Rechercher dans ce blog et le WEB

vendredi 1 octobre 2021

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (19), CRISE MIGRATOIRE A LA FRONTIERE DU TEXAS, LE 4E CHOC OU LA FASCINATION HAITIENNE POUR « L’ELDORADO AMERICAIN »

 

HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (19), CRISE MIGRATOIRE A LA FRONTIERE DU TEXAS, LE 4E CHOC OU LA FASCINATION HAITIENNE POUR « L’ELDORADO AMERICAIN »

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

1er  OCTOBRE 2021. REVU LE 5 OCTOBRE 2021

Dans la chronique du mois d’août 21, la 18e  sous le même thème depuis mars 2020, Haïti et le monde à la croisée des chemins[1] (?), nous avons analysé les trois chocs qui ont secoué Haïti du 7 Juillet 21 au 17 août 21, à savoir (i) l’assassinat crapuleux du président Moïse, (ii) le tremblement de terre du 14 août, et (iii) le passage de la tempête Grace, le 17 août, et nous  avons aussi passé en revue certains éléments de l’accord de Montana du 30 août et autres. Malgré la signature de l’accord du PM Henry, le 11 août 21,  par l’aile la plus radicale de l’opposition politique à Jovenel Moïse, la situation sociopolitique haïtienne continue de se détériorer beaucoup plus qu’elle était durant  les 4 ans et plus de la présidence de Jovenel Moïse, à cause de son corolaire le kidnapping[2] qui a monté d’un cran ces deux dernières semaines, à cause du Covid-19 toujours présent mais ignoré par la majorité des haïtiens, trop occupés à survivre dans l’enfer haïtien dominé par les gangs qui contrôlent la zone métropolitaine de Port-au-Prince. En outre, le pays vient de connaitre une crise migratoire, avec l’arrivée d’une quinzaine de milliers d’haïtiens en provenance de l’Amérique du Sud (Chili, Brésil) sous le Pont Del Rio, à la Frontière mexicano-américaine au niveau de l’Etat du Texas. Cette crise migratoire constitue un 4e choc pour Haïti depuis l’assassinat du président Moïse. D’où le titre de cette 19e chronique consacrée à la conjoncture du mois de septembre 2021: « COVID-19, HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS ? (19), CRISE MIGRATOIRE A LA FRONTIERE DU TEXAS, LE 4E CHOC OU LA FASCINATION HAITIENNE POUR « L’ELDORADO AMERICAIN ».

Dans la chronique consacrée à la conjoncture du mois de septembre 2021, on jettera un coup d’œil rapide sur la situation haïtienne après les trois premiers chocs, on insistera sur le 4e choc, ses causes et conséquences sur  un pays en ruine après trois années consécutives de décroissance (PIB=-7%), et on utilisera quelques éléments de cette crise multiforme et multidimensionnelle, pour dégager des perspectives en vue de nous redonner de l’espoir.

    A.    La Situation Politique haïtienne  Par Rapport Aux Trois Chocs :

Avant de nous étendre sur l’omniprésence du sacrosaint aspect politique, voyons ce qui se passe avec le Covid-19. Au niveau mondial[3], on relève 233,833,601 cas  de contamination, 4,784,678 cas de mortalité; tandis qu’en Haïti, la situation se présente ainsi : 21,647  cas de contamination, 610 cas de mortalité. On est trop occupé ici en Haïti à fouetter d’autres chats, pour nous pencher sur le Covid-19, en particulier le cyclone  politique, qui demeure notre sport favori.

Par rapport aux 3 chocs, Assassinat De J. Moïse, Tremblement De Terre Du 14 Aout 21, Tempête Grace 17 Aout 21, la situation du cyclone politique, concentrée au niveau de la zone métropolitaine avec des conséquences socioéconomiques de plus en plus graves sur l’ensemble du pays, s’envenime. La macrocéphalie de la zone métropolitaine, où tout se concentre, empêche à nos politiciens et alliés de prendre conscience de la souffrance infligée au pays par la polarisation clanique et la défense d’intérêts mesquins des clans au détriment de ceux du pays. On dirait qu’ils ne sentent même le danger interne et externe qui nous guette. En tout cas, s’ils le sentent, ils s’en fichent au grand dam de la majorité silencieuse qui se terre ou s’expatrie (ceux qui en ont les moyens).

   Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, tous les chantiers d’irrigation, de transport, d’électricité sont suspendus. Les projets sous financements internationaux également. Actuellement, seule la péninsule Sud a un semblant de fonctionnement lié aux chocs 2 et 3. Les premiers éléments liés au PDNA 2021 consacré au grand sud, se traduisent, en termes de  pertes et dommages, en une valeur de 1.5 milliards d’USD,  soit 10% du PIB, estimé en USD courant à 15 Mrds. J’estime que les coûts des dégâts sont sous-estimés. Avec près de 138,000 maisons effondrées et gravement endommagées, des écoles, hôpitaux, églises, hôtels, systèmes d’irrigations, réseaux routiers et ouvrages d’art endommagés, des jardins pentus endommagés, des jardins en plaine inondés et des récoltes perdues ainsi que des pans entiers de forêts, d’arbres fruitiers éboulés, etc., j’estimerais à 20% du  PIB de 15 Mrds d’USD, la valeur des dégâts, soit un montant de 3 Mrds d’USD. De toute manière, j’adopterai le montant final des pertes et dommages décidé par le PDNA officiel, malgré mes réserves.

    Je voudrais signaler  à l’attention des autorités centrales et locales du pays, une proposition du GRANH, rapportée par le Dr Samuel Pierre lors d’une interview avec le Dr Jean Fils Aimé[4], pour la construction de 140,000 maisons à raison de 8,000 USD/Unité, pour la péninsule sud d’Haïti. Au lieu de répéter les erreurs du passé et reconstruire pareil, il serait bon pour le gouvernement d’adopter ces modèles parasismiques et para cycloniques, qui éviteraient, avec une supervision sérieuse lors de la reconstruction, les pertes et dommages aux passages des prochains cyclones et du prochain tremblement de terre. Même si le montant de 8,000 USD/U ne vise, à mon avis, que la grande masse nécessiteuse et non les catégories les plus huppées, qui, elles, pourraient profiter des facilités offertes par la Banque de la République d’Haïti, la Banque Centrale, pour reconstruire leurs maisons.

Espérons que nos dirigeants actuels, alliés et adversaires, au lieu de mettre en avant la prédominance de la lutte pour le pouvoir, de continuer avec la « déjovenélisation », se concentreront sur la reconstruction de la péninsule sud d’Haïti, sur le combat contre l’insécurité et le kidnapping (priorité absolue) et contre la domination des gangs au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, et assureront une gestion plus sérieuse de la crise migratoire par des politiques publiques axées principalement sur la capital humain haïtien.

B.    Le 4e Choc : Crise Migratoire A La Frontière Du Texas Ou La Fascination Haïtienne Pour L’eldorado Américain

Dans cette partie de la chronique, on parlera des faits liés à cette crise migratoire, les réactions provoquées aux USA, en Haïti et au niveau mondial, l’espoir que suscitent deux interviews réalisées par des confrères avec une fille de 10 ans et un garçon de 9 ans, et on jettera un coup d’œil un peu plus approfondi sur la question migratoire vers Haïti et vers l’extérieur du pays du 19e siècle à date.

2.1        Les faits, de l’Amérique du Sud à l’Amérique du Nord

Depuis quelque temps, il a été signalé le voyage périlleux effectué par des haïtiens de l’Amérique du Sud à l’Amérique du Nord, avec un seul objectif : atteindre l’Eldorado Américain. On a eu des reportages sur des groupes d’haïtiens en difficulté sur ce long parcours soldé dans certains cas par des disparitions. Malheureusement, à cause de la crise politique, l’administration Moïse ne s’est pas vraiment penchée sur la question.

Vint la campagne électorale pour la présidentielle américaine de 2020, où, contrairement à Donald Trump qui avait entamé la construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique, le candidat Biden avait promis un assouplissement dans la politique migratoire des USA. Les Haïtiens, qui rêvent de l’Eldorado Américain, une fois Joe Biden élu, ont pris la décision de rentrer aux USA, quoi qu’il en coute. A l’assassinat de Jovenel Moïse, Joe Biden a, dans un souci de faire un geste, promis le TPS à tout Haïtien qui se retrouve sur le sol américain à la date du 29 Juillet 2021. Malheureusement, cette information a été déformée par certains acteurs impliqués dans l’organisation des voyages. C’est ainsi que des Haïtiens, en général minoritaires au niveau de la frontière américaine, se retrouvent en majorité sous le pont à Del Rio. Ils étaient au nombre 14,000 migrants haïtiens, selon des sources concordantes.

