Haïti et le monde à la croisée
des chemins n°57 : Trump, Poutine, gangs et Constitution : le monde
et Haïti à l’épreuve du réel
Analyse géopolitique approfondie et perspectives nationales
Jean-Robert Jean-Noël26 juillet 2025
Alors que le mois de juillet 2025 touche à sa fin, Haïti
se trouve à une période charnière de son histoire politique contemporaine. Sous
la pression d’événements internationaux d’envergure et confronté à des crises
internes aiguës, le pays doit redéfinir ses équilibres sociaux, économiques et
institutionnels. Ce dossier propose une analyse approfondie des dynamiques
mondiales — marquées par la montée de l’unilatéralisme américain, le retour de
la guerre en Europe de l’Est, et l’affirmation des pôles émergents — ainsi
qu’un examen détaillé des défis spécifiques auxquels Haïti fait face, entre
instabilité politique, violence des gangs, mutation institutionnelle et enjeux
migratoires. Des chiffres-clés, et des références actualisées viendront étayer
cette réflexion, avant de conclure et de dégager des perspectives.
I. Le monde en tension : entre
unilatéralisme américain, conflits persistants et recompositions
1.1. Offensive tarifaire américaine et
réalignements géopolitiques
Le 1er août 2025, l’administration Trump annonce une
hausse spectaculaire des droits de douane à hauteur de 50 % sur les
importations du Brésil, estimées à plus de 25 milliards de dollars
américains par an (Institut Brésilien de Statistique, 2025). Cette mesure, qui
succède à une série de sanctions économiques imposées à la Chine, provoque une
onde de choc immédiate sur les marchés émergents. En conséquence, l’indice
BOVESPA (Bolsa de Valores de São Paulo) chute de 8,7 % en une seule séance,
tandis que le real brésilien perd 12 % de sa valeur face au dollar en
moins de deux semaines.
Dans une réaction à la fois rapide et coordonnée, le
Brésil signe de nouveaux accords commerciaux avec la Chine (qui représente déjà
31 % de ses exportations en 2024), marquant un tournant stratégique et
l’émergence de nouveaux pôles économiques hors de la sphère occidentale. Cette
polarisation s’accentue par le renforcement des alliances au sein des BRICS+
(Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, auxquels s’ajoutent l’Arabie
saoudite, l’Égypte et l’Iran en 2025), dont le commerce intra-groupe a progressé
de 17 % sur l’année.
1.2. Affaire Epstein et fragilisation de
l’administration Trump
L’affaire Jeffrey Epstein resurgit dans l’actualité
politique américaine avec la divulgation, par le Wall Street Journal, d’une
lettre inédite de 2003 censée établir des liens compromettants entre l’ancien
financier et Donald Trump [2]. Cette révélation relance le débat sur la
transparence gouvernementale, alors que 63 % des Américains interrogés
dans un sondage Pew Research (juillet 2025) estiment que l’administration cache
des informations essentielles au public.
En réaction, la Maison-Blanche prend des mesures
inédites, interdisant l’accès du Wall Street Journal à la prochaine mission
présidentielle en Écosse. Cette décision, qualifiée de « menace à la
liberté de la presse » par Reporters sans frontières, est largement
relayée dans les médias internationaux, tandis que le Congrès américain
convoque une commission d’enquête bipartisane sur la gestion de la crise à la
Maison-Blanche.
1.3. Politique migratoire, TPS et conséquences
pour Haïti
Dans un contexte de tensions économiques et sociales
exacerbées, l’administration américaine annonce le 22 juillet 2025 la fin du
Statut de Protection Temporaire (TPS) pour Haïti [3]. Au total, 348 000
Haïtiens, soit environ 15 % de la diaspora haïtienne aux États-Unis, sont
exposés à un risque d’expulsion immédiate. Parmi eux, près de 9 000
personnes sont inscrites sur des listes de surveillance pour « relations
présumées avec des réseaux criminels transnationaux ».
Des associations de défense des droits humains alertent
sur l’impact humanitaire de cette mesure : selon Human Rights Watch,
27 % des personnes concernées sont des enfants ou des jeunes de moins de
18 ans, tandis que 41 % n’ont plus de liens familiaux directs en Haïti.
Les transferts de fonds de la diaspora, déjà en baisse de 6 % depuis le
début de l’année, pourraient reculer de plusieurs centaines de millions de
dollars, aggravant la crise économique nationale.
II. Haïti : entre instabilité politique,
crise sécuritaire et mutation institutionnelle
2.1. Arrestation de Pierre Réginald Boulos et
tensions politiques
Le 17 juillet 2025, les autorités américaines arrêtent à
Miami l’homme d’affaires et ancien candidat à la présidentielle haïtienne,
Pierre Réginald Boulos. Il est accusé, selon un acte d’inculpation du District
de Floride, de soutien logistique à des groupes criminels opérant dans
l’Artibonite et la région métropolitaine de Port-au-Prince. L’enquête, menée
conjointement avec Interpol, met en lumière des circuits financiers
transnationaux et implique la saisie de 4,3 millions de dollars sur des
comptes offshore.
