Rechercher dans ce blog et le WEB

samedi 13 juin 2009

HAITI: GONAIVES, DES SOLUTIONS A LA MESURE DU DEFI ENVIRONNEMENTAL HAITIEN

HAITI : GONAIVES, DES SOLUTIONS A LA MESURE DU DEFI ENVIRONNEMENTAL HAITIEN[1]

Jean Robert JEAN-NOEL

Port-au-Prince, le 4 mai 2009.

En l’espace de quatre ans (Jeanne en 2004, Hanna et Ike en 2008), la commune des Gonaïves a subi en deux fois les effets destructeurs des eaux en furie de la rivière La Quinte et de ses affluents La Branle, Bassin, Ennery et Bayonnais. Les crues exceptionnelles de Hanna et de Ike, bloquant momentanément l’accès au Grand Nord et isolant la Ville par voie terrestre durant plus d’une semaine, ont causé des dégâts matériels beaucoup plus importants que Jeanne (5441 maisons détruites, 22285 endommagées) chiffrés à plusieurs centaines de millions de dollars américains, des pertes considérables en vies humaines mais moins que Jeanne (Jeanne : 3000 morts, Hanna et Ike : 701 personnes mortes et disparues, 50000 familles affectées).

Dans les deux cas, Haïti a bénéficié de l’appui d’une multitude d’organisations de solidarités tant nationales qu’internationales, menant des actions humanitaires et de relèvement visant un tant soit peu le rétablissement du cadre de vie. Dans les deux cas, l’Etat Haïtien, par l’intermédiaire du Gouvernement en place, a promptement réagi. En 2004, par des actions d’urgence et la mise en place d’une unité pour la coordination et de reconstruction des Gonaïves (UCRG), qui a produit, avec l’aide de la communauté internationale, une stratégie de 100 M USD, appliquée partiellement et de manière non coordonnée. En 2008, par des actions d’urgence, humanitaires et de relèvement avec l’appui de la communauté internationale. Devant le constat de réponses pas tout à fait appropriées jusqu’ici, et, en prévision d’une période de retour de tels évènements rendue de plus en plus imprévisibles à cause du phénomène du changement climatique, le Gouvernement actuel, pour éviter toute répétition de ce drame et assurer le leadership des interventions, a décidé de mettre en place une Commission ad hoc Interministérielle[2] sur Gonaïves, coordonnée par le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR).

MISSION DE LA COMMISSION, APPROCHES PHILOSOPHIQUES ET HYPOTHESE

La mission confiée à la commission a été de proposer au Gouvernement des pistes d’orientation et des actions concrètes chiffrées susceptibles de : (i) Favoriser la Protection de la ville Gonaïves contre les crues exceptionnelles de la Rivière La Quinte et de ses affluents, (2) Protéger le site de la ville des Gonaïves contre les crues normales de la Quinte, et (3) Rendre la ville des Gonaïves accessible en tout temps et la Route Nationale No 1 (RN1) toujours en état de fonctionnement.

Le tout devra contribuer à permettre au Gouvernement de monter un Programme de long terme de Reconstruction de la Ville des Gonaïves, en prenant en compte le bassin versant de la Rivière La Quinte et sa périphérie. D’où les deux approches guides du travail de la commission, l’approche bassin versant et l’approche périphérique.

L’hypothèse de départ est que tout investissement massif pour résoudre la problématique Gonaïvienne exigerait que l’on se concentre , durant au moins 25 ans, non seulement sur Gonaïves mais aussi sur l’ensemble du bassin versant avec tout ce qu’il y a à l’intérieur et sur sa périphérie. Car cet investissement, en plus de favoriser la résolution définitive du problème, attirerait un flot d’individus vers Gonaïves à la recherche de nouvelles opportunités et d’emplois. Il faudrait les arrêter au niveau de la périphérie, considérée comme zone tampon, en créant des opportunités pour absorber même partiellement ce flot et aussi pour fixer les populations locales.

DEMARCHE

La démarche adoptée a été de type classique avec : (i) Visite diagnostic, (ii) Séances de travail avec les élus locaux (Maire et Député) et les cadres de terrain (Ingénieur Municipal et Ingénieur Départemental Agricole, Directeur Départemental Travaux Publics, autres Ingénieurs et agronomes résidant aux Gonaïves), (iii) Entrevues avec des riverains, (iv) Appui de certains cadres et institutions tant nationaux qu’internationaux en termes de discussions, de mise à disposition de la documentation nécessaire et de propositions, (v) Séances de travail au bureau, (vi) Discussions sur les points saillants relevés sur le terrain, (vii) Consultation des documents existants, (viii) Propositions de pistes de solution, (ix) Elaboration du document de présentation et du rapport de mission d’orientation.

DIAGTOSTIC DE LA SITUATION GONAIVIENNE

Gonaïves, situation géographique et climatique

Gonaïves (environ 200,000 habitants en 2004), située à 150 Km au nord de Port-au-Prince, est une ville très plate. Son altitude varie de 0.00 à 15.00 m au-dessus du niveau de la mer. Elle couvre une superficie directe de 10.00 km2 dominée par un bassin versant totalisant 700.00 km2. Ce vaste bassin versant, culminant à 1100 m et qui reçoit entre 550 mm au niveau de la plaine et 1500 mm au niveau du Massif du Nord et des Montagnes Noires est drainé par la rivière La Quinte et ses affluents et dispose d’un potentiel irrigable de 12500 ha à l’intérieur et de 15000 ha autour. En temps ordinaire, la rivière et ses affluents sont dérivés par une multitude de prises d’eau pour alimenter, à la faveur des crues localisées, des petits périmètres de production vivrière dans les vallons de Bayonnais, Passe-Reine, Dubédou, Badon Marchand, Deux-Barrières et la basse plaine des Gonaïves. Dans la partie haute de la plaine irriguée par pompage dans l’aquifère, l’épandage des crues de La Quinte est pratiqué depuis plus de quarante ans pour atténuer la salinité des sols.

Pour mémoire, à Ennery, il a été enregistré 261 mm de pluie au matin du 19 septembre 2004. Cette averse a duré cinq (5) heures de temps et provoqué une montée d’eau d’environ 3.00 m en moyenne au niveau de la ville. Pour comparaison, les précipitations enregistrées à l’occasion du cyclone Hazel, en 1954, étaient de 140 mm et avaient submergé la ville de 1.20 m. A l’échelle du bassin versant, cette précipitation de 261 mm en 5h de temps correspondrait à 10,150 m3/s.

Les observations faites sur le terrain suite au passage de Hanna, d’Ike et les différents témoignages des riverains autorisent à admettre une hauteur moyenne de submersion de 4.50 m de hauteur d’eau au niveau de la ville. Selon deux ingénieurs[3] basés aux Gonaïves, Hanna et Ike auraient, dans l’espace de cinq (5) jours, arrosé le bassin versant de La Quinte de 1180 à 1220 mm de pluie ; cette information est confirmée par The Economist[4] qui, dans un article daté du 12 février 2009, parle « d’un (1) mètre d’eau en une seule nuit », soit approximativement 12h de temps ; à l’échelle du bassin versant, cette précipitation de 1m en 12h de temps correspondrait à 16,203 m3/s. Par rapport aux hauteurs d’eau constatées en 2004 et en 2008 au niveau de la ville, les crues de Hanna et de Ike ont été beaucoup plus importantes que Jeanne.

