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lundi 1 mars 2021

COVID- 19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (12), CRISE HAITIENNE, LA BULLE DE L’INSOUCIANCE.

 

COVID- 19 : LE MONDE ET HAITI A LA CROISEE DES CHEMINS (12), CRISE HAITIENNE, LA BULLE DE L’INSOUCIANCE.

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

1er  MARS 2021

Nos vœux de voir nos femmes et hommes politiques se concerter pour sauver notre Haïti, sont très loin de la réalité, l’esprit de la confrontation gagne du terrain par rapport à l’esprit de l’entente et de la concertation[1], malgré l’appel au dialogue du Président Moïse, devenu, selon l’opposition politique qui l’a « remplacé » par un juge de la Cour de Cassation, Me Mécène JEAN LOUIS, un président « de facto », « un usurpateur », ou « un dictateur » depuis le 7 Février 2021. Me André Michel, qui a servi de « coach » à un Me JEAN-LOUIS, très affaibli physiquement, pour sa première déclaration publique dans la nuit du 7 Février, est allé par la suite jusqu’à  traiter le Président Moïse de « petit vagabond, petit voleur », etc. A noter que ce mois de Février 2021, riche en événements , a démarré avec une grève réussie de 2 jours contre le kidnapping, les 1er et 2, et s’achève sur une méga manifestation contre « la dictature » organisée par le secteur protestant et appuyée par l’opposition politique et la majorité des corps organisés de la société civile. Entre temps, le pays se meurt, le kidnapping est là, le coronavirus également. Pourtant les acteurs politiques restent sur leur position. Le Président parle de dialogue mais continue de menacer les oligarques. Quant à l’opposition, elle ne jure que par le départ de l’autre, encore plus aujourd’hui avec la réussite de la méga manifestation du 28 Février 2021. Quelle est la place d’Haïti dans cette bataille? La crise persiste au grand dam de nous autres qui en subissons quotidiennement les conséquences. C’est la bulle de l’insouciance.

Comme on se bat, on n’a pas le temps de regarder ce qui se passe réellement dans le pays, et autour de nous, dans le monde et aux USA.

1.       SITUATION AU NIVEAU  MONDIAL, EN PARTICULIER AU NIVEAU DES USA

Joe Biden confronte des difficultés au sein de son propre parti, surtout sur son aile gauche, par exemple la question de salaire minimum à 15 USD qui se heurte au refus des républicains. Le vieux Joe a dû revoir sa copie sur cet aspect et aussi d’autres aspects, d’où le mécontentement de l’aile gauche de son parti. D’autant que le procès en destitution du parrain D. Trump s’est soldé comme prévu par un échec, les 17 sénateurs nécessaires au vote de destitution ont eu trop peur du parrain pour voter contre lui, au risque de perdre les élections mi-parcours de 2022, seule une poignée a osé voter contre le parrain.

Toutefois, le plan de relance économique post-Covid (1900 Mrd d’USD) de Biden est en passe d’avoir la bénédiction du parlement américain. Il faut noter aussi que le cap de 500,000 morts dus au covid a été franchi en ce mois de Février 21, malgré une très bonne avancée au niveau de la vaccination du peuple américain  et une baisse des cas de mortalité.

Cela nous ramène à jeter un coup d’oeil sur la situation du coronavirus au niveau mondial  se chiffrant à 114,417,054  cas de contamination , 2,537,563  cas de mortalité, et 75,136,341  cas de récupération au 1er Mars 2021[2]. Les USA sont toujours en tête suivis de l’Inde, du Brésil et de la Russie.

A côté de nous, Abinader veut, comme Trump avant lui vis-à-vis du Mexique, ériger son mur, une double clôture,  pour contrôler le flux migratoire haïtien. Il  pense à nous quand même puisqu’il projette de mettre en place à la frontière des structures de santé pour pallier nos faiblesses en la matière, le marché juteux haïtien oblige. Quant à nous, on regarde faire le président dominicain; certains d’entre nous sont plutôt heureux de l’entendre dire "avoir passé des instructions" au président d’Haïti en ce qui a trait au kidnapping de 2 ressortissants dominicains, relâchés depuis sans rançon à ce qu’il parait.

2.       SITUATION AU NIVEAU NATIONAL

C’est dans cette ambiance d’insouciance nationale que l’on a constaté une aggravation de la situation  sociopolitique  et de la situation socioéconomique. Nous autres peuple, on est en plein désarroi ne sachant à quel saint se vouer. Le Bon Dieu semble nous oublier, car nos pasteurs, qu’ils soient de confession catholique ou protestante, s’orientent beaucoup plus vers la politique, pour nous sauver des griffes du « dictateur », du « grand Satan », Jovenel Moïse, le responsable de tous nos maux avec son parti PHTK comme Aristide en 2004 avec LAVALAS.

