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dimanche 25 juillet 2010

HAITI RECONSTRUCTION, OU EN SOMMES-NOUS ? QUEL CHOIX : CLANS OU PAYS ?

HAITI RECONSTRUCTION, OU EN SOMMES-NOUS ? QUEL CHOIX : CLANS OU PAYS ?
Jean Robert JEAN-NOEL
21 juillet 2010

L’idée de produire cet article est venue à partir d’un ensemble d’interrogations soulevées par mes amis concernant le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH). Depuis sa présentation à la Conférence de Reconstruction de New York au siège des Nations Unies où il a reçu 9.9 milliards d’USD de promesses de financement, ce plan, bien accueilli par la communauté internationale, a été l’objet de critiques de la part de l’opposition politique, et d’une 2e conférence, celle de Punta Cana, en République Dominicaine. Au cours de cette conférence, Haïti a présenté ses représentants dans la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) prévue par le PARDNH et un ensemble de projets/programmes sous les rubriques, refondation territoriale, refondation économique, refondation sociale et refondation institutionnelle. Cette CIRH, qui a été l’objet d’une loi controversée, est une des deux entités inédites prévues par le PARDNH, l’autre étant le Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB). Où en sommes-nous par rapport à la situation globale du pays depuis cette conférence de New York du 31 mars 2010 ? Quel choix : clans ou pays ? Pour répondre à ces interrogations, appuyons nous sur le PARDNH, les actions en cours dans le pays, l’exemple du ministère de l’agriculture, les projets présentés à PUNTA CANA, et sur certaines considérations en termes de conclusions.

A. Rappel des prévisions du PARDNH

Selon le PARDNH du 31 mars 2010, le séisme du 12 janvier marque une rupture dans les approches utilisées jusque là. L’importance des problèmes à résoudre, des moyens à mobiliser appellent de nouvelles façons de faire, véritablement une nouvelle forme de coopération, une responsabilité mutuelle Haïti – Communauté internationale dans les résultats à atteindre.

Le Plan d’action doit conjuguer l’impératif d’agir maintenant tout en mettant en place les conditions de la croissance structurelle nécessaire dans la durée. Aussi, les « trois grands moments » de la planification des interventions, les échéances sur lesquelles Haïti demande l’appui de la communauté internationale pour réussir cette refondation qui s’avère un devoir historique pour chaque Haïtien et chaque Haïtienne, sont :

1- La période d’urgence, qui doit servir à améliorer les conditions d’hébergement des sans-abris, à retourner les élèves à l’école et les étudiants à l’Université et aux centres de formation professionnelle, à préparer la prochaine saison cyclonique de l’été, à poursuivre les efforts pour redonner une normalité à la vie économique notamment en créant massivement des emplois par des activités à haute intensité de main d’œuvre, en garantissant la stabilité du système financier et l’accès au crédit aux micro, petites et moyennes entreprises, à continuer la réorganisation des structures de l’État. Durant cette période, il faudra travailler sur les stratégies et plans de développement des nouveaux pôles choisis, poursuivre les actions en faveur de l’équipement des zones d’accueil des populations déplacées par le séisme, mettre en place le processus électoral pour éviter tout vide constitutionnel.

2- La période d’implantation (dix-huit mois) des projets déclencheurs pour cette Haïti de demain et la mise en place du cadre d’incitation et d’encadrement à l’investissement privé sur lequel est fondé le choix de croissance économique fait par Haïti. En effet, comme le prévoient les différentes analyses et évaluations, les investissements privés, dans l’économique comme dans le social, vont constituer la colonne vertébrale de la refondation de notre pays. Parmi les engagements pris avec les donateurs, il a été retenu d’accompagner le développement du secteur privé, tout le secteur privé, pour le doter des capacités nécessaires pour remplir ce rôle.

3- La période de concrétisation de la reconstruction et de la refondation d’Haïti sur un horizon de dix ans pour remettre le pays sur la voie du développement et dix ans de plus pour en faire véritablement un pays émergeant.

Au cours de cette Conférence de New York, les partenaires internationaux se sont engagés de manière ferme sur les deux premières périodes et ont accepté le principe d’un accompagnement de notre pays « sur le long terme pour concrétiser ce pacte de responsabilité mutuelle convenue à Madrid dès 2006 », en promettant 9.9 milliards d’USD sur une période de 10 ans dont 5.3 milliards de dollars sur les premiers 18 mois. Les trois périodes prévues sont donc couvertes, tout au moins en termes de promesses et de certaines actions qui étaient déjà en cours après le 12 janvier 2010. Ici, il faut se rappeler que toute cette solidarité internationale par rapport à notre pays a un coût financier ; et ce coût-là est très certainement pris en compte dans les 9.9 milliards d’USD.