Les ouvrages de drainage mis en place dans les années 1950, 1970[5] et 2006-2007 et les récents ouvrages inachevés (2006-2007) dans la ville des Gonaïves et sa périphérie n’ont pas été construits pour l’évacuation des crues maximales de cette envergure, il en est de même pour le drainage naturel que constitue la rivière La Quinte qui n’a pas cette capacité d’évacuation. Ces ouvrages ont donc subi des dégâts importants, favorisé des inondations, le remplissage du lac de Savane Jonc qui de 400 ha dans les années 1950 est passé à 2100 ha en février 09 avec un taux d’évaporation de 6 mm par jour, l’isolement de la ville par des dommages importants au niveau du réseau routier desservant la ville. Ce qui a obligé l’Etat à des gymnastiques de toutes sortes pour rétablir la circulation terrestre et à la population d’avoir accès à un minimum de services de base, même si elle a encore des difficultés au niveau sanitaire par insuffisance de service liée à l’état désastreux du principal centre hospitalier des Gonaïves, l’Hôpital la Providence.

Constats et informations sur Gonaïves et environs en février 2009

La population vaquait à ses occupations quotidiennes malgré la poussière aveuglante et permanente à tous les endroits de la ville. Cette situation résultait de la présence d’environ 500,000.00 m3 de boue au niveau de la ville et dans la plupart des ruelles difficiles à évacuer à cause de l‘effondrement de plusieurs ponceaux et dalots ; ce chiffre serait de l’ordre 2,600,000 m3 dont 40 à 60% auraient déjà été enlevés, selon les estimations des deux ingénieurs Gonaïviens, qui, eux, tiennent compte des zones irriguées et irrigables. L’urbanisation anarchique de la ville est en grande partie responsable de cette situation. En effet, « Déjà en 1997, le Dossier Urbain de Gonaïves et le Plan de Zonage de la ville[6] mettaient en avant cette situation comme un facteur pouvant déclencher un désastre dans la ville », selon l’UCRG[7]. Il faut noter aussi que la plupart des ouvrages étaient en plus d’être mal conçus mais obstrués donc non fonctionnels. Il s’agit de gués à lunettes, de ponts, de drains agricoles et urbains, de l’étroitesse du lit de la rivière La Quinte en aval du Pont Gaudin. Ces ouvrages ont favorisé les inondations même en cas de crues normales.

Toutefois, certaines actions ont permis de récupérer des infrastructures endommagées et faciliter la reprise des activités. Les deux centrales thermiques pouvant produire environ 16 MW sans compter l’apport éventuel de la Centrale Hydroélectrique de Drouet et de la centrale de Délugé, fonctionnent et fournissent de l’électricité 24/24. Les réservoirs de Desmurailles et de Biennac avec une capacité de plus de 3000 m3 facilitent, tant bien que mal, l’accès à l’eau potable aux habitants de la ville après des réparations effectuées aux réseaux de distribution. Sur les 39 pompes d’irrigation se trouvant dans l’aire de l’ODPG, 3 alimentent le réservoir de Biennac et de Desmurailles, 24 sont en état de fonctionnement après réparations et 12 sont hors d’usage. Environ cinq mille (5000) hectares de terre étaient emblavés en différentes cultures telles que haricot, tomate, aubergine, riz et petit mil. Beaucoup de têtes de bovin, porcin, caprin et équin sont remarquées dans la partie aval de la plaine et dans l’aire du drain D7.

Les interventions de la firme TECINA S. A. sur un tronçon de 400 mètres linéaires n’auront pas l’effet escompté si d’autres actions en amont et en aval ne viennent pas les compléter et consolider, selon l’étude de rectification de la Rivière La Quinte[8] financée par l’UE sur 14 km et les propositions de la mission sur Gonaïves.

La zone des Gonaïves, le berceau de l’indépendance haïtienne, dispose d’un certain nombre d’atouts comme une population dynamique et combative, de nombreux marais salants dont la plupart ont été inondés, des écoles primaires et secondaires, un embryon universitaire, des maisons de commerce, des temples du vodou les plus réputés de la République, un embryon de parc industriel transformé en dépôt, deux ports dont un de grande capacité, des minerais avec 2% de teneur en cuivre contenant en réserve plus de 8, 000,000 tonnes métriques, plus d’un million de m3 de calcaire marbrier à Périsse, Ravine à Couleuvre, Provence, Darang, et une multitude de localités contenant des carrières susceptibles d’être transformées en ciment. D’où possibilités d’installer des cimenteries au niveau de la zone Gonaïvienne.

En première considération, il va sans dire que Jeanne, Hanna, Ike sont des phénomènes extraordinaires dont les conséquences désastreuses n’auraient pu être évitées par aucun des aménagements et équipements de drainage existants. En effet, il a été constaté des hauteurs (> 0.50 m) et longueurs de submersion (180 m) sur le pont en construction à Savane Désolée, plus de 5m de hauteur à l’Avenue des Dattes sur au moins 1km, et plus d’1 m d’eau sur au moins 5 km au niveau de Mapou Chevalier en aval de la confluence des rivières La Branle et Ennery ; l’ensemble de ces constats et ces points relevés se trouvent sur la route nationale no 1 (RN1). Les hauteurs d’eau constatées et les volumes d’eau calculés confirment l’exceptionnalité des phénomènes enregistrés en 2004 et en 2008. S’il est donc impossible d’arrêter les précipitations cycloniques, cependant, les eaux qu’elles produisent et les crues qu’elles génèrent peuvent être contrôlées et maîtrisées.

DES PROPOSITIONS A LA MESURE DU DEFI ENVIRONNEMENTAL CONFRONTE

Sur la base des informations glanées, des constats effectués, des discussions et réflexions menées, la Commission a proposé des interventions suivantes à court, moyen et long termes touchant les composantes relatives aux objectifs fixés par le Gouvernement,

(i) Aménagement et Gestion de bassin-versant,

(ii) Relance de l’agriculture,

(iii) Transport terrestre et maritime, et

(iv) Coordination et gestion des interventions aux Gonaïves et environs

Il faut souligner que ces actions proposées et d’autres qui seront identifiées seront mises en œuvre, pour la plupart, après des études sérieuses et approfondies, par des partenaires tant locaux qu’internationaux sous la coordination d’une structure permanente de coordination et de reconstruction de la Région Gonaïvienne (SPC2RG) à mettre en place le plus rapidement possible par le Gouvernement Haïtien.

A- Protection de la ville des Gonaïves contre les crues exceptionnelles

1- Mise en place d’une digue de 18 km sur la rive droite de la Rivière La Quinte en prolongement de la rive droite de la Rivière La Branle,

2- Erection de quatre grands barrages (volume > 10, 000,000.00 m3) de retenue (régulation) totalisant 155 millions m3 d’eau au niveau des rivières d’Ennery, Labranle, Rivière Bassin et Ravine Parisse, soit plus de 25% du volume d’eau reçu en une nuit (voir l’annexe 4 du document d’orientation pour les coordonnés de ces barrages);

3- Erection de 20 micro barrages de retenue (<5,>3) et de 10 moyens barrages de retenue (5, 000,000.00 m3 <>3) sur l’ensemble du bassin versant, soit approximativement la capacité de stockage de 150 à 200 millions de m3 d’eau ; soit plus de 28% du volume d’eau reçu en une nuit ;

4- La construction de 600 citernes familiales de 5000 gallons chacune, de 100 citernes collectives de 30000 gallons chacune, de 10 impluviums et 10 réservoirs de 1000 m3 pour faciliter le regroupement des populations, 300 bassins piscicoles individuels ou familiaux et près de 800 puisards pour recharger les aquifères ;

5- Traitement de 100 km de ravine avec des seuils en pierres sèches,

6- Mise en place de dispositifs mécaniques et biologiques sur 45,000 ha des 70,000 ha du bassin versant de La Quinte, et de 6 pépinières pour la production des plantules.

