son travail. Ce qui est faux. Des cadres de l’Etat sont stigmatisés par méchanceté car j’ai vu des dossiers mis à disposition de la CSC/CA qui datent d’avant la lettre du 4 décembre 2018 adressée à la Primature. Est-ce une manœuvre pour expliquer le retard éventuel du rapport promis pour janvier 2019? Est-ce autre chose encore plus grave?

Le lancement des travaux HIMO à Port-au-Prince par le Premier Ministre lui-même. Ces travaux, qui généreront 50,000 emplois et couteront 2 milliards de gourdes, s’étendront sur l’ensemble du pays, selon le PM Céant. Certains ministères et certaines mairies  commencent déjà avec la mise en œuvre de ces travaux. Il faudrait seulement éviter que ces travaux HIMO soient exécutés comme des woy-woy favorisant l’enrichissement d’un petit groupe par rapport à la grande majorité nécessiteuse.

Une fois de plus, pour les 76 ans de  la consécration du pays d’Haïti à notre Dame, l’église catholique a organisé une manifestation grandiose à Port-au-Prince. Des chants religieux  à partir d’un char musical ont accompagné la foule immense qui reprenait les refrains joyeusement. Une fois de plus l’église catholique a montré sa force de frappe.

Le remplacement du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, Me Ocname Daméus, devrait permettre au barreau de Port-au-Prince de reprendre du service, car c’était l’une des exigences des avocats de cette juridiction en grève depuis trois mois, paralysant ainsi les instances judiciaires de cette juridiction et privant ainsi les justiciables de la distribution de la justice. Ce remplacement devrait favoriser la résolution de cette crise dans la grande crise du pays.

Radio et Télé Kiskeya a été la proie des flammes, le  21 décembre 2018. Cet incendie a commencé dans une autre maison à côté de la radio. Faute de le circonscrire, il s’est propagé et a ravagé la station. C’est une perte énorme pour le secteur médiatique. Radio Kiskeya c’est le prolongement de Radio Haïti en quelque sorte. Regarder bruler un tel patrimoine faute de l’intervention à temps des sapeurs-pompiers témoigne de la fragilité de l’Etat. Les visites de sympathie du Premier Ministre et du Président de la République leur permettront de prendre conscience de l’état du dénuement du pays en matière de lutte contre l’incendie ( manque d'eau, de ressources humaines qualifiées, de moyens, etc.) et de prendre des dispositions pour qu’un tel drame ne se reproduise désormais en Haïti. L'aide de l'Etat est refusée par les dirigeants de la radio, mais une commission de solidarité s'est constituée pour récupérer les fonds pour la reconstruction de la station.

La Noël a été fêtée à Pétion Ville, le 23 Décembre,  et au Champs de Mars à Port-au-Prince, le 24 Décembre 2018. La Tour de 2004, construite par le Président JB Aristide, a été magnifiquement décorée (jeux de lumières).  Il serait profitable pour le pays que l’administration actuelle achève cette œuvre magnifique et remarquable qui domine Port-au-Prince, selon le principe de la continuité de l’Etat. Il faut noter que cette Tour 2004 a passé l’épreuve du tremblement de terre du 12 janvier 2010 sans grands dommages, contrairement aux autres édifices de l’Etat comme le Palais National, le Palais Judiciaire (reconstruit entre temps), et le Palais Législatif.


       2. BILAN DE L’ANNÉE 2018 : LA STAGNATION DE LA PAUVRETE


2.1. Perspectives visées et résultats obtenus

Dans le bilan de l’année dernière, on s’est référé à l’IHSI, en particulier les comptes économiques de 2017, en termes de conclusion :« Enfin, tenant compte des goulots d’étranglement spécifiques auxquels l’économie a dû faire face en 2017, toutes choses égales par ailleurs, l’année 2018 devrait être plus prometteuse. Cependant, il ne faut pas non plus perdre de vue que le pays, étant situé sur la trajectoire des cyclones, a besoin d’un plan de contingence adéquat pour atténuer considérablement l’impact distributif négatif des déréglementations climatiques. En tout cas, l’atteinte de l’objectif de 3.9% de croissance du PIB en 2018 passera, entre autres, par la relance effective et garantie des activités agricoles, la redynamisation du secteur des bâtiments et travaux publics et l’amélioration continue du climat des affaires.». Le budget de 144 milliards et 200 millions de gourdes (2.3 milliards d’USD) n’a pas permis la mise en œuvre de l’ensemble des actions sectorielles prévues.

