COVID-19 :
HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS {?) (15), NOUVELLE VAGUE EN HAITI,
CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU CONTRE
JEAN-ROBERT
JEAN-NOEL
31 MAI 2021
Cette
chronique est la 15e abordée depuis Mars 2020 sous le thème :
Covid-19 : Haïti et le Monde à la croisée des chemins (?). Jusqu’à date,
cette interrogation demeure. Dans la chronique du mois de Décembre 2020[1],
nous avons fait part de notre inquiétude par rapport à une probable deuxième
vague du covid-19, avec des variants beaucoup plus contagieux et plus mortels.
Dans cette chronique de Décembre, nous avons prévu une aggravation de la
situation politique et de ses conséquences sur l’économie et le social en plein
année électorale. Dans notre 14e
chronique[2],
nous avons senti, à partir de notre optimisme habituel et en dépit de
l’exacerbation de la polarisation politique, une lueur d’espoir d’un accord
minimal entre nous avec l’OEA comme facilitateur et dont une mission[3] de
haut niveau est attendue en Haïti dans les prochains jours. A bien regarder les
positions radicalement opposées des protagonistes politiques s’exprimant dans
une approche totalement manichéenne, même sur des sujets qui devraient faire
consensus comme le coronavirus, le kidnapping, nous constatons de préférence
une envenimation de la crise
politique rendant le pays invivable, tout au moins au niveau de
la zone métropolitaine de Port-au-Prince. C’est dans cette logique qu’il faut
situer la chronique du mois de Mai 2021 : «COVID-19 : HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (?) (15),
NOUVELLE VAGUE EN HAITI, CRISE POLITIQUE, LE PAYS SE TUE ET SE MEURT EN POUR OU
CONTRE».
Cette
chronique s’attardera sur la situation au niveau mondial en matière de
coronavirus avec un clin sur la situation aux USA, analysera la nouvelle vague de Covid-19 en Haïti,
jettera un coup d'oeil plus ou moins approfondi sur la crise haïtienne et ses
conséquences sur l’économie, et se terminera sur des conclusions appropriées et
des perspectives en termes de proposition pour un accord minimal.
SITUATION
AU NIVEAU MONDIAL ET AUX USA
En
matière de Coronavirus[4],
alors qu’on constate une nette amélioration aux USA malgré la présence de
variants anglais et brésilien et peut-être d’autres variants, l’inde et le
Brésil sont toujours sous pression. En Europe, la situation semble connaitre
une bonne amélioration au point que la finale de la coupe d’Europe des clubs
champions (Chelsea- Manchester City : 1-0) et s’est réalisée avec la
présence d’un certain nombre de spectateurs (1/3 du stade rempli). Quant à
l’Amérique Latine, la situation s’empire au point que l’Argentine a dû renoncer
à la COPA AMERICA. Globalement, voici comment se présente la situation du covid-19 : 170, 384,848 cas de contamination, 3, 542,587 cas de
mortalité et 107, 630,598 cas de récupération depuis le début de la pandémie.
Les USA sont toujours en tête avec 33,259,551 cas de contamination, 594,431 cas
de mortalité, suivis de l’ Inde en 2e position, avec 28,047,534 cas
de contamination, 329, 100 cas de mortalité, et 25,692, 342 cas de
récupération, et du Brésil en 3e position, avec 16,515,120 cas de
contamination, 461,931 cas de mortalité et 14,540,509 cas de récupération. La
France est toujours en 4e position avec 5,608,347 cas de
contamination, 108,574 cas de mortalité, et en première position en Europe.
Tous
les pays affectés ont connu ou connaissent un ralentissement de leurs activités
économiques. Les USA, la plus grande économie mondiale, a connu une période de
ralentissement si terrible qu’elle a fait perdre les élections au parti
républicain et coûté la présidence à
Donald G. Trump, actuellement sous investigation dans l’Etat de New York pour
fraudes. Celui-ci n’a jamais accepté sa défaite, accusant les démocrates
d’avoir fraudé (le gros mensonge) dans les élections de Novembre 2020, au point
que certains républicains, et pas des moindres, reconnaissent encore Trump
comme leur président, et Joe Biden comme un usurpateur. Ce dernier a mené à pas de course l’Amérique
durant les 100 premiers jours de son
mandat. Les programmes mis en œuvre ont permis une certaine relance de
l’économie américaine comme on l’a expliqué dans la chronique précédente, et
ce, malgré la mauvaise foi manifeste du parti républicain, majoritairement sous
influence du « parrain Trump » qui opère à la manière de Marlon
Brando et de Al Pacino dans le film du même nom. Abner Gelin de Haitian Public
Media (HPM) parle même de « messie » en ce qui a trait à l’attitude
et à l’allégeance de la majorité des
républicains vis-à-vis de Donald Trump. Pour faire passer ses programmes,
l’actuel président Joe Biden a dû faire des concessions au parti républicain,
en particulier pour le programme d’infrastructure dont le budget est revu à la
baisse sous la pression de ce parti avec ses 50 sénateurs à la chambre haute.