2.1. Situation sociopolitique

Arrêtons-nous d’abord sur la situation du covid-19 en pleine période de carnaval, de manifestations de rue et de meetings du Président Moïse lors des activités d’inauguration de centrales électriques dans les villes de province, de pompes à énergie solaire, etc.; elle se traduit globalement depuis le 19 Mars 2020, par 12,448 cas de contamination, de 250 cas de mortalité et 9,712 cas de récupération, dont les cas de contamination relevés récemment à l’Hôpital Justinien et  la mort du chirurgien en chef.  

La situation sociopolitique s’envenime au cours de ce mois de Février. Elle est riche en événements, en rebondissements. Après la grève pleinement réussie des syndicats de chauffeurs, la tentative ratée  du Sénateur Lambert d’organiser, les 3 et 4 Février, le dialogue entre les protagonistes de la crise à Tara’s La Sapinière, la sortie catastrophique de« Fantom 509 », ce groupe de bandits dissident de la Police Nationale , le 5 Février 21,  soldée par la mort d’un policier régulier et de 4 membres de ce groupe, imaginez un instant que cette sortie aurait été différente, je suis persuadé que l’issue de la crise aurait pris une toute autre tournure, le 7 Février, la date de fin de mandat du Président Moïse, selon l’opposition politique et une multitude d’organisations de la société civile.

Au matin de cette date symbolique, le Président a annoncé avoir été victime d’une tentative de coup d’état. Le premier Ministre Jouthe et le Ministre de la Justice allaient préciser un peu plus tard la nature de cette affaire, « tentative de coup d’état et d’assassinat du Président Moïse ». On a appris  par la suite l’existence d’un autre président en la personne de Me Mécène Jean Louis. Haïti s’est donc retrouvée avec deux présidents, un président de l’opposition et le « président de facto » Jovenel Moïse. Cette affaire allait occuper tous les esprits jusqu’au premier jour gras, le dimanche 14 Février, où, d’un côté, l’opposition a fait une sortie remarquable avec des milliers de gens dans une manifestation anti gouvernementale, et de l’autre, le pouvoir a lancé le carnaval national de Port-de-Paix; la ville, investie par des milliers de carnavaliers, s’est revêtue de ses plus beaux habits depuis l’indépendance de notre pays. « Grâce à Jovenel » ! Et tous les groupes musicaux présents ont rendu hommage à "Jojo" qui a pu transformer la ville en moins de trois mois, rénovations urbaines, électricité, un hôpital en chantier.

Le Président Moïse qui, à la faveur de ce "coup d’état" manqué, venait de mettre à la retraite et procéder au remplacement de trois juges de la Cour de Cassation (CC), dont les noms ont été cités pour le remplacer, était aux anges à Port-de-Paix. Il paraissait tout puissant dans ses sorties devant la presse et s’est mêlé, flanqué de sa femme, à la foule  en plusieurs occasions durant les trois jours gras. Sa femme et lui toujours masqués tandis que la foule en liesse se déhanche dans l’insouciance la plus totale, sans tenir compte des mesures barrières et des précautions d’usage face au coronavirus. Il faut signaler aussi que l’opposition ne se comporte pas différemment lors des manifestations de rue, mis à part certains leaders. Toujours cette insouciance face aux choses sérieuses.

Au retour du carnaval, le Président Moïse a fait une escale spectaculaire aux Gonaïves, la ville rebelle qui venait de subir les incendies de son palais municipal, de son palais de justice, des véhicules d’Etat, dont le camion d’asphalte en charge d’imprégner la route carrefour Joffre-Port-de-Paix en construction, le véhicule du Directeur départemental du MTPTC, Ing Odivin, et aussi une ambulance de l’Hôpital  la Providence des Gonaïves. Ces incendies sont attribués aux groupes de bandits liés au pouvoir en place par Marie Yolaine Jules de la « Fondation JKL », tandis que le pouvoir accuse les bandes à l’ex-sénateur Youri Latortue sans le nommer. Flanqué de forces spéciales du palais national, des policiers basés aux Gonaïves, d’une bonne partie de la population et de sa femme Martine, le Président Moïse s’est donné une promenade à pied dans les rues de la ville et même à Raboteau, au fief même de Youri Latortue, avant d’aller visiter la centrale électrique des Gonaïves en panne depuis belle lurette. Il a promis de remettre cette centrale sur pied d’ici Avril 2021.

