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jeudi 12 juin 2008

HAITI : VIE CHERE 12 AVRIL-12 JUIN 08 : DES EMEUTES DE LA FAIM A AUJOURD’HUI, LA POLITIQUE, L’INSECURITE ET L’AGRICULTURE

Port-au-Prince, le 14 juin 2008

HAITI : VIE CHERE 12 AVRIL-12 JUIN 08 : DES EMEUTES DE LA FAIM A AUJOURD’HUI, LA POLITIQUE, L’INSECURITE ET L’AGRICULTURE

Par Jean Robert JEAN-NOEL

Depuis le déclanchement de la crise liée à la vie chère (début d’avril 08), les prix n’ont pas cessé d’augmenter, sauf pour le riz. Des mesures annoncées par le Président Préval concernant le riz ont permis de faire passer le sac de 110 lbs de 51 USD à 43 USD temporairement. Par contre, pour les autres produits, les prix n’ont pas suivi. Par exemple, le lundi 2 juin 2008, une marmite de 6 lbs de maïs moulu se vendait à 125 GHT (3 USD environ) au marché de la Croix-des-Bouquets, une ville rurale de la région métropolitaine. En clair, la vie chère se perpétue et s’aggrave même. Mais cette crise est passée au second plan par rapport à la crise politique qui s’envenime suite au renvoi par le Sénat de J.E Alexis. On a également constaté une résurgence du phénomène de kidnapping et un intérêt particulier pour l’agriculture, susceptible, selon les spécialistes de la question, de répondre de manière durable à la crise alimentaire. Ce sont ces trois thématiques qui dominent l’actualité durant la période sous réflexion. Qu’en est-il exactement ? Et quelles solutions ?

Ce dossier 1) analysera la situation politique actuelle en regard de l’histoire haïtienne et de la conjoncture, 2) regardera le phénomène de kidnapping à partir de septembre 2004 jusqu’à maintenant, 3) s’attardera sur la situation de l’agriculture haïtienne par rapport aux réponses envisagées au niveau local et eu égard au Sommet de Rome sur la crise alimentaire mondiale avec un regard particulier sur Haïti[1], et 4) proposera des mesures minimales à arrêter sur les trois thématiques analysées, qui pourraient se lire séparément[2] malgré l’effort de l’auteur de les articuler entre elles et ,en particulier, par rapport à la situation politique.

LA SITUATION POLITIQUE

Haïti a été toujours dominée par la politique depuis sa création en 1804. En 1789, les mots liberté, égalité et fraternité résonnèrent de manière spéciale dans les oreilles des trois catégories d’habitants qui vivaient à St Domingue. La révolution française venait d’injecter le virus de la politique dans les veines de deux des trois catégories d’habitants de cette partie française de l’île de St Domingue. Ces deux catégories allaient fonder 15 ans plus tard dans cette partie de l’île le premier Etat nègre du monde sous le nom d’Haïti. La politique a permis à ces mulâtres et nègres de réussir leur coup d’essai et coup de maître en concrétisant dans le réel la première et la seule révolution d’esclaves de l’histoire mondiale basée sur des valeurs universelles véhiculées par la révolution française. C’était et c’est encore énorme ! Depuis, on essaie de tout résoudre par la politique. Elle prend le pas sur tout. Le peuple haïtien dans son ensemble se passionne pour la chose politique comme si son salut en dépend. Ceci se vérifie ces derniers temps. En effet, malgré la faim qui le tenaille, il reste suspendu à la nomination d’un nouveau Premier Ministre. Tout autre peuple se révolterait face à cette faim, à cette comédie qui se joue au niveau politique et face à ce phénomène de kidnapping qui lui ravit ses meilleurs cerveaux, soit par fuite, soit par assassinat, qui lui ravit ses dernières réserves de capitaux et l’enfonce dans la pauvreté la plus abjecte. Pourtant, mise à part la marche contre le kidnapping du 4 juin 2008, le peuple semble attendre une solution politique à ses problèmes et s’en remet au président, au parlement, et à certaines personnalités de l’ombre comme Alexis.