La relance de l’économie américaine influence positivement beaucoup de pays de
la région, dont la République Dominicaine et Haïti.
NOUVELLE
VAGUE DE COVID-19 EN HAITI
Jusqu’au
mois dernier, Haïti était considérée comme un cas particulier en matière de
Coronavirus. Ce qui m’a poussé à l’exprimer ainsi : « Le cas particulier d’Haïti se traduit par
seulement 13,017 cas de contamination, 254 cas de mortalité et 12,143 cas de
récupération », le 29 Avril 2021. Un mois plus tard, voici
comment la situation se présente au 25 Mai 2021 (Réf. MSPP. Avi # 386 du
26/05/21) : 14,453 cas de
contamination, 311 cas de mortalité et 12,541 cas de récupération. Ce qui se
traduit par 1436 cas de contamination et
57 cas de mortalité pour le seul mois de Mai 21. Durant
les 14 premiers mois de la pandémie en Haïti depuis le 19 Mars 2020, la moyenne mensuelle de 929 cas de
contamination et surtout de 18 cas de
mortalité est largement dépassée au cours de ce mois de Mai 2021 pour les
informations disponibles au 25 Mai.
Quand on sait
qu’il faudrait multiplier par 5 les cas
de contamination eu égard aux faiblesses de notre système de santé, on comprend
aisément la panique qui s’empare des autorités, qui ont décrété un état d’urgence sanitaire[5],
le 3e du genre par rapport au covid-19, pour une huitaine de jours à partir du lundi 22 Mai 2021,
et celle des observateurs avertis par rapport à cette recrudescence de la pandémie dans notre pays. Les journaux
comme Le Nouvelliste et Le National parlent de « nouvelle vague » en
lien avec les variants anglais et brésilien sur le sol haïtien. Pourtant, la
population semble ne pas prendre conscience de la nouvelle tournure de la pandémie, beaucoup plus contagieuse et
surtout beaucoup plus mortelle, et ce malgré la mort du Directeur Général de
l’ONA, Me Chesnel Pierre, celle du Dr Yolène Suréna, de l’ancien sénateur de la
Grande-Anse, Maxime Roumer et de la contamination de beaucoup de gens de
renom.
En
tout cas, au niveau de la zone de Duval, à Croix-des-Bouquets, les jeunes, en
particulier les écoliers d’un collège, se sont donnés à cœur joie, le vendredi
28 Mai, à une séance de « raboday », se déhanchant à tue-tête, sans
masque et sans respect de la distanciation physique, au sein même de
l’établissement scolaire. Il faudrait s’attendre à une aggravation de la
situation sanitaire dans le cas où la population continuerait de dénier la
maladie et de se comporter vis-à-vis d’elle avec autant de désinvolture. Haïti
est donc loin de sortir de l’auberge si l’on se réfère à la situation
sociopolitique et économique.
SITUATION
SOCIOPOLITIQUE ET ECONOMIQUE EN HAITI
C’est
vrai que la recrudescence du Covid-19 en fait l’un des faits saillants de
l’actualité, mais la crise sociopolitique n’est pas pour autant occultée. Au
contraire, elle demeure le principal fait d’actualité, d’autant que le
référendum constitutionnel, un sujet très controversé entre le pouvoir en place
et l’opposition, est toujours programmé pour le 27 Juin prochain. En dépit de
la sortie de la deuxième version de l’avant-projet de constitution qui a pris
en compte les principales remarques de l’opposition politique et celles des
intellectuels qui ont lu et fait des
recommandations au comité consultatif indépendant (CCI) en charge de
l’élaboration de l’avant-projet constitutionnel, l’opposition annonce un
ensemble d’actions anti-gouvernementales et violentes allant, entre autres,
jusqu’à la distribution de manchettes, à Léogane, pour bloquer le processus et
empêcher la tenue du référendum du 27 Juin par « tous les moyens ». Ce
à quoi le ministre de l’intérieur a.i., Gonzague Day, menace de sévir avec la
dernière rigueur, en particulier contre des leaders comme Michel André et le président
du Sénat, Joseph Lambert, qui incitent la population à attaquer les bureaux de
vote (krazebrize). M. Day a promis de les arrêter si ces leaders osent participer personnellement aux attaques
contre les bureaux de vote (Kodnèf/ menotte). C’est dans cette ambiance
manichéenne qu’évolue notre pays (pour ou contre). L’arrivée prochaine de la
mission de l’OEA en Haïti pourrait atténuer
la polarisation de la situation, ouvrir la voie à une certaine forme de
dialogue et déboucher sur un accord minimal entre les protagonistes de la
crise. Rien n’est moins sûr si l’on se base sur la violence des propos d’une
frange de l’opposition politique et la détermination du pouvoir à mener à terme
le processus référendaire en Juin 21, et les élections générales en septembre 21.
