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samedi 31 octobre 2020

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS(8), L’ENTROPIE POLITIQUE ET LE KIDNAPPING, « GARDER NOTRE BOUSSOLE »

 

COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS(8), L’ENTROPIE POLITIQUE ET LE KIDNAPPING, « GARDER NOTRE BOUSSOLE »

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

31 OCTOBRE 2020

Dans la chronique du mois dernier[1], j’ai poussé une sorte de cri de désespoir par rapport à la situation de l’entropie politique, d’insécurité, de kidnapping, et de la peur panique qui s’empare  la famille haïtienne. J’ai demandé à nos politiciens de trouver un terrain d’entente pour sauver ce qui peut encore l’être de notre pays. Tous mes écrits depuis plus de quinze ans sont orientés dans le sens de la nécessité de la grande concertation nationale inclusive. Les mots entente, dialogue, grande concertation, conférence nationale souveraine, semi-souveraine, inclusion, inclusive (et j’en passe) sont légion dans mes textes d’analyse. Pourtant, ce qui nous caractérise, c’est l’entropie politique, la division, la polarisation. On dirait qu’on a fait école, quand on regarde ce qui se passe  actuellement aux USA, la plus grande puissance économique mondiale, la plus grande démocratie, à la veille de la présidentielle du 3 Novembre 2020, en pleine 2e vague de la pandémie mondiale, dans ce grand pays et surtout en Europe, le coronavirus.  D’où le titre de la chronique du mois d’Octobre 2020 : COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS(8), L’ENTROPIE POLITIQUE ET LE KIDNAPPING, « GARDER NOTRE BOUSSOLE ».

Dans cette chronique, on aurait pu se concentrer sur une seule thématique, le kidnapping, car durant tout ce mois d’Octobre, le kidnapping a fait rage et les kidnappeurs ont pris la parole à la radio pour justifier leurs forfaits. Comme le kidnapping est lié à la situation d’entropie politique (langage violent, manifestions de rue, division au sein des partis politiques de l’opposition, au sein de la Police Nationale), comme l’étranger s’est imposé comme « un grand électeur » dans la vie politique haïtienne depuis ces dernières années, il est difficile de passer sous silence ce qui se passe aux USA, et son impact éventuel sur notre situation de peuple, et, enfin, comme le coronavirus rebondit aux USA et en Europe, et même si, en Haïti, on a l’impression que cette pandémie semble ne plus nous concerner directement, on ne peut s’empêcher de la regarder à travers le prisme mondial.

A.      LE CORONAVIRUS DANS LE MONDE, EN PARTICULIER AUX USA ET EN EUROPE

Selon le NOVEL CORONAVIRUS MAP[3],  la situation de la pandémie se présente au niveau mondial plutôt mal à l’approche de la saison d’Hiver en Amérique et en Europe, dont certains pays ont recours à nouveau au reconfinement total ou partiel. Au 30 Octobre 2020, on relève 45,304,036 de cas confirmés depuis le début de la pandémie, 1,184,565 cas de mortalité et 30,298,786 cas de récupération. Les USA sont toujours en tête avec 8,982,804 cas de contamination, 229,096 cas de mortalité et 3,554,336 cas de récupération, suivis de l’Inde (Asie), du  Brésil (AMSUD), et de la Russie (Eurasie). L’Europe et les USA font face à une 2e vague de cette pandémie.

« Le pays est préparé si jamais il y aurait une recrudescence de la maladie »

Comme Haïti est en quelque sorte liée à l’Europe à travers l’Union Européenne et surtout avec les USA, elle subit d’une manière ou d’une autre les impacts de cette pandémie, qui, si elle s’aggrave au niveau de ces pays, dont la plupart sont nos partenaires de longue date , elle pourra avoir des conséquences désastreuses pour notre pays, mais pas en termes de propagation de l’épidémie au niveau du pays qui enregistre, au 30 Octobre 2020, 9,057 cas de contamination, 232 cas de mortalité et 7,429 cas de récupération. D’ailleurs selon Dr Pape rapporté par Le Nouvelliste[4] : « le pays est préparé si jamais il y aurait une recrudescence de la maladie. Il se dit toutefois très inquiet du nombre des Haïtiens qui arrivent de la République dominicaine et qui sont testés positifs au PCR, précise que le pays dispose de 41 centres de prise en charge avec 1 350 lits qui peuvent être doublés et même triplés au besoin. Aujourd’hui, il y a dans le pays vingt et un générateurs d’oxygènedix laboratoires pouvant faire des tests, trente-quatre points de prélèvement et trois cents équipes prédisposées à aller investiguer les contacts sur le terrain. Docteur Pape fait état de plus de 625 000 médecins et infirmiers formés dans la prise en charge des personnes atteintes du coronavirus. »

