Rechercher dans ce blog et le WEB

mercredi 30 septembre 2020

COVID-19 HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (7), L’ENTROPIE POLITIQUE, L’INSECURITE, UNE GOURDE FORTE ET LA PEUR.

 

COVID-19 HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (7), L’ENTROPIE POLITIQUE, L’INSECURITE, UNE GOURDE FORTE ET LA PEUR.

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 SEPTEMBRE 2020

REVU LE 1ER OCTOBRE 2020

J’ai terminé ma chronique du mois d’Aout 2020, en suggérant au pays de choisir le chemin du dialogue, par l’amélioration de la proposition de Gabriel Fortuné[1]. Je reste persuadé que la crise haïtienne ne pourra se résoudre que par une grande entente inter haïtienne inclusive. Une fois, sur un sujet controversé qui a occupé l’actualité durant un mois, j’avais suggéré une négociation entre nous. Un ami est entré dans une colère noire et m’a répondu : « négociation entre qui et qui ?». Je me gardais de répondre, car, pour moi, la réponse était évidente : entre nous.

Il est clair que l'haïtien est trop manichéen pour discuter de quoi que ce soit, surtout en matière politique. Depuis 1806, le pays est en crise. Le résultat est ce qu’il est aujourd’hui, le seul PMA de l’hémisphère occidental. Tous ses indicateurs sont au rouge, parce que nous nous battons pour nos clans respectifs et jamais pour Haïti. Les mots clés de notre histoire de peuple sont révolution, guerre civile, révolte, division, polarisation, radicalisation. Nous nous mettons d’accord uniquement contre quelque chose ou contre quelqu’un, au point qu’il m’était venu à l’idée de proposer un « complot positif pour Haïti[2] » dans deux chroniques différentes[3]après des événements pouvant nous rallier autour de la situation de notre pays.

Comme pour le tremblement de terre de 2010, même le coronavirus ne nous a pas permis de nous mettre d’accord sur une stratégie commune, sur une entente entre nous pour Haïti. Nous avons cette fâcheuse habitude de ramener tout au plan politique et de tout mesurer à l’aune de la politique politicienne. Heureusement, pour une raison ou une autre, d’ailleurs inexplicable scientifiquement, cette pandémie mondiale ne nous a pas trop affectés. Depuis le cas no 1 du 19 mars  jusqu’à ce constat  de 0 cas enregistré ce  27 septembre 2020,  Haïti a enregistré au total: 8,740 cas confirmés, 227 morts, 6,757 cas récupérés. Le monde[4] a enregistré  au 29 septembre 2020,  33, 469,217 cas confirmés, 1, 003,791 morts et 23, 151,154 cas récupérés. Et les USA sont toujours en tête, ce qui en fait un thème de campagne, favorisant une avance significative de Joe Biden (48%) par rapport à Donald Trump (41%), selon un sondage national de New York Times, et permettant à Biden de dominer le premier débat télévisé du 29 septembre 2020 face à Trump, 60% et 28%, selon un sondage à chaud de la chaine américaine CNN. Dépendant des résultats de la présidentielle américaine, le 3 novembre 2020, les lignes vont bouger sur l’échiquier politique haïtien et auront un impact certain sur notre situation de peuple.

En ce mois de septembre 2020, notre situation de peuple est encore plus alarmante qu’avant, surtout en pleine entropie politique où le langage de division, des menaces de chambardement, de violence et de haine prédomine. En plus d’avoir faim, nous avons peur, une peur panique liée à des assassinats spectaculaires[5] découlant de la polarisation encore plus marquée des acteurs politiques, de l’insécurité globale et de leurs effets socioéconomiques sur notre pays avec une gourde de plus en plus forte. Durant ce mois de septembre 2020, en plus de l’appréciation continue de la gourde par rapport au dollar, trois événements majeurs ont focalisé tous les esprits :

(i)         L’assassinat spectaculaire de Me Dorval le 28 Aout 2020 a occupé l’actualité. Les parents  du défunt ont dû, vu la tendance à  la récupération politique de cette mort violente, organiser des funérailles intimes du Docteur en droit, Monferrier Dorval, Bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince. Ses pairs, ses étudiants en droit et ses amis ont dû se contenter de manifestations de rue et de prises de parole  dans les médias, et lors de la messe de requiem à l’Eglise Saint de Pierre de Pétionville, dont l’oraison funèbre de Me Gousse[6], l’homélie de Mgr Dumas, etc.;

 

(ii)        Les actions spectaculaires de Fantom 509, un groupe de bandits issus de la Police Nationale d’Haïti (PNH), qui avait déjà fait parler la poudre, en brulant le cabinet de Me Madistin lors des débats sur la nécessité ou non de créer un syndicat au sein de la PNH, en brulant les stands de Carnaval au Champs de Mars, et an attaquant Radio Caraïbes et le quartier Général de l’Armée d’Haïti ; ils ont remis cela la 2e semaine du mois de septembre 2020, en brulant environ une trentaine de véhicules immatriculés Service de l’Etat (SE), des bureaux  de l’Etat, Office National d’Identification (ONI) et  du Fonds d’Assistances Economiques et Sociales (FAES) qui a perdu une dizaine de véhicules à l’état neuf, tout simplement pour exiger la libération de leurs frères d’armes, dont les 4 policiers du corps (UDMO), accusés de négligence dans la surveillance de la maison de Me Dorval vandalisée et souillée, et Pascal Alexandre, un policier, membre du syndicat, suspecté d’avoir participé à certains actes de banditisme. En tout cas, Fantom 509 a eu gain de cause. Les policiers en question sont libérés et Pascal Alexandre a été accueilli comme un héros par une frange de la population métropolitaine en liesse et par quelques membres toujours encagoulés de Fantom 509.