7- La mise en place d’un système performant d’alerte précoce et la mise en route d’une campagne de sensibilisation permanente visant l’ensemble du bassin versant et sa périphérie en utilisant toutes formes de media.

B- Protection de la ville contre les crues normales

1- Rectification et curage de la Rivière La Quinte sur une longueur de 20 km, de l’embouchure jusqu’à la gorge André-Duquenay (Morne Joli), en se basant sur l’étude de l’UE ;

2- Rectification et curage de la Rivière La Branle sur une longueur de 10 km jusqu’au point prévu pour le barrage de régulation, en aval du village du même nom ;

3- Rectification et curage de la Rivière Bayonnais sur 5 km à partir de son point de confluence avec la Rivière La Quinte ;

4- Mise en place de 20 ouvrages de prise au niveau de l’ensemble des canaux d’irrigation en y introduisant près de 200 petits ouvrages de distribution, de régulation, de traversée, de tronçons en dur, ou mise en place de deux (2) barrages de dérivation ;

5- Augmentation du gabarit des Pont Gaudin et Pont Bigot et remplacement du Pont Mapou,

6- Elimination des 2 gués à lunettes sur les rivières La Quinte et Bayonnais et leur remplacement par des ponts ;

7- Enlèvement et stockage des 500 mille à 1 million de mètres cubes de sédiments qui obstruent la plupart des endroits de la ville ;

8- Remise en état de fonctionnement de l’ensemble des drains artificiels et naturels de la ville et de ses environs sur une longueur de 100 km environ, soit 60 km de secondaires et 40 km de primaires ;

9- Achèvement des travaux de drainage de la ville entamés en 2006 et dont la plupart ont été suspendus pour des raisons diverses ;

10- Dragage des points critiques de la Baie des Gonaïves.

C- Accessibilité de la ville et de la RN1 en tout temps

1- Maintien du tracé actuel par Savane Désolée (9 km), moyennant l’achèvement du « Pont le plus long de la Caraïbe » et la régulation du Lac de Savane Jonc par la mise en place d’un canal d’évacuation ou de décharge en val et d’un canal d’alimentation au niveau de La Quinte- Bayonnais, ou

2- Réalisation d’un autre tracé à flanc de coteau au Morne Bayonnais (25 km) en franchissant la Rivière Bayonnais au moyen d’un pont pour accéder à la RN1 en un point non inondable bien en amont du Pont Mapou dans la zone de Poteau ;

3- Réalisation d’un nouveau tracé à flanc de coteau du Morne Granmont (22 km) en contournant le lac actuel par le sud et en franchissant la Quinte par un ouvrage de traversée important,

4- Consolidation et réaménagement du tracé actuel aménagé (17 km) en 2004 après le passage de Jeanne et repris depuis le passage de Hanna et Ike;

5- Réaménagement et mise en place d’ouvrages de traversée adéquats au niveau de Pont Gaudin (agrandissement), de Pont Mapou (remplacement), de Pont d’Ennery (remplacement)

6- Traitement de 200 km de pistes agricoles, de tertiaires et de secondaires tant au niveau de la plaine qu’au niveau du bassin versant, en y incluant le tronçon Gves-Anse Rouge, et ce, quelle que soit la variante choisie ;

7- Encouragement à la mise en place d’une flotte maritime pour relier les villes côtières dont Gonaïves (Réf. Annexe 3 du rapport d’orientation).

SEQUENCES ET DEROULEMENT DES ACTIONS PROPOSEES

La situation actuelle aux Gonaïves peut se révéler très difficile à la prochaine saison pluvieuse et surtout cyclonique si rien n’est fait en urgence. Il est clair que les travaux déjà réalisés ont grandement amélioré la situation, mais on est encore loin de l’optimum souhaité. Aussi est-il souhaitable d’arrêter un certain nombre de mesures de court, moyen et long termes qui tiennent compte des aspects humain, social, environnemental, infrastructurel, économique et de gouvernance. Le programme d’urgence pré cyclonique 2009 de plus de 600 millions de gourdes conçu par le Gouvernement et actuellement en cours d’exécution, devrait, en principe et en partie, apaiser les inquiétudes dans le très court terme. Pour les actions de court, moyen et long termes, elles seront séquencées de manière telle qu’elles se dérouleront en parfaite harmonie, en s’imbriquant les unes aux autres sous la houlette de la SPC2RG, pour produire des résultats à la mesure des attentes et des moyens mis en œuvre.

BUDGET ET CHRONOGRAMME DES ACTIONS PROPOSÉES

Le budget des actions proposées ainsi que le Chronogramme des actions se retrouvent en annexe1 et 2 du document d’orientation. La majorité des actions sont chiffrées séparément, d’autres, comme les études et les appuis à la mise en place de groupes d’intérêts économiques, sont pris en compte dans des actions plus globales comme la mise en valeur agricole par exemple. Il faut noter que le chiffrage se base sur les coûts à l’entreprise pratiqués en Haïti, sur les coûts exprimés dans l’étude de l’UE pour la rectification de la Rivière La Quinte, sur les coûts du MTPTC et sur la grande expérience de l’ensemble des membres de la Commission ad Hoc.

Pour faciliter une meilleure compréhension de la problématique Gonaïvienne en relation avec la mission de la commission ad hoc à savoir : la protection de la ville des Gonaïves contre les crues exceptionnelles, contre les crues normales et son accessibilité en tout temps, les actions proposées y relatives sont regroupées dans quatre (4) composantes et le budget est articulé autour de ces composantes :

Tableau résume de la répartition du Budget en fonction des branches d’activités

Désignation

Montant

%

Aménagement et gestion BV

542,877,500

58%

Relance de l'agriculture

239,925,892

25%

Transport terrestre et maritime

114,109,000

12%

Coordination et gestion

44,845,620

5%

TOTAL GENERAL

941,758,012

100%


Quant au chronogramme, il est décliné en des actions à court, moyen et long termes qui s’étendent sur une période globale de 25 ans.

IMPACT

Un investissement de cet ordre sur 25 ans devrait permettre, avec une gestion saine, intelligente et proactive, de résoudre définitivement la problématique Gonaïvienne, surtout en ce qui a trait à ces inondations monstres. Les multiples opportunités qui seront offertes tant pendant le période de mise en œuvre de ces propositions et autres qui viendront compléter celles faites dans ce dossier et après cette période, devraient faire de la région Gonaïvienne, qui se trouve en plein centre du pays, un pôle attractif de croissance et développement

Création d’emplois

En combinant savamment les approches haute intensité d’équipement (HIEQ) et haute intensité de main d’œuvre (HIMO) pour absorber l’abondante main d’œuvre non qualifiée du pays, il est possible de créer des millions d’emplois (2,500,000 P-M de travail, soit en moyenne 100,000 emplois l’an) au moment de l’exécution des actions. Des emplois encore plus durables seront créés au moment de l’exploitation des investissements consentis. Sans faire des calculs savants, d’ailleurs non nécessaires à ce stade, et, en nous référant aux exploitations agricoles, agro forestières et forestières, et, ce uniquement à l’intérieur du bassin versant sans prendre en compte la périphérie, on arriverait aisément à 300,000 emplois l’an. Sans parler d’emplois dans les exploitations minières, les usines avec le potentiel électrique actuel sous exploité et future avec les barrages de retenues sur les lesquels on pourrait greffer des unités hydroélectriques, l’exploitation du solaire et de l’éolienne, les secteurs santé, éducation, transport avec les deux ports, la RN 1, et la possibilité de mettre en place un Aéroport international au niveau du bassin versant, etc.