L’ombre d’Alexis

En effet, selon certains observateurs, Alexis serait devenu, depuis sa destitution par la Sénat, l’homme de l’ombre, qui décide du sort du pays. Il serait le vrai leader du groupe parlementaire, la concertation des parlementaires progressistes (CPP) qui avait décidé, contre toute attente, du sort d’Ericp Pierre. Alexis aurait été chargé par le Président de négocier le sort d’Ericq Pierre. Comme ce dernier n’avait pas eu le vote de la CPP, Alexis aurait été responsable d’un tel échec. Les rumeurs prétendent que Mr Bellerive, le Premier Ministre pressenti mais non désigné, une fois l’aval du Président obtenu se serait rendu immédiatement à la Primature pour obtenir celui du Premier Ministre renvoyé. Actuellement, dans les discussions pour la ratification du remplaçant de Pierre avec la CPP et la plate-forme ESPWA, Alexis semble au centre des débats, demeure jusqu’ici incontournable selon certains observateurs, et serait le seul susceptible de donner une très mince chance à Mr Manuel de traverser l’obstacle parlementaire.

Le coup de théâtre de Préval

Alors qu’il était question de deux autres candidats qui auraient beaucoup plus de chance de passer le cap du parlement, le Président a surpris tout le monde ou presque en faisant le choix de Bob Manuel. Ce choix ne fait pas l’unanimité et plonge le pays dans une sorte d’incertitude et d’attentisme. Au lieu d’améliorer la situation politique, il la complique. L’impression générale est que le Premier Ministre désigné ne va pas passer le cap parlementaire. Toujours est-il que les négociations en coulisse vont bon train et qu’officiellement le Premier Ministre désigné a déposé ses pièces. Il attend le verdict du parlement et « prie[3] ». En effet, le pays a besoin de prière pour s’en sortir, surtout que situation politique aidant, le phénomène de kidnapping refait surface.

LE KIDNAPPING

Depuis 2004, en particulier après le déclanchement de l’ « opération Bagdad » en septembre 2004, une semaine après le passage de la tempête Jeanne qui causa 3000 morts aux Gonaïves et environs, ce phénomène est venu hanter le quotidien du peuple haïtien avec la séquestration des kidnappés dans des « zones de non droits » comme Cité Soleil, Bel Air qui se réclamaient du Président Aristide et qui menaient une forme de résistance contre le gouvernement de transition. Après la prise de pouvoir par le Président Préval en mai 2006, on a enregistré une accalmie de courte durée avant la reprise du phénomène en novembre 2006 qui a obligé les écoles à fermer leurs portes prématurément en décembre de cette même année. Le GOH Préval/Alexis a dû réagir avec force pour contrer le phénomène. Depuis, il s’active ou est activé au gré des circonstances, en particulier quand la situation politique traverse une certaine période d’instabilité comme c’est le cas depuis les « émeutes de la faim » début avril 2008.

La remontée du phénomène liée à la crise politique

Selon l'Organisation des Nations Unies (ONU), le porte-parole Fred Blaise a dénombré un total de 152 enlèvements entre le 1er Janvier et le 31 Mai 2008, a rapporté l'agence de presse Reuters. Le nombre total d'enlèvements pour l'ensemble de 2007 était de 237. A noter que pour cette année on est déjà à 152 au mois de mai 08. Ce qui laisse présager que, si ce rythme se maintenait, on dépasserait largement le chiffre de 300 en fin d’année. Il convient également de noter que de nombreux enlèvements ne sont pas signalés donc ne sont pas connus du grand public et des médias.

Cette situation a tendance à s’aggraver à la faveur de la crise alimentaire mais aussi et surtout à la faveur de la crise politique qui vient se grever sur cette dernière. Les malfaiteurs ont profité de la situation actuelle pour opérer à visière levée et agir en toute impunité et de manière audacieuse et sauvage, les autorités étant occupées à autre chose. Malheureusement, ils sont allés trop loin avec l’assassinat malgré paiement rançon de ce « brillant » adolescent de 16 ans.