D’un
autre côté, le phénomène de kidnapping, qui s’est soldé par 91 cas d’enlèvement
le mois d’Avril 21, se poursuit ce mois-ci, malgré une trêve promise par les gangs de Village de Dieu et de
Grand-Ravine. Certes le nombre de cas va diminuant, mais les médias ont signalé
grosso modo une dizaine de cas
d’enlèvement, dont la plupart sont attribués au gang 400 Mawozo de la
Croix-des-Bouquets et autres groupes. Ce qui confirme que plusieurs autres
groupes de gangs opèrent au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
En
plus du kidnapping, des morts sont signalés dans les conflits entre gangs de
Cité Soleil, interdisant par ainsi l’accès à une partie de la Route 9 qui
dessert la Capitale. Le principal leader du G9, Jimmy Chérisier, Babekyou, a
été blessé lors de ces affrontements. La zone de Bélair, un quartier de
Port-au-Prince, est toujours le théâtre d’affrontements entre gangs pro-pouvoir
et pro-opposition avec des victimes collatérales et perturbations des activités
de toutes sortes, en particulier scolaires, dans la zone et environs. En
témoigne le non fonctionnement du Lycée Pétion, faute de professeurs et des
manifestations d’élèves qui en réclament en accusant le pouvoir d’avoir failli
à sa mission sécuritaire.
Dans
ce même ordre d’idées, un officier de police a été assassiné au début du mois
par le gang 400 Mawozo à la Tremblay, Croix-des-Bouquets. Des bandits ont
attaqué à coups d'armes automatiques un mini bus faisant le trajet Gonaïves-Port-au-Prince,
tuant un passager d’une balle à la tête et blessant d’autres. Deux journalistes
de la Radiotélévision Caraïbe (RTVC) ont failli y « laisser leur peau», ce
vendredi 28 Mai, au niveau de Titanyen[6], à
l’entrée nord de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les pluies
diluviennes qui se sont abattues sur Haïti, ont causé des pertes en vies
humaines à Belladère, à Pétionville et à Port-au-Prince (inondation).
On
comprend, dans ces conditions, le ralentissement de l’activité économique et
paradoxalement la dégringolade de la gourde par rapport au dollar qui frôle
officiellement 90 HTG pour 1 USD et plus de 100 G pour 1 USD au marché
parallèle, avec une rareté de dollars américains au niveau des banques
commerciales. Ce qui nuit considérablement aux activités économiques ayant des
liens avec l’étranger, surtout les micros, petites et moyennes entreprises. Il
faut tout de même noter l’inauguration du Barrage de retenue de Marion, le 1er
Mai, l’avancement des travaux sur le barrage de dérivation de Latannerie,
l’avancement des travaux de route et d'électricité à travers le pays, en
particulier la nouvelle centrale de Carrefour de 60 MW pratiquement achevée et
qui sera mise en service le 4 juin prochain, si l’on en croit les informations
distillées par le Directeur de l’EDH, Michel Présumé, et le Coordonnateur de
l’ANASE, Dr Evenson Calixte.
Dans
un registre plus large, la vie chère s’accentue. La sécurité alimentaire est
entrée dans sa phase d’urgence alimentaire (catégorie iv selon l’échelle
utilisée en la matière), avec 4.4 millions de personnes en urgence alimentaire,
si ce n’est plus vu l’évolution négative de la situation globale du pays en termes
de crise politique, kidnapping, recrudescence du coronavirus et l’accentuation
de la polarisation politique eu égard au référendum du 27 Juin 2021.
CONCLUSIONS
ET PERSPECTIVES
Le
Coronavirus frappe de manière beaucoup plus virulente. La crise sociopolitique
s’envenime et se répercute sur la situation économique. La misère s’installe.
