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mercredi 30 décembre 2009

HAITI:BILAN 2009 DU SECTEUR AGRICOLE, UN BOND DE LA SECURITE ALIMENTAIRE

HAITI : BILAN 2009 DU SECTEUR AGRICOLE, UN BOND DE LA SECURITE AMENTAIRE
Jean Robert JEAN-NOEL
29 Décembre 2009

Contexte

En 2008, Haïti a été victime des conséquences de la crise liée à la flambée des prix alimentaires au niveau international liée elle-même à la question de spéculation. En effet, dès 2007, la FAO avait observé une augmentation des prix alimentaires de l’ordre de 50%. Cette flambée des prix alimentaires et pétroliers associée au crash financier mondial de 2008, est en grande partie responsable de l’ensemble des émeutes déclenchées au printemps 2008 dans les pays en développement, en particulier ceux à faible revenu comme Haïti. Cette crise aggravée par des causes conjoncturelles et structurelles internes à notre pays a fini par déboucher sur les émeutes d’avril 2008 dites de la faim en Haïti. Cette situation s’était aggravée par la crise gouvernementale qui en était résultée et par le passage de quatre (4) cyclones sur Haïti en août-septembre 2008. Cette combinaison d’événements avait mis à plat l’économie haïtienne (15% du PIB) avec des dégâts considérables dans le secteur agricole (229 M d’USD). C’est dans ce contexte qu’un nouveau Gouvernement dirigé par une femme, Mme Pierre-Louis, avait accédé au pouvoir et qu’une nouvelle équipe avait été placée à la tête du Ministère de l’Agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR). Alors quel est le bilan du secteur agricole pour 2009 et quelles perspectives?

La situation après les événements de 2008

La situation de l’agriculture, après les émeutes de la faim de 2008 et le passage des quatre cyclones sur Haïti, était tout simplement catastrophique. Diverses visite des lieux effectuées tout de suite après (septembre-octobre 2008) révélaient l’ampleur de la catastrophe et les nombreux défis à relever dans le secteur agricole.

Après ces deux événements, c’était la désolation la plus totale : des arbres centenaires arrachés, des maisons éventrées, des ponts emportés, des routes coupées, des bananerais ravagées, des rizières, des villes et localités inondées, etc. Le ministère de l’agriculture avait évalué les dégâts dans le secteur agricole à 229 M d’USD. De plus, il faut noter que les dégâts à l’échelle du pays avaient été considérables et les pertes en vies humaines aussi, près d’un milliard d’USD de dégâts, soit environ 15% du PIB, et plus de 1000 morts et disparus,100000 sans abris, 27 702 maisons détruites et 84 625 partiellement endommagées (Bilan partiel Direction Protection Civile. 1er Oct.08).

Face à la lenteur de la Communauté internationale (CI) à réagir par rapport à cette situation catastrophique (seulement 14% des fonds recueillis en octobre 08 des 107 M d’USD sollicités par le PNUD), l’Etat Haïtien avait déclaré l’état d’urgence pour 15 jours et avait pris l’initiative d’utiliser les fonds PETROCARIBE. Heureusement que le Parlement ait accepté de débloquer en urgence les fameux 197 M USD de PETROCARIBE dont 36.75 M d’USD accordés au ministère de l’agriculture pour un programme d’urgence post-cyclone en trois phases : urgences (3%), relèvement (40%) et réhabilitation/reconstruction (57%).

La répartition des fonds a tenu compte des priorités du gouvernement et des secteurs les plus touchés par les catastrophes naturelles. Ainsi les ministères des Travaux Publics, de l’Agriculture et de l’Education ont bénéficié respectivement de 47%, 19% et 14% des montants disponibles, tout en sachant que ces montants ne pourraient pas réparer l’ensemble des dégâts subis par ces secteurs. (Rapport final Programme d’urgences, sept.2009)

Les domaines d’intervention/actions du MARNDR et ses Partenaires en 2009

Les domaines d’intervention du MARNDR étaient regroupés sous trois (3) grandes rubriques : la production végétale, la production animale et la restructuration du secteur transversale aux deux autres.

Actions
Ces actions ont concerné la recapitalisation des exploitations agricoles, la création d’emplois, la distribution de semences et d’outils aratoires, ainsi que des actions plus durables comme la réhabilitation des infrastructures d’irrigation et la construction de petites unités de transformation pouvant avoir un effet d’entrainement sur les filières de l’élevage. Les actions avaient pour objectifs : la redynamisation du secteur agricole et la relance de la production à travers la reconstitution de la capacité de production détruite par les cyclones; l’amélioration de la circulation monétaire pour stimuler la consommation et l’investissement; l’amélioration du niveau d’équipement en vue d’alléger le travail agricole ; l’atténuation de la fragilité de l’environnement par le curage et la protection des berges des rivières et la correction des ravines.

Les interventions dans le secteur agricole ont été structurées autour de six (6) composantes :(i) protection des berges et curage des rivières (30 KM aux Gonaïves, Cabaret, Léogane, Jacmel); (ii) entretien et réhabilitation des infrastructures hydro agricoles (106 périmètres irrigués pour 57000 ha); (iii) correction des ravines (460 Km); (iv) acquisition et distribution d’intrants agricoles (1000 TM de semences de haricot, de mais, de riz, 1450000 drageons de bananiers et boutures d’igname, d’outils aratoires (50000 Unités) et d’engrais chimiques subventionnés à 75% (450 TM) ; (v) acquisition d’équipements agricoles (217 tracteurs et 400 pompes d’irrigation); (vi) appui à l’élevage (mise en place de centres régionaux de production de poussins d’une capacité de production journalière de 1575 poussins, de 155 unités de production de poulets de chair d’une capacité journalière de 9000 kg de viande, d’une unité de production de 4000 pondeuses, de 60 incubateurs à kérosène d’une capacité de 500 œufs et de 24000 poussins tous les 21 jours, réhabilitation de la station avicole de Damien avec une capacité de production de 1300 pondeuses et 1500 pondeuses rustiques, la production et la distribution de 28000 pondeuses rustiques, de 90000 poussins, de 8000 chèvres, 2500000 poissons, l’installation de dispositifs de conservation de poissons à 5302 pêcheurs regroupés en 27 associations, la construction de 5 fromageries, la remise de ruchers à 200 apiculteurs, etc.)