L’assassinat d’un innocent, le coup de trop

En ce mois de mai 2008, plus de trente personnes ont été enlevées à Port-au-Prince par des groupes armés réclamant des rançons, selon la police nationale. Ainsi, un écolier de 16 ans a été enlevé, torturé et tué par ses ravisseurs. Tout de suite après, ils ont enlevé cette travailleuse humanitaire canadienne à peine arrivée dans le pays mais qui a eu la chance d’être libérée. Ces deux cas ont été très médiatisés tant sur le plan national qu’international. Celui du jeune adolescent a révolté la conscience haïtienne et provoqué des réactions organisées et institutionnalisées. Un ensemble d’organisations et institutions de la société civile sous la houlette de la « Lutte nationale contre le kidnapping » (LUNACK) ont organisé des séances de travail, un atelier sur la question et la grande marche du 4 juin 2008.

La marche du 4 juin 2008

Des milliers de personnes de toutes les catégories sociales se sont défilées ce mercredi 4 juin 08 à la Capitale haïtienne durant 3 heures de temps contre le kidnapping. Cette marche a été soutenue par l’ensemble du peuple, sauf les malfras. La plupart des membres de la CPP ont payé de leur présence à cette grande marche. D’autres hauts fonctionnaires de l’Etat étaient là aussi en tant que simples citoyens, des responsables de partis politiques et surtout de la société civile. C’était l’une des rares fois où l’on était d’accord sur quelque chose. Cette marche traduisait le ras le bol d’un peuple assoiffé de paix, de liberté, de fraternité et de solidarité. La vraie âme haïtienne était au rendez-vous pour dire non à l’intolérable, à l’inacceptable, et exiger les autorités de ce pays à prendre leurs responsabilités face au kidnapping, et aussi, par delà ce phénomène, face à la gouvernance globale de ce pays pour aboutir à son développement de manière durable et harmonieuse, dont celui de l’agriculture susceptible de résoudre la crise alimentaire à la quelle sont confrontés le peuple haïtien et les autres pauvres de la terre.

L’AGRICULTURE

Depuis ces émeutes de la faim, l’agriculture est redevenue une thématique à la mode. En Haïti, un ensemble de mesures est annoncé par le gouvernement, la communauté internationale, la société civile. Certaines sont en cours. D’autres attendent la mise en place du nouveau gouvernement. Haïti est au centre des débats au niveau des instances internationales. Les bailleurs et agences font, comme en de pareils cas, des promesses et attendent les dossiers de la part du gouvernement haïtien, qui se tarde à être mis en place. Entre temps, les visites au pays sont légion et des initiatives internationales se prennent au nom d’Haïti (Brésil, Espagne, République Dominicaine, ONU, etc.). En tout cas, nos responsables eux s’enfoncent dans une crise politique provoquée soit disant pour résoudre la crise alimentaire (réponse politique du Sénat). Toutefois, une fois n’est pas coutume, l’agriculture, si elle reléguée au troisième plan par rapport à la politique et au kidnapping, n’en reste pas moins une préoccupation majeure.

De Port-au-Prince au Sommet de Rome, l’agriculture au centre des débats

En témoignent les visites à Port-au-Prince du Directeur Général de la FAO, Mr DIOUF et du Président Lula du Brésil, deux personnages clés du sommet de Rome sur la crise alimentaire. Le Sommet de Rome du 3 au 5 juin 2008 est en partie parrainé par l’organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui a dressé une liste de 22 pays dont Haïti qui sont particulièrement vulnérables à la faim et à la dépendance des importations de denrées alimentaires et du carburant. Ce sommet, qui a réuni 181pays et 43 chefs d’Etat et de gouvernement, permettrait, à partir des fonds qui seront débloqués, d’aider les pays durement touchés par la crise alimentaire actuelle à assurer le succès des prochaines campagnes agricoles et à garantir leur sécurité alimentaire à plus long terme grâce à des investissements accrus dans l’agriculture et la recherche.