 

(iii)       La publication d’un arrêté présidentiel de nomination[7] controversée[8] et l’investiture, au Palais National et sans l’aval de la Cour des Cassations, d’un Conseil Electoral Provisoire (CEP) de 9 membres issus d’organisations non prévues par la Constitution pour la plupart, et suscitant beaucoup de réactions négatives au sein de la société haïtienne, dont celle de Me Madistin qui y voit la mise en place d’un « Etat voyou et délinquant[9]», et celle de Me Gousse qui qualifie l’arrêté,  dont la mission est d’organiser un référendum pour la mise en place d’une nouvelle constitution et d’organiser les élections, « d’illégal et d’inconstitutionnel», sans évoquer les positions les plus tranchées de l’ensemble des acteurs de l’opposition politique, de la Société civile organisée, et celle du parti PHTK par la voix de son représentant, Liné Baltazar, qui recommande la recherche préalable d’un consensus ; il a rappelé les actes législatifs en relation avec les élections pris par le président Martelly et qui ont été retirés jusqu’à l’obtention d’un minimum de consensus en vue des élections de 2015.


La monnaie américaine en chute libre et la gourde en hausse 

Il faut signaler qu’à côté de ces faits saillants qui ont défrayé la chronique, la dégringolade du dollar par rapport à la gourde en est un fait marquant. C’est la chute libre de la monnaie américaine. Le graphe de Pierre Montès, PHD en génie de son état, est très parlant. D’Août 2018, tout de suite après les émeutes des 6,7 et 8 Juillets 2018, à Août 2020, la gourde qui s’échangeait à environ 68 G pour 1 USD a monté la rampe jusqu’à atteindre officiellement 122 G pour 1 USD et plus de 125 G pour 1 USD sur le marché parallèle. Cette même gourde a provoqué une chute brutale du dollar en un peu plus d’un mois pour passer de 122 G à environ 70 G pour 1 USD.

Cette chute spectaculaire a fait beaucoup plus d’heureux dans un camp que dans l’autre. Les employés du secteur publique et du secteur privé (environ 300,000), ayant des salaires en gourde jubilent, tandis que les industriels orientés vers l’exportation  crient aux désastres, interpellent l’administration en place sur de possibles faillites et menacent d’une éventuelle hécatombe au niveau de l’industrie de la sous-traitance, comme cela s’est produit quelques années auparavant en République Dominicaine, alors que l’économiste Labossière pense qu’il faudrait maintenir la pression pour ramener le taux de change à sa valeur réelle autour de 60-40 G pour 1 dollar et pourquoi pas à 25 G pour 1 USD ?. Il pense que la Banque Centrale devrait prendre ses responsabilités dans le cadre d’une politique monétaire axée sur les fondamentaux de l’économie haïtienne et non sur les spéculations orchestrées par les banques commerciales. Un ensemble de notes publiées par ce dernier sur Facebook et sur Twitter vont en ce sens. Tout en étant loin d’être un économiste, je penche pour cette solution qui empêcherait la reconstitution de la bulle spéculative liée à la tendance haussière du dollar qui s’est réduite comme une peau de chagrin durant cette période d’un mois et quelques jours et cela continue.

En tout cas, même si l’inflation est encore importante, on remarque une baisse assez significative sur certains produits de première nécessité. Puisse cela continuer sur l’ensemble des produits de base entrant dans le panier de la ménagère. Dans le Programme de Relance Post-COVID (PREPOC 2020-2023) en préparation qui s’articule autour: 1) de la diversification de l’économie et accélération de la croissance ; 2) du développement des services d’infrastructures de base et énergétiques ; 3) du  soutien aux petites et moyennes entreprises et à la création d’emplois ; 4) du développement du capital humain et de l’inclusion sociale ; 5) du renforcement de la résilience aux chocs naturels ; et 6) du renforcement de la sécurité intérieure et de l’État de droit, il faudrait que l’administration actuelle jette les bases d’une politique monétaire allant en ce sens et que le cadre budgétaire y relatif en soit imprégné.