La sécurité alimentaire

Les actions proposées agiraient directement sur la problématique sécurité alimentaire en favorisant la résolution du problème dans ses trois composantes essentielles, la disponibilité, l’accès et la qualité des aliments. En agissant sur l’environnement, l’agriculture et le transport, les actions proposées sont en droite ligne par rapport au plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNSAN) et sont en harmonie avec le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) et les objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Les six capitaux

On pourrait pousser l’analyse de l’impact sur d’autres aspects comme le capital humain, le capital social, le capital économique et financier, le capital politique (gouvernance), les deux autres capitaux, l’environnemental et l’infrastructurel étant directement pris en compte dans les propositions en relation à la mission d’orientation. Il faudrait dire tout de suite que les actions, qui se feront en s’appuyant sur des approches participatives, holistique, auront des impacts sur l’ensemble des six capitaux. On laisserait, pour éviter d’alourdir cet article, au plan global, qui sortira des études à faire sur la Région Gonaïvienne, le soin de les analyser en détails.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Les propositions faites dans ce dossier sont susceptible de résoudre le problème de la ville de manière globale. Le contrôle des crues exceptionnelles et des crues normales pourront se faire sur une période plus ou moins longue (10-25 ans) avec des ouvrages de retenues susceptibles de stocker plus de 50% du volume d’eau reçu en une nuit. Quant à l’accessibilité à la ville en tout temps, elle est étroitement au contrôle des crues.

Avec des volumes d’eau de l’ordre de 10,000 à 20,000 m3/s versés par Jeanne, Hanna et Ike, les drains actuels artificiels et naturels n’étaient pas en mesure de répondre, même remis en pleine capacité d’écoulement. Par rapport à Jeanne, et à Hanna et Ike, respectivement 2004 et 2008, la période de retour de telles catastrophes se situent autour de 4 ans, soit une probabilité annuelle de 25%. Or les mesures proposées demandent beaucoup de temps et beaucoup d’argent ; toutefois, il est possible, comme on l’a proposé dans ce dossier, d’étaler les actions à prendre sur les court, moyen et long termes et de les coupler à d’autres actions qui dépassent le mandat octroyé à la commission interministérielle ad hoc.

Les actions à court terme permettront de faire face à des crues normales et d’en faire un usage productif comme l’alimentation correcte des systèmes d’irrigation et la mise en valeur agricole de près de 6000 ha de terre, de tester certaines pratiques au niveau des versants et des ravines, de remettre en pleine capacités les ouvrages existants ainsi que la rivière La Quinte et ses affluents, de sensibiliser la population et de collecter le maximum d’informations pour affiner les propositions, tout en permettant une accessibilité acceptable à la ville des Gonaïves.

La mise en place parallèlement d’une structure permanente de coordination et reconstruction de la Région des Gonaïves (SPC2RG) et les multiples études qui se feront durant cette période permettront de se fixer sur des alternatives les plus viables et les plus fiables avec des coûts optimums pour résoudre définitivement les nombreux problèmes qui se posent au pays vis-à-vis de la ville des Gonaïves et de ses environs.

Les actions de moyen et de long termes, qui répondront de manière définitive à la problématique Gonaïvienne, tout au moins aux aspects en relation à la mission de la commission interministérielle, se feront sur des bases plus sérieuses (SPC2RG en place, études achevées, plan global et cadre stratégique global de la coordination et de la reconstruction de la ville validé et appuyé par l’Etat, financement disponible), et faciliteront la réhabilitation et la construction de systèmes d’irrigation couvrant 12500 ha à l’intérieur du bassin versant et 15000 ha dans sa périphérie, le traitement de 45,000 ha en agro foresterie, en vergers et en forets, la mise en place de citernes, d’impluviums, le regroupement des communautés, la mise en place et la consolidation d’organisations paysannes de base, etc., en essayant dans la mesure du possible de respecter le triptyque de la performance globale, la gestion du temps, la gestion de l’argent et la réalisation des activités de qualité.

Ces propositions, qui exigeront un consensus et des appuis politiques importants, ne pourront s’appliquer sans des coûts socioéconomiques considérables. La plupart nécessiteraient des déplacements de populations vers des endroits plus sûrs, des pertes de centaines d’ha de terres irrigués et irrigables, des dédommagements de la part de l’Etat, des risques d’inondations sur la rive gauche de La Quinte donc inondation périodique des Temples de Souvenance, de Soucri et d’autres hauts lieux du vodou, et l’augmentation du Lac de Savane Jonc, tout au moins avant la construction des grands barrages de retenues, et l’augmentation des risques d’inondation dans la zone de Grammont et de Terre Salée jusque là partiellement inondées périodiquement. En outre, la gestion des marais salants exigera des précautions particulières pour éviter leur inondation par de l’eau douce comme cela s’est produit en deux fois en 2004 et en 2008. Enfin, l’arbitrage à faire par rapport à certaines solutions techniques proposées exigera un grand courage politique et une grande vision de l’avenir d’Haïti.

Recommandations

Pour atteindre de tels résultats, il faudrait au préalable :

S’assurer, par l’intermédiaire de la structure permanente de coordination et de reconstruction de la Région des Gonaïves, de la mise en œuvre correcte du plan global de développement de la ville incluant l’ensemble du BV et de sa périphérie (Plateau continental, Anse Rouge, Terre Neuve, Gros Morne, Marmelade, St Michel, Marchand, l’Estère et Petites Desdunes sur une période plus ou moins longue (25 ans environ) ;

Exiger l’ensemble des intervenants au niveau des Gonaïves, du bassin versant et dans la périphérie à observer strictement les grandes lignes du plan global et du cadre stratégique pour la reconstruction de cette Région. Toutes les actions devront y être conformes. En attendant l’élaboration de ce fameux plan global, les intervenants devraient essayer de baser leurs interventions, dans la mesure du possible, sur les documents existants tels le cadre stratégique pour la coordination et la reconstruction des Gonaïves, document de synthèse, le plan local d’urbanisme, l’étude de la BID sur le BV (PIA), et le « Plan d’aménagement et étude détaillée de la rectification de la rivière La Quinte-Haïti » ;

S’assurer que la Structure mise en place ne devrait pas être à la merci des aléas politiques et susceptibles d’être orientée politiquement dans un camp ou dans un autre, elle devrait bénéficier d’une grande autonomie et d’une grande marge de manœuvres pour lui permettre de transcender les querelles intestines et politiciennes, elle devrait être munie de moyens substantiels et de suffisamment d’autorité pour favoriser la mise en application du plan et du cadre stratégique global pour la coordination et la reconstruction de la Région Gonaïvienne ;

Favoriser l’intégration dans la structure des cadres de haut niveau qui ont les capacités suivantes : (i) maitrise de la problématique haïtienne dans sa globalité et la problématique Gonaïvienne de manière spécifique ;(ii) ayant l’habitude de fonctionner avec les structures étatiques, privées, des collectivités territoriales, de la société civile, et des bailleurs de fonds ;(iii) maîtrise des langues française et créole et ayant une grande capacité d’analyse et de synthèse et une grande capacité de communication, de travail en équipe et de leadership. Ces cadres devraient avoir des contrats de moyen terme (3 ans) renouvelables indéfiniment sur la base de performances ;

S’assurer de la réplicabilité, dans la mesure du possible, des mesures adoptées pour la coordination et la reconstruction de la ville des Gonaïves dans d’autres endroits du pays qui font face aux mêmes aléas comme Cabaret, Léogane, Jacmel et en faire des pôles de croissance dans le cadre du développement durable du pays haïtien.