Dans les comptes économiques 2018 de l’IHSI, intitulés par la Direction des Statistiques Economiques (DES), Performance mitigée de l’économie en 2018, voici comment la situation économique du pays est présentée : « L’économie haïtienne n’a pas pu atteindre l’objectif de croissance de 3.9% visé par les autorités au début de l’année, notamment dans la loi de finances de l’exercice fiscal 2017-2018. Même la révision, par la suite, de 2.4% fixée en tenant compte de l’évolution des deux premiers trimestres de l’exercice n’a pas été réalisée. En effet, selon les estimations préliminaires, le Produit Intérieur Brut (PIB) a crû, en termes réels, de 1.5%. Une hausse supérieure à celle de l’année dernière (1.2%) mais, à peine égale au taux de croissance démographique naturelle (1.5%).


Tableau 1: Produit interieur brut par secteur  

Cette performance de l’économie ne permet pas de réduire la pauvreté car le taux de croissance de l’économie est pratiquement le même que celui de la population. C’est la stagnation de la situation de pauvreté du pays. Il nous faudrait une croissance économique beaucoup plus forte pour juguler la pauvreté. Pour cela, il faudrait augmenter le niveau d’investissement et le niveau de budget du pays. Il se poserait alors le problème du financement du budget. Avant d’arriver au nouveau budget 2018-2019, regardons l’explication fournie par l’IHSI.

2.2. Analyse des résultats sur le plan économique

« Contrairement à l’année fiscale 2017 qui a été grandement perturbée, à la fois, par des catastrophes naturelles (cyclone Matthew, autres inondations) et des turbulences socio-politiques (crise électorale, installation et départ du gouvernement de transition, longue période d’incertitude précédant l’installation des nouvelles autorités, mouvements de grève des syndicats, etc.), les agents économiques ont pu bénéficier, pendant les neuf premiers mois de l’exercice, d’un climat plutôt favorable aux affaires. Effectivement, les « hostilités » n’ont commencé qu’au dernier trimestre de l’année fiscale à partir des émeutes des 6, 7 et 8 juillet. De plus, en 2018, le pays a été évité par les grandes intempéries qui, habituellement, impactent le secteur agricole avec des effets distributifs négatifs sur les autres branches d’activité économique. »

Tableau 2 : PIB et SES COMPOSANTES
PIB ET SES COMPOSANTES EN SEPTEMBRE 2018
PREVISIONS ECONOMIQUES
2013
2014
2015
2016
2017
2018
DEFINITIVES
SEMI DÉFINITIFS
ESTIMÉES
ESTIMÉES
ESTIMEES
ESTIMEES
PIB EN MILLIARDS HTG
15017
15 439
15 626
15 853
16039
16277
Taux de croissance réel
4.2%
2.8%
1.2%
1.5%
1.2%
1.5%
Secteur primaire
4.6%
-1.4%
-5.4%
3.0%
0.8%
1.0%
 Secteur secondaire
9.0%
5.5%
3.2%
0.8%
1.0%
1.1%
Secteur tertiaire
5.0%
3.6%
2.9%
1.2%
0.9%
1.1%

Source : IHSI- Septembre 2017- Tableau reconstitué par l’Auteur de l’Article à partir des comptes économiques de l’IHSI  et le tableau de septembre 2016 du MEF

Quand on regarde le tableau de référence reconstitué par l’auteur, même si les résultats de cette année sont meilleurs par rapport à 2017, la performance de l’économie est très en deçà de 2013 et 2014 et est la même qu’en 2016. On est donc très loin de la performance idéale de l’économie haïtienne par rapport au taux de croissance de la population. On ne fait donc que produire la pauvreté ou s’y maintenir.  Maintenant, voyons avec IHSI la performance de l’économie secteur par secteur, en tenant compte des composantes de la croissance, toute modeste qu’elle soit.