La police américaine à la frontière de l’Etat du Texas a essayé de les contenir, mais, malheureusement, ils ont dû utiliser les chevaux et les rennes pour les contenir. Les images sont choquantes et rappellent un passé encore dans la mémoire des américains noirs des Etats du Sud des USA. L’administration Biden a agi dans la précipitation, pour refouler des milliers d’Haïtiens sans respect de leurs droits d’asile. 5405 migrants haïtiens ont été déportés du 19 au 29 septembre 21[5] dans l’enfer haïtien dominé par des gangs armés, des kidnappeurs et des politiciens véreux,  sans aucune autre forme de procès, soit une quantité largement supérieure aux 2248 personnes péries dans le tremblement du 14 aout 21. Et cela continue malgré une certaine sourdine pour cacher le pot aux roses, car, selon des sources dignes de foi, 30,000 autres Haïtiens seraient en route vers l’Eldorado Américains et Fox News parle de 85,000 Haïtiens en route vers les USA. Un véritable défi à gérer dans les prochaines semaines par l’administration Biden.  Les réactions ne se sont pas fait attendre tant aux USA qu’au niveau mondial.

2.2.       Les réactions par rapport aux traitements des migrants haïtiens

L’administration Biden, qui venait d’essuyer un échec cuisant au niveau de l’Afghanistan, et qui a eu un traitement particulier pour les 80,000-95,000 Afghans admis aux USA pour leur collaboration avec les administrations américaines durant 20 ans, est clouée au pilori pour la déportation  des Haïtiens. Deux poids deux mesures pour un pays nègre, Haïti, qui est sous l’influence américaine depuis 1915, et qui a sonné le glas du système esclavagiste mondial en se déclarant indépendant après une guerre acharnée contre l’empire colonial français.

L’envoyé Spécial en Haïti par l’administration Biden, Daniel Foote, a donné sa démission avec fracas à cause du traitement infligé à nos compatriotes. Il a dénoncé la politique américaine en Haïti, il a acculé l’ambassade américaine, dénoncé le Core group, composé de la Représentante de l’ONU en Haïti, Madame Lalime, et des principaux ambassadeurs accrédités dans le pays, dans la gestion du dossier Haïti, et passé un savon au gouvernement corrompu d’Haïti. Cette démission fracassante du diplomate américain a jeté de l’huile sur le feu. Il en a été de même un peu plus tard pour celle d'un autre haut fonctionnaire du département d'Eta américain, Harold KOH.  Le Président Biden a dû assumer seul toute la responsabilité de ce qui s’est passé à Del Rio. 

Ce dossier a causé beaucoup d’émoi au niveau mondial et a beaucoup affaibli l’administration Biden à l’intérieur, ce qui l’a poussé à envoyer deux émissaires de haut niveau en Haïti, le 30 septembre 21. Que veulent les américains pour Haïti[6] ? S’est questionné Le Nouvelliste. Le parti Républicain s’est, entre temps, emparé du dossier et profite de chaque information (vraie ou fabriquée) pour critiquer la politique migratoire de Biden, et étendre ses critiques sur tout ce que fait Biden, pour arriver à mettre l’opinion américaine de son côté en vue des élections de 2022, pour regagner la majorité au niveau du Congrès et au niveau du Sénat. Pour cela, les républicains profitent de la division au sein du parti Démocrate (l’aile gauche vs l’aile modérée), pour remettre en question toute l’action de l’administration Biden.

Le Gouvernement Haïtien a réagi par l’intermédiaire de son Ambassadeur à Washington, Edmond Bocchit, son représentant à l’ONU, et par l’intermédiaire de son Premier Ministre, Ariel Henry, lors de sa prise de parole à la 76e Assemblée Générale, à New York. Au niveau interne en Haïti, c’est l’émotion en de pareils cas. Les réseaux sociaux s’enflamment, le simple citoyen et la plupart de nos politiciens condamnent l’administration Biden et les démocrates.

