HAITI : PLAIDOYER POUR UNE VRAIE
SORTIE DE CRISE DANS LE CADRE D’UNE GRANDE CONCERTATION NATIONALE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 JANVIER 2016
Ces
derniers jours, il m’a été donné l’occasion (i) de visiter du 21 au 22 Janvier
2016, le Nord-Ouest du Pays où les manifestations de la Capitale Haïtienne du
22 janvier, obligeant le Conseil Electoral Provisoire à renvoyer les élections
du 24 Janvier 2016 sine die et à se voir privé de son président, Pierre Louis
OPONT et d’un autre membre influent, Pierre Manigat , n’avaient aucun écho ;
(ii) de participer à Radio Mélodie FM, le mardi 26 Janvier 2016, à une émission
sur la crise haïtienne animée par
Bernard Ethéart, Melody and Company ; (iii) de lire les diverses
propositions de sortie de crise liées à la problématique haïtienne actuelle et au
départ imminent du pouvoir du Président
Martelly, le 7 Février 2016, selon les prescrits de la constitution de 1987
amendée, et (iv) d’éplucher un texte intéressant de Yanick Lahens publié dans
le journal, Le National, en mémoire d’Henri Bazin, « L’impasse ou la sortie du précariat », À
la mémoire d’Henri Bazin, serviteur exemplaire de l’État (Réf : http://lenational.ht/limpasse-sortie
precariat1/?fb_action_ids=10153413137391818&fb_action_types=og.comments).
Il m’est donc venu l’idée sous l’insistance de Bernard Ethéart et de notre ami
hollandais, Geert Van Vliet, de produire ce plaidoyer.
Avant
de rentrer dans le vif du sujet, le Lecteur doit noter que Yanick Lahens et
Henri Bazin sont des modèles à suivre. Selon
moi, l'une est l'archétype du grand écrivain haïtien de la fin du 20e
et du début du 21e siècle, et l'autre le plus grand fonctionnaire haïtien
des 66 dernières années. Malheureusement, Ricot Bazin est parti. C'est normal
que Yanick s'inspire de lui dans son article. C’est aussi normal que je cite
ces deux noms en exemple pour mieux asseoir la vision d’une Haïti future
peuplée en majorité de ces genres de personnes en lieu et place de ces défenseurs
de clan que sont nos actuels politiciens avec, heureusement, quelques rares
exceptions.
Ce
parricide qui nous poursuit et nous fait perdre le nord
Tout
ceci pour aboutir à la conclusion que la crise haïtienne est trop profonde pour
la laisser uniquement entre les mains de nos politiciens à courte vue qui ne
pensent, pour la grande majorité, qu'à leur clan respectif et jamais à Haïti,
qui se mettent toujours contre quelque chose ou quelqu'un et jamais pour Haïti.
Ce constat, qui traverse toute notre histoire de peuple libre et indépendant, s’est
amplifié, durant toute la présidence de Martelly, pour culminer à ce que j’appelle
« l’exacerbation de la bataille des clans », à cette crise permanente
susceptible, cette-fois-ci, de déboucher sur la guerre civile. Il faut
souligner que cette crise s’enracine
dans l'assassinat de Dessalines en 1806, ce parricide qui nous poursuit et nous
fait perdre le nord.
Dans
les propositions de sortie de crise, on insiste sur la nécessité d’un dialogue
entre haïtiens, d’un pacte de gouvernabilité, de consensus, de dialogue
politique. Notre grand ami Turnep Delpé aurait dit tout simplement « conférence
nationale ». La Commission présidentielle d’évaluation électorale, qui
avait été décriée par l’opposition politique, avait fait des propositions très
sérieuses autour de la crise électorale, qui, si elles avaient été appliquées
par le pouvoir en place, nous auraient évité le sommet atteint aujourd’hui dans
le cadre de cette crise et toutes ces inquiétudes par rapport à l’avenir de
notre pays.