[1] Cet article est inspiré du rapport de la mission d’orientation pour la protection et la réhabilitation de la ville des Gonaïves conduite par la Commission interministérielle ad hoc sur Gonaïves coordonnée par le ministère de l’agriculture. L’auteur de cet article en a été le coordonnateur principal.

[2] Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) avec trois membres , le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (MTPTC) avec trois membres, le Ministère de l’Environnement (MDE) avec un membre et le Ministère de l’Intérieur avec un membre.

[3] Gary Dupiton et Herold St Pierre

[4] The Economist print edition .Weighed down by disasters. Feb 12th 2009 | GONAÏVES
A modest success for the United Nations is threatened by nature and lassitude

[6] Mairie de Gonaïves, DOSSIER FONDAMENTAL URBAIN, Beta Ingenieurs-Conseils, Juin 1997 (Financement BID, Supervision PNUD-HABITAT)

Mairie de Gonaïves. PLAN D’URBANISME DIRECTEUR ET PLAN DE ZONAGE, Beta Ingenieurs-Conseils, Juin 1997 (Financement BID, Supervision PNUD-HABITAT)

[7] L’Unité pour la coordination et la reconstruction des Gonaïves (UCRG). Cadre Stratégique pour la Réhabilitation des Gonaïves et de ses environs. Rapport de synthèse. Avril 2005.

[8] Plan d’aménagement et étude détaillée de la rectification de la rivière La Quinte-Haïti. Juin 2008.

samedi 30 mai 2009

HAITI : INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET PROJETS

HAITI : INDICE DE PERCEPTIONS DE LA CORRUPTION ET PROJETS

Jean Robert JEAN-NOEL

Port-au-Prince, le 22 mai 2009

Cet article sur la corruption constitue le quatrième d’une série qui a démarré en septembre 2007 (réf. Le Nouvelliste : Lutte contre la corruption, nécessité de protection spéciale pour le Président Préval, septembre 2007). Deux autres articles, l’un en novembre 2008 (indice de perceptions de la corruption et toi) et, l’autre en mars 2009, (indice de perceptions de la corruption et institutions, voir www.jrjean-noel.blogspot.com et « Haïti en Marche », avril 2009) ont été consacrés à cette thématique. Ces articles demeurent un véritable plaidoyer pour la lutte anti-corruption et la nécessité d’éviter d’augmenter l’indice de perceptions de la corruption, sachant que ces perceptions à la base de l’indice sont établies à partir des enquêtes menées surtout auprès de nous-autres Haïtiens. Ce dernier article de la série s’inscrit donc dans la même démarche. Il est écrit aussi à la faveur de la conférence de Washington du 14 avril 2009 où Haïti s’est engagée à mener à bien un certain nombre de programmes d’actions inscrits dans le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), dans le Post Desaster Need Assessment (PDNA) et dans le rapport Collier, à la faveur du discours du 18 mai 2009 du Président de la République, qui incite le pays à se battre pour asseoir son indépendance économique, suite à son indépendance politique acquise de haute lutte en 1804, actuellement fragilisée à cause de la forte dépendance économique du pays par rapport à l’aide externe à hauteur de 60% (2008-2009), et à la faveur de la nomination de Bill Clinton comme « Emissaire Spécial des Nations Unies pour Haïti », en dépit de la présence de la MINUSTHA et du « Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU », Mr Anabi. Car, à mon humble avis, tout ceci a un lien quelconque avec la réputation de corruption d’Haïti, en particulier avec la perspective de réduire au maximum ce fléau dans les projets en relation avec le DSNCRP.

Pour mieux appréhender le phénomène de corruption au sein des projets, essayons de passer en revue les projets à travers le temps en Haïti, en nous basant sur les modes d’exécution qui se sont modifiés au fur et à mesure jusqu’au mode actuel généralisé à travers les unités de coordination de projets (UCP), et cette tendance timide (Banque Mondiale, 2009) à le remplacer par l’appui budgétaire tout en conservant la gestion par résultat à travers des structures permanentes de l’Etat. Mais le phénomène de corruption perçu et/ou réel, qui constitue un obstacle sérieux à la mise en œuvre de cette nouvelle théorie, s’est révélé et se révèle l’une des principales contraintes au développement du pays basé, ces derniers temps, sur l’approche projets et son corollaire la gestion dirigiste et participative de projets.

La gestion de projets par l’Etat

Depuis plus de soixante (60) ans, l’Etat a fait le choix d’opérer par projets. Exécutés dans un premier temps à travers des structures étatiques normales, ministères, directions centrales, les projets vont bien vite se faire à travers des organismes de type ODVA (Organisme de développement de la Vallée de l’Artibonite). C’est ainsi que l’Etat, en référence à l’ODVA, va tenter de réaliser le développement du pays à travers des organismes régionaux de développement, d’où les nombreux OD, ODPG (Organisme de développement de la Plaine des Gonaïves), ODNO (organisme de développement du Nord-Ouest), ODN (Organisme de développement du Nord), et les nombreux DRI, DRIP (développement régional intégré de Petit-Goâve), etc. Parallèlement à ces organismes pratiquement autonomes, on a enregistré aussi des projets qui s’exécutaient à l’intérieur des structures permanentes des ministères dont les choix des Directeurs relevaient généralement des relations politiques, d’amitiés ou de circonstances. Ces projets ont utilisé principalement le mode d’exécution en régie et ont été plutôt dirigistes. Plus de cinquante (50) de projets de développement allaient être dénombrés, en 1999, par Jean André Victor. En dépit des résultats obtenus dans la plupart de ces programmes, on suppose que le phénomène de corruption ait été présent et ait été à la base des cuisants échecs enregistrés dans la plupart des cas. Toujours est-il que l’Etat, durant ces vingt dernières années et sous la pression des bailleurs de fonds (BF), a généralisé l’introduction des approches participatives et des Unités de coordination de projets (UCP) en son sein, en gardant ses prérogatives de choix des Directeurs dans un premier temps, et en acceptant de se courber aux conditionnalités d’appel à la concurrence par la suite.

La gestion des projets à travers des unités placées au sein des structures étatiques

La généralisation des UCP au sein des ministères n’est pas le fait du hasard. Elle résulte des nombreuses conditionnalités imposées à Haïti par les bailleurs de fonds pour respecter les règles de transparence et permettre à ces derniers de contrôler plus strictement les fonds mis à disposition. Parmi les conditionnalités, en plus de la généralisation des UCP et des approches participatives, on a relevé aussi la généralisation des manuels d’opération (MO), des règles de passation de marché, de l’assistance technique obligatoire soit de manière permanente, soit de manière ponctuelle, de quoi exercer un contrôle strict sur la gestion de l’ensemble et drainer une partie des fonds vers l’extérieur. Il faut noter que les UCP se retrouvent aussi au sein des ONG internationales particulièrement. Si au sein des projets de l’Etat, elles sont en général dirigées par les haïtiens, au sein des ONG et agences internationales, elles sont en général administrées par les étrangers avec l’apport bien sur de cadres haïtiens. De plus, elles utilisent principalement le mode d’exécution par appel d’offres (AO). Toutes ces informations sont fournies au grand public pour lui faire comprendre que le contrôle de la corruption au sein des projets n’est pas exclusivement une affaire haïtienne. Que le projet s’exécute au sein des structures étatiques, des ONG et/ou agences internationales, il est astreint aux mêmes règles de transparence. Alors pourquoi cette perception de corruption au sein des projets, surtout ceux exécutés par l’Etat ? Avant de tenter une explication par rapport à cette perception globale, attardons nous un peu sur les projets dans le DSNCRP.

