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samedi 30 septembre 2017

HAITI : BUDGET 2017-2018, PRETEXTE DE DECHOUCAGE OU AMORCE DU PROCESSUS DE DIALOGUE POLITIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT ?


HAITI : BUDGET 2017-2018, PRETEXTE DE DECHOUCAGE OU AMORCE DU PROCESSUS DE DIALOGUE POLITIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT ?

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 SEPTEMBRE 2017    
      
Le 12 septembre 2017, Haïti a connu ses premières manifestations violentes depuis le 22 janvier 2016, tout au moins au niveau de sa capitale, Port-au-Prince. Cette fois-ci,  c’était contre le budget 2017-2018 de 144. 2  milliards de gourdes (2.3 Mrds d’USD), voté  haut la main par le Parlement acquis à la cause du pouvoir en place et malgré le travail d’intoxication de la minorité parlementaire qui a gagné la bataille médiatique. La mise à feu  des véhicules de l’Etat, des privés, la casse des pare-brises de tous types de  véhicules, de magasins, l’attaque en règle de certains gros intérêts privés, la panique généralisée, le traumatisme des écoliers, l’affolement des parents pour récupérer les enfants à l’école, c’est le bilan de cette journée de manifestation organisée par Jean-Charles Moïse, le leader de « Pitit Desalin ».Heureusement que, cette fois-ci, il n’y a eu que des dégâts matériels et psychologiques et non de perte en vie humaine. Du 12 septembre à date, il va y avoir une série de manifestations  contre le budget, entre temps, publié dans le Moniteur, le journal officiel, et surtout contre le Président de la République, Jovenel Moïse, qui a été à l’assemblée générale des Nations Unies  délivrer son message où il a parlé, entre autres, du processus de dialogue entamé avant son départ avec « presque tous les partis politiques » et qui va continuer jusqu’aux « états généraux sectoriels », énième fois promis par l’administration en place. Le budget 2017-2018 est-il un prétexte pour déchouquer le Président Moïse ou favorise-t-il un processus de dialogue politique en vue de déboucher au développement durable de notre pays ? Pour répondre à cette double interrogation, essayons d’analyser la conjoncture en nous basant sur certains faits susceptibles de jeter un éclairage sur la situation actuelle du pays au bord d’une nouvelle crise dans la crise quasi permanente après les sept (7) premiers mois de la présidence de M. Moïse. Rappelons que le coup d’Etat contre le président Aristide a eu lieu le 30 septembre 1991 après un voyage à l’ONU.

L’origine et la cristallisation des grognes à partir du budget 2017-2018 comme prétexte

Le 22 janvier 2016, le processus électoral, entamé en août 2015, a été stoppé net par l’opposition à Martelly par une manifestation gigantesque avec des pertes en vies humaines, des blessés et des casses. Jovenel Moïse, classé premier au premier tour de la présidentielle, n’a pu affronter Jude Célestin, classé 2e, qui a refusé de participer à cette parodie de « yon sel grenn soulyé » (d’une seule chaussure), pour répéter le mot du premier ministre d’alors, M. Evans Paul. Martelly est parti le 7 Février 2016, en négociant son départ et M. Jocelerme Privert, Président du Sénat, fut élu au second degré par le Parlement constitué de Sénateurs et Députés élus pour la plupart au premier tour du processus électoral avorté au niveau présidentiel (second tour) pour cause de fraudes massives.

L’administration Privert a remplacé le Conseil Electoral Provisoire (CEP) par un autre selon l’article 289 de la Constitution de 1987. L’opposition politique à Martelly avait donc tous les atouts en mains pour diriger le pays et gagner les élections transparentes reprises totalement aux niveaux présidentiel et local, et partiellement au niveau parlementaire, après les recommandations de l’évaluation du processus par une commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE). Jovenel Moïse et son parti PHTK (Parti Haïtien Tèt Kalé) en sont sortis vainqueurs à tous les niveaux. Un fait marquant mais contesté par l’ancienne opposition à Martelly (au pouvoir au moment de ces élections) Jovenel Moïse a été élu Président de la République d’Haïti au premier tour de la Présidentielle et a prêté serment le 7 février 2017 devant le Parlement avec l’absence remarquée des 4 sénateurs de l’opposition qui ont boycotté la séance sous prétexte de l’inculpation du président indexé par l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). A noter que les candidats Maryse Narcisse (4e ) de LAVALAS , Jean-Charles Moïse ( 3e ) de Pitit Desalin et Jude Célestin ( 2e ) de LAPEH n’ont jamais accepté leur défaite à ces élections plutôt acceptables organisées par l’administration Privert et ont contesté la présidence de Jovenel Moïse.