Alors que le Ministre Mathias Pierre chargé des affaires électorales organise une grande rencontre avec une centaine de partis politiques pour la remise du projet de la nouvelle constitution, pour qu’ils en prennent connaissance et motivent leurs partisans en vue de leur participation au prochain référendum, le Secrétaire Général  des Nations Unies a sorti son rapport sur Haïti mi-figue mi-raisin, beaucoup plus figue que raisin ; l’ONU comme l’OEA et les USA reconnaissent toujours l’autorité  de Jovenel Moïse dont le mandat, selon eux, prendra fin le 7 Février 2022. Toutefois, l’ONU s’inquiète des 2.5 millions de personnes non encore inscrites et non encore en possession de leur carte d’identification nationale(CIN) et insiste pour accélérer le processus d’inscription des haïtiens en vue de leur participation aux prochaines joutes électorales à réaliser aussitôt que la situation le permet.

Entre temps, le grand frère américain envoie des signaux contradictoires par rapport à sa compréhension de la crise haïtienne. L’establishment semble opter pour la fin du mandat de Moïse le 7 Février 2022, par contre certains parlementaires démocrates pensent que non, d’autant que trois universités américaines semblent adopter la thèse de la chaire Louis Joseph Janvier de l’Université Quisqueya qui opte pour le 7 Février 2021, comme l'ont fait bien longtemps avant, Mme Manigat, les Barreaux d’Haïti, l’Eglise Catholique, une partie des églises protestantes et  la plupart des membres de la société civile organisée qui ont été à la base de la marche du 14 Février.

L’intervention du Président Moïse par visioconférence devant le Conseil de Sécurité de l’ONU lui a permis de s’expliquer, mais, de l’avis général, n’a pas été très convaincante. En tout cas, il en a profité pour parler de ses priorités : élections, référendum et électricité. La question qui a attiré l’attention de tout le monde, c’est le kidnapping et l’intervention de la représentante de la France pour demander la tête de Jimmy Chérisier (Babekyou), une fois de plus, une fois de trop. Le Président paraissait embarrassé. Au cours de cette séance, on a appris que l’Etat a démantelé 64 gangs sur une centaine. N’empêche que le phénomène de kidnapping a pris de l’ampleur, on y reviendra un peu plus tard, d’autant que, avec l’évasion de plus de 400 prisonniers de la Prison de la Croix-des-Bouquets, la situation pourrait se compliquer davantage.

 Cette évasion a fait, selon le secrétaire d’Etat à la communication, 26 morts, dont Arnel Joseph descendu à Pont L’Esthère par la police, le fameux caïd qui a défrayé la chronique en 2019, et récemment lors de sa présentation devant la justice après plus d’un an d’incarcération, où il aurait fait, selon V. Numa de la Radio Vision 2000, des déclarations compromettantes contre les gens au pouvoir et dans l’opposition, qui l’auraient utilisé à des fins criminelles, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Ce qui nous conduit tout droit à la situation socioéconomique.   

2.2. Situation socioéconomique

Le kidnapping est un phénomène social. Il a pris de l’ampleur en 2004 après la fameuse « opération Bagdad » mise sur  pied par les partisans de l’ex-président Aristide, « kidnappé » par la communauté internationale et exilé en Afrique, suite aux manifestations antigouvernementales organisées par l’opération GNB (Grenn Nan Bouda), dont la plupart des concepteurs sont encore sur la scène politique. Il est devenu, à force de mutations, un phénomène sociopolitique et surtout socioéconomique.

Actuellement, il permet aux gangs de s’automiser financièrement et de challenger les politiciens et même l’Etat. Il appauvrit, il viole, il tue. Il fait peur, donc il paralyse et réduit considérablement l’activité économique. Pas plus tard que ce 28 Février, il nous a privés d’un docteur en médecine, pédiatre de son état, tué parce qu’il a refusé d’être kidnappé par des malfrats. Combien d’argent coute la vie d’un médecin haïtien? Combien de temps avons-nous besoin pour produire un bon médecin et très expérimenté en plus?

Les bandits ne réfléchissent pas à ces genres de balivernes, une pitance selon eux qui demandent des millions pour libérer des otages après les avoir violés. En tout cas, pour eux, l’argent n’est pas un problème, les politiciens paient très chers leurs services, le secteur privé également. La dégringolade à nouveau de la gourde depuis novembre 2020 est le cadet de leur souci (75.21 G à l’achat et 77.97 à la vente pour 1 USD), ils fonctionnent en dollar américain. Alors ?