Les projets en cours dans le cadre du DSNCRP

Les 1060 projets actuellement en cours dans le DSNCRP incluent les projets exécutés au sein des structures étatiques et les projets exécutés par les ONG et agences internationales. Ils s’exécutent pour la grande majorité par les UCP et, en terme pilote, on prévoit d’en réaliser à travers des structures étatiques avec une approche appui budgétaire et la gestion par résultats. Ils sont regroupés en six (6) programmes par le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) dans le cadre d’un « plan d’investissements prioritaires du DSNCRP ». Les six programmes (Mai 2009) se déclinent comme suit :

(i) le programme d’infrastructures économiques (route, électricité, aéroport, agriculture, environnement, tourisme, commerce, industrie) regroupant 191 projets totatilisant 39 milliards de gourdes haïtiennes (39 Mrds de GHT) ;

(ii) le programme d’infrastructures sociales (éducation, santé, communication, sport) regroupant 96 projets totatilisant 4.8 Mrds de GHT ;

(iii) le programme d’infrastructures administratives (administrations centrale et territoriale) regroupant 72 projets totatilisant 2.9 Mrds de GHT ;

(iv) le programme de renforcement et de fonctionnement de l’Etat ( appui à l’investissement, aménagement du territoire, développement urbain, appui à l’Etat, mise en place de structures administratives, protection sociale, équipements, formation, encadrement et appui aux groupements et associations, études de plans, de programmes et projets) regroupant 649 projets totatilisant 72.26 Mrds de GHT ;

(v) le programme d’appui direct à la production (intensification agricole, appui à la production, transformation et commercialisation des produits agricoles, appui au développement économique des filières, et transfert de technologie) regroupant 82 projets totatilisant 5.1 Mrds de GHT, et

(vi) le programme de reconstruction de l’économie haïtienne (interventions spécifiques et urgentes, réparation des dommages causés par les intempéries, ressources nécessaires à la restauration des services de base à la population) regroupant 58 projets totatilisant 48.7 Mrds de GHT.

Ces programmes totalisent 172.75 Mrds de GHT ou 4.32 Mrds de USD, ce qui dépasse le montant prévu (3.86 Mrds USD) pour la mise en œuvre du DSNCRP originel, très certainement à causes des actions liées aux intempéries qui y sont incluses. Une fois mis au courant de ces informations, les gens du grand public, qui ne peuvent que très partiellement vérifier les résultats de ces investissements, ont tendance à verser dans des commentaires négatifs, parce que ne sentant pas les effets directs de ces investissements sur eux-mêmes et, de plus, parce que encouragés par la plupart des élites politiques, économiques et intellectuelles, qui se révèlent, le plus souvent, irresponsables en la matière.

La perception de la corruption du public par rapport aux projets

Cette perception négative du grand public finit par nuire à l’image du pays. Encouragée par nos élites qui ont pris cette mauvaise habitude d’accusation sans preuve, la perception du grand public par rapport aux projets n’est pas fondée. Le niveau de corruption dans les projets est forcément faible, surtout dans les projets dits durables financés par la communauté internationale (CI). Ces projets subissent les contre coups des projets d’urgence où, en général, le niveau de corruption est plus élevé, à cause de la gestion de l’urgence en tant que telle, de la faiblesse des dossiers d’exécution, du manque de contrôle et de supervision, de l’allègement des procédures d’octroi des marchés. Cette perception est due aussi au manque de communication et de transparence dans les projets principalement. L’information politique prédomine dans tous les pays du monde ; mais, en Haïti, on est littéralement submergé d’informations politiques. Depuis le départ de Mario Dupuy, on a comme l’impression que le pays souffre du « syndrome de Mario Dupuy ». Les gouvernements, qui se sont succédé au pouvoir depuis le 29 février 2004, souffrent d’un criant déficit de communication. Ils n’osent pas parler de leurs réalisations et encore moins des réalisations des agences et ONG internationales qui n’interviennent en Haïti qu’avec l’aval de l’Etat et en regard des accords signés entre l’Etat et la communauté internationale. Le grand public a tendance à dissocier les actions de l’Etat par rapport aux actions des ONG qui sont généralement bien perçues. Or les actions sont, en principe, complémentaires et s’exécutent dans un cadre défini par l’Etat, en l’occurrence, le DSNCRP. Un seul exemple suffit à illustrer cette perception, le PRODEP. En effet, le PRODEP est un projet de l’Etat financé par la Banque Mondiale (BM) à travers le Bureau de Monétisation, mais exécuté par le CECI et la PADF. Pour le grand public, c’est un bon projet du CECI ou de la PADF où le phénomène de corruption est très, très faible, car impliquant directement les populations concernées dans la gestion directe des fonds. La réalité au sein de ce programme est travestie parce que les gens ignorent le contrôle exercé par l’Etat et le bailleur, en l’occurrence la BM, et le perçoivent comme un projet non étatique.

La réalité au sein des projets et le contrôle exercé par l’Etat et les bailleurs de fonds

Il est clair que la perception du grand public par rapport au phénomène de corruption au sein des projets est erronée. En effet, dans les projets dits durables, les règles de transparence sont suffisamment rigides pour tordre le cou aux velléités de corruption. Les nombreuses procédures en vigueur, les nombreuses conditionnalités de départ, le contrôle interne et externe, la supervision, sont autant d’éléments non à la portée du grand public et qui réduisent le phénomène de corruption au sein des projets. L’Etat et les BF se sont mis d’accord pour exercer un contrôle strict des fonds mis à disposition des projets, et les UCP ont pour obligation de se faire auditer chaque année et d’exercer un contrôle interne journalier des fonds mis à leur disposition. A noter que les fonds sont débloqués au fur et à mesure de l’état d’avancement des activités et après soumission et vérification des pièces justificatives, mais jamais d’un seul coup comme on a tendance à le croire. Ce qui est ignoré du grand public.

La nécessité d’éviter d’augmenter l’indice de perceptions de la corruption par ignorance

Il faut noter qu’actuellement toute l’ossature du développement d’Haïti se base sur le DSNCRP avec les 1060 projets qui totalisent 4.32 milliards d’USD et qui s’exécutent essentiellement à travers les UCP. Le passage à l’appui budgétaire pour l’exécution des actions à travers les structures permanentes de l’Etat avec en prime le renforcement de celui-ci n’est pas pour demain, justement à cause de la persistance de cette perception négative liée à la corruption. A partir de ces considérations, il est du devoir des institutions, des citoyens informés et des responsables de projets d’expliquer, encore et toujours, au grand public les mesures en vigueur pour combattre la corruption au sein des projets. Car c’est à ces personnes du grand public qu’on s’adresse quand on veut mener des sondages pour établir l’indice de perceptions de la corruption en Haïti. Il est donc de la responsabilité des élites de ce pays, qui est nôtre, et surtout de la Presse d’éviter de colporter des informations non vérifiées et susceptibles de nuire à l’image de notre pays et de chaque Haïtien en particulier. En agissant ainsi, nous contribuons tous à offrir une meilleure image de nous-mêmes et de notre chère Haïti. Agir mal par ignorance est pardonnable, agir mal en connaissance de cause est malhonnête donc condamnable !

vendredi 17 avril 2009

HAITI : DU G20 A LA CONFERENCE DES BAILLEURS DE WASHINGTON, RESULTATS (324 M USD) ET PERSPECTIVES.