La lettre de Cadrage budgétaire 2020-2021

Selon Le Nouvelliste sous la plume de Robenson Alphonse[10], « L’administration Moïse/ Jouthe, très optimiste, table sur une sortie de la récession économique au cours de l’exercice 2020-2021. Le taux de croissance du PIB devrait faire un bond pour atteindre 2,4 %, contre -2,9 % par rapport à l’exercice 2019-2020, a indiqué le Premier ministre Joseph Jouthe dans la lettre de cadrage du budget 2020-2021 qui fait d’autres projections. À la fin du prochain exercice 2020-2021, l’inflation estimée en glissement annuel est à 27,3 %. La projection de recettes fiscales est de 100 milliards de gourdes. La pression fiscale sera de 6.5% en raison de l’élargissement de la base des comptes nationaux de l’IHSI et des émissions nettes de trésorerie à 10 milliards de gourdes sont prévues, ce qui constitue « un niveau de financement monétaire compatible aux objectifs de stabilisation du cadre macroéconomique », selon cette lettre de cadrage qui souligne que pour « atteindre l’objectif de croissance, le gouvernement opte pour une politique de diversification et de transformation structurelle de l’économie haïtienne visant à soutenir la base productive et à créer des emplois sans toutefois négliger l’aspect de mitigation de chocs pour les groupes vulnérables ».

          « Vers 25 gourdes pour un dollar ? »


« Le scenario de la gourde forte n’est pas pris en compte dans la lettre de cadrage », selon Frantz Duval du Nouvelliste[11]. 2.4% de croissance en pleine année électorale, 27.3% d’inflation malgré la baisse de certains produits de base due à la chute du dollar, 6.5% de pression fiscale contrairement aux années précédentes autour de 10 à 13% (prévision et la réalité si situe entre 7-10%), 100 Mrds de gourdes de recettes fiscales, une nette augmentation par rapport l’exercice 2019 et 2020, comment expliquer ces prévisions de l’administration actuelle dans la lettre de cadrage? L’administration croit-elle vraiment dans le renforcement de la gourde? Ce sont les questions que se posent les observateurs avisés comme Nesmy Manigat[12], Frantz Duval et autres. En tout cas, Dr Labossière, consultant de la BRH  et du MEF (?), président de l’association des économistes haïtiens, persiste, signe et croit que l’équilibre pourrait s’établir autour de 25 G pour 1 USD. En attendant, « Le dollar qui s’échangeait pour plus de 120 gourdes le 17 août 2020 ne vaut plus ce 28 septembre que 67 gourdes 50 dans les banques et autour de 60 gourdes hors des banques.», toujours selon un éditorial de Frantz Duval, intitulé, «Vers 25 gourdes pour un dollar... Que dit la BRH? »

 

Aux dernières nouvelles, le 30 septembre 2020, le taux de change est de 62 G à l’achat et 64 G à la vente, le budget adopté en conseil des ministres pour l’exercice 2020-2021 est de 254,704,000,001 G, et le contrat d’énergie électrique entre l’Etat et Général Electric est approuvé par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif(CSC/CA) en dépit du différend entre cette institution, le MTPTC et Palais National (un bon point pour notre pays)

        

Et nous avons peur ! Entendez-vous donc pour nous sortir de là !


 La situation politique tendue décrite plus haut  et qui est une constante de notre histoire de peuple est la principale responsable de nos malheurs. Mis à part le 18 mai 1803, où nous nous fumes mis d’accord pour réaliser la seule révolution d’esclaves réussie de l’histoire mondiale moderne, nous avons pris un malin plaisir à nous détruire, en inventant la notion de « crise permanente » depuis le 17 octobre 1806, par l’assassinat crapuleux de notre père fondateur, Jean Jacques Dessalines, le Grand.

Depuis, nous sommes devenus des nains rongés par la division dont le seul et unique objectif demeure l’accession au pouvoir au bénéfice de nos clans respectifs et au détriment de ce coin de terre obtenu au prix du sang versé.

Haïti agonise à cause de cette entropie politique qui mange ses fils et filles les plus qualifiés. C’est la déroute de l’intelligence, le règne de l’impunité, l’apologie de la médiocratie, l’ôte toi que je m’y mette. Sans projet, sans programme, sans plan pour nous sortir de là de manière définitive. On dirait qu’on se complait dans cette descente aux enfers et qu’on y trouve du plaisir jouissif à détruire l’autre, à se détruire et à détruire ce coin de terre qui nous a été légué.

C’est tellement triste ! En plus de favoriser le pouvoir parallèle, réel et occulte des gangs, des bandits au niveau de l’ensemble  du pays, nuisant considérablement à la libre circulation des personnes et des biens, le peu d’institutions qui nous restent n’arrivent même pas à s’entendre, à cause de la prédominance de notre manichéisme,  sur un simple contrat selon les règles de l’art, à instituer correctement une entité vitale pour la démocratisation du pays. L’institution en charge de notre sécurité est inféodée de bandits qui brulent, qui détruisent, et les autres gangs qui gangrènent la République en profitent pour nous voler, nous piller, nous violer et nous tuer de manière spectaculaire dans la rue et chez nous.

Et nous avons peur ! Entendez-vous donc pour nous sortir de là !!!



[7] https://lenouvelliste.com/article/221140/jovenel-moise-nomme-un-cep-pour-organiser-les-elections-et-un-referendum-pour-une-nouvelle-constitution