              La situation électorale aux USA, Joe Biden mène la dance mais rien n’est joué

D’un autre côté, malgré un record de + 99,000 cas de contamination en 24 heures (30 Octobre 2020), les USA sont en plein dans le processus de vote pour la présidentielle du 3 Novembre 2020, c’est une société polarisée par un Trump faisant le choix délibéré de la suprématie blanche, refusant de condamner les actes reprochés aux policiers blancs vis-à-vis des noirs, incitant ses partisans à en découdre. Des poches de violences, des émeutes par-ci, par-là, on est en pleine entropie politique doublée d’un racisme primaire. Les gens votent par anticipation plus par peur qu’autre chose. Au 31 Octobre, plus de 90, 000,000 électeurs ont déjà voté dont la majorité par lettres, selon la chaine américaine CNN, et représentent, à 3 jours du 3 Novembre, 66% des votants de 2016.  Joe Biden mène toujours dans les sondages, même si le débat du 22 Octobre était beaucoup plus calme, avec un accent particulier sur le thème Covid-19. Si Joe Biden est prêt à accepter le verdict des urnes, Trump n’accepterait que la victoire ; tout autre verdict serait entaché de fraudes, selon lui, et il pourrait lâcher ses sbires dans la rue, « à la manière haïtienne », pour répéter le quotidien haïtien Le Nouvelliste[5]. Comme la Constitution américaine dispose de plusieurs failles, Trump pourrait s’engouffrer dans une  ou plusieurs failles pour rester au pouvoir contre vents et marées. Avec une  Cour Suprême complètement acquise à la cause républicaine,  en cas de vote serré comme pour Bush Fils et Al Gore (Présidentielle 2000), Trump pourrait l’emporter par devant cette  Cour. Pour l’emporter, Joe Biden devra gagner non seulement les votes populaires, mais aussi ceux des grands électeurs avec une large marge. Voici un tableau de la situation au 28 octobre 2020, selon Microsoft News.

Un simple coup d’œil permet de voir que la situation est globalement en faveur des « démocrates » en bleu, mais rien n’est joué car les états en mauve peuvent basculer dans n’importe quel camp aux moindres petites erreurs de la part d’un candidat ou d’un autre. Dans un état, comme le Texas, la différence n’est pas assez significative entre les démocrates et les républicains. Le suspens persistera jusqu’au dernier moment, même si les marges sont beaucoup plus confortables du cote des démocrates qu’en 2016 où Hilary Clinton a perdu la présidentielle en dépit du verdict des votes populaires (3 millions en plus de Trump). C’est aussi la réalité de la démocratie à l’américaine. En tout cas, quelle qu’en soit l’issue de cette présidentielle américaine, elle influera sur la situation haïtienne.

B.      LA SITUATION HAÏTIENNE EN TERMES D’ENTROPIE POLITIQUE ET DU KIDNAPPING

En général, la situation haïtienne est régulée par la politique. Quand il y a une éclaircie politique, le pays offre l’image d’une certaine paix. Dans le cas contraire, ce sont les troubles politiques ou tout au moins à caractère politique. En Haïti, quand la politique s’en mêle, c’est l’anarchie, l’entropie. L’insécurité prend le relai et le kidnapping, qui a eu ses lettres de créance en Haïti depuis Septembre 2004 à la faveur de « l’opération Bagdad », montre d’un cran sur l’échelle de l’insécurité globale. La Police Nationale d’Haïti (PNH), en charge du combat contre l’insécurité, le banditisme, les gangs, est inféodée de bandits, au point que la plupart des kidnappings sont l’œuvre des kidnappeurs déguisés en policiers, ce qui fait que, quand on voit une patrouille de policiers, on ne sait pas si on est en sécurité ou si on est en danger. Malgré tout, si l’on en croit le Premier Ministre Jouthe, « si on n’avait pas la PNH, les cas de kidnapping seraient multipliés par 100 ». En ce sens, il a peut-être raison, dans certaines zones chaudes comme  Village de Dieu, Cité Soleil, Sainte Philomène, Carrefour Marassa, Croix-des–Missions, Croix-des-Bouquets, Ganthier, à chaque intervention de la PNH pour appréhender quelques bandits et démanteler des gangs au niveau de ces zones, l’accalmie revient automatiquement, et les armes se tuent pour un bout de temps. Malheureusement, les interventions de la PNH sont sporadiques faute de moyens. Il faut noter que les gangs sont, au vu de leurs multiples démonstrations publiques et sur les réseaux sociaux, de loin mieux équipés que la PNH. Ils sont financés par nos politiciens des deux camps, par nos hommes d’affaires ; ils se sont autofinancés à partir des kidnappings où ils réclament, pour libérer leurs victimes, jusqu’à 2 M d’USD. C’est inouï !  