«Secteur primaire. « Ainsi, avec 3.3 milliards de gourdes constantes la branche Agriculture, bénéficiant des effets positifs de l’absence de cyclones et d’inondations majeures a pu, malgré la persistance de certains problèmes structurels, afficher une certaine hausse, en volume, de 1.0% de sa valeur ajoutée. Ce résultat serait plus probant si (1) il n’y avait pas un arrêt prématuré en juin de la saison pluvieuse qui avait bien démarré dès les mois de mars et d’avril, au cours de la campagne agricole de printemps, et si (2) on n’avait pas accusé des retards dans la distribution des intrants, car la réception tardive des semences a mis à mal les agriculteurs[1]. »

Secteur secondaire. « De leur côté, menées essentiellement par les fabrications de produits alimentaires et de boissons (1.0%) et celles des Textiles, Habillement et Cuirs (1.4%), les Industries Manufacturières ont globalement crû d’environ 1.1%. Parmi les autres secteurs ayant le plus contribué à la hausse du PIB, on retient le secteur des Bâtiments et Travaux Publics (2.1%) qui a fortement été supporté par les travaux d’infrastructure effectués dans certaines régions du pays[2]. » Dans ce secteur, la croissance est surtout supporté par le secteur Travaux publics, ce qui est normal si on se réfère à l’extension de la caravane sur l’ensemble du pays (routes, rénovations urbaines et logements sociaux, etc.)

Secteur tertiaire. « En dépit des événements de juillet, les résultats des trois premiers trimestres ont permis au secteur Commerce de garder la tête sur l’eau avec une hausse de 1.1%. »

Composantes de la croissance. « Vue sous l’angle de la demande globale, la croissance du PIB a été tirée par l’ensemble de ses composantes. Dopée, entre autres, par l’augmentation (13.0%) de la masse salariale des employés permanents de l’Administration Publique[3] et la hausse de plus de 18.0% de l’envoi de fonds des travailleurs de la diaspora[4], la Consommation Finale, en termes réels, a augmenté de 1.2%. Pour sa part, soutenu notamment par le volet public, l’Investissement Global a crû, en volume, de 2.3%. A ce propos, il convient de noter que selon les chiffres publiés dans le Tableau des Opérations Financières de l'Etat (TOFE), les montants relatifs aux Projets d’Investissement Public ont quasiment doublé en 2018 avec une hausse de 99%. Enfin, malgré les émeutes enregistrées au quatrième trimestre de l’année, les exportations se sont mieux comportées en 2018 qu'en 2017 avec une croissance, en volume, de 2.0%. En témoigne l’augmentation de 11.3% des exportations des produits d'assemblage, contre une chute de 5.1% en 2017[5]. »

Inflation et taux de change. « En ce qui concerne les prix à la consommation, l’inflation continue de se maintenir à deux chiffres avec une moyenne annuelle de 14.3%, inférieure à celle de l’année dernière 14.6%. Une évolution tendancielle un peu cohérente avec celle du taux de change, puisque selon les données publiées par la BRH, la parité de la gourde par rapport au dollar en moyenne annuelle pour l'année 2018 (65.4 gourdes pour un dollar) est légèrement inférieure à celle de 2017 qui se chiffrait à 65.6 gourdes pour un dollar. Il ne faut pas oublier que c’est surtout à partir des mois de juillet et d'août que le taux de change a véritablement dérapé en 2018. ».

 Cette analyse de la performance de l’économie par l’IHSI est la plus conforme à la réalité haïtienne du moment, surtout en regard de la situation politique et sociale du pays, en particulier après les événements de 6, 7 et 8 juillet 2018.


2.3. 1. Analyse de la situation sur le plan  politique

La situation s’est vraiment détériorée à partir des événements de juillet 2018. Depuis le 12 septembre 2017, avec le budget 2017-2018 comme prétexte, la présidence de J. Moïse rentre dans une période de turbulence ; la publication du rapport Beauplan sur petrocaribe indexant directement l’entrepreneur J. Moïse, devenu  Président de la République, a redonné de la vigueur à l’opposition radicale conduite à l’époque par Jean Charles Moïse et les Sénateurs de l’opposition (Beauplan, Cassi, Cheramy et Pierre).  Durant les trois premiers mois de l’exercice 2017-2018, cette turbulence politique a mis à mal la présidence de J. Moïse, réclamant tout simplement la mise à pied du Président.

