HAITI PAYS LOCK 2 : DES DEUX COTES LE MAL
EST INFINI (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 JUIN 2019
Revu le 3 juillet 2019
Revu le 3 juillet 2019
La situation haïtienne de ce mois
de juin 2019 est des plus désastreuses à tous les points de vue si l’on fait
exception de notre équipe nationale de football masculin qui est qualifiée pour
les demi-finales de la Gold Cup en battant le Canada par 3 buts à 2 et du succès colossal de l’événement annuel « Livres en folies », avec
Danny Laferrière, notre « immortel » de l’Académie Française comme
Invité d’Honneur. L’administration actuelle fait preuve d’impuissance par
rapport à cette situation. La rue est contrôlée par l’opposition et les petro-challengers
qui demandent la démission du Président Jovenel Moise. Le Président ne dirige
pas ; le Parlement ne fonctionne pas ; la Justice reste muette :
les trois pouvoirs d’Etat sont à genoux.
Le blocage du pays depuis le 9 Juin 2019, prévisible suite à la sortie
du 2e rapport de PETROCARIBE (31 Mai 2019) par la Cour Supérieure des comptes et du
contentieux administratif (CSC/CA) sur plus d’une dizaine de jours avec, parfois, des
éclaircies au matin jusqu’à 11 h Am, affecte beaucoup plus sérieusement encore
l’économie du pays, qui était déjà au bord de la catastrophe, au point que le
grand argentier de la nation, le ministre des finances, avoue ne pas pouvoir
payer régulièrement l’administration publique haïtienne, faute de rentrée
d’argent par les institutions chargées de la perception des taxes et
impôts. L’opposition politique radicale, face à
l’impuissance du pouvoir en place, propose une solution pour s'y substituer tout bonnement, selon la logique « ôte toi
que je m’y mette ». N’est-ce pas le moment de se demander si « Des
deux côtés le mal d’Haïti n’est-il pas infini » ?
Un rappel des faits
Dans l’article, Haïti, Pays lock 1[1] , de février 2019,
nous avons établi la méthodologie utilisée pour fermer le pays avec toutes les
conséquences que l’on sait. Il s’ en est suivi une aggravation de la situation socioéconomique et politique : (i) l’insécurité, le cas de la vallée de
l’Artibonite[2], (ii) le renvoi du PM Céant, (iii) la nomination du PM Lapin non ratifié par le Parlement
(perturbation par les 4 parlementaires de l’opposition, Beauplan, Cheramy,
Cassi et Pierre, des séances programmées, casse de l’immobilier du Sénat par ces
4 larrons), (iv) la reprise de la dégringolade de la gourde par rapport au dollar
américain (94 G pour 1 USD) et l’inflation qui passe à 18% pour le mois de mai
2019, (v) l’impatience de la population par rapport aux promesses non tenues du
premier mandataire de la nation[3], (vi) la sortie du 2e rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif
(CSC/CA) sur le dossier Petrocaribe (31 Mai 2019), épinglant un ensemble de
firmes privées dont AGRITRANS présidé à l’époque par Jovenel Moïse, en y
apportant des précisions sur des travaux financés en gourdes et non en dollars
américains comme le stipulait le 1er rapport, et un ensemble d’institutions étatiques, dont
le Parlement et la CSC/CA, elle-même, dans le gaspillage des fonds Petrocaribe (4.2
milliards dollars américains), rapport qui sert de prétexte à l’opposition politique et
aux petro-challengers pour exiger la démission du Président Moïse, vendu comme le principal dilapidateur des fonds Petrocaribe à partir d'un travail médiatique minutieux.
Pour y parvenir, ils ont utilisé la même méthodologie qu’en février 2019
avec quelques petites nuances : pas de l’huile sur les routes pentues ; une
diabolisation plus soutenue du Président et de sa famille (dossier DERMALOGUE); un discours de haine vis-à-vis du premier mandataire; attaques des stations de
radio : Télé Ginnen, Radio Télé Caraïbes, Métropole, Télé Zénith, mort de
journalistes, etc. Certains de ces actes sont tout bonnement attribués, à tort
ou à raison, au pouvoir en place.
La branche institutionnelle de l’opposition, avec les 4 Sénateurs et le
Sénateur Youri Latortue, a fait une proposition
au pays sur le reste du mandat du Président, écartant le Président
actuel en le remplaçant par un membre de la Cour de Cassation et le Parlement
en le remplaçant par une sorte de conseil des sages comme en 2004, nommant un
premier ministre issu de l’opposition et un gouvernement de transition inclusif
qui organiserait la conférence nationale souveraine et le procès Petrocaribe, avec une feuille de route assez détaillée qui
tiendrait lieu de programme du gouvernement, etc.
Cette proposition est loin de faire l’unanimité, même au sein de l’opposition radicale, mais semble avoir l’adhésion de l’ensemble de l’opposition politique et d’une bonne partie de la communauté des affaires (tout au moins sur un point, la démission de Jovenel Moïse); à noter que certains groupes de petro-challengers ne voudraient ni des gens de l’opposition ni ceux du pouvoir actuel, pour constituer le nouveau gouvernement de transition ; ils voudraient de nouvelles têtes beaucoup plus crédibles pour diriger le pays.
