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mardi 28 août 2018

HAITI : L’ARROGANCE DE L’IGNORANCE


HAITI : L’ARROGANCE DE L’IGNORANCE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
27 AOUT 2018

J’ai beaucoup lu et beaucoup écrit. J’ai adapté et créé beaucoup de concepts.  Citons, entre autres, Le concept approche participation-responsabilisation axé sur l’information, la sensibilisation, la communication, la motivation directe, la motivation indirecte, la formation, la structuration et la mise en réseau ; le concept approche hexagonale axé sur l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique/le financier et la politique/gouvernance ; le concept stratégie d’imbrication, d’articulation et d’intégration des actions (SIAAA) applicable à n’importe quelle structure micro, meso et macro, et le dernier en date, le concept « arrogance de l’ignorance ». C’est  quoi l’arrogance de l’ignorance ? Comment il m’est venu l’idée de créer ce nouveau concept ? En quoi peut-il être  utile à la situation actuelle de notre pays?

C’est  quoi l’arrogance de l’ignorance ?

C’est cette habitude de la plupart des haïtiens d’aborder n’importe quel sujet dont ils ignorent l’ABC comme le pic de la Mirandole. Plus ils ignorent le sujet, plus ils en parlent fort, plus ils en font des affirmations avec cette arrogance qui caractérise les ignorants. Enfin, c'est une combinaison de deux mots donnant naissance à une nouvelle expression pour dire de façon plutôt élégante « taisez-vous quand vous ne savez pas de quoi vous parlez » ou tout simplement  « donnez-vous la peine de vous informer de quelque chose avant d’en parler ».

Comment il m’est venu l’idée de créer ce nouveau concept ?

Depuis la fin du 20e siècle et le début du 21e siècle, je produis des articles suite à de nombreux rapports produits pour des institutions étatiques, des ONGs, des organisations internationales comme  consultant. De 2004 à date, je produis de manière régulière des articles sur Haïti, au moins un article par mois (Réf. www.jrjean-noel.blogspot.com ), parallèlement à mes activités professionnelles comme consultant et/ou contractuel de l’Etat, sans compter les nombreux rapports, documents de projets, manuels de formations sur de nombreuses thématiques. J’ai eu la chance et l’opportunité de côtoyer tant en Haïti qu’à l’étranger des gens biens formés et bien éduqués, des collègues et des amis dont la grande majorité a eu une influence positive sur ma longue carrière et ma formation sur le tas.

J’ai pu aussi observer longuement mes frères haïtiens de toutes catégories, la masse, les classes moyennes et la bourgeoisie, les paysans, les techniciens, les politiciens ; car j’ai eu la chance, durant ma longue carrière, de discuter et de travailler avec tous ces gens qui m’ont beaucoup appris, mais il y en a parmi eux qui parlent de choses qu’ils ne maitrisent pas avec une telle arrogance qu’ils m’ont inspiré ce nouveau concept : l’arrogance de l’ignorance.

Parmi tous ces gens, une catégorie m’a le plus inspiré ce concept. Ce sont les politiciens, certes pas tous, mais la grande majorité. Cette attitude de tout savoir, de parler de n’importe quoi, de débiter des bêtises sur n’importe quel sujet d’intérêt national, est vraiment ahurissante. Je ne sais pas si vous vous donnez la peine de les écouter à la radio, à la télévision.

J’ai collaboré directement ou indirectement à l’élaboration de beaucoup de dossiers sur Haïti, le cadre de coopération intérimaire (CCI), le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), le  Post-Desaster Needs assesment  (PDNA 2010) après le tremblement de terre de 2010, le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH),  le Plan de développement agricole (PDA 2010-2025), le plan national de sécurité alimentaire (PNSAN 2010-2025), le plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH), le PDNA 2017 après le passage de Matthew en octobre 2016, et plus récemment la stratégie caravane du changement et l’actualisation du plan national de sécurité alimentaire (PNSAN 2018-2030).

Et à chaque fois qu’il y a un document sérieux sur Haïti, je me donne la peine de le lire pour avoir une bonne compréhension du dossier avant d’en parler ou d’y consacrer un ou plusieurs articles. Souvent, je suis sidéré d’entendre les gens parler de ces documents sans même se donner la peine d'y jeter un coup d'oeil et encore moins de lire le résumé exécutif, en particulier nos politiciens qui ont dirigé, dirigent et aspirent à diriger le pays.

Un exemple flagrant, la caravane du changement. J’ai entendu des gens et pas des moindres débiter des inepties sur cette stratégie novatrice et globalisante. Ce serait « le projet/programme phare du président », qui n’aurait pas de ligne budgétaire donc il y aurait détournement de fonds pour toute activité réalisée dans le cadre de la caravane. On pourrait multiplier à l'infini d'autres affirmations et critiques par rapport à cette stratégie venant, en majeure partie, de la classe politique et aussi d'autres secteurs. 

La caravane du changement, qui n’est qu’une stratégie de coordination et de gouvernance en lien avec l’ensemble des structures étatiques et visant le développement participatif du pays, en utilisant les compétences des structures déconcentrées et décentralisées de l’Etat et des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des actions sectorielles sur l’ensemble du territoire, n’a pas besoin de budget propre, tout se fait à travers les secteurs et les collectivités territoriales et leur budget respectif. 