Ce sommet devrait permettre de 1) « revoir les politiques passées », tout en analysant les menaces actuelles liées à la crise alimentaire qui méritent des réponses immédiates en matière de « prix des produits alimentaires » et des réponses à plus long terme pour « l'amélioration de la sécurité alimentaire mondiale », selon le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-Moon ;2) « revitaliser l'agriculture - en particulier dans les pays où les gains de productivité ont été faibles », ces dernières années ;3) « trouver des moyens d'appuyer ces initiatives, politiquement et financièrement ».

Ces mesures permettront de a) réduire de 50% le nombre de personnes sous alimentées dans le monde d’ici 2015 ; b) « augmenter de 50% d'ici l'an 2030 la production agricole pour satisfaire la demande croissante ». Une « équipe spéciale de haut niveau » est mise sur pied par le Secrétaire Général le mois dernier pour définir « un cadre global d’action » pour « une compréhension commune tant des problèmes que des solutions » (discours Secrétaire Général NU, Sommet de Rome 3-5 juin 2008).

En marge du Sommet, Haïti a été à l’honneur ce lundi 2 juin 2008 au cours d’une réunion organisée sous l’initiative du Brésil. Au cours de cette réunion, le Ministre de l’Agriculture haïtien, Mr F. Severin a eu à expliquer la situation d’Haïti, « ce qui est certainement une source de grande préoccupation » selon Ban Ki-Moon. « Je suis ici pour manifester et exprimer mon entière solidarité et mon soutien au peuple haïtien » a-t-il affirmé. Les dirigeants des trois agences de Rome étaient aussi présents à cette rencontre, le PAM, la FAO et le FIDA et le Coordonnateur humanitaire de l’ONU qui tous ont assuré Haïti de leur « soutien et coopération ». Mais en finale « C'est le Gouvernement haïtien qui a la responsabilité de remédier à cette crise ».

La demande du Président Préval

Pour faire face à cette crise, un plan a été présenté au Palais National le 12 avril 2008. Par la suite, selon le Miami Herald en date du 3 juin 08 sous la plume de Jacqueline CHARLES « le Président haïtien René Préval veut 60 millions $ en espèces pour aider à amortir le choc de la hausse du carburant et des prix des produits alimentaires en permettant aux Haïtiens pauvres d'acheter du riz, farine, huile de cuisine et autres produits de base à des prix subventionnés. Pour ce faire, il a sollicité directement des dons en argent de la communauté internationale ». Il faut noter que les réponses sont plutôt « maigres » selon un Haut Responsable haïtien.

Les fonds prévus pour Haïti

Au moment du déclanchement de la crise en Haïti et durant les deux derniers mois, plusieurs bailleurs et agences se sont manifestés et ont fait des promesses au gouvernement haïtien (GOH) pour l’aider à faire face à cette situation. Ces promesses prennent la forme de dons en argent, en nature, en assistance technique et en matériels, etc.

Tableau 1 : Fonds prévus pour Haïti.

Pays/Institution

USD

FD direct au GOH

A travers Partenaire

Remarque

Canada

10, 000,000.00

Non

PAM

Pour des vivres à 350000 pers.

Communauté de la Caraïbe

7, 000,000.00

Oui


Don au GOH

France

6, 500,000.00

Non

PAM/FAO

Pr nourriture, intrants et outils

BID

27, 000,000.00

Oui


Décaissement accéléré

USA

45, 000,000.00

Non

USAID/PAM/CRS

/World vision

Aliments et autres pr 2.5 M de pers.

Venezuela[4]


Oui


Tracteurs, Intrants et 40 T de nourriture

Banque mondiale (BM)

10, 000,000.00

Oui


Don au GOH

Total

105, 500,000.00




Sources : Miami Herald du 3 juin 2008

En plus des bailleurs cités ici, d’autres comme le FIDA se sont manifestés et sont prêts à réallouer des fonds en vue du financement des actions orientées vers la résolution de la crise alimentaire de manière durable. Des missions ont été effectuées et prévues en ce sens. L’Union Européenne (UE) s’est également manifestée. On n’est pas en mesure actuellement de fournir l’information sur le montant prévu par l’UE. Il faut souligner que ces fonds n’ont rien à voir avec le Sommet de Rome qui d’ailleurs n’était pas une conférence de levée de fonds.