Quant aux  dominicains, ils prennent le dossier à bras le corps, par l’intermédiaire de leur Président Abinader[7] qui  constitue un groupe de trois pays, victimes de la migration haïtienne, le Costa-Rica et le Panama, pour porter le dossier Haïti devant les instances internationales concernées pour une intervention en Haïti pour « pacifier la nation voisine ». « Cette « Alliance pour le renforcement de l'institutionnalité démocratique » a été signée à New York par le président du Costa Rica, Carlos Alvarado ; celui du Panama, Laurentino Cortizo, et celui de la République dominicaine, Luis Abinader, au bureau de la Mission permanente de la République dominicaine auprès des Nations unies". Rapporte le quotidien Haïtien Le Nouvelliste.

A remarquer que Haïti n’a pas été consultée. En tant que "pays failli", le voisin décide et propose à notre place. A ce qu’il parait un avion dominicain survole déjà cinq départements pour « photographier » le pays, selon ce qui est rapporté dans la presse haïtienne. Certains parlent même d’une intervention militaire probable des dominicains. Ce qui reste au stade de rumeur et n’est pas non plus à l’avantage des dominicains avec tous les risques que cela comporte. En tout cas, cette rumeur devrait interpeller les dirigeants actuels du pays. De toute manière, deux enfants nous font comprendre que, contrairement à tout ce qui se passe, tout n’est pas perdu pour notre chère Haïti.   

2.3.       L’espoir venu de deux enfants haïtiens de conditions modestes 

Ma petite chirurgienne en Herbe

Naïka 10 ans, qui vient de faire le parcours Chili-Amérique du Nord avec son père, sa mère et sa petite sœur, a été interviewée par Guy Wewe[8] sur sa chaine You Tube. Elle a laissé Haïti à 8 ans pour le chili. Elle est contente de « n’être pas déportée » contrairement à d’autres, mais si ç’avait été le contraire, elle aurait accepté et continuerait à se battre. Comme elle a cette chance d’être acceptée dans ce « pays de luxe », elle va se battre (lutter) pour en profiter et travailler pour réaliser ses rêves et aider sa famille. Elle veut être « chirurgienne » pour aider les démunis. C’est ma petite chirurgienne en Herbe.

Mon « petit entrepreneur de la rue de 9 ans, vendeur de Kokiyol»

Quant au petit garçon de 9 ans, Son, c’est un entrepreneur né. Il vend des kokiyol tous les jours. Il fait 100 pour 100 de bénéfice. Il paie ses déplacements en camionnette. Il met de l’argent de côté pour payer son écolage. Il a profité de la présence des déportés dans la zone de l’Aéroport International Toussaint Louverture, pour venir vendre ses Kokiyol. Il vit avec un ami et sa maman est en province. Quand il sera grand, il voudrait être policier pour régler leur compte aux vagabonds qui font du désordre.   C’est mon « petit entrepreneur de la rue de 9 ans, vendeur de Kokiyol».

N’y-a-t-il pas de quoi cultiver de l’espoir  pour cette Haïti de demain ?

2.4.       Bref coup d’œil  sur la question migratoire en Haïti

Savez-vous qu’au 19e siècle, la migration se faisait essentiellement vers Haïti ? Sous le long règne de Boyer (1818-1843), on recevait les américains noirs fuyant l’esclavage aux USA et d’autres personnes souffrant de l’oppression esclavagiste au niveau de la région. Le commerce de gros était dominé par des Francais, des Allemands, qui en profitaient, contrairement a la loi, pour se mettre au détail aussi. Ce qui a révolté les commercants haïtiens, selon Vernet Larose. Plus tard, à partir de la signature du Concordat en 1860 avec le Vatican, les religieux étaient revenus s’installer  en Haïti pour évangéliser et éduquer les Haïtiens. Un peu plus tard et même avant, sous les règnes de F. Soulouque (1847-1859), de F. Géffrard (1859-1867), de N. Saget (1970-1974) et L. Salomon(1879-1988) où Haïti était un « pays prospère » selon le Journaliste/historien Ady Jean Gardy, il a été relevé la présence de beaucoup d’étrangers, dont des français, des Allemands et des Arabes en provenance du Liban, de la Syrie à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Et durant la 2e guerre mondiale (1939-1945), Haïti a ouvert ses portes à des juifs, objets de persécutions en Europe par le Reich allemand et ses alliés.