Cette proposition est loin de faire l’unanimité, même au sein de l’opposition radicale, mais semble avoir l’adhésion de l’ensemble de l’opposition politique et d’une bonne partie de la communauté des affaires (tout au moins sur un point, la démission de Jovenel Moïse); à noter que certains groupes de petro-challengers ne voudraient ni des gens de l’opposition ni ceux du pouvoir actuel, pour constituer le nouveau gouvernement de transition ; ils voudraient de nouvelles têtes beaucoup plus crédibles pour diriger le pays.
Le Tournant
Depuis les 6,7 et 8 Juillet 2018, l’administration Moïse ne s’est jamais
relevée de cet événement douloureux, ayant causé des pertes en vies humaines, des
dommages équvalents à des centaines de millions de dollars américains. On est
pratiquement à une année de cet événement qui a marqué le tournant dans la
bataille pour obtenir la démission de Jovenel Moïse et qui va favoriser
l’émergence des petro-challengers, les vrais fers de lance de cette opposition
politique; et tous les événements qui vont se succéder durant cette période, ne font que miner l’administration Moïse. Cette administration va s’affaiblissant de série en
série d’événements (17 octobre, 18 novembre 2018, 7-17 Février 2019, 9 Juin à la dernière semaine de juin : Pays lock nouvelle
formule), au point d’arriver à la situation d’aujourd’hui.
La détérioration de la situation et l’impuissance
du pouvoir en place
Durant cette période d’un an, on n’a pas
l’impression que l’administration actuelle ait été en mesure de redresser la
situation. Elle a perdu la bataille médiatique. Malgré certaines actions au
niveau de terrain, elle n’arrive pas à vendre ses petits succès dans le domaine
de la rénovation urbaine, des pistes rurales et de certaines routes nationales (Plus de 1000 km de rues et de routes en construction[4])
et de certaines actions au niveau du secteur agricole[5].
Dans tous les autres domaines, c’est le tâtonnement, c’est le ralentissement
pour ne pas dire c’est la stagnation, c’est le recul. La pauvreté s’accentue
par la dégringolade de la gourde, l’augmentation du taux d’inflation (18% en
Mai 2019[6]),
c’est la faillite de l’Etat. Cet état de fait traduit la détérioration de la situation et l’impuissance
du pouvoir en place à y faire face.
Bref, le pays va très mal et est au bord de l’explosion sociale et de
l’effondrement économique, malgré un certain appui de la communauté internationale. Le
gouvernement a fait un dernier appel au dialogue sans succès, et a fait
venir une mission de l’OEA non cautionnée par le Conseil d’administration de l’institution.
Cette « mission » a conseillé au pouvoir en place de gouverner et à l’opposition
d’aller aux urnes. Ce qui a mis en grogne l’opposition et qui la pousse à
radicaliser un peu plus sa position par rapport au pouvoir en place. Par
rapport à ce nouveau développement, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a
créé, sous l’instigation des USA, une mission politique en remplacement de la
MINUJUSTH( mission d'appui à la Justice), le Bureau Intégré des Nations
Unies en Haïti, le BINUH[7],
qui sera effectif le 16 octobre 2019.
L’inquiétude par rapport à l’opposition
radicale
D’un autre côté, l’opposition politique radicale, qui empêche le fonctionnement
de l’administration par des manifestations de rue et le krazebrize, réduit considérablement le
rythme des activités dans le pays,
transport des marchandises et des biens, fourniture des services, et favorise
une augmentation globale de l’insécurité au niveau de l’ensemble du pays, etc, et met chaos debout l'administration Moise.
La convergence de vues de l’opposition
politique et des petro-challengers, qui sont pour le principe de départ du
Président Moïse, apporte de l’eau au moulin de l’opposition politique par la
mobilisation de la jeunesse et d’autres forces sociales dans sa lutte pour
déstabiliser le pouvoir en place. La résistance, offerte par le pouvoir en place
face à cette déstabilisation, permet au Président de rester au Palais jusqu’à
présent mais sans vraiment diriger le pays. Ce qui fait dire à certaines personnes,
et non des moindres, si le Président n’exerce pas son autorité sur le pays,
vaut mieux qu’il parte. Mais quand on voit le mode opératoire de cette opposition, sa propension à la pensée
unique, à l’intolérance (le cas du Secrétaire Général du RDNP[8],
le parti du feu Professeur Manigat, Radio Ginnen, Métropole, Caraïbes), et
cette tendance à cautionner la violence
aveugle (l’un des leaders a catégoriquement refusé de dénoncer les dérapages
des manifestants, alors que ce même leader condamne sans abnégation les bévues
de la Police, on est, par conséquent, en droit d’être inquiets. Les propos d’un
Député Lavalas devant les caméras de la
presse, se vantant de ses exploits, ainsi que les casses de l’immobilier du
Sénat par les 4 Sénateurs de l’opposition radicale, augmentent cette inquiétude
de nous voir tomber dans une sorte de gouvernement
à tendance dictatoriale. Rien ne garantirait que le gouvernement de transition prévu aurait
la reconnaissance internationale, disposerait de suffisamment de moyens pour
faire face aux nombreux besoins de la population et aurait la capacité de
garantir la stabilité politique et la sécurité, d’appliquer la feuille de
route prévue, et surtout de
réaliser la Conférence Nationale Souveraine et le Procès PETROCARIBE de manière
équitable et inclusive.