HAITI : DU G20 A LA CONFERENCE DES BAILLEURS DE WASHINGTON, RESULTATS (324 M USD) ET PERSPECTIVES.

Jean Robert JEAN-NOEL

16 avril 09

Le capitalisme est en crise. La mondialisation aussi. Cette « mondialisation, qui, selon Raymond Barre, ne signifie pas autre chose que la compétition généralisée ». Qui dit compétition dit recherche du profit maximum au détriment de tout le reste, surtout au détriment de l’homme et de la nature. L’exploitation outrancière par cette forme de mondialisation de ces deux ressources naturelles a conduit au carrefour d’aujourd’hui qualifié de « crise totale » par Mohamed BELAALI . Face à cette situation désastreuse, caractérisée par la désorientation des places financières, la panique des institutions, la baisse du profit et de la croissance, la hausse du chômage et de la misère, le saccage de la nature et la menace d’extinction de l’espèce humaine , les Grands de ce monde, principaux bénéficiaires de cette mondialisation, ont décidé d’élargir le G7 au G20. C’est ainsi qu’en novembre 2008, à Washington, eut lieu la première réunion du G20 avec un Président américain sortant, Mr Georges Bush. Et la deuxième rencontre de ce G20 a été fixée pour le 2 avril 2009, à Londres. Elle a bien eu lieu mais, cette fois-ci, avec panache, essentiellement à cause de la présence du nouveau Président des USA, Mr Barack Hussein Obama, le grand communicateur qui veut promouvoir une nouvelle image de l’Amérique et qui a qualifié de « tournant » cet évènement, auquel propos le Président Français, Mr Nicolas Sarkozy, a précisé qu’ « une page du capitalisme a été tournée, à Londres ».
Alors, qu’en est-il exactement ? Et en quoi ce G20 intéresse-t-il la pauvre Haïti, le Pays le plus pauvre de l’Hémisphère occidental ? Justement essayons de répondre à ces interrogations, en nous basant sur le communiqué final de la rencontre du G20, en passant en revue les diverses conférences des bailleurs de fonds sur Haïti et leurs résultats, en analysant les attentes du Gouvernement Haïtien par rapport à cette énième conférence, et en dégageant certaines perspectives qui pourraient contribuant au développement durable de notre pays.

Les solutions proposées par le G20 de Londres face à la crise financière mondiale.
Les solutions proposées sont consignées dans le communiqué final signé par les chefs d’Etat et de Gouvernement. C’est un document assez long avec 29 points d’engagement. Nous n’allons pas nous attarder sur l’ensemble du document mais sur certains aspects jugés en relation avec les pays pauvres comme Haïti. Tout en ayant à l’esprit le cas d’Haïti comme pays pauvre, parlons un peu du G20 et les solutions proposées en relation directe avec la crise financière.


Le G20 de Londres et les solutions envisagées
Le G20, ci-devant le G7, est le groupe des 20 pays les plus industrialisés qui partagent « 90% de la richesse mondiale ». Ils se répartissent sur l’ensemble de la planète : L’Europe en compte six (6), l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume Uni, l’Union Européenne et le Russie ; l’Amérique cinq (5) : les USA, le Canada, le Mexique, le Brésil et l’Argentine; l’Asie sept (7) : la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie Saoudite et la Turquie ; l’Afrique un (1) :l’Afrique du Sud, et l’Océanie un(1) : l’Australie. Ce sont ces pays qui se sont penchés, ce 2 avril, à Londres, sur la situation de crise financière mondiale créée par la plupart d’entre eux, en particulier les USA, mais qui ont accepté collectivement de s’engager à la résoudre à partir de ce communiqué, cette déclaration d’intention.

Le résumé des solutions et le clin d’œil aux pays à faible revenu
Pour faciliter la compréhension rapide du communiqué final du G20, essayons de regrouper les 29 points d’engagement en six grands objectifs stratégiques ou axes stratégiques (i) rétablir la croissance et l’emploi, (ii) renforcer la surveillance et la règlementation, (iii) renforcer les institutions financières mondiales, (iv) résister au protectionnisme et promouvoir le commerce mondial et l’investissement, (v) garantir une croissance juste et durable pour tous, et (vi) respecter les engagements pris.
En dehors de ces grands axes, le G20 prévoit, entre autres, de mettre à la disposition des institutions financières, en particulier le FMI, plus de 1 Mds de USD en termes d’avance, de droits de tirages spéciaux (DTS), de vente de réserve d’or, d’éliminer les secrets bancaires et les paradis fiscaux par la mise en place des listes noire, grise ou blanche en fonction du niveau d’opacité et de transparence des pays dans lesquels les fonds sont placés, fournir 50 Mds de dollars à l'appui de la protection sociale et la sécurité alimentaire, pour accroitre le commerce et garantir le développement dans les pays à faible revenu, utiliser des ressources supplémentaires de ventes de réserves d'or du FMI et des excédents de recettes de l’ordre de 6 milliards de dollars supplémentaires en termes de financement concessionnel et souple pour les pays les plus pauvres au cours des prochains 2 à 3 ans, soutenir l'emploi en stimulant la croissance, investir dans l'éducation et la formation, et par le biais de politiques actives du marché du travail, en se concentrant sur les plus vulnérables.
Toutes ces informations glanées ça et là dans le communiqué final du G20 visent en partie les pays les plus pauvres victimes de la crise financière comme Haïti et sont articulées autour des mesures pour aider ces pays à affronter la crise avec le maximum de chance de s’en sortir.
Quant aux commentaires par rapport à ce G20, ils sont légion. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement composant le G20 sont optimistes, tandis d’autres commentateurs, comme Jean Eric René , sont plutôt pessimistes et ce dernier écrit qu’ « il s’agit d’un palliatif visant à lui (au système économique mondial) assurer une mort lente et douce, mais non d’une mesure curative ». Quant à nous autres non initiés aux lettres fines de l’économie, nous pensons qu’il faudrait prendre à la lettre les engagements du G20 et en tirer le maximum, en attendant la mort lente et douce du système. Pour cela, il faut profiter de chaque occasion dont celle de la Conférence des bailleurs de fonds (BF) de Washington sur Haïti avec la participation des institutions de Brettons Wood, de l’ONU, de l’OEA, de l’UE, de la BID, et des donateurs bilatéraux, et celle du Sommet des Amériques du 17 au 19 avril 09, à Trinidad and Tobago, avec 34 Chefs d’Etat et de Gouvernement dont Mr Obama, le Président de la première puissance économique mondiale, et Mr Préval, le Président du pays le pauvre de l’Hémisphère occidental, les deux premiers et plus anciens pays indépendants de l’Amérique. Ironie de l’histoire ! En attendant de nous attarder sur la Conférence de Washington, faisons un peu d’histoire eu égard aux conférences des BF sur Haïti à partir de 2004.