Pour avoir accès à cet argent, le Gouvernement Haïtien (GO) et la Communauté Internationale (CI) se sont mis d’accord dans le cadre du PARDNH pour mettre en place la CIRH qui deviendra plus tard l’Agence pour le Développement d’Haïti (ADH) et le FFBM. Ces deux entités inédites jusqu’ici dans les annales de la coopération haïtienne avec la CI, devront favoriser « l’instruction des dossiers, la formulation des programmes et projets, leurs financements et leurs exécutions, tout cela dans une approche coordonnée et cohérente ». Ceci est valable tant pour la fin de la période d’urgence, pour la période d’implantation de projets déclencheurs (18 mois) que pour la période de concrétisation de la reconstruction et de refondation d’Haïti (10 ans). Cette dernière période sera couverte par « trois cycles de programmation des Stratégies Nationales de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (SNCRP) ».

B. Les actions en cours dans le pays.

En effet, dans le cadre du DSNCRP, certains programmes étaient en cours. En mai 2009, on en avait dénombré six (6) programmes totalisant 1060 projets pour un montant 4.3 milliards d’USD (réf. Indice de perceptions de la corruption et projets, www.jrjean-noel.blogspot.com). Momentanément arrêtés après le séisme, la plupart de ces projets ont repris leur cours normal comme les projets de routes avec le ministère des TPTC, Gves-Port-de-Paix, Gves-St Marc, St Marc-Montrouis, Cayes-Jérémie, Mirebalais-Port-au-Prince (achevé), Mirebalais-Hinche, etc. D’autres sont à peine lancés et/ou en gestation comme ceux présentés à Punta Cana dans le cadre de cette 2e conférence sur le PARDNH organisée en République Dominicaine début juin 2010.

Il faut noter les actions pour la reprise des cours dans des abris provisoires en bois couverts de tôles ou de pailles, la mise en place des tentes et des abris provisoires dans les villes affectées par le séisme. Des actions sont menées dans le cadre de la préparation à la saison cyclonique 2010, aux Gonaïves, à l’Estère, à Cabaret, à Léogane, Grand Goâve et aux Cayes. Ces actions sont menées par le GOH, par les agences de coopération et par les ONG. L’impression, c’est qu’il n’y a pas encore de réelle coordination de ces actions par le GOH. A coté de ces actions, on relève d’autres qui se faisaient à travers les organismes de l’Etat en partenariat avec des ONG et qui continuent de plus belle à travers toute la République. On va s’attarder sur la plupart de ces actions avant de présenter les projets qui ont été listés à la conférence de PUNTA CANA en République Dominicaine.

Projets d’Initiatives communautaires (PIC)

A coté des projets décrits plus haut, certains projets d’initiatives communautaires ont vu le jour grâce à un concept de petits projets de l’ordre de 5 à 10 mille USD introduit par le FIDA (2002) dans le cadre du Projet d’intensification des cultures vivrières (PICV II) (21 M USD) et repris (2004) par la Banque Mondiale (BM) (17500 USD/projet) dans le cadre du Programme de développement communautaire participatif (PRODEP) de 40.6 M USD. Ces petits projets gérés directement par les structures rurales/paysannes ont permis la structuration du monde rural dans les zones d’intervention de ces projets. La BM et le bureau de monétisation ont vulgarisé ces types de projets avec l’appui de leurs partenaires, le CECI et la PADF. Ces petits projets s’exécutent dans les 65 communes les plus pauvres selon la carte de pauvreté de 2004. En plus du PRODEP qui se retrouve en milieu rural, la BM et ses partenaires ont pu introduire une autre variante en milieu urbain, Programme de développement participatif urbain (PRODEPUR) . Le Programme d’appui aux initiatives productives en milieu rural (PAIP, 28 M USD) financé par le FIDA à travers le FAES et le Projet de développement de la petite irrigation (PPI II) dans une moindre mesure ont appliqué le même concept de petits projets. Dans le cadre du PRODEP, il a été prévu 1300 sous-projets sur 5 ans. Dans le cadre du PICVII, les PIC prévus étaient au nombre de 700. A titre d’exemple, le PICV II a assuré le suivi de 19 PIC d’aménagement hydro agricole (511 ha) pour cet exercice 2009-2010. Tout ceci pour dire que les projets d’infrastructures rurales et urbaines pullulent en Haïti.

