Rechercher dans ce blog et le WEB

jeudi 29 novembre 2018

18 NOVEMBRE 2018, LA POLITIQUE A OCCULTE PETROCARIBE, DEMISSION OU ENTENTE ?



18 NOVEMBRE 2018, LA POLITIQUE A OCCULTE PETROCARIBE, DEMISSION OU ENTENTE ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 NOVEMBRE 2018

Après le 17 octobre 2018, les petro-challengers et « le secteur démocratique et populaire » avaient donné rendez-vous pour le 18 novembre 2018 pour une autre grande manifestation en vue de réclamer « Kob Petro Karibe-a » et « la démission du Président Jovenel Moïse ». Entre temps, les petro-challengers se sont fait entendre par la voix de leur chargée de communication du groupe « Ayiti nou vle-a », tant dans « sa kap kuit » de la chaine 20 que dans l’émission « Invité du jour » de Valery Numa de Radio Vision 2000, ils se sont organisés entre eux pour mener la bataille petrocaribe ; ils veulent proposer quelque chose au pays en 2019 ; ils ne sont pas pour la démission du président ; ils se battent uniquement pour le procès et Haïti. 

D’un autre côté, le secteur démocratique a multiplié des interventions à la radio et à la télévision par la voix de leur principal porte-parole, Me Michei André, rendant le Président Jovenel Moïse responsable de tous les maux du pays, le présentant comme le « mal absolu », réclamant à cor et à cri sa démission, le considérant même déjà comme démissionnaire, et a promis que le 18 novembre marquerait la fin de son règne, quitte à ce que, selon JC Moise, la manifestation du 18 novembre 2018 s’éternise devant le Palais National jusqu’à l’annonce officielle de sa démission. 

Les deux groupes ont notifié le parcours différent de leur manifestation à la police selon la loi. 

Divers incidents avant le 18 novembre 2018

Avant de rentrer dans la manifestation du 18 novembre, il y a lieu de signaler un certain nombre d’incidents qui sont venus envenimer la situation. 

Le mouvement des avocats du Barreau de Port-au-Prince  refusant de plaider pas avant la révocation du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, Me Ocname Daméus qui s’est auto-déclaré « manager du dossier Petrokaribe » et a arrêté des décisions intempestives contre les entreprises impliquées dans ce dossier, l’intervention de la police au village de Dieu pour déloger le bandit Arnel Joseph et l’arrestation de certains de ses acolytes, la tuerie de La Saline attribuée par l’opposition au Président de la République,  la manifestation dans le nord du pays, en particulier au Cap-Haïtien, où le leader Jean Charles Moïse a fait hisser à Vertière le drapeau noir et rouge. 

Cet acte de Jean Charles Moïse est condamné par la majorité des secteurs de la vie nationale. C’est un coup politique qui lui a permis d’occuper l’actualité au détriment de PETROKARIBE et qui a cassé un peu l’élan citoyen vis-à-vis de ce dossier. En tout cas, par ce geste, JC Moïse s’est affiché comme le principal leader de l’opposition politique radicale en mettant en défi le pouvoir en place qui est resté figé sans pouvoir appliquer la loi contre cet ancien maire, ancien sénateur, ancien conseiller du Président Préval et ancien candidat à la présidence, classé 3e aux dernières présidentielles (2015 avortées et 2016). 

Après ce geste de JC Moise, les autres leaders de l’opposition, dite démocratique et populaire, qui ont condamné du bout des lèvres leur allié, se sont livrés une véritable bataille dans la véhémence du langage contre l’administration Moïse-Céant, chauffant à blanc les esprits, poussant leurs partisans à la désobéissance civile, qualifiant le Président de la République de « voleur ». 

Les routes nationales No 1 et 2 étaient bloquées selon le bon vouloir de certains groupes acquis à l’opposition sans véritable réaction des pouvoirs publics. La peur a gagné toute la population. 

Les partis politiques les plus modérés se sont mis de la partie pour demander la démission du Président de la République, sauf RDNP, le parti fondé par le feu Professeur Manigat. 

Et depuis le vendredi 16 jusqu’au Mardi 20 Novembre 2018, les tirs nourris ont déchiré le silence de la nuit au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, en particulier la nuit du 17 novembre vers le 18 novembre.

La manifestation du 18 novembre 2018

Cette grande manifestation a quand même eu lieu et a charrié des dizaines de milliers d’individus mais est loin d’être de la dimension de celle du 17 octobre 2018, car elle n’a pas couvert autant de villes que celle du 17 octobre. Elle s’est totalement orientée vers la démission du  Président Moïse, occultant  la simple cérémonie organisée par l’administration à l’occasion, et surtout le dossier PETROCARIBE pour la première fois depuis sa prise en charge par les pétro-challengers. Il faut signaler qu' en réalité on a vu une seule et même manifestation réclamant la démission du Jovenel Moïse.