A coté de ces actions menées dans le cadre du programme d’urgences, le ministère a entrepris d’autres actions dans le cadre des divers projets/programmes en cours au sein du ministère. Ces projets financés pour la plus grande majorité par la coopération externe ont été en complément aux actions décrites en détails précédemment. Il faut noter que ces projets restent l’épine dorsale du ministère en ce qui a trait aux résultats de moyens et de longs termes visés. Ce sont des projets de 5 à 7 ans avec des dépenses annuelles de 1 à 5 M d’USD par projet dont les plus gros totalisent une dizaine.

Restructuration interne
Parallèlement à ces actions liées à la production végétale et animale, le ministère de l’agriculture a mené et mène tout un processus de réforme de restructuration interne : (1) L’élimination des postes de directeurs généraux adjoints,(2) le recrutement par voie d’appels d’offres des nouveaux directeurs départementaux et directeurs départementaux adjoints avec juridiction de ces derniers sur les anciennes sous-directions départementales, sources de nombreux conflits d’autorité et de disfonctionnement, (3) l’amélioration du cadre de vie au niveau central (clôture de l’aire des bureaux du ministère, aménagements intérieurs de certaines directions comme l’administration, la programmation, le cabinet du Ministre, la section de communication, etc.), (4) le processus de réduction des directions centrales de 18 à 12 (réf. Nouvel organigramme), de rajeunissement des cadres par la mise en retraite des cadres ayant atteint la limite d’âge (en cours), (5) les réflexions sur des éléments de politique agricole, (6) la finalisation du document de politique de développement agricole 2010-2025, du plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNSAN 2010-2025), (7) la relance des structures de concertation du secteur agricole tant au niveaux central que déconcentré, (8) l’amélioration de la communication au niveau du ministère (présence à la radio, à la TV, site WEB), de la sécurité interne au niveau central avec la présence remarquée d’agents de sécurité en uniforme dans des points d’accès au ministère, sur la cour et à l’intérieur des bâtiments, (9) le renforcement des liens de collaboration et de coopération avec la coopération externe et les bailleurs de fonds (USAID, ACDI, AFD, coopération cubaine, vénézuélienne, espagnole, taïwanaise, BID, UE, BM, etc.) (10) les négociations avec les bailleurs de fonds et agences de coopération comme le FIDA, la FAO et autres pour des programmes de moyen et long terme susceptibles de réduire l’insécurité alimentaire et la pauvreté du pays par l’amélioration des conditions de vie des ruraux.

Effets induits : un véritable bond
Ces interventions associées à celles des autres acteurs du secteur (ONG, agences de coopération) et de certains organismes autonomes de l’Etat comme le Bureau de Monétisation et le FAES, ont permis de redresser rapidement en 2009 la situation du secteur agricole. Pour l’année 2009 à titres d’exemples,(i) les travaux de curage et les semences distribuées ont permis une extension des superficies emblavées à 22 000 hectares cultivés en riz au niveau de l’aire de l’ODVA , soit une augmentation de 57% par rapport à l’année 2008 , la production de riz Paddy est passée de 42 000 tonnes à 66 000 tonnes ; (ii) on a enregistré à travers le pays une réduction significative du nombre de personnes en insécurité alimentaire de 3.3 M à 1.8 M et une augmentant de 25% de la production agricole en 2009 par rapport à 2008 (CNSA 2009) ; (iii) ces actions ont favorisé l’injection de plusieurs centaines de millions de gourdes directement dans les exploitations agricoles et dans le pays en général à travers la création de centaines de milliers d’emplois temporaires et durables durant toute la période sous étude et très certainement au-delà. Ce qui a conduit à ce succès un an seulement après ces malheureux événements de 2008, un véritable bond du secteur agricole en 2009 en matière de réduction de l’insécurité alimentaire.

Pourtant, ironie de l’histoire, l’architecte principale de ce succès, la Première Ministre Pierre-Louis, a été remerciée par le Senat sous prétexte de mauvaise gestion des 197 M d’USD. Pauvre Haïti, pays de défis mangeur de gens de bien !!!

Défis du secteur agricole

Les défis sont de deux ordres conjoncturel et structurel. Il faut maintenir les résultats obtenus en 2009 en continuant à financer les urgences, en consolidant les réparations effectuées, en mettant à disposition des paysans à prix subventionnés des intrants, des outils agricoles, du crédit, et en renforçant les capacités des agriculteurs et agricultrices. En outre, l’un des plus grands défis du secteur agricole demeure la question environnementale. Tous les efforts consentis en aval n’auront aucune garantie sans la protection en amont.

Parallèlement, il faut approfondir la réforme du secteur agricole et rural. Le plus grand défi c’est d’arriver à marier l’urgence au structurel pour déboucher sur le développement de ce secteur, l’un des piliers du DSNCRP. La leçon à tirer des catastrophes de 2008, c’est la nécessité de prioriser l’environnement haïtien sur une période relativement longue en vue de sécuriser les investissements, réduire la vulnérabilité du pays, déboucher sur la croissance et réduire la pauvreté.

D’autres défis à surmonter, c’est d’asseoir le leadership du MARNDR sur le secteur, assurer une coordination sérieuse de l’ensemble des actions au niveau du secteur, et mettre en œuvre la politique de développement agricole et le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle après leur appropriation par les parties prenantes impliquées.

Perspectives du secteur agricole

Pour relever ces défis, Haïti ne dispose certes pas de moyens suffisants, mais avec un plan de développement bien ficelé dont le DSNCRP contient l’essentiel des éléments, elle pourra sortir de cette situation. Ce serait un plan axé sur l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, le financier et la gouvernance. Pour financer ce plan, il faut un combat sans merci contre la corruption, des investissements considérables de l’Etat (12-15% du PIB dans le secteur agricole), du Privé, des bailleurs de fonds, des investissements étrangers importants et de la diaspora haïtienne.