Durant les sept (7) mois de cette présidence, mises à part les contestations  au niveau de l’Arcahaie transformées pour les besoins de la cause en manifestations périodiques avec casses, pertes en vies humaines et blocages de la Nationale N0 2, pour cette histoire de relèvement de Montrouis au rang de commune avec grignotement sur le territoire de l’Arcahaie, et les grognes suivies de grèves au niveau de l’administration publique (Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif : CSCCA, OAVCT : Organisme d’Assurance véhicules contre Tiers,  etc.), au niveau de la justice (Greffiers et Magistrats), au niveau de la sous-traitance (bataille pour le salaire minimum),  le pays semblait reprendre un certain niveau de fonctionnement normal, malgré la hausse du prix du carburant. L’Arcahaie aurait donné lieu à une attaque armée sur le cortège présidentiel revenant d’une visite dans le cadre de la caravane du changement, lancée en grande pompe par M. Jovenel Moïse, à Lagrange dans l’Artibonite. Et les grognes semblaient commencer à trouver leur point de convergence avec la hausse du prix de carburant. Les éléments du puzzle se sont mis petit à petit en place avec une exploitation politicienne mais intelligente de Moïse Jean-Charles et du Sénateur Cheramy (Don Kato). Le projet de loi des finances 2017-2018, plus connu sous le nom du budget 2017-2018, est venu à point nommé pour une exploitation intelligente (o combien mensongère !) de l’opposition politique qui du Parlement à la rue a su gagner la bataille médiatique par rapport au pouvoir en place qui s’est retrouvé sans repères sur la scène médiatique. Il a fallu la sortie tardive du Président pour redonner un peu de confiance à l’équipe au pouvoir au bord du chaos après le 12 septembre 2017.

Et puis, le pays, manquant de moyens selon le judicieux diagnostic fait par le Premier Ministre mais imputant maladroitement  cet état de fait à la seule administration précédente, n’a pas pu et su créer des emplois temporaires pour soulager la misère des petites bourses et apaiser la tension sociale au niveau du pays, malgré le budget 2016-2017 rectifié qui aurait pu être exploité pour favoriser la rentrée scolaire le 4 septembre 2017. Les tentatives en ce sens  ont été un peu tardives et n’ont pas eu une envergure nationale pour injecter du numéraire dans l’économie. Et cette course folle des jeunes vers le Chili n’a pas arrangé les choses. On dirait des gens qui ont une prémonition que quelque chose de grave va arriver à ce pays et qui essaient de s’en échapper à tout prix. N’est-ce pas Valery Numa ? Le documentaire de Valery est donc venu à point nommé pour expliquer ce phénomène de migration vers le Chili.

Face à cette situation d’aggravation de la crise et son exploitation au niveau de la rue qui exige maintenant le départ du Président seulement sept (7) mois après sa prise de fonction, il pourrait s’enorgueillir  du succès relatif de la caravane du changement et de certains aspects positifs du budget prévoyant  le paiement des arriérés pour les professeurs et l’intégration de la grande majorité dans le système, la réduction de 15 à 10% de l’impôt locatif sur les propriétés bâties (CFPB)pour la tranche locative supérieure à 200,000 G, et de certaines mesures d’apaisement pour atténuer les aspects négatifs comme le relèvement du plancher de 60,000 à 120,000 G/an, le minimum assujetti au paiement de l’impôt sur le revenu, et la sanctuarisation des 500 millions de gourdes réclamées par les 49 maires qui avaient fermé leurs portes durant trois jours. Certes ces mairies appartiennent  plutôt à l’opposition politique mais leur  revendication sera profitable à tous les maires et il y aurait la possibilité de régler le conflit latent entre les maires et les députés pour la mise en œuvre des actions de développement. Malgré tout,  les aspects négatifs du budget 2017-2018 semblent avoir la faveur de l’opinion publique.

Le rache mayok ne fait pas l’unanimité

Pourtant le raché mayok, c’est-à-dire la mise à pied du Président, à partir du budget comme prétexte, ne semble pas faire l'unanimité, en tout cas pas encore.  Dès le départ, la vraie finalité des manifestations de rue organisées par l’opposition a été la mise à pied du Président Jovenel Moïse, selon un cadre de Lavalas lors d’une émission de RAMASE, et Lucien Jura avait relevé cette flèche lancée par ce cadre.  Il semble que le Président aurait dérangé de gros intérêts à partir de ses promesses d’électricité 24/24 en 24 mois, et de sa lutte annoncée contre la corruption. Avec l’appui en sous-main des représentants de ces gros intérêts à l’opposition politique, si l’on en croit des sources proches du pouvoir, une frange de cette opposition aurait mis en place ce processus de déchoucage. Financement ou pas, il est clair que la finalité recherchée par cette opposition qui n’a jamais accepté Jovenel Moïse comme président n’est autre que son déboulonnage (Ref. http://lenouvelliste.com/article/177141/une-manifestation-anti-gouvernementale-emaillee-de-violences).