Pourtant un député, qui est censé maitriser tout ce processus, a accusé récemment le Ministère de l’économie et des finances (MEF) de mettre à la disposition du Président de la République 11 millions de gourdes par semaine comme per diem pour la caravane. Cette déclaration farfelue a été reprise par les médias tandis que la note explicative et rectificative du MEF n’a pas eu le même écho.

Un autre exemple, la nomination de Jean Henry Céant comme premier ministre qui correspond plus ou moins au profil défini au préalable (Réf. https://jrjean-noel.blogspot.com/2018/07/et-lapres-jack-guy-lafontant.html  ), a donné lieu à un ensemble d’articles acides et destructeurs sur ce monsieur que je ne connais pas personnellement ; il en a été de même pour la première ministre Michèle Pierre-Louis en 2008. C’est ahurissant cette capacité de destruction que nous avons.  Ces gens qui ont osé écrire et dire de telles choses connaissent-ils vraiment ce monsieur, ont-ils des preuves de leurs accusations? 

En quoi ce concept peut-il être  utile à la situation actuelle de notre pays?

L’arrogance de l’ignorance est notre mal absolu. Nous ne nous donnons pas la peine de lire, de prendre connaissance des dossiers avant d’en parler. Nous parlons de tout et de rien avec la même arrogance. Quand nous voulons détruire quelqu’un, nous inventons n’importe quoi sur la personne et nous avons une certaine presse et les réseaux sociaux pour nous appuyer dans ce processus de destruction. Nous utilisons des dossiers que nous ne maitrisons pour détruire, pour mener la lutte politique contre nos adversaires, nous accusons sans preuve. Nous mentons impunément, au vu et au su de tout le monde, sans nous soucier du mal que nous faisons à nos concitoyens et à notre pays. Jusqu’à présent la bataille politique ne vise pas le développement du pays, mais la prise du pouvoir par un ou des clans politiques associés. Ôte-toi que je m’y mette.

Actuellement, il y a un réveil lié au dossier PETROCARIBE. C’est une bonne chose qu’un dossier orienté politiquement finit par déboucher sur un réveil citoyen contre la corruption en général. Il est admis que la corruption est responsable de 40% des fonds alloués au développement, si ce n’est un peu plus dans le cas de notre pays. J’ai déjà écrit cinq articles sur la corruption en Haïti depuis 2008. Je suis content que le dossier PETROCARIBE fasse prendre conscience à la majorité des haïtiens de ce fléau qui a contrarié jusqu’ici le développement du pays.

Beaucoup de gens s’embarquent dans ce dossier sans savoir de quoi il s’agit. Je ne vais pas y revenir puisque j’y ai déjà consacré deux articles. Ce dossier traité par deux commissions sénatoriales orientées politiquement souffrent des faiblesses de ses auteurs qui ne maitrisent pas les procédures de fonctionnement de l’Etat en général et de la passation des marchés publics haïtiens en particulier (l’arrogance de l’ignorance) et qui mènent à visière levée une bataille politique à travers ce dossier. Ce qui a provoqué les réactions négatives des indexés qui se retrouvent, pour la grande majorité, dans un même camp politique; normal d’ailleurs c’est ce camp qui a eu beaucoup plus de résolutions dans le cadre de la gestion des fonds  PETROKARIBE par le BMPAD.

La saisine de ce dossier par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) est en soi une bonne chose, en ce sens qu’elle lui a redonné son aspect technique au détriment de son aspect politique, avec beaucoup plus de chance de déboucher sur le procès souhaité par tout le monde.

Un autre élément important dans le cadre de ce dossier, il est inscrit dans  la feuille de route du Président de la République au Premier Ministre nommé. Comme quoi, pour une fois, tout le monde est d’accord pour lutter contre la corruption à travers PETROCARIBE comme symbole de la lutte anti-corruption.

Une réflexion que je voudrais partager avec mes lecteurs pour leur montrer que PETRCARIBE est un élément d’un ensemble plus grand. De 2008 à 2018, les fonds engagés dans le cadre du PETROCARIBE seraient de 3.8 milliards dollars américains. Sur cette même période avec un budget annuel autour de 2 milliards d’USD en moyenne, ce qui ferait un montant global de 20 milliards d’USD engagés. Si on enlevait les 70% environ liés au fonctionnement de l’Etat (14 milliards d’USD),  donc 30% (6 milliards d’USD) auraient été investis dans le développement du pays pour les résultats que l’on sait. 

A partir de cette réflexion, il faudrait demander des comptes pour 6 milliards d’USD et non pas seulement pour les 3.8 milliards d’USD de PETROKARIBE sur la base d’un audit sérieux, de préférence, international. A ce moment-là seuls les plus justes seront sauvés en cas de réalisation de ce procès tant attendu.

En tout cas, pour finir,  il y a nécessité d’une prise de conscience par rapport à cette arrogance de l’ignorance pour nous aider à mieux nous informer et nous former quand on aspire à quelque chose au lieu d’utiliser des coups bas contre nos adversaires, nos concurrents, ou d’utiliser notre ignorance, nos peu d’informations et de connaissances à des fins de destruction. Il serait beaucoup plus profitable au pays que nos ignorants arrogants cessent d’intervenir dans les médias pour donner une chance au pays de s’en sortir. Avec une prévision de croissance économique de 1.8% pour 2017-2018 (Radio Vision 2000/CEPALC), Haïti est loin de sortir de la pauvreté abjecte dans laquelle nous l’avons plongée. Révolution tranquille versus révolution violente? A bon entendeur salut!