Un
cadre de référence pour le développement d’Haïti
A
la réflexion et en relisant les divers textes produits depuis 1999 dans le
cadre du réseau National Haïtien de FIDACIARA, (RENAH-FIDACIARA) devenu plus
tard la Fondation Haïtienne pour le Développement Intégrale Latino-Américain et
Caribéen (FONHDILAC), et en passant en revue la plupart de mes articles sur la
problématique haïtienne, il m’est venu l’idée de revisiter le cadre de
référence pour le développement d’Haïti basé sur l’approche hexagonale développée
par la FONHDILAC autour des six capitaux, le capital humain, le capital social,
le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital économique
et financier, et le capital politique (institution et gouvernance) (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2008/05/lapproche-hexagonale.html).
Ces six capitaux combinés ensemble donnent un cadre théorique de 36 éléments
fondamentaux, un cadre de référence pour le développement de notre pays.
Je
reste donc persuadé et les cadres de la FONHDILAC aussi, en particulier, notre
président, Bernard Ethéart, que la formule de sortie de crise haïtienne devrait
forcément passer : (i) par un diagnostic sérieux des six capitaux haïtiens,
et par (ii) des solutions très sérieuses en relation avec ce diagnostic en
profondeur. Tout ceci doit être analysé et synthétisé dans le cadre d'une
grande concertation nationale.
La
nécessité d’une grande concertation nationale
Cette
grande concertation nationale se fera avec toutes les forces vives du pays, les
représentants du Pouvoir Exécutif, ceux du Pouvoir Législatif et du Pouvoir
Judiciaire ; ceux des collectivités territoriales ; ceux des partis
politiques au pouvoir et dans l’opposition ; ceux de la Société civile et
du Secteur Privé des affaires ; ceux des groupes de base et du secteur
paysan; ceux des universités, la communauté internationale jouant un rôle d’observateur et éventuellement de Co-financeur. Et de
cette grande concertation sortira un plan définitif de sortie de crise (plan de développement) de 25
ans à appliquer par tranche de 5 ans par des gouvernements successifs issus d’élections,
un pacte entre nous pour (i) vivre ensemble sur cette terre, (ii) améliorer la
situation actuelle, et (iii) projeter sur le très long terme, la vision d'une HAÏTI
EMERGENTE, d’où sortira cet HAITIEN COMPETITIF (en sante et bien
éduqué), vivant en communauté dans son organisation articulée par rapport aux
autres organisations sociales, économiques et politiques du pays, évoluant dans
un environnement régénéré et bien équipé d'infrastructures appropriées, tout
ceci financé à l'horizon 10 ans à partir des ressources propres (les ressources
potentielles haïtiennes du sous-sol étant estimées à 100 trillions de USD) et
actuellement à partir des dons, des prêts en attendant la génération des
ressources propres du pays, et, enfin, grâce à la mise en place d'institutions
fortes basées sur une gouvernance à toutes épreuves tant au niveau étatique ( Central et déconcentration
administrative) qu'au niveau local (collectivités territoriales et décentralisation).
La
vision d’un groupe appropriée par tout un pays (?)
Cette
vision est celle de notre groupe, la Fondation Haïtienne pour le Développement Intégrale
Latino-Américain et Caribéen (FONHDILAC) dont l'objectif est de contribuer au développement
intégrale d'Haïti dans le concert caribéen et latino-américain. Dans cette
situation de crise permanente susceptible de culminer à une guerre civile après
le 7 février 2016 avec, à la clef, une occupation en bonne et due forme de notre pays, cette
fois-ci et une fois de trop, par les américains 101 ans après celle de 1915, n’y
a-t-il pas lieu d’une appropriation de cette vision par l’ensemble du pays ?
En tout cas, il n'y a plus de place pour la plaisanterie. Haïti a besoin de
tous ses cerveaux (son cerveau collectif actuel) pour, comme en 1803, rééditer,
en 2016, le congrès de l'Arcahaie en vue de le remettre sur les rails du développement
durable et équitable au bénéfice de toutes les couches de la société haïtienne
sans exclusive.
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