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dimanche 14 septembre 2008

INONDATION AUX GONAIVES ET AUTRES ZONES: CAUSES, CONSEQUENCES, PROPOSITIONS ET PERSPECTIVES.


Chers lecteurs,

Ce document a été publie en septembre 2004 après le passage de Jeanne aux Gonaïves. Le Premier Ministre Latortue et son Gouvernement l'avaient partiellement utilisé. Maintenant, après le passage de ces 4 cyclones sur Haïti en 3 semaines, en particulier Hanna et Ike, qui ont déversé des millions de mètres cubes d'eau sur la ville des Gonaïves en moins d'une semaine du 1er au 6 septembre 2008, j'ai décidé de republier ce document sur mon blog, afin de permettre au maximum de gens de savoir ce qui s'est passé en 2004 et mieux comprendre ce qui se passe maintenant. Ce document, mis à part certains chiffres comme par exemple la hauteur d'eau de 2 m en moyenne en 2004 qui est passée à 3 m en moyenne en septembre 2008, ou encore le nom de Jeanne à remplacer par Hanna, le nombre de morts qui est passé de 3000 à moins de 200 aux Gonaïves, la Rivière La Quinte qui heureusement a été curée en aval du Pont Gaudin sur environ 5000 m ainsi que certains drains quelques mois avant le passage de Hanna, l'existence d'un plan directeur pour le bassin versant (BV) financement BID, d'un dossier mini-CCI de 100 M USD pour Gonaïves laissé par le Gouvernement de transition, des travaux de drainage initiés mais inachevés au centre ville, du pont inachevé de la Savane Désolée, qui aurait pu être d'un grand secours s'il était achevé, et des interventions qui se faisaient toujours sans aucune coordination en dépit d'une unité de coordination et de réhabilitation des Gonaïves (UCRG) mise en place par le Gouvernement de transition mais dont on ignore si elle existe encore, ce document, dis-je, reste encore valable dans son essence et pourra aider les décideurs à mieux intervenir. Il faudrait toutefois revoir à la hausse le nombre d'emplois a créer sur l'ensemble du pays vu l'ampleur de la catastrophe due cette année au passage de ces 4 cyclones (FAY, GUSTAV, HANNA et IKE) en 3 semaines. Du jamais vu en Haïti!

Lisez en pensant que ce dossier a été préparé pour ce qui se passe maintenant, surtout avec la famine et les risques d'épidémies confrontés par Gonaïves et les autres zones du pays touchées par les 4 cyclones avec leurs lots de plus de 300 morts, des milliers de cadavres d'animaux et de centaines de millions de USD de dommage et du million de sans abris. Il faut réagir vite et bien. Cette fois-ci, la catastrophe est nationale. Et elle risque de se reproduire tout de suite. Alors, cessons de nous chamailler et mettons nous au travail si nous ne voulons pas voir disparaitre notre chère Haïti. Et nous avec.

Port-au-Prince, le 29 septembre 2004
INONDATION AUX GONAIVES ET AUTRES ZONES: CAUSES, CONSEQUENCES, PROPOSITIONS ET PERSPECTIVES.
Par Jean Robert JEAN-NOEL

Le samedi 18 septembre 2004, la tempête tropicale Jeannne est passée très lentement au large des côtes Nord de l’île d’Haïti. Selon les témoignages des habitants de la ville des Gonaïves (105,587 hab, IHSI 2003), il a plu toute la journée : pluie fine dès 10 h am et pluie diluvienne dans l’après-midi et dans la soirée. Ce qui a provoqué une inondation monstre au niveau de la commune des Gonaïves et des autres zones avec plus de trois mille (3000) morts dont plus de deux mille cinq cents (2500) aux Gonaïves, plus de 3000 ha de terres dévastées, plus de quarante mille (40000) familles sinistrées, dépourvues de tout, décapitalisées et dans une situation sanitaire précaire et catastrophique. Que s’est-il passé et quelles perspectives envisagées ?

Les principales causes de l’inondation aux Gonaïves

1.   Nous ne disposons d’informations exactes sur la quantité de pluie qui s’est abattue sur Haïti et en particulier sur les bassins versants (700 km2) de la Rivière La Quinte ; les estimations varient entre 9 et 13 pouces de pluie durant environ 24 heures. Cette rivière prend sa source au pied du versant sud ouest de Marmelade presque à hauteur de St Michel en passant par Ennery, Passe-Reine et reçoit sur son parcours (45 km environ) les eaux des nombreuses ravines en particulier de la Rivière La Branle au nord, de la Rivière Bayonnais au sud avant de se jeter dans la mer au niveau de Grammont dans la baie des Gonaïves. Mise à part la ravine Bassin ou Sedren qui draine les versants nord de la ville des Gonaïves, la Rivière La Quinte demeure l’exutoire naturel et principal de tous les autres versants (700 km2) surplombant la Commune des Gonaïves. A noter que tous ces versants sont dans un état avancé de dégradation, que la Rivière La Quinte n’a pas été curée depuis dix (10) ans, et a une section transversale assez réduite en déça du pont La Quinte et des brèches au niveau des berges.

2.   La Rivière La Quinte est toujours utilisée à des fins d’irrigation par des riverains tout le long de son parcours. Les prises non équipées de vannes de garde sont en général des prises sur berge renforcées par des barrages de fortune en travers de la rivière. En période de crues, les eaux ont tendance à s’échapper par ces brèches pour envahir les localités environnantes et la ville des Gonaïves. Dans le cas de JEANNE où l’on enregistrait une crue exceptionnelle et historique, ces prises de fortune ont très largement contribué à l’inondation des localités environnantes et de la ville des Gonaïves. Ce qui, dans le cadre d’un plan éventuel de reconstruction de la région, nécessiterait des conciliations et des compromis optima en ce qui a trait aux deux rôles essentiels de la Rivière La Quinte, le drainage naturel des versants de la région gonaïvienne et l’alimentation des systèmes d’irrigation.

3.   La ville est située au niveau de la mer avec des élévations comprises entre 1 m au centre ville et 4 m dans la zone de Gatereau et au pied du morne Biénac. La pente orientée est-ouest est très faible et ne favorise pas en temps normal l’écoulement des eaux vers la mer. D’où la tendance à la stagnation des eaux favorable au développement rapide des moustiques. Gonaïves est réputée pour ses moustiques « gwo tan kou yon bis o cap » selon la célèbre comparaison de Kompè Filo. Avec l’élévation du niveau de la mer en période de cyclones ou de mauvais temps, l’évacuation des eaux de pluies et de crues de la Rivière La Quinte devient très difficile et le niveau d’eau au niveau de la ville a tendance à grimper. Et c’est ce qui s’est produit ce samedi 18 septembre 2004 en atteignant plus de 2 m de hauteur moyenne.