Durant tout le 19e siècle, seuls nos chefs d’Etat et quelques membres de leur famille et de leur entourage partaient pour l’exil lorsqu’ils étaient destitués à coup de « révolutions ». Cela a commencé avec Boyer. Il faut noter que, durant la période d’occupation de l’Est par Boyer, il y avait un va-et-vient d’un côté comme de  l’autre de l’Ile d’Haïti. A part ces cas, les migrants haïtiens vers l’extérieur étaient constitués surtout d’étudiants (une constante dans l’histoire de notre pays), de cadres qui allaient parfaire leur formation en Europe, surtout en France, et plus tard (20e et 21e siècles) dans tous les autres continents, en particulier en Amérique du Nord.

La grande migration haïtienne de masse vers l’étranger remonte à un siècle, en particulier durant la période d’occupation américaine 1915-1934. Les masses rurales haïtiennes étaient encouragées, à partir de 1919, à aller travailler à Cuba et en République Dominicaine, par les américains qui étaient associés dans les usines sucrières de ces deux pays. Il ne faut pas oublier que les masses rurales étaient des réservoirs où puisaient les gens (politiciens) qui voulaient assauter le pouvoir à Port-au-Prince et aussi des patriotes  qui ont combattu les américains dans les premiers moments de l’occupation, avec Charlemagne Péralte et Benoit Batraville. Cette habitude est restée et se perpétue jusqu’à Duvalier.

Dans les années 1960, avec les balbutiements de la dictature, les élites ont vraiment laissé le pays en masse pour l’Afrique, le Canada, l’Amérique du Nord, pour les Antilles aussi et l’Amérique du Sud. Sous les  Duvalier, le phénomène allait prendre de l’ampleur et se maintenir jusqu’à date avec des vagues successives liées aux cyclones politiques et aux phénomènes naturels. Par exemple, après le tremblement de terre de 2010, ç’a été la ruée vers le Brésil et après le passage de Matthew  en 2016, ç’a été le tour du chili. Valéry Numa a immortalisé tout cela dans des documentaires sérieux, « Destination Brésil », « Chili à tout prix » et «  TPS ». On a donc connu le phénomène de « Fly People », de « Boat people ».

On estime actuellement la diaspora haïtienne à 3-4 millions de personnes à travers le monde, dont la grande majorité se retrouve dans l’Eldorado Américain (1.2 à 1.5 M, selon certaines sources), tandis que la République Dominicaine héberge 800 mille à 1 million de migrants haïtiens, et le reste éparpillé sur plusieurs continents. Selon la Banque Mondiale, 84% des cerveaux haïtiens sont à l’extérieur du pays (fuite des cerveaux). Le côté négatif de cette histoire, le pays manque cruellement de cadres pour réaliser son développement. Le côté positif, c’est la diaspora haïtienne qui permet à ce pays de tenir avec des transferts en nette progression (2 à 3.5 Mrds d’USD) d’année en année, surtout en période de catastrophes naturelles, tectoniques,  anthropiques (cyclones politiques) et pandémiques (Covid-19).

C’est vrai que, depuis plus de 70 ans, l’haïtien se comporte comme quelqu’un en transit, à la recherche d’opportunités n’importe où sur la planète terre. Son point d’attache préférentiel reste les USA. C’est son Eldorado. On comprend très bien le pourquoi des gens qui ont une résidence au Chili et au Brésil pour la plupart, risquent leurs vies et celles des enfants pour atteindre cet eldorado. C’est la fascination de l’haïtien pour l’Eldorado Américain, « ce pays de luxe » où l’argent se ramasserait à la pelle. Et pourtant !