Les fonds prévus pour faire face à la crise alimentaire mondiale

En effet, le Sommet de Rome n’avait pas prévu de faire une levée de fonds. Mais la plupart des bailleurs et pays présents avaient jugé nécessaire de faire quelques promesses. Car les besoins financiers pour faire face à cette grave crise mondiale sont énormes. On estime les besoins financiers annuels à 30 milliards de USD pour éradiquer le fléau de la faim. La FAO a besoin de « 1,7 milliard de dollars en nouveau financement » pour cette année 2008 ; le PAM de « 755 millions de dollars ».

C’est dans cette perspective que la plupart des donateurs ont promis les montants suivants inscrits dans le tableau 2.


Tableau2 : Financement Promis

Pays/Institution

Montant en USD

Durée

Remarque

Banque Africaine de Développement (BAD)

1, 000, 000,000.00


Multilatérale régionale

Banque Islamique de développement

1, 500, 000,000.00

5 ans

Multilatérale régionale

Banque Mondiale (BM)

1, 200, 000,000.00


Multilatérale

Fonds International de développement agricole (FIDA)

200, 000,000.00


Multilatérale

ONU

100, 000,000.00


Multilatérale

Espagne

773, 000,000.00

4 ans

Bilatérale

France

150, 000,000.00

5 ans

Bilatérale

Japon

150, 000,000.00


Bilatérale

Koweït

100, 000,000.00


Bilatérale

Nouvelle-Zélande

7, 500,000.00


Bilatérale

Pays-Bas

75, 000,000.00


Bilatérale

Royaume-Uni

550, 000,000.00


Bilatérale

Vénézuéla

100, 000,000.00


Bilatérale

Total

5, 905, 500,000.00



Sources combinées

Le montant total des promesses faites au cours du déroulement du sommet se chiffre donc à environ six milliards de USD, soit exactement cinq milliards neuf cent cinq millions cinq cents mille dollars américains (5,905,500,000.00 USD).Il faudrait aussi noter que, selon la lettre du Président Bush du 30 mai 2008[5] au Secrétaire Général de l’ONU, Mr Ban Ki-Moon, un montant additionnel de 770 M de USD est sollicité au Congrès pour l’assistance alimentaire, ce qui porterait à 5 milliards de USD la contribution américaine pour 2008 et 2009.

Le résultat du sommet : « échec total »

Malgré ces promesses de fonds, le sommet de la FAO sur la crise alimentaire serait un « échec total », selon l’ancien rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, dans le cadre d’une interview en date du 6 juin 08 au Journal français, Le Monde.

Selon lui, « l'intérêt privé s'est imposé, au lieu de l'intérêt collectif. Les décisions prises à Rome risquent d'aggraver la faim dans le monde, au lieu de la combattre ». Et les responsables de cet échec sont « D'une part, les Etats-Unis et leurs alliés canadiens et australiens qui ont saboté le sommet en faisant pratiquement la politique de la chaise vide. D'autre part, les grandes sociétés multinationales. Dix sociétés multinationales contrôlent actuellement 80 % du commerce mondial des aliments de base mais elles ne sont pas la Croix-Rouge et ne sont pas en charge de l'intérêt collectif. Troisième responsable, et je le dis avec beaucoup d'inquiétude, c'est le secrétaire général des Nations unies, qui est chargé de faire des propositions. Or, il ne le fait que d'une façon très insuffisante. ».

Pour éviter cet échec, le sommet aurait dû arrêter trois grandes décisions. « Tout d'abord, l'interdiction totale de brûler de la nourriture pour en faire des biocarburants. Ensuite, retirer de la Bourse la fixation des prix des aliments de base, et instaurer un système où le pays producteur négocie directement avec le pays consommateur pour exclure le gain spéculatif. Troisièmement, que les institutions de Bretton Woods, notamment le Fonds monétaire international, donnent la priorité absolue dans les pays les plus pauvres aux investissements dans l'agriculture vivrière, familiale et de subsistance ».