Quant au financement lié à l’agriculture, Haïti doit aussi faire preuve d’agressivité auprès des instances internationales de financement. Depuis les émeutes de la faim, la FAO se bat pour rehausser l’aide publique au développement (APD) au secteur agricole à son niveau de 1980, soit 17% au lieu de 3.8% actuellement. Certains mécanismes de financement sont mis en place depuis les émeutes de 2008, au niveau de la Banque Mondiale (BM), de l’Union Européenne (UE), du Fonds International de développement agricole (FIDA), de la Banque Interaméricaine de développement (BID), de la Banque Africaine de Développement (BAD), etc. Toutes ces institutions disposent désormais de fonds même en quantité insuffisante pour financer l’agriculture, les risques et désastres et autres domaines liés à la problématique de l’insécurité alimentaire (IA). Par exemple, le G8 a promis, en juillet 2009, 21 mds d’USD à l’Aquila, Italie, pour le financement du secteur agricole. Pour nourrir la planète d’ici 2050, il faudrait selon la FAO, des investissements annuels de l’ordre de 209 milliards d’USD. Haïti doit profiter de cette prise conscience mondiale par rapport à l’agriculture et à la sécurité alimentaire pour mieux se positionner et bénéficier du financement disponible, tout en continuant avec des efforts internes pour consacrer une part importante du budget national au secteur agricole jusqu’à atteindre le niveau de 15% sur une période plus ou moins longue de 10 à 15 ans.

Dans le cadre des 21 mds d’USD, le Ministre de l’agriculture a fait preuve d’agressivité en réclamant, lors de la 36e Conférence de la FAO, une part substantielle pour Haïti (Réf. Discours du Ministre). La réaction positive de la FAO qui moins d’une semaine après, a entamé des discussions sur une probable allocation de 500 M d’USD sur 3 ans à Haïti, témoigne du bien fondé d’une attitude agressive et proactive de la part de notre pays. La soumission d’une note conceptuelle à ce sujet par le ministère une semaine après les premières discussions exprime la volonté d’Haïti de sortir des sentiers battus (Réf. Programme agricole pour la réduction de l’insécurité alimentaire 10-13. PARIAH 10-13. Déc.2009).

Dans ce même ordre d’idées, le Ministre devra faire un plaidoyer auprès du Gouvernement pour l’augmentation de 6% (2009-10) à 15% la part du budget national consacrée au secteur agricole durant les 10 à 15 prochaines années pour lui permettre d’atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2025, et dont a fait part le Ministre dans son discours de Rome (Nov.2009) pour justifier la réclamation de la part substantielle des 21 mds d’USD promis par le Sommet du G8 de l’Aquila en juillet 2009.

Conclusion

2009 a été une bonne année pour le secteur agricole, 25% d’augmentation de production agricole par rapport à 2008, réduction du nombre de personnes en insécurité alimentaire de 3.3 M à 1.8 M, création de centaines de milliers d’emplois temporaires et durables (6 emplois permanents par ha de terre irrigué), la reprise en main même timide du leadership du secteur par le ministère. C’est un bond en avant.

Le plus difficile, il faut garantir la relance du secteur. Avec 6% du budget pour l’exercice en cours, cet exploit est difficilement renouvelable. La saison cyclonique 2010, l’organisation des élections de 2010 (Parlement, Collectivités Territoriales, Président, élections indirectes) et des contraintes inhérentes au secteur agricole pourraient compromettre les efforts pour un nouvel exploit aussi spectaculaire.

Toutefois, avec une gestion rigoureuse du peu de fonds mis à disposition, un recentrage des actions du MARNDR autour des programmes et projets en cours, une agressivité proactive auprès des bailleurs, des agences de coopération, une meilleure coordination de l’ensemble des actions du secteur, un approfondissement du processus de reforme au niveau du ministère, les résultats pourront être au rendez-vous.

Le ministère devrait entre autres s’appuyer essentiellement sur le sous-secteur irrigué, sur les pistes rurales et la reprise en main de la plupart des fermes d’état et centres de formation. La mise en application de la politique de développement agricole 10-25, du PNSAN 10-25, et du programme d’actions prioritaires 10-12 moyennant disponibilité des fonds en phase de recherche par Bill Clinton dans le cadre de sa mission en Haïti pour le compte du Secrétaire Général de l’ONU, pourrait grandement aider à l’atteinte des objectifs fixés pour 2010.

Pour cela, les responsables du ministère devront faire preuve d’esprit d’initiatives, d’imagination et de créativité, tout en tenant compte des risques liés aux élections de 2010 et à la prochaine saison cyclonique 2010. Souhaitons que le Gouvernement en place ne subisse pas, et eux avec, le sort de Mme Pierre-Louis. 2010 et ses cohortes d’événements seront les seuls capables de prédire l’avenir immédiat du secteur agricole et du Pays Haïtien, l’imprévisible. A bon entendeur, salut !!!

samedi 13 juin 2009

HAITI: GONAIVES, DES SOLUTIONS A LA MESURE DU DEFI ENVIRONNEMENTAL HAITIEN

HAITI : GONAIVES, DES SOLUTIONS A LA MESURE DU DEFI ENVIRONNEMENTAL HAITIEN[1]

Jean Robert JEAN-NOEL

Port-au-Prince, le 4 mai 2009.

En l’espace de quatre ans (Jeanne en 2004, Hanna et Ike en 2008), la commune des Gonaïves a subi en deux fois les effets destructeurs des eaux en furie de la rivière La Quinte et de ses affluents La Branle, Bassin, Ennery et Bayonnais. Les crues exceptionnelles de Hanna et de Ike, bloquant momentanément l’accès au Grand Nord et isolant la Ville par voie terrestre durant plus d’une semaine, ont causé des dégâts matériels beaucoup plus importants que Jeanne (5441 maisons détruites, 22285 endommagées) chiffrés à plusieurs centaines de millions de dollars américains, des pertes considérables en vies humaines mais moins que Jeanne (Jeanne : 3000 morts, Hanna et Ike : 701 personnes mortes et disparues, 50000 familles affectées).