4.   Depuis les travaux d’infrastructures liés au tri-cinquantenaire de l’indépendance d’Haïti (1954) entrepris par P.E Magloire où il fut procédé aux travaux de voirie urbaine, d’assainissement et de drainage du centre ville, la commune des Gonaïves a connu trois (3) grandes période de travaux d’infrastructure qui ont une incidence sur la situation actuelle, 1) la mise en place des équipements d’irrigation et de drainage au niveau de la Plaine des Gonaïves (1972-1979) à l’est du centre ville sur 2500 ha environ, 2) la réhabilitation de rues en adoquins et l’assainissement de rues aux Gonaïves avec les TPTC (1983-1992) et 3) le curage de ces mêmes infrastructures au niveau de la commune des Gonaïves, le nettoyage de la ville , la mise en place et la réparation d’équipements urbains à Raboteau et au centre ville (1993-1997) dans le cadre des programmes JOBS de PADF , de création d’emplois et PURE de l’UCG financés par l’USAID, la BID, la Banque Mondiale et l’Etat Haïtien. L’absence d’entretien de ces infrastructures de drainage depuis près de dix (10) ans a très largement contribué à l’inondation de la ville et de ses environs.

5. Dans les cinquante dernières années, Gonaïves a connu un développement anarchique en matière d’urbanisme. La ville s’est bidonvillisée dans ses périphéries et s’est agrandie considérablement jusqu’à absorber une grande partie de la plaine cultivable. Et les constructions sont érigées dans certaines zones sur des drains artificiels et des exutoires naturels. Ce qui complique la circulation des véhicules et des humains et empêche l’évacuation des eaux usées et de pluie. C’est là aussi une des causes de l’inondation de la ville.

Problèmes et Conséquences de l’inondation aux Gonaïves:

- lourde perte en vies humaines (2500 et plus)

Niveau Infrastructures :

§     Une ville et ses environs immédiats (Ennery, Passereine, etc) dévastés
·                     Route nationale coupée au niveau de Passe-Reine et Routes départementales impraticables et isolement de l’Artibonite par rapport au Nord-Ouest et au Nord
·                     Centrales électrique et téléphonique non fonctionnelles, pas de possibilités d’alimenter les maisons et de communiquer ;
·                     Système d’eau potable partiellement endommagé et absence d’électricité pour  remplir le réservoir principal ;
·                     Stations de radio et de télévisions fortement endommagées d’où impossibilité de sensibiliser et d’informer la population ;
o        Hopitaux, centres de santé, dispensaires et cliniques privés hors d’état de fonctionnement ;
·                     destruction de maisons d’habitation, d’édifices publics, des drains et voirie
·                     Formation d’un étang à Savanne désolée au niveau de Nan Maton et de l’Aérogare des Gonaïves. Cet étang formé couvre environ 25% de la superficie Savane Désolée (3000 ha) et un kilomètre de route nationale totalement inondée sur une hauteur moyenne d’un mètre rendant ainsi la ville difficilement accessible.

Niveau Institutions :

§     toutes les archives sont inondées et perdues
§     La non-organisation de l’aide aux sinistrés
§     Désarticulation de l’ensemble des institutions et organisations de la société civile et de l’Etat au niveau local

Niveau socio-économique :

§     Des gens traumatisés, démunis, et dépourvus du minimum vital
§     des chômeurs frappés dans leur essence
§     affaiblissement d’une économie déjà anémiée (avec des potentiels immenses (200 000 habitants)
§     situation sanitaire catastrophique (cadavres d’animaux, d’humains, eaux polluées, etc.)
§     destruction des produits alimentaires stockés,
§     famine généralisée et décapitalisation de la commune et de ses environs
§     recrudescence des actes de vandalisme qui sévissaient déjà avant l’inondation
§     pertes de récoltes, de bétails, de véhicules, de matériels de toutes sortes
§     Des gens livrés à la fureur des « chimè », sans abri et laissés-pour-compte

Propositions

Les propositions et perspectives envisagées tiennent compte de l’urgence de la situation gonaïvienne et des autres zones touchées mais aussi de la nécessité de regarder vers le long terme.

Recommandation no 1 : Entreprendre une opération coup de poing

Durant les trois semaines qui vont suivre, il faudrait envisager, avec la coordination du Comité de Coordination mis en place par le Gouvernement, une opération coup de poing avec la Santé Publique, les TPTC, le MARNDR et la police nationale renforcée par la MINUSTAH, les délégations départementales concernées, les Mairies, les Organisations de la Société Civiles, COSUVIGO, UARADCOME, AEA, Association des Ingénieurs des Gonaives, les Associations d’irrigants au niveau de Bassin Bleu, de Chansolme et de Port-de-Paix, les ONG CARE, CECI, PADF, etc en :renforçant les structures étatiques sur place (locales et dépêchées) tout en pensant à des rotations périodiques des brigades d’intervention (question de maintenir l’efficacité de l’opération) ; sollicitant l’appui de la communauté internationale si nécessaire ; identifiant et en travaillant avec les institutions et organisations nationales et locales comme les firmes de construction et de location de matériels lourd ( VORBE, HL, Haitian Tractor, SOGED, etc).

Résultats attendus :

ü  Nettoyage systématique des diverses zones touchées, en particulier la ville des Gonaïves, à l’enlèvement des cadavres d’humains et d’animaux et à leur enterrement dans des fosses communes séparées ;

ü  Désinfection de toutes les zones en utilisant des produits puissants capables d’éliminer systématiquement tous les germes de maladies liés à la stagnation d’eaux polluées, mais non toxiques pour les humains ;

ü  Identification des institutions et organisations susceptibles de mener à bien de telles opérations ;

ü  Meilleures possibilités d’interventions dans des zones touchées avec des routes d’accès plus faciles, des risques réduits de contamination et des informations plus fiables ;

Recommandation no 2 : Mise en place de trois (3) unités de coordination et de Gestion par zones touchées par l’inondation.
Parallèlement à la recommandation No 1, la Mise en place d’un « Task force » réparti en trois (3) unités composées des institutions étatiques, des collectivités territoriales et de la société civile locale, accompagnées par la police nationale et la MINUSTAH et qui travailleront en étroite collaboration avec la Coordination centrale. Ces unités seront des unités de Coordination et gestion mises en place de manière concertée et non partisane :
·                     une unité pour la ville des Gonaïves
·                     une unité pour les zones environnantes : Mapou, Passereine, Ennery, Coridon, Gros-Morne, etc.
·                     une unité pour le Nord-Ouest