Des deux côtés le mal est infini, donc il faudrait tourner vers la
conférence nationale souveraine ou le déchoucage
A l’analyse, il est difficile de croire que l’administration actuelle
pourrait sortir le pays de l’imbroglio dans lequel il est plongé. Le Président
répète souvent que la stabilité politique est le premier des biens publics.
Durant cette année de juillet 2018 à Juillet 2019, l’administration Moise n’a
jamais pu garantir, ne serait-ce qu’un instant, sauf en période de
démobilisation des pétro-challengers et de trêve forcée de l’opposition
politique, la stabilité politique au niveau de l’ensemble du pays. De cette
instabilité politique découle tout le reste : l’insécurité, le
ralentissement de l’économie, la dégringolade de la gourde, l’inflation, la
pauvreté de masse, etc. Eu égard à l’impuissance de l’administration pour agir sur la situation actuelle découlant de l’instabilité politique, l’opposition
propose la démission du Président Moïse et le renvoi du régime PHTK. Cette
opposition ne prévoit pas l’inclusion du PHTK dans la solution au problème d’Haïti,
puisque, dans son diagnostic de la situation du pays, le Président et son
parti PHTK sont présentés comme des responsables, donc non qualifiés pour faire
partie de la solution. Au départ du Président Moïse (si départ il y aura), l’opposition
assauterait le pouvoir pour trois ans, le reste du mandat du Président et du
PHTK. Or cette même opposition avait assuré, à un certain moment, la gestion du
pays et, forcément,une partie des fonds PETROCARIBE, dossier alimentant la mobilisation contre l’actuelle administration, en
particulier contre le Président Moïse, sous prétexte que Jovenel Moïse était le PDG de
AGRITRANS. Donc, elle aurait beaucoup de difficultés à assumer la gestion
correcte du pays, au cas où elle fairait le choix de l’exclusion de l’autre.
Il est clair que le pouvoir actuel n’arrivera pas à redresser la
situation à moins d’un exploit sur la question de la stabilité politique. Il en
sera de même pour l’opposition politique si l’approche utilisée demeure
exclusiviste. C’est le cas de dire que des deux côtés le mal est infini pour
Haïti. Comme l’exigent les pétro-challengers, il faudrait une équipe neuve pour
assurer la transition (si transition il y aura), en tenant compte de l’intérêt
général en lieu et place des intérêts de clans ou de partis politiques. Seule une
entente nationale, seul un dialogue inter haïtien, seule une grande concertation
nationale pourrait nous aider à sortir de la situation actuelle, ou encore la
révolution violente où seuls les plus justes seraient sauvés. Alors si nous optons pour la grande
concertation nationale/Conférence Nationale Souveraine (souhaitable), qui organisera cette grande concertation
nationale? Nous autres ? BINUH ? Sans cette entente nationale, serait-ce le dechoukaj, la révolution violente?
Que le Dieu Tout Puissant nous vienne en aide! En attendant, contentons-nous de la qualification du Bresil au-d épens de l'Argentine (2-0) pour la finale de la Copa America, Haiti étant, une fois de plus, sortie de la course par le Mexique (0-1) pour la finale de la Gold Cup sur un pénalty imaginaire. That's life!
Que le Dieu Tout Puissant nous vienne en aide! En attendant, contentons-nous de la qualification du Bresil au-d
[4] Selon les données collectées au niveau du MTPTC par la CASDA/Cellule de
pilotage de la Caravane
[5] Rapport Bilan 2017-2018 du Ministère de l’Agriculture
[6] IHSI
[7] http://www.maghaiti.org/binuh-la-nouvelle-mission-des-nations-unies-en-haiti/?fbclid=IwAR16S1Hhdn7_7MTohLKuR6idGmdfgTHUUtjPniKkgeLz
[8] Eric Jean Baptiste a dénoncé un plan macabre visant
à amnistié certains membres de l’opposition une fois le gouvernement de
transition mis en place. Vexés, certains partisans de l’opposition ont mis le
feu à des succursales de Père l’Eternel
Lotto appartenant à M. Jean Baptiste.
1 commentaire:
Très beau texte, je voudrais le lire et le relire afin que je puisse produire mes commentaires malheureusement pour moi vous avez tout dit dans le texte. Mis à part quelques croquis retrouvés le texte est à fois informatif et instructif encore une fois félicitations pour ce beau texte. Tout de même j'ai quelques réserves qu'on aura le temps de discuter ça. J'ai une question pour toi, si vous dites ni le pouvoir ni l'opposition ne peuvent apporter la stabilité au pays vue le crétinisme de ces membres et les membres pourris de cette opposition, alors comment pourrait-on sortir de ce marasme ?
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