L’accalmie de décembre 2017 et durant la période carnavalesque a permis à la présidence de se réconcilier avec le pouvoir judiciaire (déclaration maladroite du Président à Paris), de  lancer la caravane sur l’ensemble du pays à partir de février 2018 et au gouvernement de signer un accord de six mois avec le FMI, qui sera à la base de l'augmentation des cours du carburant en juillet 2018. Le dossier petrocaribe continue d’alimenter le mécontentement vis-à-vis du pouvoir en place, d’autant que le Sénateur Latortue, principal auteur du 1er rapport petrocaribe, a dû céder la présidence du Sénat  à Joseph Lambert, tout en embrassant à nouveau le dossier petrocaribe  comme cheval de bataille et s’acharnant sur le pouvoir en place, une sorte d’opposition qui ne dit pas son nom et menée intelligemment sur base de conférences de sensibilisation, de dossiers potentiels de corruption impliquant au premier chef les proches du pouvoir dont la dernière personne en date a été l’épouse du Chef de l’Etat (Dossier ONI).

Ce calme, qui a précédé la tempête des 6,7,8 juillet 2018, on va le retrouver après les manifestations du 18 novembre 2018, où la politique va occulter le dossier petrocaribe  pour la première fois depuis les événements de juillet 2018. Cette entropie politique sera accompagnée d’un regain du banditisme comme il est de mise en de pareil cas. Comme on l’a vu plus haut, la situation va provoquer le dérapage du taux de change, l’instabilité politique avec le changement du gouvernement et d’un certain nombre de ministres. L’appel au dialogue du Président va se heurter à l’intransigeance de l’opposition radicale avec ses deux branches, l’une conduite par Michel André et Lavalas et l’autre par Jean Charles Moïse (division potentielle entre les opposants au pouvoir en place).

Le Parlement est devenu un champ de bataille politique, laissant de côté son travail de légiférer, au point que le bilan parlementaire est plutôt maigre pour ne pas dire inexistant.  Ce même constat reste valable pour le pouvoir judiciaire en termes de bilan, mais aussi en termes d’initiatives pour faire avancer la justice dans le pays.

Les travaux HIMO visant une sorte d’apaisement social semblent porter ses fruits. Pour combien de temps ? En tout cas, le gouvernement croit dur comme fer que le dialogue politique se fera et pourra se faire malgré le refus catégorique de l’opposition radicale de s’asseoir avec le Président, puisque, comme préalable à tout dialogue, celui-ci doit mettre sur la table sa démission. Processus de dialogue politique encouragé par Religion pour la Paix. Va-t-on vraiment vers cette entente entre nous ?

      3. PERSPECTIVES 2019 : VERS UNE ENTENTE NATIONALE POUR CHANGER LE SYSTÈME ET AMORCER LE DEVELOPPEMENT

« Les perspectives de croissance pour l’exercice fiscal 2018-2019 s’annoncent particulièrement difficiles en raison notamment de la fragilité de la situation socio-politique  qui risque de plomber considérablement l’économie. A cet égard, s’il n’y a pas un effort qui est fait de part et d’autre pour placer les intérêts supérieurs de la nation au-dessus de tout, l’objectif de croissance de 2.8% envisagé pour l’année fiscale 2019 restera un vœu pieux, car il requiert la contribution de chacun des secteurs de la vie nationale, » a prédit l’IHSI dans sa dernière sortie des comptes économique de décembre 2018.

Dans ce budget 2018-2019 de 172.83 milliards de gourdes, schématisé par le Group Croissance qui en a fait toute une étude détaillée, analysée par Le Nouvelliste du 17 décembre 2018, le secteur économique se taille la part du lion avec 33.1%, le secteur social avec 21.2%, le secteur politique avec 14.8%, le secteur culturel avec 1.5%, le pouvoir judiciaire avec 1%, le pouvoir législatif avec 3.4%, les organismes indépendants avec 2.5%, les autres interventions publiques + services de la dette avec 22.5%, et les services +intérêts et amortissements avec 12.5% du budget. Il faut noter que les autres interventions publiques viennent en 2e position avec 22.5%. Dans ce budget il est prévu 90.93 milliards de gourdes (52.6%) de dépenses courantes et 81 milliards de gourdes (46.8%) de dépenses d’investissements, dont 62 milliards de gourdes pour les programmes et projets d’apaisement social. (voir figure suivante réalisée par le Group Croissance)