Taches des unités, catégorie urgence Urgente
  1. Rencontre avec les responsables de la société civile locale, les collectivités territoriales, les institutions étatiques sur place, Par Ex pour Gonaïves Comité de support à la ville des Gonaïves » (COSUVIGO) , le Délégué, le Maire, les responsables de Santé, des TPTC, du MARNDR et de la Police Nationale etc.
  1. Recensement des sinistrés par quartier, par bloc de maisons, etc.
  1. Aménagement d’espaces pour les sans-abris
  1. Mise en place d’un comité de distribution par bloc ou quartier (personnes honnêtes et sérieux)
  1. Mise en place de brigades sanitaires pour désinfecter la ville, pour se débarrasser des cadavres d’humains et animaux.
  1. Distribution de kits par famille (aliments, médicaments préventifs, draps, vêtements, serviettes, pâtes, savons, ustensiles de cuisine, etc.) pour au moins 2 semaines de subsistance. A faire famille par famille. (40 000 kits) A titre indicatif 40000 @ 2500 G = 100,000,000 G ou (2,857,143.00 USD). S’assurer que chaque famille en trouve un.
  1. Distribution d’eau par camions- citernes journellement pour la cuisson, la lessive, la boisson en y mettant des comprimés de purification d’eau et l’hygiène. La centrale thermique de 1 MW construite spécialement pour les Pompes d’irrigation pourra être utilisée, si elle n’est pas gravement endommagée ; et la plupart des pompes non endommagées pourraient être actionnées pour l’alimentation des camions citernes.
  1. Mise en place de cliniques mobiles pour les soins d’urgence

Taches des Unités, catégorie Urgence
  1. Appui au nettoyage des maisons et recapitalisation des familles à raison de 1000 G/famille pour les tâches de nettoyage et brigades de pompier pour nettoyage à pression dans certains cas ;
  1. Mise en place d’un programme HIMO pour le nettoyage de la ville, le curage des drains, des canaux, le curage et le colmatage des brèches au niveau des rivières et ravines pour la conservation de sols et de l’eau au niveau des versants pour la réparation des routes en terre et en adoquins et la recapitalisation de 15,000 familles les plus démunies à raison de 1 emploi/ famille, soit 15000 emplois journaliers avec une rotation tous les six (6) mois, on toucherait 60000 familles en deux ans. Il faudrait pour cela la somme de 35,235,000.00 USD sur une période de deux (2) ans avec une participation locale d’une journée non payée. Pour ce travail, ces unités seront accompagnées par les spécialistes des programmes que le Gouvernement Haïtien se chargera de recruter pour veiller à la bonne exécution du programme et à une gestion transparente des fonds.
  1. Le recrutement des organisations et des groupes de bases organisés qui seront chargés de recruter eux-mêmes les travailleurs, ouvriers spécialisés et contrôleurs susceptibles de garantir le succès du programme.
  1. Le choix des sites et des aires d’intervention
  1. S’assurer de la formations des organisations et des groupes pour l’exécution des travaux selon un certain standard mais aussi pour bien gérer et produire des rapports périodiques répondant aux normes en la matière.
Tâches des Unités et de la Coordination centrale, actions à court, moyen et long termes
  1. Réparation et équipement des édifices publics et communautaires, construction de nouveaux édifices publics et communautaires ;
  1. Reconstruction de la ville suivant le plan d’urbanisme réalisé par la firme BETA et commandité par l’UCG et nécessité de réactualisation de ce plan d’urbanisme et de son application stricte dans la reconstruction ;
  1. Réhabilitions de l’environnement, réhabilitation et développement des infrastructures socio économiques de base, systèmes d’irrigation, Voirie urbaine, routes nationales et départementale, électricité, eau potable, communications, etc, au niveau de toutes les zones touchées ;
  1. Etude des causes de l’inondation et proposition d’un Plan d’Action axé sur l’Humain, le Social, l’Environnemental, l’Infrastructurel dans un cadre économique, financier et politique participatif, incitateur et tourné vers le local en tenant compte de la pensée globale ;

Recommandation No 3 : Lancer un vaste programme de création d’emplois (35000 emplois journaliers) à travers le reste du Pays en complément au programme 15000 emplois évoqué à la recommandation No 2.

Il est impératif pour le Gouvernement de créer des emplois temporaires sur une période de deux (2) ans. La création de 35000 emplois temporaires permettra au gouvernement de souffler et de soulager la misère de la majorité utilisée à des fins de déstabilisation. Les 35000 emplois journaliers avec des rotations trimestrielles permettront au Gouvernement de toucher en deux ans 280000 familles, soit 1,400,000 personnes. La somme requise pour créer ces emplois est de 82,215,000.00 USD.

A noter que ces deux programmes de création d’emplois (50000 emplois journaliers) exigeront des dépenses de l’ordre de 117,450,000.00 USD , soit 1,087,500 Personnes-mois (P-M) de travail sur 2 ans, plus que les 750,000 P-M prévus par le CCI.

En comptant les autres programmes d’infrastructures prévus par le CCI qui vont prendre plus de temps pour être mis en branle, le Gouvernement pourrait facilement atteindre 200,000 P-M de plus.

Recommandation No 4 : Profiter de la triste situation liée au passage de JEANNE pour une grande concertation nationale inclusive en vue d’un plan global de développement d’Haïti

La mise en branle d’un plan global de longue durée (50-100 ans) dans le cadre d’une grande concertation nationale convoquée par le Gouvernement Haïtien interpellant toutes les forces vives de la Nation tant en Haïti que dans la diaspora, en particulier les institutions, les organisations de la société civile, les partis politiques, les groupes de base organisés et le Gouvernement Haïtien (GOH).

Ce plan débouchera sur des propositions concrètes pour l’émergence d’un nouvel Homme Haïtien évoluant dans un cadre social plus convivial et inclusif, dans un environnement naturel régénéré et équipé d’infrastructures socio économiques de base grâce à un cadre économique et financier ouvert, attractif et incitateur et un cadre politique orienté essentiellement vers le développement intégral et global du Pays Haïtien, devenu par l’implémentation d’un tel plan, le porte drapeau d’une mondialisation à visage humain par l’emprunt, l’adaptation et le renforcement des valeurs fondamentales de la pensée globale.

CONCLUSION

En guise de conclusion, il est à souligner que si le Gouvernement n’applique pas ces recommandations même partiellement et certaines dans l’immédiat, la situation actuelle déjà très difficile à gérer aura tendance à s’empirer et à devenir explosive et pourra entrainer le Pays dans un tourbillon de violences susceptible de compromettre très sérieusement son avenir.