C.          Conclusion et perspectives         

Le 4e choc décrit plus haut, ce phénomène migratoire de nos frères et sœurs au niveau de la frontière du Texas, à Del Rio, a , une fois de plus, une fois de trop en moins de trois mois, fixé les projecteurs du monde entier sur notre pays. Nous projetons une image négative de notre pays à la face du monde. Mais le traitement infligé à nos compatriotes qui se retrouvent à la frontière américaine, dans cette situation  dégradante, est  en partie la faute des américains qui, depuis l’occupation américaine, ne cessent de s’ingérer de manière grossière dans la gestion interne de l’action gouvernementale en Haïti. C’est aussi notre faute à nous qui ne cessons depuis belle lurette de courber l’échine devant les américains et appliquons à la lettre leurs diktats, sans  mettre en place de manière constante des politiques publiques tournées vers la grande majorité de nos compatriotes.

En ce sens,  la lettre  de démission de Daniel Foote et surtout la démission fracassante de Harold Koh, un haut fonctionnaire du Département d'Etat, pourraient faire prendre conscience aux américains de leurs approches politiques néfastes en Haïti, en contribuant à cette désespérance haïtienne les poussant à émigrer vers les rives inhospitalières américaines, cette grande puissance vendue comme un Eldorado à nos compatriotes, et faire prendre conscience au Core Group d’éviter d’imposer leurs points de vue aux responsables haïtiens.

Les réflexions  et  actions d’Abinader ainsi que les démissions francassantes de Foote et de Koh pourraient pousser les acteurs politiques haïtiens, la société civile et le secteur privé,  à trouver un terrain d’entente inclusive pour Haïti,  en fusionnant l’accord de Montana du 30 Août et celui du PM Henry du 11 Septembre 21 et les deux autres, malgré le processus de déjovenélisation inscrit dans ces accords et mis partiellement en application par le PM Henry dans la plupart de ses actes, démission du Secrétaire général du Conseil des Ministres, Renald Lubérice, révocation du Ministre de la Justice, Rockfeller Vincent et du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince (insubordination), l’élimination du CEP controversé, la mise en veilleuse des actions en cours. Certains actes posés par le PM sont revendiqués par le secteur démocratique et populaire (SDP) par la voix d’André Michel, qui a précisé avoir exigé tout cela du PM, et que Jovenel Moïse n’a rien à voir avec la nomination du PM Henry. C’est l’œuvre des américains et du Core Group.

Espérons que le séjour en Haïti, du 30 septembre au 1er octobre, de Brian A Nichols et de Juan Gonzalez, les deux émissaires du Gouvernement Américain, après leurs rencontres avec des groupes de la Société Civile et des acteurs politiques, et la présence de Martine Moïse, venue au pays pour repondre aux questions du juge d'instruction en charge du dossier d'assassinat de son mari, ainsi que sa tournée triomphale dans le grand sud du pays,  finiront par pousser ces acteurs haïtiens à s’entendre pour enfin s’occuper de choses sérieuses, (i) la question sécuritaire, (ii) la reconstruction suite au tremblement de terre du 14 août, (iii) la mise en branle d’un programme d’apaisement social, (iv) la continuation des actions en cours, (v) la reprise du processus de révision de la constitution et du processus électoral, (vi) l’organisation des consultations populaires pour l’approbation de la nouvelle constitution ou non et (vii) la réalisation des élections inclusives pour le choix des autorités légitimes qui prendront en charge les destinées du pays.

Ainsi, ces deux enfants, qui nous redonnent de l’espoir par leurs réflexions et actions (Réf. 2.3), trouveront une Haïti nouvelle pour vivre, évoluer et assurer la relève dans cette Haïti régénérée. Cette Haïti connaitra un développement harmonieux grâce à un nouveau système en parfait équilibre, basé sur un triangle équilatéral caractérisant les trois pouvoirs d’Etat et axé (i) sur un Capital Humain en parfaite santé et bien éduqué comme tenant et aboutissant du processus de développement ; (ii) sur un Capital Social et Culturel très bien organisé ; (iii) sur un Capital Environnemental totalement régénéré ; (iv) sur un Capital Infrastructurel très bien zoné, normé, supervisé, contrôlé et entretenu ; (v) sur un Capital Economique et Financier inclusif, et (vi) sur un Capital Politique orienté vers une gouvernance responsable, efficace, efficiente et redevable vis-à-vis de la nation.