CONCLUSION

Les émeutes de la faim du début d’avril 2008 ont provoqué en Haïti une crise gouvernementale donc politique, ravivé l’insécurité dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et replacé l’agriculture au centre des débats tant au niveau national qu’au niveau international (une forte contribution d’Haïti à la prise de conscience mondiale par rapport à cette problématique).

Echec ou pas, le sommet de Rome a tenté de poser la problématique alimentaire mondiale et d’y trouver des solutions mêmes insuffisantes, en laissant aux gouvernements nationaux le soin de prendre en charge leur problématique alimentaire respective et spécifique, tout en leur fournissant le soutien et la coopération de la communauté internationale (CI).

Dans le cas d’Haïti, la crise alimentaire a complexifié la situation globale déjà précaire du pays. Ce qui nécessite des solutions à plusieurs problématiques en même temps. Ces solutions ne peuvent venir que des haïtiens et d’eux seuls, naturellement avec l’appui de la communauté internationale. Par rapport à ces trois problématiques analysées dans le cadre de ce document, les solutions sont encore possibles et Haïti dispose de suffisamment d’éléments de solutions pour y faire face.

La crise alimentaire a replacé Haïti au devant de la scène internationale. Si elle a donné un coup terrible à l’image du pays, elle a aussi fait comprendre au monde entier la nécessité de revenir à la politique de la terre et de mettre tout en œuvre pour l’augmentation de la production agricole pour l’éradication du fléau de la faim. En ce sens, Haïti a une carte très sérieuse à jouer afin de se positionner comme « le pays modèle » dans le cadre de la résolution de cette crise. Pour cela, il faudrait :

1) Mettre en place un nouveau gouvernement dans le plus bref délai, la balle est dans le camp des Dirigeants ;

2) Prendre des mesures urgentes et drastiques contre le phénomène du kidnapping, la société civile a indiqué la voie à suivre, à la justice, la police et au parlement de profiter de la conjoncture pour arrêter les mesures qui s’imposent et se donner les moyens appropriés pour éradiquer ce fléau ;

3) Adapter le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) par rapport à la nouvelle conjoncture créée par la crise alimentaire et revoir certains accords internationaux en relation avec le DSNCRP (FM, BM) ;

4) Augmenter de manière substantielle le budget du secteur agricole autour de 12 à 15% par rapport à la situation actuelle autour de 4%, en gardant à l’esprit que ce secteur contribue pour 25% à la richesse du pays ;

5) Procéder à des reformes au sein du secteur agricole, en se basant, entre autre, sur la politique agricole en phase finale d’élaboration et sur un plan sérieux de relance de la production agricole susceptible de permettre au pays de réduire sa facture de produits alimentaires importés de moitié d’ici 2011 ;

6) Renforcer la capacité de négociation du pays avec la communauté internationale, en adjoignant à l’équipe gouvernementale des cadres de la société civile tant au niveau interne qu’au niveau de la diaspora haïtienne pour permettre au pays de négocier les meilleurs accords susceptibles de déboucher sur son développement harmonieux.

Si Haïti et ses enfants ne sont pas capables d’arrêter, dans un délai raisonnable, ces mesures minimales, il faudra commencer par s’écarter de « l’option haïtienne de développement » et envisager sérieusement « l’option internationale de développement » pour le pays haïtien en laissant son développement aux bons soins de la CI sans interférences haïtiennes, ou une autre option parmi les quatre envisagées par JR JEAN-NOEL (Réf. La combinaison d’options de développement, la porte de sortie pour Haïti, avril 2004, www.jrjean-noel.blogspot.com ). Ce serait une triste fin pour une épopée si bien commencée d’il y a un peu plus de 204 ans ! A bon entendeur…



[1] La journée du lundi juin 2008 a été consacrée à la situation d’Haïti.

[2] Sauf la conclusion et les recommandations qui sont communes aux trois thématiques traitées.

[3]Malgré sa prière, ce 12 juin à 6h05 PM, R Manuel est rejeté comme Premier Ministre par la chambre des députés.

[4] On n’a pas pu chiffrer la valeur exacte de l’aide du Venezuela.

[5] Soit deux jours avant le Sommet de Rome