Nous ne voulons pas être alarmistes, mais dans la conjoncture actuelle avec les forces en présence, les intérêts divergents qui les caractérisent et surtout le spectre de l’aggravation de la situation qui arrange la plupart d’entre elles et non des moindres, le Pays pourra connaître les pires moments de son existence avec à la queue une occupation réelle et de longue durée sans aucune participation de ses fils et filles, même les plus compétents, mis à part ceux-là qui sont toujours à toutes les sauces et qui ne sont en fin de compte d’aucun pays, guidés seulement par leurs intérêts mesquins. Ne perdons pas de temps et agissons pendant qu’il est encore temps.
Jean Robert JEAN-NOEL
Ing Civil, Consultant
PDT de FONHDILAC

vendredi 11 juillet 2008

VIE CHERE : ENTRE ROME ET MADRID, HAITI N’A D’YEUX QUE POUR MICHELE

Ce texte peut être diffuse par n'importe quel média qui le juge utile, surtout s'il s'agit d'un média qui le reçoit au même moment de sa sortie sur le blog de l'auteur.

VIE CHÈRE : ENTRE ROME ET MADRID, HAITI N’A D’YEUX QUE POUR MICHELE

Par JEAN ROBERT JEAN-NOEL

Dans mon dernier texte sur la conjoncture haïtienne du 14 juin 2008 (réf. www.jrjean-noel.blogspot.com) , j’ai analysé la situation politique, l’insécurité et la problématique agricole par rapport à la Conférence de Rome sur la crise alimentaire mondiale du 3 au 5 juin 2008. Haïti a été à l’honneur en marge de cette conférence en cette journée du lundi 2 juin qui lui a été consacrée. Au cours de cette journée, il a été décidé, entre autre, d’envoyer une mission inter agence (FAO, FIDA, PAM, BM)[1] du 16 au 28 juin 2008 en Haïti et l’organisation de la conférence de Madrid le 15 juillet 2008 sur Haïti dont le thème définitif retenu est « sécurité alimentaire et développement rural en Haïti[2] ».

Entre temps, après le revers de Robert Manuel à la chambre basse, 2e Premier Ministre désigné par le Président Préval après la déconvenue d’Eric Pierre par la même chambre des députés, en particulier le fameux groupe CPP (concertation des parlementaires progressistes), le Président a pris soin de désigner au poste de Premier Ministre une femme, Mme Michèle D Pierre-Louis. Depuis, tous les médias ne parlent que de Michèle, presse parlée, écrite télévisée et les fora sur internet. Que faut-il en penser ?

L’occultation des problèmes réels du pays

Michèle a déchaîné les passions, délié les langues. Sa vie privée est étalée au grand jour, ses capacités aussi heureusement. Des prises de position pleuvent. Même le Président s’y est mêlé. Une fois de plus, Haïti a fait preuve de son incapacité à se pencher sur ses vrais problèmes : l’aggravation de la vie chère avec l’augmentation des prix du carburant qui va avoir des répercutions sur le coût de la vie et qui pourrait être l’étincelle qui provoquerait l’explosion générale cette fois-ci, la situation de vulnérabilité de notre pays en pleine saison cyclonique, la grande nécessité de trouver des réponses à ces problèmes qui pourraient valoir à notre pays une déchéance encore plus terrible, susceptible de compromettre définitivement son développement, etc., etc.

La priorité au développement d’Haïti

Le débat autour de Michèle a relégué à l’arrière plan la conférence de Madrid, qui pourrait être, si elle était bien préparée par nos responsables, la planche de salut pour notre pays pour redémarrer avec le processus de développement mis en veilleuse depuis avril 2008. Les émeutes de la faim ont empêché la conférence du 25 avril 2008 sur le financement du DSNCRP[3] qui aurait pu permettre à Haïti d’avoir accès à des fonds additionnels de l’ordre de 2 milliards de USD (J. E Alexis, avril 2008). Certes, la conférence de Madrid sur la sécurité alimentaire et le développement rural n’aura pas cette prétention, mais elle permettra à Haïti de se replacer sur l’échiquier international, d’aborder avec sérénité les aspects urgents de la problématique vie chère et jeter, avec ses partenaires de la communauté internationale, les bases pour un redémarrage du processus du développement durable du pays haïtien, ne serait-ce que dans les domaines du développement agricole et rural.

Que peut-on espérer de Madrid ?

Le thème de la conférence en dit long : « Sécurité alimentaire et développement rural en Haïti ». Organisée par l’Espagne et coprésidée par la France et l’Argentine, la conférence de Madrid du 15 juillet 2008, qui réunira la communauté internationale, les bailleurs de fonds et les pays amis autour d’Haïti, devrait déboucher sur une meilleure compréhension des derniers événements qui ont secoué notre pays en avril 2008, sur des engagements financiers vis-à-vis d’Haïti pour l’aider à faire face à la crise de vie chère, à combattre la faim par la distribution de nourriture à plus de 250000 personnes les plus vulnérables, par la création d’emplois dans les domaines d’assainissement, de routes, d’irrigation, de conservation de sol et de l’eau (environnement), etc., et par la relance de la production agricole tant au niveau des terres irriguées (80000 ha) qu’au niveau des montagnes humides, plaines, montagnes et plateaux secs (700000 ha) en saison pluvieuse.

En outre, cette conférence devrait permettre d’harmoniser les diverses initiatives et actions prévues au niveau de la présidence, des ministères de l’agriculture, des travaux publics, de la CNSA[4] et des agences du système des nations unies (SNU). Les besoins d’Haïti en financement pour faire face à cette grave crise devraient aller chercher, à mon humble avis, dans les 500 M de USD sur une période 2 ans et ½, et ce, en dehors des prévisions du DSNCRP. Ce qui permettrait à notre pays de créer plus de 100000 emplois journaliers pour les défavorisés durant cette période et envisager des actions durables pour le développement d’Haïti.

Cette conférence pourrait enfin statuer sur la nouvelle date de la conférence sur le DSNCRP renvoyée sine die en avril 2008 à cause des émeutes de la faim et leurs conséquences sur la situation globale du pays haïtien (instabilité politique, insécurité, coup d’arrêt au processus de développement, etc.).

En guise de conclusion, ce pays a trop de choses sérieuses à faire pour se concentrer uniquement sur les beaux yeux de Michèle D Pierre-Louis, encore que c’aurait été compréhensible. Mais descendre en dessous de sa ceinture, c’est vraiment le comble !