Les réactions politiques à Port-au-Prince sont
immédiates : plusieurs partis de l’opposition dénoncent une
instrumentalisation judiciaire, tandis que la société civile appelle à une plus
grande transparence sur les liens entre élites économiques et criminalité
organisée. D’après une enquête du journal Le Nouvelliste (édition du 18 juillet
2025), 54 % des personnes interrogées craignent une intensification des
tensions politiques dans les semaines à venir [6].
2.2. Prise de Marchand-Dessalines par des gangs
et intensification de la crise sécuritaire
En juillet 2025, des groupes armés prennent le contrôle
de Marchand-Dessalines, ville stratégique de 37 000 habitants au cœur de
l’Artibonite. Cette prise marque un tournant dans la crise sécuritaire
nationale : depuis le début de l’année, 16 localités majeures sont tombées
sous contrôle de gangs, et le Haut-Commissariat des Nations unies chiffre à
1 265 le nombre de morts civiles dans l’Artibonite pour le premier
semestre 2025 (+38 % par rapport à 2024).
Face à cette situation, la Police Nationale d’Haïti (PNH)
annonce avoir mené 112 opérations anti-drogue et procédé à la saisie de 1,8
tonne de stupéfiants depuis janvier. Pourtant, la faiblesse structurelle des
institutions et l’exode des cadres (plus de 2 000 policiers ont quitté le
pays en 18 mois) compliquent la restauration de l’ordre public.
Parmi les victimes, l’UNICEF recense plus de 13 400
enfants déplacés à l’intérieur du pays, tandis que les écoles de la région
affichent un taux d’absentéisme dépassant 61 % pour les élèves du primaire
en juin 2025.
2.3. Visite du président colombien et coopération
régionale renforcée
Le 19 juillet 2025, le président colombien effectue une
visite officielle à Port-au-Prince, accompagné d’une délégation de 32
responsables sécuritaires et économiques. Selon le communiqué conjoint, les
discussions portent sur la coopération en matière de lutte contre la
criminalité transnationale et le soutien logistique à la police haïtienne [5].
La Colombie annonce l’ouverture d’un programme de formation de 120 policiers
haïtiens par an à Bogotá, ainsi que l’octroi d’une aide financière de
18 millions de dollars sur trois ans pour renforcer la sécurité des
frontières.
Cette visite, saluée par l’Union africaine et
l’Organisation des États américains, marque une étape vers une diplomatie
régionale plus active, alors que Haïti cherche à diversifier ses partenariats
stratégiques pour sortir de l’isolement diplomatique.
2.4. Projet constitutionnel et débat public
Le projet de la nouvelle constitution, remis au
Gouvernement en juin 2025, divise profondément la société civile. Selon les
premières analyses (Commission constitutionnelle, rapport 2025), le texte
prévoit la création d’un poste de Premier ministre fort, la suppression du
Sénat et une rationalisation des pouvoirs décentralisés. Parmi les points
controversés : la concentration accrue des pouvoirs exécutifs, critiquée
par 67 % des personnes interrogées dans un sondage mené par le Réseau
National de Défense des Droits Humains (RNDDH, juillet 2025) [6].
Le débat public s’intensifie à mesure que les échéances
électorales approchent. Les associations féministes, regroupant près de
28 000 membres, réclament l’inscription d’un quota de 40 % de femmes
au Parlement. Les organisations de la jeunesse, quant à elles, dénoncent un
manque de consultations et appellent à une mobilisation citoyenne pour garantir
la légitimité du processus constitutionnel.
III. Conclusions et perspectives
L’analyse des dynamiques récentes révèle une conjoncture
complexe, où Haïti se trouve à la croisée des chemins. La spirale d’instabilité
interne, nourrie par la violence des gangs et la faiblesse des institutions,
est aggravée par un environnement international marqué par la volatilité des
alliances et l’expansion des pôles émergents. Sur le plan économique, la
contraction du PIB haïtien, estimée à -3,2 % au premier semestre 2025, et
la baisse des investissements étrangers directs de 19 % témoignent de l’ampleur
du défi.
Pour les analystes, les priorités nationales demeurent la
reconstruction institutionnelle, la restauration de la sécurité, la lutte
contre la corruption (indice Transparency International : 171e sur 180
pays) et la promotion d’une gouvernance plus inclusive. La coopération
régionale, symbolisée par l’accord avec la Colombie, pourrait apporter des
solutions innovantes à une crise multidimensionnelle qui exige mobilisation,
solidarité internationale et réforme structurelle.
Références
[1]
Scribbr. (2020). Citer un article de presse. [URL]
[2] Wall Street Journal, 2025. "Epstein
Letters and White House Transparency".
[3] US Department of Homeland Security, July
2025, « Termination of TPS for Haiti ».
[4]
Nos langues. (2022). « Communication claire : mots de liaison – Clés de la
rédaction ». [URL]
[5]
Communiqué de la Présidence colombienne, 2025.
[6]
Le Nouvelliste, juillet 2025, « Débats sur la nouvelle
Constitution ».
São Paulo
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