Dans les deux cas, Haïti a bénéficié de l’appui d’une multitude d’organisations de solidarités tant nationales qu’internationales, menant des actions humanitaires et de relèvement visant un tant soit peu le rétablissement du cadre de vie. Dans les deux cas, l’Etat Haïtien, par l’intermédiaire du Gouvernement en place, a promptement réagi. En 2004, par des actions d’urgence et la mise en place d’une unité pour la coordination et de reconstruction des Gonaïves (UCRG), qui a produit, avec l’aide de la communauté internationale, une stratégie de 100 M USD, appliquée partiellement et de manière non coordonnée. En 2008, par des actions d’urgence, humanitaires et de relèvement avec l’appui de la communauté internationale. Devant le constat de réponses pas tout à fait appropriées jusqu’ici, et, en prévision d’une période de retour de tels évènements rendue de plus en plus imprévisibles à cause du phénomène du changement climatique, le Gouvernement actuel, pour éviter toute répétition de ce drame et assurer le leadership des interventions, a décidé de mettre en place une Commission ad hoc Interministérielle[2] sur Gonaïves, coordonnée par le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR).

MISSION DE LA COMMISSION, APPROCHES PHILOSOPHIQUES ET HYPOTHESE

La mission confiée à la commission a été de proposer au Gouvernement des pistes d’orientation et des actions concrètes chiffrées susceptibles de : (i) Favoriser la Protection de la ville Gonaïves contre les crues exceptionnelles de la Rivière La Quinte et de ses affluents, (2) Protéger le site de la ville des Gonaïves contre les crues normales de la Quinte, et (3) Rendre la ville des Gonaïves accessible en tout temps et la Route Nationale No 1 (RN1) toujours en état de fonctionnement.

Le tout devra contribuer à permettre au Gouvernement de monter un Programme de long terme de Reconstruction de la Ville des Gonaïves, en prenant en compte le bassin versant de la Rivière La Quinte et sa périphérie. D’où les deux approches guides du travail de la commission, l’approche bassin versant et l’approche périphérique.

L’hypothèse de départ est que tout investissement massif pour résoudre la problématique Gonaïvienne exigerait que l’on se concentre , durant au moins 25 ans, non seulement sur Gonaïves mais aussi sur l’ensemble du bassin versant avec tout ce qu’il y a à l’intérieur et sur sa périphérie. Car cet investissement, en plus de favoriser la résolution définitive du problème, attirerait un flot d’individus vers Gonaïves à la recherche de nouvelles opportunités et d’emplois. Il faudrait les arrêter au niveau de la périphérie, considérée comme zone tampon, en créant des opportunités pour absorber même partiellement ce flot et aussi pour fixer les populations locales.

DEMARCHE

La démarche adoptée a été de type classique avec : (i) Visite diagnostic, (ii) Séances de travail avec les élus locaux (Maire et Député) et les cadres de terrain (Ingénieur Municipal et Ingénieur Départemental Agricole, Directeur Départemental Travaux Publics, autres Ingénieurs et agronomes résidant aux Gonaïves), (iii) Entrevues avec des riverains, (iv) Appui de certains cadres et institutions tant nationaux qu’internationaux en termes de discussions, de mise à disposition de la documentation nécessaire et de propositions, (v) Séances de travail au bureau, (vi) Discussions sur les points saillants relevés sur le terrain, (vii) Consultation des documents existants, (viii) Propositions de pistes de solution, (ix) Elaboration du document de présentation et du rapport de mission d’orientation.

DIAGTOSTIC DE LA SITUATION GONAIVIENNE

Gonaïves, situation géographique et climatique

Gonaïves (environ 200,000 habitants en 2004), située à 150 Km au nord de Port-au-Prince, est une ville très plate. Son altitude varie de 0.00 à 15.00 m au-dessus du niveau de la mer. Elle couvre une superficie directe de 10.00 km2 dominée par un bassin versant totalisant 700.00 km2. Ce vaste bassin versant, culminant à 1100 m et qui reçoit entre 550 mm au niveau de la plaine et 1500 mm au niveau du Massif du Nord et des Montagnes Noires est drainé par la rivière La Quinte et ses affluents et dispose d’un potentiel irrigable de 12500 ha à l’intérieur et de 15000 ha autour. En temps ordinaire, la rivière et ses affluents sont dérivés par une multitude de prises d’eau pour alimenter, à la faveur des crues localisées, des petits périmètres de production vivrière dans les vallons de Bayonnais, Passe-Reine, Dubédou, Badon Marchand, Deux-Barrières et la basse plaine des Gonaïves. Dans la partie haute de la plaine irriguée par pompage dans l’aquifère, l’épandage des crues de La Quinte est pratiqué depuis plus de quarante ans pour atténuer la salinité des sols.

Pour mémoire, à Ennery, il a été enregistré 261 mm de pluie au matin du 19 septembre 2004. Cette averse a duré cinq (5) heures de temps et provoqué une montée d’eau d’environ 3.00 m en moyenne au niveau de la ville. Pour comparaison, les précipitations enregistrées à l’occasion du cyclone Hazel, en 1954, étaient de 140 mm et avaient submergé la ville de 1.20 m. A l’échelle du bassin versant, cette précipitation de 261 mm en 5h de temps correspondrait à 10,150 m3/s.

Les observations faites sur le terrain suite au passage de Hanna, d’Ike et les différents témoignages des riverains autorisent à admettre une hauteur moyenne de submersion de 4.50 m de hauteur d’eau au niveau de la ville. Selon deux ingénieurs[3] basés aux Gonaïves, Hanna et Ike auraient, dans l’espace de cinq (5) jours, arrosé le bassin versant de La Quinte de 1180 à 1220 mm de pluie ; cette information est confirmée par The Economist[4] qui, dans un article daté du 12 février 2009, parle « d’un (1) mètre d’eau en une seule nuit », soit approximativement 12h de temps ; à l’échelle du bassin versant, cette précipitation de 1m en 12h de temps correspondrait à 16,203 m3/s. Par rapport aux hauteurs d’eau constatées en 2004 et en 2008 au niveau de la ville, les crues de Hanna et de Ike ont été beaucoup plus importantes que Jeanne.