La Police Nationale d’Haïti (PNH) a eu du pain sur la planche pour éviter les débordements d’autant que l’USGPN, l’unité se chargeant de la sécurité du Palais National a été très tôt filmée avec de nouveaux équipements (nouveaux véhicules, des armes de guerre comme M50 et M60)  et de nouvelles uniformes  de mêmes couleurs que les véhicules (camouflage), une personne en tenue de sniper. On aurait dit une démonstration de force de dissuasion. Pourquoi une telle démonstration?  En tout cas, l’opposition n’a pas pris de temps pour y trouver une explication et a accusé le pouvoir d’avoir utilisé des snipers pour éliminer des manifestants par des tirs dans  la tête. De là à mettre ces morts sous le compte de l’administration en place, il n’y a eu qu’un pas. Il a été franchi.

La déclaration du chef de la Police par rapport à la  présence sans son autorisation de l’USGPN dans la rue avec des armes de guerre, deux jours plus tard,  est venue jeter de l’huile sur le feu et de l'eau au moulin de l’opposition politique qui a capitalisé sur cette déclaration pour accuser le Président de la République d’avoir ordonné l’assassinat des manifestants et a fait tout un amalgame avec ce qui s’est passé à La Saline qu’elle a qualifié de «  massacre de La Saline » perpétré par le pouvoir en place.  Pourtant un organisme des droits humains a eu le courage de jeter la responsabilité de cette tuerie, résultant de la bataille entre deux gangs rivaux de la zone, sous le compte des deux parties, l’opposition et le pouvoir en place.

Les deux jours de grève du 19 et 20 Novembre : adhésion ou peur ?

Les deux journées de grève, qui ont suivi le 18 novembre 2018, commanditées par une organisation syndicale proche de l’opposition radicale, ont totalement paralysé les activités au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, les écoles, l’administration publique, le secteur privé des affaires, le commerce informel. 

Il faut noter que les routes nationales menant vers la Capitale étaient l’objet de barricades au niveau de plusieurs localités, en particulier Saint Médard, Canaan, Miragoâne, Petit Goâve, Gressier, etc., ce qui a paralysé les échanges entre les provinces et la Capitale. 

Les habitants des villes de la zone métropolitaine se sont terrés chez eux par crainte, surtout après les menaces proférées par certains leaders de l’opposition radicale. Globalement, on ne peut pas parler de l’adhésion de la majorité silencieuse. La peur a gagné les esprits durant les deux jours et la journée du mercredi 21 novembre peut être considérée comme une journée supplémentaire de grève tellement les activités étaient au ralenti.

L’appel au dialogue du Président dans son adresse à la nation et de la communauté internationale

Il a donc fallu attendre l’adresse à la Nation du Président Moïse axé essentiellement sur sa détermination de boucler totalement son mandat, d’instruire le Premier Ministre (PM) et le Conseil Supérieur de la Police National (CSPN) d’établir la paix dans le pays, de rétablir le CNDDR[1], et d’entamer le dialogue politique avec l’ensemble des partis politiques de l’opposition, etc. Ce bref discours du Président a été rejeté par l’opposition radicale, en particulier son appel au dialogue.

La déclaration de Kennett Merten, en charge du dossier Haïti au département d’Etat, sur la Voix de l’Amérique, et les notes de l’Ambassade Américaine et du Core Groupe, se rangeant globalement sur la position du Président, en particulier la nécessité d’alternance politique et de dialogue inter haïtien, ont mis en rage l’opposition radicale.

Les déclarations intempestives de l’opposition politique radicale

Cette opposition, par la voix de Michel André, du Sénateur Evalière Beauplan, etc., est montée au créneau avec véhémence pour rejeter non seulement l’appel au dialogue du Président, mais aussi pour lancer une grande manifestation, pour le vendredi 23 novembre, dont la destination est Pétion-Ville, pour forcer le secteur privé des affaires à lâcher le Président. Cette manifestation plutôt improvisée n’a pas fait recette et a été stoppée par la police au niveau de Delmas 60. Ce qui a donné lieu à des jets de pierres  sur l’unité de CIMO présente au niveau de la zone.

C’est dans cette ambiance qu’il faudrait situer les tueries sauvages des policiers (route nationale no 2, zone métropolitaine de Port-au-Prince), des agents douaniers à Malpasse (6 douaniers selon l’association des douaniers). Tout en condamnant la mort violente des douaniers, le Sénateur Sénatus a expliqué cet état de fait par la frustration de la population par rapport au traitement de faveur des douaniers vis-à-vis des grands contrebandiers qui traversent régulièrement la frontière avec les 23 produits interdits. C’est en partie cette situation chaotique qui expliquerait de tels débordements violents.