Les conférences des BF sur Haïti de 2004 à aujourd’hui
La Conférence des BF sur Haïti qui a lieu ce 14 avril 09, à Washington, n’est sans aucun doute ni la première ni la dernière sur notre pays. Bien avant 2004, on a enregistré des conférences sur Haïti, à titre d’exemple, citons les accords de Paris (1994) qui, selon Kern Delince , avaient prévu plus de 1 milliard de USD d’aide pour Haïti.
De juin 2004 au 14 avril 2009, Haïti et les BF se sont mis d’accord pour organiser un ensemble de conférences, certaines pour des levés de fonds et d’autres pour le suivi et l’ajustement des actions.
Sous le Gouvernement de transition, les 19 et 20 juillet 2004, il y eut la conférence de Washington sur le Cadre de coopération intérimaire (CCI) qui s’est soldée par des promesses de fonds de l’ordre de 1.4 milliards de USD y inclus des fonds déjà promis sous les Gouvernement de Préval I et d’Aristide II de l’ordre de 450 M de USD ; la conférence de Cayenne (mars 2005) en Guyane qui était une sorte de conférence de suivi de Washington et qui s’est soldée par 380 projets et 750 M d’euros de promesses ; la conférence de Montréal de 16 et 17 juin 2005 où il était question de sécurité, du processus électoral et de l’avancement du CCI en général , et la conférence de Bruxelles en novembre 2005, en Belgique, axée sur quatre (4) thèmes : les élections, le sécurité, la mise en œuvre du CCI et l’économie, et des priorités comme le document stratégique de réduction de pauvreté intérimaire (DSRPI), la création d’emplois temporaires, le financement des partis politiques, l’appui budgétaire, l’accompagnement des nouveaux élus, enfin le document stratégique de réduction de pauvreté définitif (DSRPD) ou programme de long terme appelé à remplacer le CCI. Ces conférences permirent de débloquer pour des projets plus de 900 M de USD dont environ 300 M étaient réellement engagés sur le terrain par le Gouvernement de transition, au point que, dans le document de référence de la conférence de Port-au-Prince élaboré par le nouveau Gouvernement issu des urnes et installé, le 9 juin 2006, il a été spécifié, en annexe 2, que 1.3 milliards d’USD de projets étaient en cours.
Sous le Gouvernement issu des urnes, on a dénombré deux conférences si l’on fait exception de la conférence de Brasilia de mai 2006, la conférence de Port-au-Prince du 25 juillet 2006 a permis des promesses de fonds de l’ordre de 750 M d’USD sur les 545 M d’USD sollicités par le GOH avant la conférence. Cette valeur devait permettre au Gouvernement, qui avait présenté un programme de 5 ans de 7.1 milliards d’USD avec huit (8) grands chantiers, de couvrir ses besoins jusqu’en septembre 2007. La conférence de Madrid a eu lieu, le 30 novembre 06, en Espagne, et s’est largement appuyée sur la déclaration de Paris pour introduire la notion de « coresponsabilité » ou de « responsabilité partagée » entre le GOH et la communauté internationale (CI). C’était la dernière conférence de l’ère du CCI qui allait être remplacé par le Document Stratégique National pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) en octobre 2007. Cette stratégie nécessite 3.86 milliards USD pour sa mise en œuvre. La conférence sur le DSNCRP, programmée pour le 25 avril 2008 en vue de récolter des fonds complémentaires de 2 milliards d’USD , a dû être renvoyée sine die à cause des émeutes dites de la faim. C’est cette conférence qui est reprise, ce 14 avril 2009, à Washington.

La conférence de Washington, les attentes du Gouvernement Haïtien (GOH)
Organisée par la Banque interaméricaine de développement (BID) et le GOH, la conférence a pour thème « Vers un nouveau paradigme de coopération en faveur de la croissance et de nouvelles perspectives ». Elle a réuni les dirigeants de 28 pays donateurs et organisations multilatérales qui ont discuté des priorités pour Haïti et des mesures à prendre pour accroître l'efficacité de l'aide et la coordination entre les donateurs.
Dans un message à la nation avant son départ pour la Conférence, la Première Ministre, Mme Pierre-Louis, a fait part de ses attentes, soit 125 M d’USD en appui budgétaire complémentaire pour l’année fiscale 2008-2009. Dans le document de référence discuté à la rencontre préparatoire d’Ottawa de mars 2009, il a été question d’actions pour les deux prochaines années de l’ordre de 500 M d’USD. Mais, notre Première Ministre n’en n’avait pas parlé. Toutefois, en énumérant les actions prévues et priorisées, on a compris que le GOH aurait besoin de cette valeur pour le financement de ces actions. Elles se déclinent en quatre grandes catégories (i) La réduction de la vulnérabilité aux désastres naturels, (ii) La relance économique, (iii) Le maintien de l’accès aux services de base, et (iv) La stabilité du cadre macroéconomique. « L'agriculture, les infrastructures, l'éducation, la santé, les risques et désastres, sont les différents secteurs ciblés par les autorités haïtiennes et pour lesquels des programmes et projets seront présentés » a déclaré la Première Ministre quelques jours avant son départ pour Washington.

La barre placée trop bas par le GOH mais des perspectives plutôt heureuses pour le pays
Si on se réfère aux autres conférences passées, c’est pour la première fois qu’un GOH a sollicité des montants aussi bas. Certes, la crise financière mondiale incite à la prudence, mais, face au momentum actuel vis-à-vis d’Haïti, au travail de lobbying de Ban Ki Moon, au communiqué du G20 et ses bonnes intentions vis-à-vis des pays à faible revenu et vulnérables, on n’a pas compris cette position du GOH. En tout cas, les promesses de fonds (324 M d’USD) faites à l’issue de la conférence de Washington sont nettement au-delà des attentes du GOH, même s’il faudrait mettre un bémol par rapport au montant alloué à l’appui budgétaire inférieur aux 125 M sollicités. Ce qui permettra, tout de même, au pays, qui a déjà 3 milliards d’USD de projets en cours (déclaration finale de la conférence), avec l’effacement de 1 milliards d’USD de la dette à partir de juin 2009, et subséquemment une diminution du service de la dette de l’ordre de 48 M d’USD/an (Le Matin 15/04/09), de contempler son avenir immédiat avec un certain optimisme.
En effet, Haïti, selon la Première Ministre, pourra (i) créer 150000 emplois sur une période de deux ans, (ii) réhabiliter et mettre en valeur 6000 ha de terre dans le Nord et le Nord-est, 12000 ha dans la vallée de l’Artibonite et 5000 ha dans la Plaine des Cayes, (iii) réhabiliter la route Carrefour Joffre/Gros Morne/Port-de-Paix, la route St Marc/Cap-Haïtien et la route Miragoâne/Nippes, (iv) Réduire la vulnérabilité des villes comme Gonaïves, Cabaret, Léogane et Jacmel, (v) améliorer les services de base (santé, éducation, eau potable), (vi) rendre disponible l’électricité pour l’implémentation des usines et les activités scolaires nocturnes.
Avec un ensemble de dossiers disponibles ou en phase de finalisation, le DSNCRP (3.86 Mds USD), le PDNA (800 M USD), le Maillage routier National , la politique de relance du secteur agricole , le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNSAN), le programme d’urgence pré-cyclonique 2009 (16.3 M USD), le document d’orientation pour la protection des Gonaïves (941 M USD), le rapport Collier, pour ne citer que ceux-là, Haïti dispose de suffisamment d’atouts, qui pourraient rentrer dans un plan global de 25 ans, avec l’apport éventuel et souhaitable des gens de la société civile (SC), du secteur privé (SP), de la diaspora et de la communauté internationale (CI), pour aller tester les bonnes intentions du G20 et de la frange de la CI déjà acquise à notre cause. Pour cela, il nous faut renoncer à nos vieux démons de division, de corruption, de dénigrement de nous-mêmes et, surtout, du déchoucage, en vue de nous mettre ensemble pour regarder dans une seule direction, le développement durable de notre pays, en agissant simultanément et sérieusement sur l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique et la politique (gouvernance). Kote sa nou pa ka fè la ?