Avec le taux actuel du dollar par rapport à la gourde (1 USD=77 HTG), le budget indexé au dollar correspond à 2.24 milliards de dollars américains. C’est pratiquement le même budget que l’année dernière. Et si le dollar continue de s’apprécier par rapport à la gourde, Haïti aura toutes les peines du monde à gérer les effets négatifs de la cherté de la vie, vu le volume de nos importations. Ce qui pourrait déboucher sur des émeutes difficilement contrôlables au cas les protagonistes politiques ne trouveraient pas un terrain d’entente pour mener à bien la barque du pays. Le dialogue politique deviendrait un impératif pour réaliser le procès petrocaribe, changer le système politique et amorcer le développement du pays avec nos maigres moyens. Une fois de plus, la balle est dans le camp de nos hommes politiques, la grande concertation nationale avec comme objectif Haïti d’abord et avant tout, ou la bataille pour le pouvoir en obtenant la démission ou le déchoucage de Jovenel au profit de l’opposition? Vive le 215e  anniversaire de notre pays et bonne fête de l’indépendance à tous les Haïtiens et Haïtiennes !



[1] 1:Ministère de l'Agriculture(MARNDR)
[2]  Ministère de l'Economie et des Finances (MEF)
[3]  Tableau des Opérations Financières de l'Etat  du MEF
[4] Tableau de la Balance des Paiements de la BRH
[5]  Banque de la République d'Haïti (BRH)

vendredi 7 décembre 2018

HAITI : DU BANDITISME VERS UN ETAT INCLUSIF TOURNE VERS LE DEVELOPPEMENT


HAITI : DU BANDITISME VERS UN ETAT INCLUSIF TOURNE VERS LE DEVELOPPEMENT

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 DECEMBRE 2018, 

Revu et corrige le 8 Decembre 2018

Suite à la séance de convocation du conseil Supérieur de la police nation (CSPN) au Sénat de la République sur la sécurité du pays, le mardi 4 décembre 2018, il m’est venu l’idée de produire ce texte.

Cette séance au Sénat n’a pas été à la hauteur des attentes de la population. La montagne a accouché d’une souris. Mais c’était nécessaire d’avoir cette séance pour bien appréhender l’ampleur du phénomène du banditisme haïtien, le juguler et projeter ensemble un nouvel Etat D’Haïti inclusif tourné vers le développement harmonieux de notre pays.

Après près de 10 heures de temps de débats plutôt stériles sur la question de la sécurité du pays, il est clair, pour tous ceux-là qui ont un minimum de bon sens, de tirer la conclusion suivante : le pays est gangrené de bases de banditisme. 

En effet, tous les sénateurs ont fait mention de la prolifération des gangs au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, mais aussi au niveau l’ensemble du pays. Ces gangs se déplacent d’une zone à une autre avec armes et bagages, selon les pressions exercées par les forces de l’ordre. Ces gangs sont alimentés en majeure partie par nos politiciens et aussi par le secteur privé. « ke se swa nan secte prive-a, ke se swa nan gouveneman e nan opozisyon-an, nou tout gen gang», a confirmé l’honorable Saurel Jacinthe.     (Ref. https://web.facebook.com/radiotelevisioncaraibes/videos/358571548232679/?t=11800)


Déjà, nous savions que plusieurs zones du pays avaient des gangs, des bandits, mais nous ne savions pas que le phénomène était aussi répandu. Dans le temps, on parlait de Cité Soleil au niveau  de  la zone métropolitaine de Port-au-Prince, de Chalon au niveau de Miragoâne, de Nan Paul et de Savane Diane à St Michel de Latalaye, des gangs de la Vallée de l’Artibonite, des gangs à Raboteau aux Gonaïves, des gangs à l’entrée du Cap-Haïtien, des gangs à Petit Goâve, aux Cayes, etc.