C’est dans cette ambiance délétère qu’évolue la société haïtienne de l’intérieur, la peur au ventre, prête à prendre des risques pour échapper à cette galère, à cette descente aux enfers, surtout les jeunes et les pauvres qui vivent dans des quartiers chauds ou dans des zones défavorisés. L’insécurité est certes plus élevée dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, mais ce qui s’est passé dans les sections communales de Saint-Louis du Nord, avec l’incendie de centaines de maisons, l’assassinat des personnes, prouve, s’il en était besoin, que l’insécurité est partout à travers le pays. Le phénomène du banditisme est métastasé, même si le foyer principal reste la zone métropolitaine de Port-au-Prince où se concentre la majorité de la population ; c’est aussi le centre de tout; c’est là également où l’on trouve le peu de services publics dont dispose le pays, la majorité des industries, des banques et l’essentiel  de nos hommes et femmes politiques se battant pour accéder au pouvoir politique par tous les moyens, sans égard pour la souffrance du peuple qu’ils utilisent comme des chairs à canon à des fins de « krazebrize », au lieu de chercher un terrain d’entente pour sauver ce qui peut encore l’être.

C.       L’ESPOIR D’UNE ENTENTE INTER HAÏTIENNE MINIMALE

Au cours de ce mois d’Octobre 2020, le Président de la République s’est  adressé au moins en deux fois directement au peuple, (i) à l’occasion de la mort de son père et (ii) ce vendredi 30 Octobre 2020. Dans les deux cas, il a sollicité un dialogue franc avec l’opposition politique dans son ensemble. Une partie de l’opposition a occupé le béton le 17 Octobre 2020 (Port-au-Prince), sans aucune comparaison avec les manifestations antérieures (17 Octobre 2018 et 2019). Jean Charles Moïse a fait bande à part (Cap-Haitien) et a dénoncé ses pairs de l’opposition. C’est la division au sein de l’opposition.

Edmonde Suplice Bauzile a rétorqué un peu plus tard et a mis les points sur les i par rapport à JC Moïse qu’elle a qualifié de « primaire », de « complexé »,  de « corrompu », d’ « assassin ». Kelly C Bastien est aussi accusé d’avoir pris contact avec le PHTK sans l’aval de ses pairs. Il s’est défendu du bec et des ongles (Radio Vision 2000) après un long moment de silence, et, dans son intervention, on a relevé  une division profonde au sein de cette opposition. L’ex sénateur Desras, ancien président du Sénat, a donné le coup de grâce à l’opposition en dénonçant, sur les ondes de Makik 9,  les manœuvres les plus méprisables de certains membres de l’opposition  qui, au moment de « peyilok » se sont acoquinés avec un gros commerçant pour laisser passer des containers bloqués, moyennant une grosse compensation. Il a dénoncé la plupart des politiciens qui sont en contact avec le Président Moïse, qui ont en poche des « premiers ministrables » proposés à ce dernier et qui l’accusent de menteur lorsqu’il a déclaré être en contact avec eux. Bref, lui qui a accusé le Président de disposer dans son jardin d’Agritrans d’une piste pour débarquer de la drogue, se dit être en contact avec lui et prêt à entamer le dialogue avec M. Moïse.  André Michel, qui s’est défendu par rapport aux déclarations de Bastien et de Desras, semble assouplir ses positions par rapport à un dialogue éventuel avec le Chef de l’Etat. En tout cas, il serait prêt en tant que démocrate à répondre à un appel téléphonique du Président, pour discuter de son départ.

M. J. Moïse aimerait trouver une entente minimale pour réformer la constitution, organiser le référendum pour l’adoption ou non de la nouvelle constitution et organiser les élections, soit sous l’égide de la nouvelle constitution ou l’ancienne. Il voudrait être la dernière transition, demande à ses opposants d’aller aux élections pour accéder au pouvoir et s’est engagé à ne pas être candidat aux prochaines elections. Comme l’a fait remarquer Radio Métropole, l’étau semble se desserrer ; le dialogue n’est plus un tabou. Il faudrait trouver une date pour le début du dialogue.