Que ceux-là qui ont réellement contribué au développement de ce petit pays « le plus pauvre de l’hémisphère occidentale » et qui se sentent moralement à point par rapport à eux-mêmes dans leur âme et conscience et par rapport à Haïti « lui jettent la première pierre » !

Sinon regardons ensemble ce que nous pouvons faire pour sortir notre pays du bourbier. Madrid pourra être notre planche de salut pour positionner Haïti comme « le pays modèle » dans la cadre de cette lutte mondiale contre le fléau de la faim. Pourquoi pas ? Haïti fut, selon Jean Généus (Autant en emporte la révolution, 2008), le pays modèle en matière de solidarité par sa « contribution dans la lutte de libération des peuples de l’Amérique latine » dont d’une certaine manière l’Argentine, face aux puissances coloniales européennes d’alors dont l’Espagne et la France. Les trois se mettent ensemble pour organiser la conférence de Madrid, à nous de profiter de leur solidarité actuelle pour le bien être de notre pays au lieu de nous chamailler sur le corps d’une femme de 61 ans. Et si c’était un homme comme on en a eu durant deux cents ans avec toutes sortes de mœurs et à tous les niveaux de l’appareil étatique, on en chuchoterait tout simplement comme on en avait l’habitude.

Laissons Michèle en Paix. Que son sort soit décidé uniquement au regard de la constitution de 1987 et de sa politique générale eu égard au programme proposé pour le développement d’Haïti. Au parlement de prendre objectivement ses responsabilités. Et ensemble regardons momentanément du coté de Madrid en ce 15 juillet 2008.



[1] FAO : organisation des Nations unies pour l’agriculture. FIDA : Fonds international de développement agricole. PAM :Programme alimentaire mondial. BM : Banque Mondiale.

[2] Le terme « souveraineté » alimentaire préalablement choisi a été remplacé par « sécurité » alimentaire. En tout cas, Haïti a intérêt à profiter de cette conférence pour initier des actions pour sa souveraineté alimentaire.

[3] Document Stratégique National pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté, notre nouveau cadre de coopération avec la communauté internationale (CI) qui a remplacé le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI) depuis octobre 2007.

[4] Commission nationale de sécurité alimentaire

jeudi 12 juin 2008

HAITI : VIE CHERE 12 AVRIL-12 JUIN 08 : DES EMEUTES DE LA FAIM A AUJOURD’HUI, LA POLITIQUE, L’INSECURITE ET L’AGRICULTURE

Port-au-Prince, le 14 juin 2008

HAITI : VIE CHERE 12 AVRIL-12 JUIN 08 : DES EMEUTES DE LA FAIM A AUJOURD’HUI, LA POLITIQUE, L’INSECURITE ET L’AGRICULTURE

Par Jean Robert JEAN-NOEL

Depuis le déclanchement de la crise liée à la vie chère (début d’avril 08), les prix n’ont pas cessé d’augmenter, sauf pour le riz. Des mesures annoncées par le Président Préval concernant le riz ont permis de faire passer le sac de 110 lbs de 51 USD à 43 USD temporairement. Par contre, pour les autres produits, les prix n’ont pas suivi. Par exemple, le lundi 2 juin 2008, une marmite de 6 lbs de maïs moulu se vendait à 125 GHT (3 USD environ) au marché de la Croix-des-Bouquets, une ville rurale de la région métropolitaine. En clair, la vie chère se perpétue et s’aggrave même. Mais cette crise est passée au second plan par rapport à la crise politique qui s’envenime suite au renvoi par le Sénat de J.E Alexis. On a également constaté une résurgence du phénomène de kidnapping et un intérêt particulier pour l’agriculture, susceptible, selon les spécialistes de la question, de répondre de manière durable à la crise alimentaire. Ce sont ces trois thématiques qui dominent l’actualité durant la période sous réflexion. Qu’en est-il exactement ? Et quelles solutions ?

Ce dossier 1) analysera la situation politique actuelle en regard de l’histoire haïtienne et de la conjoncture, 2) regardera le phénomène de kidnapping à partir de septembre 2004 jusqu’à maintenant, 3) s’attardera sur la situation de l’agriculture haïtienne par rapport aux réponses envisagées au niveau local et eu égard au Sommet de Rome sur la crise alimentaire mondiale avec un regard particulier sur Haïti[1], et 4) proposera des mesures minimales à arrêter sur les trois thématiques analysées, qui pourraient se lire séparément[2] malgré l’effort de l’auteur de les articuler entre elles et ,en particulier, par rapport à la situation politique.

LA SITUATION POLITIQUE

Haïti a été toujours dominée par la politique depuis sa création en 1804. En 1789, les mots liberté, égalité et fraternité résonnèrent de manière spéciale dans les oreilles des trois catégories d’habitants qui vivaient à St Domingue. La révolution française venait d’injecter le virus de la politique dans les veines de deux des trois catégories d’habitants de cette partie française de l’île de St Domingue. Ces deux catégories allaient fonder 15 ans plus tard dans cette partie de l’île le premier Etat nègre du monde sous le nom d’Haïti. La politique a permis à ces mulâtres et nègres de réussir leur coup d’essai et coup de maître en concrétisant dans le réel la première et la seule révolution d’esclaves de l’histoire mondiale basée sur des valeurs universelles véhiculées par la révolution française. C’était et c’est encore énorme ! Depuis, on essaie de tout résoudre par la politique. Elle prend le pas sur tout. Le peuple haïtien dans son ensemble se passionne pour la chose politique comme si son salut en dépend. Ceci se vérifie ces derniers temps. En effet, malgré la faim qui le tenaille, il reste suspendu à la nomination d’un nouveau Premier Ministre. Tout autre peuple se révolterait face à cette faim, à cette comédie qui se joue au niveau politique et face à ce phénomène de kidnapping qui lui ravit ses meilleurs cerveaux, soit par fuite, soit par assassinat, qui lui ravit ses dernières réserves de capitaux et l’enfonce dans la pauvreté la plus abjecte. Pourtant, mise à part la marche contre le kidnapping du 4 juin 2008, le peuple semble attendre une solution politique à ses problèmes et s’en remet au président, au parlement, et à certaines personnalités de l’ombre comme Alexis.