Les ouvrages de drainage mis en place dans les années 1950, 1970[5] et 2006-2007 et les récents ouvrages inachevés (2006-2007) dans la ville des Gonaïves et sa périphérie n’ont pas été construits pour l’évacuation des crues maximales de cette envergure, il en est de même pour le drainage naturel que constitue la rivière La Quinte qui n’a pas cette capacité d’évacuation. Ces ouvrages ont donc subi des dégâts importants, favorisé des inondations, le remplissage du lac de Savane Jonc qui de 400 ha dans les années 1950 est passé à 2100 ha en février 09 avec un taux d’évaporation de 6 mm par jour, l’isolement de la ville par des dommages importants au niveau du réseau routier desservant la ville. Ce qui a obligé l’Etat à des gymnastiques de toutes sortes pour rétablir la circulation terrestre et à la population d’avoir accès à un minimum de services de base, même si elle a encore des difficultés au niveau sanitaire par insuffisance de service liée à l’état désastreux du principal centre hospitalier des Gonaïves, l’Hôpital la Providence.

Constats et informations sur Gonaïves et environs en février 2009

La population vaquait à ses occupations quotidiennes malgré la poussière aveuglante et permanente à tous les endroits de la ville. Cette situation résultait de la présence d’environ 500,000.00 m3 de boue au niveau de la ville et dans la plupart des ruelles difficiles à évacuer à cause de l‘effondrement de plusieurs ponceaux et dalots ; ce chiffre serait de l’ordre 2,600,000 m3 dont 40 à 60% auraient déjà été enlevés, selon les estimations des deux ingénieurs Gonaïviens, qui, eux, tiennent compte des zones irriguées et irrigables. L’urbanisation anarchique de la ville est en grande partie responsable de cette situation. En effet, « Déjà en 1997, le Dossier Urbain de Gonaïves et le Plan de Zonage de la ville[6] mettaient en avant cette situation comme un facteur pouvant déclencher un désastre dans la ville », selon l’UCRG[7]. Il faut noter aussi que la plupart des ouvrages étaient en plus d’être mal conçus mais obstrués donc non fonctionnels. Il s’agit de gués à lunettes, de ponts, de drains agricoles et urbains, de l’étroitesse du lit de la rivière La Quinte en aval du Pont Gaudin. Ces ouvrages ont favorisé les inondations même en cas de crues normales.

Toutefois, certaines actions ont permis de récupérer des infrastructures endommagées et faciliter la reprise des activités. Les deux centrales thermiques pouvant produire environ 16 MW sans compter l’apport éventuel de la Centrale Hydroélectrique de Drouet et de la centrale de Délugé, fonctionnent et fournissent de l’électricité 24/24. Les réservoirs de Desmurailles et de Biennac avec une capacité de plus de 3000 m3 facilitent, tant bien que mal, l’accès à l’eau potable aux habitants de la ville après des réparations effectuées aux réseaux de distribution. Sur les 39 pompes d’irrigation se trouvant dans l’aire de l’ODPG, 3 alimentent le réservoir de Biennac et de Desmurailles, 24 sont en état de fonctionnement après réparations et 12 sont hors d’usage. Environ cinq mille (5000) hectares de terre étaient emblavés en différentes cultures telles que haricot, tomate, aubergine, riz et petit mil. Beaucoup de têtes de bovin, porcin, caprin et équin sont remarquées dans la partie aval de la plaine et dans l’aire du drain D7.

Les interventions de la firme TECINA S. A. sur un tronçon de 400 mètres linéaires n’auront pas l’effet escompté si d’autres actions en amont et en aval ne viennent pas les compléter et consolider, selon l’étude de rectification de la Rivière La Quinte[8] financée par l’UE sur 14 km et les propositions de la mission sur Gonaïves.

La zone des Gonaïves, le berceau de l’indépendance haïtienne, dispose d’un certain nombre d’atouts comme une population dynamique et combative, de nombreux marais salants dont la plupart ont été inondés, des écoles primaires et secondaires, un embryon universitaire, des maisons de commerce, des temples du vodou les plus réputés de la République, un embryon de parc industriel transformé en dépôt, deux ports dont un de grande capacité, des minerais avec 2% de teneur en cuivre contenant en réserve plus de 8, 000,000 tonnes métriques, plus d’un million de m3 de calcaire marbrier à Périsse, Ravine à Couleuvre, Provence, Darang, et une multitude de localités contenant des carrières susceptibles d’être transformées en ciment. D’où possibilités d’installer des cimenteries au niveau de la zone Gonaïvienne.

En première considération, il va sans dire que Jeanne, Hanna, Ike sont des phénomènes extraordinaires dont les conséquences désastreuses n’auraient pu être évitées par aucun des aménagements et équipements de drainage existants. En effet, il a été constaté des hauteurs (> 0.50 m) et longueurs de submersion (180 m) sur le pont en construction à Savane Désolée, plus de 5m de hauteur à l’Avenue des Dattes sur au moins 1km, et plus d’1 m d’eau sur au moins 5 km au niveau de Mapou Chevalier en aval de la confluence des rivières La Branle et Ennery ; l’ensemble de ces constats et ces points relevés se trouvent sur la route nationale no 1 (RN1). Les hauteurs d’eau constatées et les volumes d’eau calculés confirment l’exceptionnalité des phénomènes enregistrés en 2004 et en 2008. S’il est donc impossible d’arrêter les précipitations cycloniques, cependant, les eaux qu’elles produisent et les crues qu’elles génèrent peuvent être contrôlées et maîtrisées.

DES PROPOSITIONS A LA MESURE DU DEFI ENVIRONNEMENTAL CONFRONTE

Sur la base des informations glanées, des constats effectués, des discussions et réflexions menées, la Commission a proposé des interventions suivantes à court, moyen et long termes touchant les composantes relatives aux objectifs fixés par le Gouvernement,

(i) Aménagement et Gestion de bassin-versant,

(ii) Relance de l’agriculture,

(iii) Transport terrestre et maritime, et

(iv) Coordination et gestion des interventions aux Gonaïves et environs

Il faut souligner que ces actions proposées et d’autres qui seront identifiées seront mises en œuvre, pour la plupart, après des études sérieuses et approfondies, par des partenaires tant locaux qu’internationaux sous la coordination d’une structure permanente de coordination et de reconstruction de la Région Gonaïvienne (SPC2RG) à mettre en place le plus rapidement possible par le Gouvernement Haïtien.