Il faut noter que lors de sa dernière intervention[6], M. Moïse a fourni beaucoup d’informations sur l’état d’avancement des projets énergétiques (un luxe de détails), d’irrigation à partir des pompes solaires, du barrage Marion, du barrage de La Tannerie; des chantiers de routes pour désenclaver des zones de production pour les connecter aux marchés ; il a abordé la question d’insécurité et des mesures adoptées et inscrites dans le budget 2020-2021 ; il a apporté des précisions sur le référendum, sur la réforme de la constitution avec la mise en place d’un comité consultatif indépendant[7] présidé par l’ancien Président provisoire, Me Boniface Alexandre. Ce comité rédigera le projet de la nouvelle constitution avant de la mettre en débat, de la soumettre, après, à l’approbation ou non du peuple au Printemps 2021, avant l’organisation des élections.

              Nervosité du marché des changes et intervention de la BRH

Entre temps, le taux de change semble se stabiliser autour de 62 gourdes pour 1 USD depuis plus d’une semaine. Si l’on en croit Pierre Montès, c’est une sorte d’équilibre entre les 100 gourdes réclamées par le secteur de la sous-traitance et autres, et les 25 gourdes réclamées par le peuple et l’économiste Dr Eddy Labossière. Il faut remarquer que, la semaine dernière, le marché traduit une certaine nervosité, la rareté du dollar a provoqué une hausse sur le marché parallèle, ce qui a poussé deux amis à s’en procurer à 75 gourdes pour 1 USD ; et la UNIBANK a mis des personnes sur une liste d’attente avant de leur permettre de transférer des montants importants sur l’extérieur à un taux de 65 gourdes pour 1 USD, un taux nettement supérieur au taux de référence de la BRH. Et cette dernière d’expliquer : « En vue de contenir la hausse du taux de change, la BRH a injecté 12,000,000.00 de dollars américains sur le marché des changes ce Mercredi 28 Octobre 2020. Ce montant est réparti sur le marché selon les conditions fixées par la Banque Centrale. » (Réf. @Brhhaiti sur Tweeter).

D.      EN GUISE DE CONCLUSION « NOUS DEVONS GARDER NOTRE BOUSSOLE » 

Enfin, par rapport à la situation décrite plus haut, malgré cette insécurité liée à l’entropie politique qui caractérise le pays ces derniers temps, il est encourageant que, dans cette tourmente, on décèle une certaine lueur d’espoir, une certaine volonté de dialoguer, donc de se mettre ensemble pour Haïti. C’est pourquoi, je m’appuie sur deux femmes d’âge mûr, pour conclure cette chronique du mois d’Octobre 2020. Il s’agit de notre grand-mère nationale, Mme Odette Roy Fombrun (103 ans) et notre militante politique et historienne,  Mme Suzy Castor Pierre Charles interviewée par Mme Clesca sur son parcours de vie.

Mme Fombrun dans une sorte de lettre d’adieu à la nation[8] : « J’affirme aussi qu’il faut que chacun s’élève à la hauteur de vrai citoyen en acceptant de faire des sacrifices personnels en faveur du pays, de la stabilité politique et économique, du retour à la voie constitutionnelle et au renforcement des institutions. Il est impératif d’arrêter cette descente aux enfers en ayant chacun de nous l’humilité de reconnaître que, seuls, ni en petits groupes dispersés, nous ne pouvons rien ; qu’aucun de nous ne détient la solution idéale pour remettre le pays sur les rails de la paix et du développement. Qu’il faut le « tèt ansanm » ! Ce n’est plus le moment de penser «peyi lòk», renversement de gouvernance ou décisions unilatérales d’autorités. L’histoire nous a prouvé à maintes reprises qu’elles sont toutes des options qui ont échoué et plongé le pays et les citoyens dans la misère. La sagesse et l’amour du pays nous imposent de travailler ensemble à freiner la violence et la destruction inadmissible de nos institutions, de nos valeurs morales et civiques, de notre intelligentsia, de notre patrimoine historique et culturel pour entamer enfin, avec honnêteté, les échanges constructifs indispensables. …Il nous faut nous accorder ! Il vous faut vous accorder sur des options de sagesse pour un avenir constructif et inclusif ! »

Et Mme Castor de conclure[9] : « J’ai une foi incommensurable dans les Haïtiens. Pour que ce pays avance, l’éducation et la formation sont indispensables. Ainsi, malgré les pires moments que nous sommes en train de vivre comme maintenant, nous devons garder notre boussole ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[2] idem 1

[3] https://infographics.channelnewsasia.com/covid-19/map.html , avec une évolution d’heure en heure.