L’ombre d’Alexis

En effet, selon certains observateurs, Alexis serait devenu, depuis sa destitution par la Sénat, l’homme de l’ombre, qui décide du sort du pays. Il serait le vrai leader du groupe parlementaire, la concertation des parlementaires progressistes (CPP) qui avait décidé, contre toute attente, du sort d’Ericp Pierre. Alexis aurait été chargé par le Président de négocier le sort d’Ericq Pierre. Comme ce dernier n’avait pas eu le vote de la CPP, Alexis aurait été responsable d’un tel échec. Les rumeurs prétendent que Mr Bellerive, le Premier Ministre pressenti mais non désigné, une fois l’aval du Président obtenu se serait rendu immédiatement à la Primature pour obtenir celui du Premier Ministre renvoyé. Actuellement, dans les discussions pour la ratification du remplaçant de Pierre avec la CPP et la plate-forme ESPWA, Alexis semble au centre des débats, demeure jusqu’ici incontournable selon certains observateurs, et serait le seul susceptible de donner une très mince chance à Mr Manuel de traverser l’obstacle parlementaire.

Le coup de théâtre de Préval

Alors qu’il était question de deux autres candidats qui auraient beaucoup plus de chance de passer le cap du parlement, le Président a surpris tout le monde ou presque en faisant le choix de Bob Manuel. Ce choix ne fait pas l’unanimité et plonge le pays dans une sorte d’incertitude et d’attentisme. Au lieu d’améliorer la situation politique, il la complique. L’impression générale est que le Premier Ministre désigné ne va pas passer le cap parlementaire. Toujours est-il que les négociations en coulisse vont bon train et qu’officiellement le Premier Ministre désigné a déposé ses pièces. Il attend le verdict du parlement et « prie[3] ». En effet, le pays a besoin de prière pour s’en sortir, surtout que situation politique aidant, le phénomène de kidnapping refait surface.

LE KIDNAPPING

Depuis 2004, en particulier après le déclanchement de l’ « opération Bagdad » en septembre 2004, une semaine après le passage de la tempête Jeanne qui causa 3000 morts aux Gonaïves et environs, ce phénomène est venu hanter le quotidien du peuple haïtien avec la séquestration des kidnappés dans des « zones de non droits » comme Cité Soleil, Bel Air qui se réclamaient du Président Aristide et qui menaient une forme de résistance contre le gouvernement de transition. Après la prise de pouvoir par le Président Préval en mai 2006, on a enregistré une accalmie de courte durée avant la reprise du phénomène en novembre 2006 qui a obligé les écoles à fermer leurs portes prématurément en décembre de cette même année. Le GOH Préval/Alexis a dû réagir avec force pour contrer le phénomène. Depuis, il s’active ou est activé au gré des circonstances, en particulier quand la situation politique traverse une certaine période d’instabilité comme c’est le cas depuis les « émeutes de la faim » début avril 2008.

La remontée du phénomène liée à la crise politique

Selon l'Organisation des Nations Unies (ONU), le porte-parole Fred Blaise a dénombré un total de 152 enlèvements entre le 1er Janvier et le 31 Mai 2008, a rapporté l'agence de presse Reuters. Le nombre total d'enlèvements pour l'ensemble de 2007 était de 237. A noter que pour cette année on est déjà à 152 au mois de mai 08. Ce qui laisse présager que, si ce rythme se maintenait, on dépasserait largement le chiffre de 300 en fin d’année. Il convient également de noter que de nombreux enlèvements ne sont pas signalés donc ne sont pas connus du grand public et des médias.

Cette situation a tendance à s’aggraver à la faveur de la crise alimentaire mais aussi et surtout à la faveur de la crise politique qui vient se grever sur cette dernière. Les malfaiteurs ont profité de la situation actuelle pour opérer à visière levée et agir en toute impunité et de manière audacieuse et sauvage, les autorités étant occupées à autre chose. Malheureusement, ils sont allés trop loin avec l’assassinat malgré paiement rançon de ce « brillant » adolescent de 16 ans.

L’assassinat d’un innocent, le coup de trop

En ce mois de mai 2008, plus de trente personnes ont été enlevées à Port-au-Prince par des groupes armés réclamant des rançons, selon la police nationale. Ainsi, un écolier de 16 ans a été enlevé, torturé et tué par ses ravisseurs. Tout de suite après, ils ont enlevé cette travailleuse humanitaire canadienne à peine arrivée dans le pays mais qui a eu la chance d’être libérée. Ces deux cas ont été très médiatisés tant sur le plan national qu’international. Celui du jeune adolescent a révolté la conscience haïtienne et provoqué des réactions organisées et institutionnalisées. Un ensemble d’organisations et institutions de la société civile sous la houlette de la « Lutte nationale contre le kidnapping » (LUNACK) ont organisé des séances de travail, un atelier sur la question et la grande marche du 4 juin 2008.

La marche du 4 juin 2008

Des milliers de personnes de toutes les catégories sociales se sont défilées ce mercredi 4 juin 08 à la Capitale haïtienne durant 3 heures de temps contre le kidnapping. Cette marche a été soutenue par l’ensemble du peuple, sauf les malfras. La plupart des membres de la CPP ont payé de leur présence à cette grande marche. D’autres hauts fonctionnaires de l’Etat étaient là aussi en tant que simples citoyens, des responsables de partis politiques et surtout de la société civile. C’était l’une des rares fois où l’on était d’accord sur quelque chose. Cette marche traduisait le ras le bol d’un peuple assoiffé de paix, de liberté, de fraternité et de solidarité. La vraie âme haïtienne était au rendez-vous pour dire non à l’intolérable, à l’inacceptable, et exiger les autorités de ce pays à prendre leurs responsabilités face au kidnapping, et aussi, par delà ce phénomène, face à la gouvernance globale de ce pays pour aboutir à son développement de manière durable et harmonieuse, dont celui de l’agriculture susceptible de résoudre la crise alimentaire à la quelle sont confrontés le peuple haïtien et les autres pauvres de la terre.

L’AGRICULTURE

Depuis ces émeutes de la faim, l’agriculture est redevenue une thématique à la mode. En Haïti, un ensemble de mesures est annoncé par le gouvernement, la communauté internationale, la société civile. Certaines sont en cours. D’autres attendent la mise en place du nouveau gouvernement. Haïti est au centre des débats au niveau des instances internationales. Les bailleurs et agences font, comme en de pareils cas, des promesses et attendent les dossiers de la part du gouvernement haïtien, qui se tarde à être mis en place. Entre temps, les visites au pays sont légion et des initiatives internationales se prennent au nom d’Haïti (Brésil, Espagne, République Dominicaine, ONU, etc.). En tout cas, nos responsables eux s’enfoncent dans une crise politique provoquée soit disant pour résoudre la crise alimentaire (réponse politique du Sénat). Toutefois, une fois n’est pas coutume, l’agriculture, si elle reléguée au troisième plan par rapport à la politique et au kidnapping, n’en reste pas moins une préoccupation majeure.