A- Protection de la ville des Gonaïves contre les crues exceptionnelles

1- Mise en place d’une digue de 18 km sur la rive droite de la Rivière La Quinte en prolongement de la rive droite de la Rivière La Branle,

2- Erection de quatre grands barrages (volume > 10, 000,000.00 m3) de retenue (régulation) totalisant 155 millions m3 d’eau au niveau des rivières d’Ennery, Labranle, Rivière Bassin et Ravine Parisse, soit plus de 25% du volume d’eau reçu en une nuit (voir l’annexe 4 du document d’orientation pour les coordonnés de ces barrages);

3- Erection de 20 micro barrages de retenue (<5,>3) et de 10 moyens barrages de retenue (5, 000,000.00 m3 <>3) sur l’ensemble du bassin versant, soit approximativement la capacité de stockage de 150 à 200 millions de m3 d’eau ; soit plus de 28% du volume d’eau reçu en une nuit ;

4- La construction de 600 citernes familiales de 5000 gallons chacune, de 100 citernes collectives de 30000 gallons chacune, de 10 impluviums et 10 réservoirs de 1000 m3 pour faciliter le regroupement des populations, 300 bassins piscicoles individuels ou familiaux et près de 800 puisards pour recharger les aquifères ;

5- Traitement de 100 km de ravine avec des seuils en pierres sèches,

6- Mise en place de dispositifs mécaniques et biologiques sur 45,000 ha des 70,000 ha du bassin versant de La Quinte, et de 6 pépinières pour la production des plantules.

7- La mise en place d’un système performant d’alerte précoce et la mise en route d’une campagne de sensibilisation permanente visant l’ensemble du bassin versant et sa périphérie en utilisant toutes formes de media.

B- Protection de la ville contre les crues normales

1- Rectification et curage de la Rivière La Quinte sur une longueur de 20 km, de l’embouchure jusqu’à la gorge André-Duquenay (Morne Joli), en se basant sur l’étude de l’UE ;

2- Rectification et curage de la Rivière La Branle sur une longueur de 10 km jusqu’au point prévu pour le barrage de régulation, en aval du village du même nom ;

3- Rectification et curage de la Rivière Bayonnais sur 5 km à partir de son point de confluence avec la Rivière La Quinte ;

4- Mise en place de 20 ouvrages de prise au niveau de l’ensemble des canaux d’irrigation en y introduisant près de 200 petits ouvrages de distribution, de régulation, de traversée, de tronçons en dur, ou mise en place de deux (2) barrages de dérivation ;

5- Augmentation du gabarit des Pont Gaudin et Pont Bigot et remplacement du Pont Mapou,

6- Elimination des 2 gués à lunettes sur les rivières La Quinte et Bayonnais et leur remplacement par des ponts ;

7- Enlèvement et stockage des 500 mille à 1 million de mètres cubes de sédiments qui obstruent la plupart des endroits de la ville ;

8- Remise en état de fonctionnement de l’ensemble des drains artificiels et naturels de la ville et de ses environs sur une longueur de 100 km environ, soit 60 km de secondaires et 40 km de primaires ;

9- Achèvement des travaux de drainage de la ville entamés en 2006 et dont la plupart ont été suspendus pour des raisons diverses ;

10- Dragage des points critiques de la Baie des Gonaïves.

C- Accessibilité de la ville et de la RN1 en tout temps

1- Maintien du tracé actuel par Savane Désolée (9 km), moyennant l’achèvement du « Pont le plus long de la Caraïbe » et la régulation du Lac de Savane Jonc par la mise en place d’un canal d’évacuation ou de décharge en val et d’un canal d’alimentation au niveau de La Quinte- Bayonnais, ou

2- Réalisation d’un autre tracé à flanc de coteau au Morne Bayonnais (25 km) en franchissant la Rivière Bayonnais au moyen d’un pont pour accéder à la RN1 en un point non inondable bien en amont du Pont Mapou dans la zone de Poteau ;

3- Réalisation d’un nouveau tracé à flanc de coteau du Morne Granmont (22 km) en contournant le lac actuel par le sud et en franchissant la Quinte par un ouvrage de traversée important,

4- Consolidation et réaménagement du tracé actuel aménagé (17 km) en 2004 après le passage de Jeanne et repris depuis le passage de Hanna et Ike;

5- Réaménagement et mise en place d’ouvrages de traversée adéquats au niveau de Pont Gaudin (agrandissement), de Pont Mapou (remplacement), de Pont d’Ennery (remplacement)

6- Traitement de 200 km de pistes agricoles, de tertiaires et de secondaires tant au niveau de la plaine qu’au niveau du bassin versant, en y incluant le tronçon Gves-Anse Rouge, et ce, quelle que soit la variante choisie ;

7- Encouragement à la mise en place d’une flotte maritime pour relier les villes côtières dont Gonaïves (Réf. Annexe 3 du rapport d’orientation).

SEQUENCES ET DEROULEMENT DES ACTIONS PROPOSEES

La situation actuelle aux Gonaïves peut se révéler très difficile à la prochaine saison pluvieuse et surtout cyclonique si rien n’est fait en urgence. Il est clair que les travaux déjà réalisés ont grandement amélioré la situation, mais on est encore loin de l’optimum souhaité. Aussi est-il souhaitable d’arrêter un certain nombre de mesures de court, moyen et long termes qui tiennent compte des aspects humain, social, environnemental, infrastructurel, économique et de gouvernance. Le programme d’urgence pré cyclonique 2009 de plus de 600 millions de gourdes conçu par le Gouvernement et actuellement en cours d’exécution, devrait, en principe et en partie, apaiser les inquiétudes dans le très court terme. Pour les actions de court, moyen et long termes, elles seront séquencées de manière telle qu’elles se dérouleront en parfaite harmonie, en s’imbriquant les unes aux autres sous la houlette de la SPC2RG, pour produire des résultats à la mesure des attentes et des moyens mis en œuvre.