Récemment, on a mis le focus sur Martissant,  Jalousie, Grand Ravine, village de Dieu, la Saline, Canaan, Remy et Bas Morne à Cabri à Croix-des-Bouquets, sur  Thomazeau dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince ; sur saint Médard), Williamson à l’Arcahaie ; sur Saint Marc ; sur une bonne partie de La Vallée de l’Artibonite ;  sur certains bidonvilles  de la région métropolitaine du Cap-Haïtien ; sur Petit-Goâve (Chabannes), et  sur Miragoâne (chalon[1]).

Maintenant, au cours de cette séance, nous avons compris que le banditisme s’est métastasé et que c’est le pays entier qui en souffre, d’autant que le banditisme, qui était un phénomène marginal sous la dictature, a pris ses galons durant  la période tumultueuse de l’apprentissage démocratique. Les macoutes non désarmés se sont reconvertis pour la plupart en attachés, il en sera de même pour certains membres de l’Armée d’Haïti après la dissolution  de l’institution par Aristide en 1995.

Depuis les élections de 1987, stoppées dans le sang, (souvenez-vous de Ruelle Vaillant) par l’Armée et les attachés, le banditisme a bénéficié de la protection politique. Les élections de 1990, organisées par Mme Herta Trouillot, ont vu la victoire de Jean Bertrand Aristide (JBA). Les masses défavorisées se sont vu propulsées au pouvoir à travers le Président JBA en 1991, qui, face à des rumeurs de coup d’Etat, va faire l’apologie du supplice du collier (caoutchouc). Ce qui n’a pas évité le coup d’Etat sanglant de l’Armée d’Haïti  contre JBA et a mis fin à cette première expérience du processus démocratique.

Pour résister, le peuple va s’organiser en bases jusqu’au retour de JBA après trois ans d’exil à Washington en 1994. Par la suite, les bases vont proliférer sous tous les gouvernements, en particulier sous le 2e gouvernement de JBA (2001-2004) en vue de faire face à tout éventuel et nouveau coup de force contre l’administration d’Aristide. 

Après le renversement de JBA, le 29 février 2004, elles feront une démonstration de force paralysant la zone métropolitaine de Port-au-Prince durant toute une semaine, et organisant par la suite «l’ opération Bagdad », qui va donner du fil à retordre au gouvernement de transition, jusqu’aux élections générales de 2006, ramenant René Préval au pouvoir, le « frère jumeau » de JBA. Elles ont pris tellement conscience de leur force, Préval a dû utiliser les forces de la police Nationale et de la MINUSTHA[2] pour atténuer leur ardeur et terminer son 2e mandat.

Et Martelly a dû composer avec les bases et d’autres forces pour accéder au pouvoir. Tous les élus, à quelque niveau qu’ils appartiennent, utilisent directement ou indirectement les bases et ont dû composer avec elles, à un moment ou à un autre, pour accéder au pouvoir. Les membres des bases, renforcés par d’autres forces (djab mele ak bon mas), se sont transformés, pour la plupart, en militants politiques et/ou en groupes de bandits sous la protection de la majorité de nos politiciens qui les actionnent pour régler leurs comptes avec leurs adversaires et ennemis politiques. Certains sont devenus des politiciens. D’où la gangrène d’aujourd’hui.

Comment arriver à penser le développement dans une telle ambiance ? Actuellement, tous les indicateurs sont au rouge. Les bandits font la loi. L’économie périclite. Le peu de moyens dont dispose le gouvernement est utilisé à des fins d’apaisement social et autres, sans pouvoir allier à sa cause les chefs de gang qui s’arrangent pour manger dans tous les râteliers et créer une situation d’instabilité quasi-permanente en Haïti.

Que faire ? aurait dit Lenine

Avant toute chose, il faut reconnaitre que la prolifération du banditisme est un phénomène social, économique et politique. Pour y face, il faut l’attaquer dans ses trois dimensions.

L’inégalité sociale qui sévit dans ce pays est liée à l’économie. Haïti est l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Cette situation a atteint depuis longtemps son seuil d’intolérance. Il faut la changer au plus vite dans le cadre d’une révolution tranquille ou elle se changera toute seule par la violence aveugle. A nous de choisir. En tout cas, il faudra agir vite politiquement.