Quant à l’accélération du rythme des déportations de nos compatriotes par les américains, ils s’en fichent royalement. Cela les arrange. Ces déportés sont des alliés potentiels qui viendront grossir leurs rangs en cas de besoin, N’oubliez pas que ce sont, pour la grande majorité, des criminels endurcis et prêts à se reconstituer et à s’organiser n’importe où. Avec plus de 400 prisonniers en cavale depuis cette évasion spectaculaire, et ces déportés qui viennent grossir les rangs des bandits et des kidnappeurs, déjà en pleine activité, les prochains jours s’annoncent plutôt catastrophiques. Kidnapping, déportation, évasion de prisonniers, qui s'en soucie vraiment?

En tout cas, avec l’Electricité 24/24 à Port-de-Paix, Jérémie, Fort Liberté, Ouanaminthe, etc., on aurait peut-être une chance avec les bandits, les kidnappeurs. « Pas de chance », ironise un ami. « Ils n’ont pas peur de la lumière du jour pour commettre leurs forfaits, ce n’est pas le courant 24/24 de Jojo, d’ailleurs très hypothétique, qui va nous sauver des bandits au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince ». Mon ami qui est anti Jovenel croit dur comme fer « que Jovenel partira très bientôt ». Il n’ose pas donner de date cette fois-ci. Départ ou maintien? C'est notre seule préoccupation. Comme je dois terminer ma chronique, j’ai dû fermer mon WhatsApp, pour pouvoir me concentrer sur le dernier point saillant de l’actualité, « le dossier de Savane Diane». Un autre ami chez qui j’ai été le vendredi 26 Février, m’interrogeait sur les 18.5 M USD que Jovenel aurait donnés à Apaid. Je lui ai répondu « Je ne savais pas. Je vais aux nouvelles », juste pour ne pas opiner sur le sujet.

En fait de quoi s’agit-il ?

Aussitôt arrivé à la maison, comme d’habitude, j’ai tapé sur mon ordinateur pour voir ce que j’ai sur Savane Diane. Rien. Je suis allé sur mon blog : www.jrjean-noel.blogspot.com , j’ai tapé  dans recherche « Savane Diane » et j’ai trouvé trois de mes articles dont celui-ci : HAITI, LA TOURMENTE POLITIQUE ET SAVANE DIANE COMME POLE DE DEVELOPPEMENT AGROINDUSTRIEL(?)[1]. Il suffit de le lire avec attention pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, et même ce qui passe avec les dominicains eu égard aux dernières déclarations d’Abinader vis-à-vis de notre pays.  On constatera que, depuis  Septembre 2013, l’Etat Haïtien avait prévu de faire  de Savane Diane, « un pôle de développement agroindustriel», tout en tenant compte du passé et du présent  de la Savane à l’époque. L’Agr Dorcin, alors secrétaire d’Etat à la production végétale, était le principal initiateur de cet atelier sur Savane Diane, et Agr  Thomas Jacques était ministre de l’agriculture. Comme on le verra dans la lettre de Déjoie III, Agr Dorcin est un élément clé de ce qui se passe à Savane dans la zone franche actuelle. 

L’autre article qui vous mettra dans le bain, est celui  du Nouvelliste  basé sur la lettre de Louis Déjoie III : Savane Diane: «La zone franche est créée sur la propriété privée de ma famille et non sur une propriété appartenant à l’État haïtien», explique Louis Déjoie III[2]. Voici comment Le Nouvelliste a introduit cette affaire : « Face aux remous provoqués par la décision du président Jovenel Moïse d’accorder le « statut de zone franche au projet dénommé " Zone franche agro-industrielle de Savane Diane",  à Saint-Michel-de-l’Attalaye (Artibonite), le mandataire de la famille Déjoie clarifie. Nous publions dans son intégralité une note de presse à cet effet».

En guise de conclusion, ce film auquel nous avons assisté au cours de ce mois de Février,  s’est déroulé dans notre bulle d’insouciance qu’est devenue notre Haïti. On se fiche des vrais problèmes. On se  concentre uniquement sur l’aspect politique et on néglige tout le reste. C'est l'inssouciance, le deni du réel. J’ai peur que, lorsque la bulle de l’insouciance s’éclate, lorsque la réalité nous pète à la figure,  la catastrophe ne soit  irréversible.  A bon entendeur, salut !!!