BUDGET ET CHRONOGRAMME DES ACTIONS PROPOSÉES

Le budget des actions proposées ainsi que le Chronogramme des actions se retrouvent en annexe1 et 2 du document d’orientation. La majorité des actions sont chiffrées séparément, d’autres, comme les études et les appuis à la mise en place de groupes d’intérêts économiques, sont pris en compte dans des actions plus globales comme la mise en valeur agricole par exemple. Il faut noter que le chiffrage se base sur les coûts à l’entreprise pratiqués en Haïti, sur les coûts exprimés dans l’étude de l’UE pour la rectification de la Rivière La Quinte, sur les coûts du MTPTC et sur la grande expérience de l’ensemble des membres de la Commission ad Hoc.

Pour faciliter une meilleure compréhension de la problématique Gonaïvienne en relation avec la mission de la commission ad hoc à savoir : la protection de la ville des Gonaïves contre les crues exceptionnelles, contre les crues normales et son accessibilité en tout temps, les actions proposées y relatives sont regroupées dans quatre (4) composantes et le budget est articulé autour de ces composantes :

Tableau résume de la répartition du Budget en fonction des branches d’activités

Désignation

Montant

%

Aménagement et gestion BV

542,877,500

58%

Relance de l'agriculture

239,925,892

25%

Transport terrestre et maritime

114,109,000

12%

Coordination et gestion

44,845,620

5%

TOTAL GENERAL

941,758,012

100%


Quant au chronogramme, il est décliné en des actions à court, moyen et long termes qui s’étendent sur une période globale de 25 ans.

IMPACT

Un investissement de cet ordre sur 25 ans devrait permettre, avec une gestion saine, intelligente et proactive, de résoudre définitivement la problématique Gonaïvienne, surtout en ce qui a trait à ces inondations monstres. Les multiples opportunités qui seront offertes tant pendant le période de mise en œuvre de ces propositions et autres qui viendront compléter celles faites dans ce dossier et après cette période, devraient faire de la région Gonaïvienne, qui se trouve en plein centre du pays, un pôle attractif de croissance et développement

Création d’emplois

En combinant savamment les approches haute intensité d’équipement (HIEQ) et haute intensité de main d’œuvre (HIMO) pour absorber l’abondante main d’œuvre non qualifiée du pays, il est possible de créer des millions d’emplois (2,500,000 P-M de travail, soit en moyenne 100,000 emplois l’an) au moment de l’exécution des actions. Des emplois encore plus durables seront créés au moment de l’exploitation des investissements consentis. Sans faire des calculs savants, d’ailleurs non nécessaires à ce stade, et, en nous référant aux exploitations agricoles, agro forestières et forestières, et, ce uniquement à l’intérieur du bassin versant sans prendre en compte la périphérie, on arriverait aisément à 300,000 emplois l’an. Sans parler d’emplois dans les exploitations minières, les usines avec le potentiel électrique actuel sous exploité et future avec les barrages de retenues sur les lesquels on pourrait greffer des unités hydroélectriques, l’exploitation du solaire et de l’éolienne, les secteurs santé, éducation, transport avec les deux ports, la RN 1, et la possibilité de mettre en place un Aéroport international au niveau du bassin versant, etc.

La sécurité alimentaire

Les actions proposées agiraient directement sur la problématique sécurité alimentaire en favorisant la résolution du problème dans ses trois composantes essentielles, la disponibilité, l’accès et la qualité des aliments. En agissant sur l’environnement, l’agriculture et le transport, les actions proposées sont en droite ligne par rapport au plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNSAN) et sont en harmonie avec le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) et les objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Les six capitaux

On pourrait pousser l’analyse de l’impact sur d’autres aspects comme le capital humain, le capital social, le capital économique et financier, le capital politique (gouvernance), les deux autres capitaux, l’environnemental et l’infrastructurel étant directement pris en compte dans les propositions en relation à la mission d’orientation. Il faudrait dire tout de suite que les actions, qui se feront en s’appuyant sur des approches participatives, holistique, auront des impacts sur l’ensemble des six capitaux. On laisserait, pour éviter d’alourdir cet article, au plan global, qui sortira des études à faire sur la Région Gonaïvienne, le soin de les analyser en détails.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Les propositions faites dans ce dossier sont susceptible de résoudre le problème de la ville de manière globale. Le contrôle des crues exceptionnelles et des crues normales pourront se faire sur une période plus ou moins longue (10-25 ans) avec des ouvrages de retenues susceptibles de stocker plus de 50% du volume d’eau reçu en une nuit. Quant à l’accessibilité à la ville en tout temps, elle est étroitement au contrôle des crues.

Avec des volumes d’eau de l’ordre de 10,000 à 20,000 m3/s versés par Jeanne, Hanna et Ike, les drains actuels artificiels et naturels n’étaient pas en mesure de répondre, même remis en pleine capacité d’écoulement. Par rapport à Jeanne, et à Hanna et Ike, respectivement 2004 et 2008, la période de retour de telles catastrophes se situent autour de 4 ans, soit une probabilité annuelle de 25%. Or les mesures proposées demandent beaucoup de temps et beaucoup d’argent ; toutefois, il est possible, comme on l’a proposé dans ce dossier, d’étaler les actions à prendre sur les court, moyen et long termes et de les coupler à d’autres actions qui dépassent le mandat octroyé à la commission interministérielle ad hoc.

Les actions à court terme permettront de faire face à des crues normales et d’en faire un usage productif comme l’alimentation correcte des systèmes d’irrigation et la mise en valeur agricole de près de 6000 ha de terre, de tester certaines pratiques au niveau des versants et des ravines, de remettre en pleine capacités les ouvrages existants ainsi que la rivière La Quinte et ses affluents, de sensibiliser la population et de collecter le maximum d’informations pour affiner les propositions, tout en permettant une accessibilité acceptable à la ville des Gonaïves.

La mise en place parallèlement d’une structure permanente de coordination et reconstruction de la Région des Gonaïves (SPC2RG) et les multiples études qui se feront durant cette période permettront de se fixer sur des alternatives les plus viables et les plus fiables avec des coûts optimums pour résoudre définitivement les nombreux problèmes qui se posent au pays vis-à-vis de la ville des Gonaïves et de ses environs.