Nos politiciens continuent de se battre pour les broutilles de pouvoir,
s’accusant mutuellement des cas de kidnapping, d’assassinat de paisibles
citoyens, se préparant à en découdre sur la question référendaire et autres,
sans se soucier de la situation de misère de la population. Haïti est un véritable
baril de poudre, prête à exploser à la moindre étincelle. Les pays amis nous
regardent avec pitié et nous font hypocritement la leçon en nous incitant du
bout des lèvres à nous entendre, tout en continuant à pousser le chaud et le
froid sur les deux camps en conflit (souvenez-vous des propos du président F.
D. Roosevelt). Les USA, les Nations Unies et l’OEA semblent pencher du côté du
Gouvernement de facto (Elections avec le Président Moïse), tandis que l’Union
Européenne semble regarder du côté de l’opposition (Transition). Et notre pays
périclite en « pour ou contre » au grand dam de ses vrais et dignes
fils et filles qui semblent mieux comprendre les enjeux visés par cette
communauté internationale que nos politiciens, eux-mêmes obnubilés
malheureusement beaucoup plus par le
mirage du pouvoir pour le pouvoir que par la rédemption et le
développement d’Haïti.
Que
peut-on espérer de l’arrivée de la mission de l’OEA dans les prochains jours ?
Depuis
le 7 Février 2017, la branche radicale de l’opposition n’a jamais accepté la
présidence de J. Moïse. Elle est rejointe en cours de route par l’opposition
plurielle et la société civile. Depuis le 7 Février 2021, l’opposition
plurielle ne considère plus Moïse comme le président d’Haïti qu’elle qualifie
de « dictateur ». Quant au président, il se considère comme le
président légitime et ne compte laisser le pouvoir que le 7 Février 2022. Il
prend les dispositions pour organiser le référendum constitutionnel, le 27 Juin
2021, et les élections générales en septembre 2021. Pour cela, il demande à
l’OEA de faciliter un dialogue entre lui et ses opposants pour un accord
minimal. En face, une branche de l’opposition demande à l’OEA de venir l’aider
à organiser un départ ordonné du président en vue de mettre en place une
transition. La mission de l’OEA, c’est de faciliter un dialogue entre les
protagonistes de la crise haïtienne.
Cette
crise haïtienne dure depuis plus de 4 ans dans sa phase actuelle. Comment
trouver un consensus/accord minimal entre les protagonistes pour Haïti? A
partir de l’évolution actuelle de la situation, que pourrait faire l’OEA?
A
mon humble avis, et eu égard à d’autres tendances et au vœu exprimé par Me
Dorval avant son assassinat, il faudrait :
(i)
Favoriser, dans un délai très court (15 jours à 1
mois), un appui logistique et opérationnel de la communauté internationale pour la
question sécuritaire ;
(ii)
Demander au pouvoir en place:
1-
De surseoir provisoirement sur la question du
référendum constitutionnel,
2-
D’ouvrir le comité consultatif indépendant (CCI) à
l’opposition politique et alliés en vue (1) d’améliorer l’avant-projet
constitutionnel et (2) d’en faire un projet constitutionnel
consensuel ;
(iii)
Aider à la mise en place d’un Conseil Electoral
Provisoire de consensus ;
(iv)
Favoriser la mise en place d’un gouvernement de
consensus avec à sa tête un Premier Ministre issu de l’opposition politique et
alliés en vue :
1-
De continuer certaines actions en cours,
2-
De mettre en œuvre un programme de création d’emplois
temporaires de 6 mois (Juillet-Décembre 2021),
3-
D’organiser le référendum constitutionnel en Août
2021, et
4-
De réaliser les élections générales en Novembre 2021, sous
l’égide de la nouvelle constitution ;
(v)
Remplacer le Président Jovenel Moïse par le Président
issu des urnes le 7 Février 2022.
A
noter que certaines actions pourraient être menées en parallèle. Cet accord
minimal pourrait nous aider à réduire
drastiquement l’insécurité, à amorcer un vivre ensemble acceptable et un
apaisement social, à favoriser le départ ordonné du Président Moïse, à
favoriser la transmission du pouvoir de manière démocratique, à relancer
l’économie du pays et à amorcer pour de bon son développement durable.
[1] JEAN-ROBERT JEAN-NOEL: COVID-19,
HAITI ET LE MONDE A LA CROISEE DES CHEMINS (10), BILAN 2020 ET PERSPECTIVES
2021, DE L’ENTROPIE POLITIQUE ET DU KIDNAPPING VERS UNE AGGRAVATION DE LA
SITUATION OU UNE ENTENTE INTERHAITIENNE (?) (jrjean-noel.blogspot.com)
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