Programme de création d’emplois pour l’amélioration de la sécurité alimentaire (HIMO)

Parallèlement à l’élaboration du PARDNH et d’Haïti Demain , le GOH a favorisé le lancement d’un vaste programme de création d’emplois financé par le PAM, le PNUD, la FAO, l’USAID, l’ACDI à travers tout le pays. Ce programme de création d’emploi permet à des personnes sinistrées de la zone métropolitaine et des régions affectées par le tremblement de terre ou celles déplacées à travers le pays d’acquérir une certaine autonomie. (Réf. Manuel d’opération du programme de création d’emplois, avril 2010)

Le programme vise trois objectifs (i) L’amélioration de la sécurité alimentaire des bénéficiaires directs par la possibilité d’accès à des revenus acceptables et/ou à leur paiement partiel en nature avec des provisions alimentaires ; (ii) L’assainissement des zones concernées et la diminution de la vulnérabilité du pays par la réalisation de travaux de déblayage, curage de canaux d’irrigation et de drainage, traitement des bassins versants, correction de ravines et de berges de rivière, reboisement, etc , et (iii) La relance de la production agricole et alimentaire, par l’entretien, la réhabilitation et la construction des infrastructures productives (routes, systèmes d’irrigation, etc.), et travaux agricoles.

Plus d’une centaine de projets sont validés par les comités départementaux de validation dans le cadre de ce programme. Environ 30000 personnes travaillent par jour. En vitesse de croisière, ce programme atteindra plus de 60000 emplois par jour pour plus de 100 projets d’une durée de 3 mois à 1 an. Il ne faut pas toutefois confondre ces projets qui pour la plupart s’exécutent en milieu rural avec les actions du ministère de l’agriculture.

C. L’exemple du ministère de l’agriculture

Tous les autres ministères ont des actions en cours. Le choix de s’attarder sur les actions du ministère de l’agriculture répond à une logique de cohérence des actions par rapport au PARDNH et de continuité par rapport aux actions antérieures au séisme du 12 janvier 2010 et de leur adaptation et articulation par rapport à cette nouvelle donne. Les réalisations sont ici articulées autour de 4 groupes d’activités : Préparation de documents d’orientations et de plaidoyer pour le secteur agricole, Appuis aux campagnes agricoles, Réhabilitation physique, Coopération/Partenariat pour la mise en œuvre de programmes et projets. Dans le cadre de cet article, on s’attardera sur deux aspects. Là aussi, le choix de se concentrer sur des actions en cours en 2010 et sur le plan d’investissement 2010-2016 répond à cette même logique d’actions à l’intérieur d’un cadre global, le PARDNH, d’un cadre spécifique, la politique de développement agricole 2010-2025, et d’une imbrication des actions dans un cadre de continuité articulant le passé, le présent et l’avenir. Il faut insister sur le fait que les actions ne sont pas que d’ordre physique comme la construction de nouveaux locaux au niveau central pour héberger les cadres mais aussi d’ordre institutionnel, ne serait-ce que pour renforcer le MARNDR pour augmenter sa capacité d’absorption.

Les Projets d’infrastructures rurales en 2010.

Le Directeur de la Direction des infrastructures rurales (DIA),Ing. M Charles interviewe en juin 10 par l'auteur de l'article, a dénombré pour l’année 2010 trente six (36) projets d’infrastructures rurales en cours d’exécution actuellement. Ce sont dans l’ensemble des projets ayant une composante d’infrastructures d’irrigation, de traitement de bassin versant, de construction de lacs collinaires, de traitement de berges de rivières, de construction de citernes.

Ces projets sont localisés dans l’ensemble des départements avec une forte concentration dans l’Artibonite (11), dans l’Ouest (7) ; le Centre, le Nord Est, le Nord Ouest et le Sud Est en comptent chacun 3, tandis que le Nord et le Sud les suivent avec 2 projets chacun ; les Nippes et la Grande Anse ferment la marche avec chacun 1 projet.

Les agences d’exécution sont le MARNDR à travers des Unité de Coordination de projet (UCP) et ses Directions Départementales Agricoles (DDA) comme le PIA, le PICV2, le PPI2, les DDA. Certaines activités se font dans le cadre des Projets WINNER localisé dans l’ouest, l’Artibonite et le Centre et DEED localisé dans l’Ouest et l’Artibonite. Il faut noter que la FAO exécute directement un de ces projets dans le NE. L’exécution des travaux se fait en général à travers des opérateurs (Firmes, ONG, DDA, Agence de coopération technique (ACT).

Le Projet où l’on dénombre des infrastructures d’irrigation d’envergure est le Projet d’intensification agricole (PIA) où il est dénombré des actions sur plus de 10000 ha tandis que le projet avec la plus grosse infrastructure est l’Artibonite 4C avec la construction projetée d’une usine hydroélectrique et de la mise en place de 4000 ha équipés d’infrastructures d’irrigation (financement Coopération Brésilienne).