Dans un premier temps, il faudra soulager la misère actuelle, apaiser socialement la population, en particulier les couches les plus défavorisées dans les zones les plus défavorisées du monde rural et dans les bidonvilles aux alentours des grandes agglomérations urbaines. Dans le budget 2018-2019 et d’autres budgets à venir, il faudra prévoir des actions d’apaisement social équivalentes  à 10% du budget, où la réinsertion des éléments des gangs et la coercition contre leurs éléments réfractaires et les plus dangereux  seront prises en compte, pour arriver à leur élimination progressive. L’ensemble des programmes sociaux seront regroupés, mis en œuvre de manière concertée par les acteurs impliqués (Etat,  Collectivités territoriales, Secteur Privé, ONG et Société civile) afin de maximiser leurs effets et impacts sur la pacification du pays.

Dans un second temps, il faudra parallèlement, à côté de cette bataille contre le banditisme à coup de programmes sociaux imbriqués par secteur, articulés d’un secteur à un autre et intégrés à l’action gouvernementale, organiser le procès PETROCARIBE, la grande concertation nationale, qui se soldera par le pacte de gouvernabilité et la mise en place du nouvel Etat d’Haïti.

Pour la grande concertation nationale, Haïti dispose des éléments d’un plan de développement inclusif. Le diagnostic est fait sur le plan humain, social, environnemental, infrastructurel, économique et financier, et sur le plan politique/gouvernance, des solutions appropriées sont proposées. Les études sont là : Depuis la commission nationale de la réforme administrative, (CNRA), les diverses commissions présidentielles de l’administration Préval, le Post desasters Needs assesment (PDNA 2010), les documents du secteur Privé, de la société civile, les diverses études du ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE), des bailleurs de fonds, jusqu’aux documents de politiques sectorielles des ministères, le PDNA de 2017, les documents du PNUD-HAITI, de la CNSA,  de la caravane du changement, des états généraux, sectoriels de la nation, etc.

Il nous faudra améliorer tout cela et en faire un plan de développement sur 25 ans pour transformer l’Etat d’Haïti en un État inclusif où tous ses fils et filles vivront en harmonie, dans la prospérité due à l’exploitation correcte de nos ressources naturelles et minières, estimées à plus de 100 trillions de dollars américains[3] par diverses sources dont les plus connues sont le Dr Henri Vixamar[4], l’ing Antoine Dimanche[5], le feu Dr Mathurin pour ne pas les citer.

Depuis 1987, le banditisme a gagné ses galons et plonge le pays dans une forme de crise permanente sous couvert d’un processus démocratique interminable qui a nui considérablement au processus de développement du pays. Cet Etat prédateur, inégalitaire et anti peuple, a atteint ses limites actuellement. Il s’est transformé en un Etat groupusculaire contrôlé par des gangs qui se sont infiltrés dans tous ses interstices et même dans ses sphères d’actions les plus élevées. Il faut juguler cet Etat et le transformer en cet autre Etat inclusif, issu de la grande concertation nationale, en vue d’aboutir à ce développement National d’Haïti rêvé par chacun de ses filles et fils et où il fera bon vivre. Nous pouvons le faire, nous sommes obligés de le faire ! Sans quoi nous périrons tous !



[1] En termes de zone sous contrôle de gang, Chalon est une constante. Entre janvier et Mars 2011, Chalon s’est illustré depuis  comme le point névralgique de la Nationale No2, comme le sera devenu Saint Médard (Arcahaie) depuis l’élection de Jovenel Moïse à partir  janvier 2017 jusqu’à date sur la Nationale No 1.
[2] Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti
[4] Interview à l’émission Le Point du 3 Février 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=-2xh5WyRnSY&t=1201s
[5] Effectivement, selon l’ingénieur Antoine Dimanche, le Pays dispose  de l’or, de l’argent, du cuivre, du pétrole prêt à être exploité,  du gaz naturel (5 Trillion de mde propane), du béton bitumineux à l’état naturel sur 24 km2 (zone de Jérémie), etc. Une fois ces ressources en phase d’exploitation, l’ haïtien le plus pauvre aurait, selon lui, 100,000 USD au minimum sur son compte en banque. Réf. https://jrjean-noel.blogspot.com/2014/08/haiti-imbroglio-politique-desras.html