De Port-au-Prince au Sommet de Rome, l’agriculture au centre des débats

En témoignent les visites à Port-au-Prince du Directeur Général de la FAO, Mr DIOUF et du Président Lula du Brésil, deux personnages clés du sommet de Rome sur la crise alimentaire. Le Sommet de Rome du 3 au 5 juin 2008 est en partie parrainé par l’organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui a dressé une liste de 22 pays dont Haïti qui sont particulièrement vulnérables à la faim et à la dépendance des importations de denrées alimentaires et du carburant. Ce sommet, qui a réuni 181pays et 43 chefs d’Etat et de gouvernement, permettrait, à partir des fonds qui seront débloqués, d’aider les pays durement touchés par la crise alimentaire actuelle à assurer le succès des prochaines campagnes agricoles et à garantir leur sécurité alimentaire à plus long terme grâce à des investissements accrus dans l’agriculture et la recherche.

Ce sommet devrait permettre de 1) « revoir les politiques passées », tout en analysant les menaces actuelles liées à la crise alimentaire qui méritent des réponses immédiates en matière de « prix des produits alimentaires » et des réponses à plus long terme pour « l'amélioration de la sécurité alimentaire mondiale », selon le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-Moon ;2) « revitaliser l'agriculture - en particulier dans les pays où les gains de productivité ont été faibles », ces dernières années ;3) « trouver des moyens d'appuyer ces initiatives, politiquement et financièrement ».

Ces mesures permettront de a) réduire de 50% le nombre de personnes sous alimentées dans le monde d’ici 2015 ; b) « augmenter de 50% d'ici l'an 2030 la production agricole pour satisfaire la demande croissante ». Une « équipe spéciale de haut niveau » est mise sur pied par le Secrétaire Général le mois dernier pour définir « un cadre global d’action » pour « une compréhension commune tant des problèmes que des solutions » (discours Secrétaire Général NU, Sommet de Rome 3-5 juin 2008).

En marge du Sommet, Haïti a été à l’honneur ce lundi 2 juin 2008 au cours d’une réunion organisée sous l’initiative du Brésil. Au cours de cette réunion, le Ministre de l’Agriculture haïtien, Mr F. Severin a eu à expliquer la situation d’Haïti, « ce qui est certainement une source de grande préoccupation » selon Ban Ki-Moon. « Je suis ici pour manifester et exprimer mon entière solidarité et mon soutien au peuple haïtien » a-t-il affirmé. Les dirigeants des trois agences de Rome étaient aussi présents à cette rencontre, le PAM, la FAO et le FIDA et le Coordonnateur humanitaire de l’ONU qui tous ont assuré Haïti de leur « soutien et coopération ». Mais en finale « C'est le Gouvernement haïtien qui a la responsabilité de remédier à cette crise ».

La demande du Président Préval

Pour faire face à cette crise, un plan a été présenté au Palais National le 12 avril 2008. Par la suite, selon le Miami Herald en date du 3 juin 08 sous la plume de Jacqueline CHARLES « le Président haïtien René Préval veut 60 millions $ en espèces pour aider à amortir le choc de la hausse du carburant et des prix des produits alimentaires en permettant aux Haïtiens pauvres d'acheter du riz, farine, huile de cuisine et autres produits de base à des prix subventionnés. Pour ce faire, il a sollicité directement des dons en argent de la communauté internationale ». Il faut noter que les réponses sont plutôt « maigres » selon un Haut Responsable haïtien.

Les fonds prévus pour Haïti

Au moment du déclanchement de la crise en Haïti et durant les deux derniers mois, plusieurs bailleurs et agences se sont manifestés et ont fait des promesses au gouvernement haïtien (GOH) pour l’aider à faire face à cette situation. Ces promesses prennent la forme de dons en argent, en nature, en assistance technique et en matériels, etc.

Tableau 1 : Fonds prévus pour Haïti.

Pays/Institution

USD

FD direct au GOH

A travers Partenaire

Remarque

Canada

10, 000,000.00

Non

PAM

Pour des vivres à 350000 pers.

Communauté de la Caraïbe

7, 000,000.00

Oui


Don au GOH

France

6, 500,000.00

Non

PAM/FAO

Pr nourriture, intrants et outils

BID

27, 000,000.00

Oui


Décaissement accéléré

USA

45, 000,000.00

Non

USAID/PAM/CRS

/World vision

Aliments et autres pr 2.5 M de pers.

Venezuela[4]


Oui


Tracteurs, Intrants et 40 T de nourriture

Banque mondiale (BM)

10, 000,000.00

Oui


Don au GOH

Total

105, 500,000.00




Sources : Miami Herald du 3 juin 2008

En plus des bailleurs cités ici, d’autres comme le FIDA se sont manifestés et sont prêts à réallouer des fonds en vue du financement des actions orientées vers la résolution de la crise alimentaire de manière durable. Des missions ont été effectuées et prévues en ce sens. L’Union Européenne (UE) s’est également manifestée. On n’est pas en mesure actuellement de fournir l’information sur le montant prévu par l’UE. Il faut souligner que ces fonds n’ont rien à voir avec le Sommet de Rome qui d’ailleurs n’était pas une conférence de levée de fonds.

Les fonds prévus pour faire face à la crise alimentaire mondiale

En effet, le Sommet de Rome n’avait pas prévu de faire une levée de fonds. Mais la plupart des bailleurs et pays présents avaient jugé nécessaire de faire quelques promesses. Car les besoins financiers pour faire face à cette grave crise mondiale sont énormes. On estime les besoins financiers annuels à 30 milliards de USD pour éradiquer le fléau de la faim. La FAO a besoin de « 1,7 milliard de dollars en nouveau financement » pour cette année 2008 ; le PAM de « 755 millions de dollars ».

C’est dans cette perspective que la plupart des donateurs ont promis les montants suivants inscrits dans le tableau 2.