Les déclarations incendiaires de certains politiciens, qui l’enveniment, favorisent les conditions de métastase du cancer du banditisme non seulement au niveau de la zone métropolitaine mais aussi sur l’ensemble du pays, surtout avec les 300,000 armes en circulation dans le pays selon la dernière sortie de Clarens Renois. Ces poches de banditisme sont actionnées au besoin par nos politiciens, selon diverses sources, pour jeter la pagaille dans des moments de tensions extrêmes.  Ce qui rend invivable le pays dans ces moments - là, car la peur gagne les consciences et paralyse, et cette paralysie s’apparente à une sorte d’adhésion aux mots d’ordre de grève. Il ne faut pas trop  en abuser. D’où cette apparente accalmie de cette semaine de fin de mois.

Les propositions de sortie de crise du secteur politique et de Valery Numa

La situation décrite plus haut a interpellé et interpelle tout le monde, les politiciens, la presse, la société civile. C’est la crise haïtienne à son paroxysme dans un  système à bout de souffle. Il faut s’entendre pour le changer. Tout le monde est d’accord pour le changer, tout au moins en théorie. 

Ce qui a donné lieu à des propositions de sortie de crise. Les partis  politiques de l’opposition sont unanimes, sauf le RDNP, le Président doit partir, ce qui est normal, c’est une opportunité d’accéder au pouvoir le plus rapidement possible. 

L’opposition radicale propose non seulement le départ du Président, mais aussi celui du Parlement. Des élections générales de 2015-2016, il ne resterait que les maires et les CASECs. L’opposition radicale prendrait le pouvoir pour 36 mois, organiserait la conférence nationale, ferait le procès Petro Caribe, changerait la constitution et organiserait les élections générales en octobre 2021. Ce serait une véritable prise de pouvoir par la rue, une nouvelle manière d’accéder au pouvoir « démocratiquement », un véritable coup de force.

Valery Numa  a fait une proposition avec (i) le maintien du Président,  (ii) le gouvernement à l’opposition politique plurielle, (iii) le maintien du Parlement sous une forme ou une autre, une véritable cohabitation pour sauver Haïti et changer le système dans un climat de sérénité.  

Le discours du PM Céant, la mise en application des instructions du Président

Par rapport à l’adresse à la nation du Président et les diverses propositions de sortie de crise, le discours de conciliation du Premier Ministre  CEANT du samedi 24 Novembre est perçu comme  la clarification et la mise en application des instructions du Président. L’interview du PM à Radio Télé Métropole du 26 novembre participe de la même veine pour arriver à cet apaisement social et le dialogue politique. 

Pour l’apaisement social, il faut signaler le lancement, ce 26 novembre, des travaux HIMO au niveau de la zone métropolitaine avec l’objectif de 50,000 emplois sur l’ensemble du pays pour la coquette somme de 2 milliards de gourdes (27 millions d’USD), les actions du FAES dans 130 quartiers défavorisés, les 54 restaurants communautaires en fonctionnement au niveau de la zone métropolitaine; les 60, 000 mères de Ti Manman Cheri, les 25 caisses populaires, etc.,  à travers le pays. Pour le pré-dialogue politique, le PM a informé d’être en en contact avec l’opposition.

Pourtant ces mesures annoncées (et en cours) et les dernières déclarations du chef de la Police sur des mesures en cours pour mettre hors d’état de nuire les bandits responsables de la mort sauvage des policiers n’ont pas empêché des bandits armés d’occuper mardi soir (27 novembre 2018) la zone de Martissant, rançonnant les automobilistes et les passants au vu et au su de tout le monde, et tuant un policier et deux autres personnes le lendemain. Une sorte de défi au DG de la PNH.

« Pi Bel Revolisyon nou ka fè, se chita pale »

En guise de conclusion, toute cette analyse, basée sur les principales informations distillées à travers ce texte, est en lien, en général, avec la situation politique et non avec le dossier Petro Caribe. Or la situation politique actuelle découle de la situation de corruption en cours dans le pays depuis longtemps déjà, dont Petrocaribe en est le symbole. Elle n’a pas permis à l’Etat de faire correctement face à ses obligations vis-à-vis du peuple. 

Les manifestations de rue orientées politiquement  visent la démission du Chef de l’Etat. Ce dernier est  accusé d’être le seul responsable  de la situation actuelle. Les opposants oublient qu’elle est un cumul de problèmes aboutissant  au hideux tableau d’aujourd’hui. Le régime actuel devra être remplacé par un ancien régime qui, lui-aussi, était partie prenante du problème, sous prétexte que PETROCARIBE concerne directement l’actuel locataire du Palais National. 

En outre, Il se trouve que les éléments de l’ancien régime, qui veulent assauter le pourvoir par la rue, sont directement concernés, pour la plupart, par le dossier Petrocaribe, et ont largement profité du système en place. Qui nous garantit qu’ils vont faire un procès équitable, un dialogue inclusif et changer le système après avoir renvoyé le régime actuel? Donc, démission ou entente ? « Pi Bel Revolisyon nou ka fè, se chita pale », selon Clarens Renois de l’UNIR. Violence ou dialogue ? 2004 par rapport à 2018 ? Espérons que les résultats seront différents pour Haïti. A vos marques, messieurs les politiciens !!!



[1] Le comité national de désarmement, de démantèlement et de réinsertion