Les actions de moyen et de long termes, qui répondront de manière définitive à la problématique Gonaïvienne, tout au moins aux aspects en relation à la mission de la commission interministérielle, se feront sur des bases plus sérieuses (SPC2RG en place, études achevées, plan global et cadre stratégique global de la coordination et de la reconstruction de la ville validé et appuyé par l’Etat, financement disponible), et faciliteront la réhabilitation et la construction de systèmes d’irrigation couvrant 12500 ha à l’intérieur du bassin versant et 15000 ha dans sa périphérie, le traitement de 45,000 ha en agro foresterie, en vergers et en forets, la mise en place de citernes, d’impluviums, le regroupement des communautés, la mise en place et la consolidation d’organisations paysannes de base, etc., en essayant dans la mesure du possible de respecter le triptyque de la performance globale, la gestion du temps, la gestion de l’argent et la réalisation des activités de qualité.

Ces propositions, qui exigeront un consensus et des appuis politiques importants, ne pourront s’appliquer sans des coûts socioéconomiques considérables. La plupart nécessiteraient des déplacements de populations vers des endroits plus sûrs, des pertes de centaines d’ha de terres irrigués et irrigables, des dédommagements de la part de l’Etat, des risques d’inondations sur la rive gauche de La Quinte donc inondation périodique des Temples de Souvenance, de Soucri et d’autres hauts lieux du vodou, et l’augmentation du Lac de Savane Jonc, tout au moins avant la construction des grands barrages de retenues, et l’augmentation des risques d’inondation dans la zone de Grammont et de Terre Salée jusque là partiellement inondées périodiquement. En outre, la gestion des marais salants exigera des précautions particulières pour éviter leur inondation par de l’eau douce comme cela s’est produit en deux fois en 2004 et en 2008. Enfin, l’arbitrage à faire par rapport à certaines solutions techniques proposées exigera un grand courage politique et une grande vision de l’avenir d’Haïti.

Recommandations

Pour atteindre de tels résultats, il faudrait au préalable :

S’assurer, par l’intermédiaire de la structure permanente de coordination et de reconstruction de la Région des Gonaïves, de la mise en œuvre correcte du plan global de développement de la ville incluant l’ensemble du BV et de sa périphérie (Plateau continental, Anse Rouge, Terre Neuve, Gros Morne, Marmelade, St Michel, Marchand, l’Estère et Petites Desdunes sur une période plus ou moins longue (25 ans environ) ;

Exiger l’ensemble des intervenants au niveau des Gonaïves, du bassin versant et dans la périphérie à observer strictement les grandes lignes du plan global et du cadre stratégique pour la reconstruction de cette Région. Toutes les actions devront y être conformes. En attendant l’élaboration de ce fameux plan global, les intervenants devraient essayer de baser leurs interventions, dans la mesure du possible, sur les documents existants tels le cadre stratégique pour la coordination et la reconstruction des Gonaïves, document de synthèse, le plan local d’urbanisme, l’étude de la BID sur le BV (PIA), et le « Plan d’aménagement et étude détaillée de la rectification de la rivière La Quinte-Haïti » ;

S’assurer que la Structure mise en place ne devrait pas être à la merci des aléas politiques et susceptibles d’être orientée politiquement dans un camp ou dans un autre, elle devrait bénéficier d’une grande autonomie et d’une grande marge de manœuvres pour lui permettre de transcender les querelles intestines et politiciennes, elle devrait être munie de moyens substantiels et de suffisamment d’autorité pour favoriser la mise en application du plan et du cadre stratégique global pour la coordination et la reconstruction de la Région Gonaïvienne ;

Favoriser l’intégration dans la structure des cadres de haut niveau qui ont les capacités suivantes : (i) maitrise de la problématique haïtienne dans sa globalité et la problématique Gonaïvienne de manière spécifique ;(ii) ayant l’habitude de fonctionner avec les structures étatiques, privées, des collectivités territoriales, de la société civile, et des bailleurs de fonds ;(iii) maîtrise des langues française et créole et ayant une grande capacité d’analyse et de synthèse et une grande capacité de communication, de travail en équipe et de leadership. Ces cadres devraient avoir des contrats de moyen terme (3 ans) renouvelables indéfiniment sur la base de performances ;

S’assurer de la réplicabilité, dans la mesure du possible, des mesures adoptées pour la coordination et la reconstruction de la ville des Gonaïves dans d’autres endroits du pays qui font face aux mêmes aléas comme Cabaret, Léogane, Jacmel et en faire des pôles de croissance dans le cadre du développement durable du pays haïtien.



[1] Cet article est inspiré du rapport de la mission d’orientation pour la protection et la réhabilitation de la ville des Gonaïves conduite par la Commission interministérielle ad hoc sur Gonaïves coordonnée par le ministère de l’agriculture. L’auteur de cet article en a été le coordonnateur principal.

[2] Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) avec trois membres , le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (MTPTC) avec trois membres, le Ministère de l’Environnement (MDE) avec un membre et le Ministère de l’Intérieur avec un membre.

[3] Gary Dupiton et Herold St Pierre

[4] The Economist print edition .Weighed down by disasters. Feb 12th 2009 | GONAÏVES
A modest success for the United Nations is threatened by nature and lassitude

[6] Mairie de Gonaïves, DOSSIER FONDAMENTAL URBAIN, Beta Ingenieurs-Conseils, Juin 1997 (Financement BID, Supervision PNUD-HABITAT)

Mairie de Gonaïves. PLAN D’URBANISME DIRECTEUR ET PLAN DE ZONAGE, Beta Ingenieurs-Conseils, Juin 1997 (Financement BID, Supervision PNUD-HABITAT)

[7] L’Unité pour la coordination et la reconstruction des Gonaïves (UCRG). Cadre Stratégique pour la Réhabilitation des Gonaïves et de ses environs. Rapport de synthèse. Avril 2005.

[8] Plan d’aménagement et étude détaillée de la rectification de la rivière La Quinte-Haïti. Juin 2008.