Tableau2 : Financement Promis

Pays/Institution

Montant en USD

Durée

Remarque

Banque Africaine de Développement (BAD)

1, 000, 000,000.00


Multilatérale régionale

Banque Islamique de développement

1, 500, 000,000.00

5 ans

Multilatérale régionale

Banque Mondiale (BM)

1, 200, 000,000.00


Multilatérale

Fonds International de développement agricole (FIDA)

200, 000,000.00


Multilatérale

ONU

100, 000,000.00


Multilatérale

Espagne

773, 000,000.00

4 ans

Bilatérale

France

150, 000,000.00

5 ans

Bilatérale

Japon

150, 000,000.00


Bilatérale

Koweït

100, 000,000.00


Bilatérale

Nouvelle-Zélande

7, 500,000.00


Bilatérale

Pays-Bas

75, 000,000.00


Bilatérale

Royaume-Uni

550, 000,000.00


Bilatérale

Vénézuéla

100, 000,000.00


Bilatérale

Total

5, 905, 500,000.00



Sources combinées

Le montant total des promesses faites au cours du déroulement du sommet se chiffre donc à environ six milliards de USD, soit exactement cinq milliards neuf cent cinq millions cinq cents mille dollars américains (5,905,500,000.00 USD).Il faudrait aussi noter que, selon la lettre du Président Bush du 30 mai 2008[5] au Secrétaire Général de l’ONU, Mr Ban Ki-Moon, un montant additionnel de 770 M de USD est sollicité au Congrès pour l’assistance alimentaire, ce qui porterait à 5 milliards de USD la contribution américaine pour 2008 et 2009.

Le résultat du sommet : « échec total »

Malgré ces promesses de fonds, le sommet de la FAO sur la crise alimentaire serait un « échec total », selon l’ancien rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, dans le cadre d’une interview en date du 6 juin 08 au Journal français, Le Monde.

Selon lui, « l'intérêt privé s'est imposé, au lieu de l'intérêt collectif. Les décisions prises à Rome risquent d'aggraver la faim dans le monde, au lieu de la combattre ». Et les responsables de cet échec sont « D'une part, les Etats-Unis et leurs alliés canadiens et australiens qui ont saboté le sommet en faisant pratiquement la politique de la chaise vide. D'autre part, les grandes sociétés multinationales. Dix sociétés multinationales contrôlent actuellement 80 % du commerce mondial des aliments de base mais elles ne sont pas la Croix-Rouge et ne sont pas en charge de l'intérêt collectif. Troisième responsable, et je le dis avec beaucoup d'inquiétude, c'est le secrétaire général des Nations unies, qui est chargé de faire des propositions. Or, il ne le fait que d'une façon très insuffisante. ».

Pour éviter cet échec, le sommet aurait dû arrêter trois grandes décisions. « Tout d'abord, l'interdiction totale de brûler de la nourriture pour en faire des biocarburants. Ensuite, retirer de la Bourse la fixation des prix des aliments de base, et instaurer un système où le pays producteur négocie directement avec le pays consommateur pour exclure le gain spéculatif. Troisièmement, que les institutions de Bretton Woods, notamment le Fonds monétaire international, donnent la priorité absolue dans les pays les plus pauvres aux investissements dans l'agriculture vivrière, familiale et de subsistance ».

CONCLUSION

Les émeutes de la faim du début d’avril 2008 ont provoqué en Haïti une crise gouvernementale donc politique, ravivé l’insécurité dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et replacé l’agriculture au centre des débats tant au niveau national qu’au niveau international (une forte contribution d’Haïti à la prise de conscience mondiale par rapport à cette problématique).

Echec ou pas, le sommet de Rome a tenté de poser la problématique alimentaire mondiale et d’y trouver des solutions mêmes insuffisantes, en laissant aux gouvernements nationaux le soin de prendre en charge leur problématique alimentaire respective et spécifique, tout en leur fournissant le soutien et la coopération de la communauté internationale (CI).

Dans le cas d’Haïti, la crise alimentaire a complexifié la situation globale déjà précaire du pays. Ce qui nécessite des solutions à plusieurs problématiques en même temps. Ces solutions ne peuvent venir que des haïtiens et d’eux seuls, naturellement avec l’appui de la communauté internationale. Par rapport à ces trois problématiques analysées dans le cadre de ce document, les solutions sont encore possibles et Haïti dispose de suffisamment d’éléments de solutions pour y faire face.

La crise alimentaire a replacé Haïti au devant de la scène internationale. Si elle a donné un coup terrible à l’image du pays, elle a aussi fait comprendre au monde entier la nécessité de revenir à la politique de la terre et de mettre tout en œuvre pour l’augmentation de la production agricole pour l’éradication du fléau de la faim. En ce sens, Haïti a une carte très sérieuse à jouer afin de se positionner comme « le pays modèle » dans le cadre de la résolution de cette crise. Pour cela, il faudrait :

1) Mettre en place un nouveau gouvernement dans le plus bref délai, la balle est dans le camp des Dirigeants ;

2) Prendre des mesures urgentes et drastiques contre le phénomène du kidnapping, la société civile a indiqué la voie à suivre, à la justice, la police et au parlement de profiter de la conjoncture pour arrêter les mesures qui s’imposent et se donner les moyens appropriés pour éradiquer ce fléau ;

3) Adapter le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) par rapport à la nouvelle conjoncture créée par la crise alimentaire et revoir certains accords internationaux en relation avec le DSNCRP (FM, BM) ;

4) Augmenter de manière substantielle le budget du secteur agricole autour de 12 à 15% par rapport à la situation actuelle autour de 4%, en gardant à l’esprit que ce secteur contribue pour 25% à la richesse du pays ;

5) Procéder à des reformes au sein du secteur agricole, en se basant, entre autre, sur la politique agricole en phase finale d’élaboration et sur un plan sérieux de relance de la production agricole susceptible de permettre au pays de réduire sa facture de produits alimentaires importés de moitié d’ici 2011 ;

6) Renforcer la capacité de négociation du pays avec la communauté internationale, en adjoignant à l’équipe gouvernementale des cadres de la société civile tant au niveau interne qu’au niveau de la diaspora haïtienne pour permettre au pays de négocier les meilleurs accords susceptibles de déboucher sur son développement harmonieux.

Si Haïti et ses enfants ne sont pas capables d’arrêter, dans un délai raisonnable, ces mesures minimales, il faudra commencer par s’écarter de « l’option haïtienne de développement » et envisager sérieusement « l’option internationale de développement » pour le pays haïtien en laissant son développement aux bons soins de la CI sans interférences haïtiennes, ou une autre option parmi les quatre envisagées par JR JEAN-NOEL (Réf. La combinaison d’options de développement, la porte de sortie pour Haïti, avril 2004, www.jrjean-noel.blogspot.com ). Ce serait une triste fin pour une épopée si bien commencée d’il y a un peu plus de 204 ans ! A bon entendeur…



[1] La journée du lundi juin 2008 a été consacrée à la situation d’Haïti.

[2] Sauf la conclusion et les recommandations qui sont communes aux trois thématiques traitées.

[3]Malgré sa prière, ce 12 juin à 6h05 PM, R Manuel est rejeté comme Premier Ministre par la chambre des députés.

[4] On n’a pas pu chiffrer la valeur exacte de l’aide du Venezuela.

[5] Soit deux jours avant le Sommet de Rome