Et si la bataille pour le budget favorise l’amorce du processus de dialogue politique

On peut déplorer l’utilisation du budget comme prétexte pour essayer de déboulonner le président, mais on doit se mettre d’accord sur le fait que l’intérêt actuel du commun des mortels pour le budget est une bonne chose. Cette bataille lancée par Kesner Pharel depuis des lustres semble prendre une autre tournure  plutôt positive.  Le budget c’est l’affaire de tout le monde. Pour une famille, c’est la maman, le papa et parfois les enfants  en mesure de le faire qui contribuent à l’exécution du budget familial. Pour un pays  comme Haïti, c’est la même chose. Ce sont les citoyens qui contribuent  à financer le budget à partir des taxes et impôts payés à  l’Etat. Un budget traduit en chiffre les politiques du gouvernement. Combien d’écoles, d’hôpitaux, de routes, de systèmes d’irrigation, d’eau potable, de mégawatts de courant à mettre à la disposition de la population, moyennant paiement des services. Pour cela, le gouvernement s’engage à créer des meilleures conditions pour favoriser la fourniture des services et la création d’emplois. Quand le gouvernement fait bien son travail (bonne gouvernance), les gens sont plus enclins à payer leurs  taxes et impôts.  En Haïti, comme le pays n’a pas tous les moyens, en plus des taxes et impôts collectés, il est aidé par d’autres pays pour financer son budget. Aussi simple que cela.

Normalement, chaque citoyen devrait payer des taxes et impôts en fonction de l’envergure de ses activités. En d’autres termes, plus on a les moyens, plus on devrait contribuer au financement du budget. Ce n’est pas le cas en Haïti. Cela a toujours été ainsi, ce n’est pas cette administration qui en est responsable ; mais c’est une bonne chose que cette administration soit obligée d’améliorer les choses. Il faut bien commencer quelque part. Toutefois son renvoi ne résoudra pas pour autant le problème. Autant trouver avec elle une formule pour ce fameux dialogue politique pour amorcer le développement de notre pays.

Et Vive Haïti, cette fois-ci, à tout jamais unie !!!


Avant son départ pour l’ONU, le Président avait amorcé, à la faveur de la situation politique en lien avec le budget 2017-2018,  le dialogue avec presque tous les partis politiques. A l’ONU, Il a annoncé son intention d’organiser les états généraux sectoriels. Il a rencontré à son retour la conférence épiscopale haïtienne (CEH),  qui a exhorté les parties en présence à faire preuve de sagesse. Il a eu une longue séance de travail avec les maires, il a pris des engagements formels vis-à-vis d’eux. Le gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures pour atténuer les effets négatifs du budget, en particulier des mesures en faveur des chauffeurs qui ont programmé deux journées de grève les 2 et 3 octobre 2017. Vont-ils revenir sur leur mot d’ordre de grève ? Il semblerait que l’administration Moïse-Lafontant soit pour un budget rectificatif dans un délai pas trop lointain. Déjà certains arrêtés pris par le pouvoir rectifient les aspects les plus critiqués du budget. De là à aller vers une grande concertation nationale pour amorcer le développement du pays, il n’y a qu’un pas. L’opposition politique, dont l’objectif est de prendre le pouvoir à tout prix y inclus le raché manyok (une forme de coup d’Etat), serait-elle prête à y prendre part au cas où la finalité de cette grande concertation ne mettrait pas dans la balance le renvoi pur et simple de l’administration Moïse-Lafontant ?  A cette administration de bien jouer  le jeu pourqu’il n’en soit pas ainsi, et à l’opposition de rentrer dans l’arène de la grande concertation pour le développement sans l’intention préalable de casser les porcelaines. A l’administration en place et à l’opposition de penser Haïti d’abord et avant tout ! A nous citoyens et citoyennes de les encourager en ce sens, d’y participer et de regarder l’avenir avec espoir et confiance ! Et Vive Haïti, cette fois-ci, à tout jamais unie !!! Dans le cas contraire, il serait possible que les bottes de l’oncle Sam nous aplatissent tous sans distinction ni exception! C’est peut-être le souhait profond de la plupart d’entre nous. Qui sait ? Alors ne soyons plus des nains et soyons les dignes héritiers de notre père fondateur, Jean-Jacques DESSALINES, le grand !