A part les projets financés par le Trésor Public qui souvent s’exécutent à travers les DDA, les projets dénombrés ont une durée de vie de 5 à 7 ans. Il faut noter que les travaux de curage sont récurrents tandis les travaux de réparation et de réhabilitation sont séquentiels et pourraient s’étendre sur plusieurs années en fonction des disponibilités financières de l’Etat (Exemple : Cas des 5 périmètres de Montrouis : 910 ha sur une période de 3 ans).

Ces projets sont financés par la BID, l’USAID, l’UE, la BM, le FIDA, l’AFD, l’ACDI, la coopération Taïwanaise, la coopération brésilienne et le Trésor Public (TP). La plupart des projets prévus dans le plan d’investissement seront financés par les mêmes bailleurs.

Le plan d’investissement agricole 2010-2016

Le ministère de l’agriculture avec l’appui de toutes les parties prenantes du secteur s’est doté d’un Plan National d’investissement 2010-2016 de 790 M d’USD en harmonie avec la politique de développement agricole 2010-2025 et partie intégrante du PARNDH. Le Plan national d’investissement agricole ou National Agriculture Investment plan (NAIP juin 2010) est fondé sur la réponse globale du Gouvernement haïtien à l’effort de reconstruction consécutif au tremblement de terre, ainsi que sur la politique agricole. Il vise à coordonner et fixer des grands principes communs pour le financement et les besoins d’investissements nécessaires au développement du secteur. Le Plan national d’investissement agricole vise les objectifs suivants : (i) augmenter la productivité et la compétitivité du secteur agricole ; (ii) accroître de 25 % la contribution de la production agricole à l’offre alimentaire au niveau national ; (iii) diminuer de 50 % le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire en Haïti d’ici2015 ; iv) améliorer les conditions sanitaires et la nutrition des Haïtiens, en mettant l’accent sur les groupes vulnérables ; (v) augmenter les revenus agricoles d’au moins 500 000 ménages ; (vi) accroître l’entrée de devises étrangères dans le pays ; (vii) et diminuer la vulnérabilité de l’ensemble de la population aux risques de catastrophes naturelles.
Les mesures à court terme (jusqu’en septembre 2011) représentent 28 % du total des investissements proposés. Le MARNDR gère actuellement un budget annuel total (hors sources de financement externe et interne) d’environ 150 millions USD , et le Plan proposé devrait entraîner des dépenses supplémentaires ordinaires de 15 millions USD par an après la date de clôture du Plan (2016). Ces chiffres représentent une augmentation de 10 % sur le budget global actuel du secteur, augmentation que l’on estime gérable et dans les capacités actuelles et prévisibles du MARNDR. Il importe toutefois de noter que, pour soutenir durablement un tel niveau de dépenses ordinaires, le MARNDR va devoir poursuivre le programme de renforcement institutionnel en cours et les activités supplémentaires prévues par le Plan.

A noter que les besoins non couverts (Gap financier) sont notamment évalués à 578 millions USD. Sur ce montant, la BID s’est engagée à hauteur de 200 M USD sur 5 ans, l’USAID à hauteur de 110 M USD sur 1 an et le GAFSP à hauteur de 35 M USD sur 4 ans ; tandis que le FIDA entame le processus de financement d’un nouveau projet de 18 M USD dans le département des NIPPES sur 7 ans, tout en procédant à l’annulation de la dette d’Haïti vis-à-vis du FIDA (57 millions USD) suite aux discussions engagées, et en procédant au lancement d’un projet d’urgence de 2 ans de 2.5 M USD. Le renforcement institutionnel du ministère est en cours pour augmenter sa capacité d’absorption. D’autant que les projets présentés à PUNTA CANA ont fort avoir avec le Plan d’investissement.

D. Le document de projets/programmes présenté à Punta Cana

Dans un document en espagnol « lanzamiento del plan para la recuperación y el desarrolló de Haití, Mayo de 2010”, il a été dénombré quatre groupes de projets sous les rubriques : refondation territoriale (43), refondation économique(4), refondation sociale (13) et refondation institutionnelle (3). Ces quatre groupes totalisent soixante un (61) projets pour un montant global de 11. 5 milliards d’USD. Voici en détails les 4 groupes:

(I)Refondation Territoriale avec 43 projets pour un montant de 5.9 milliards d'USD dans les domaines suivants: zones dévastées, Routes, Saisons cycloniques, aéroports, ports, zones franches, pôles régionaux de développement, rénovation urbaine, électrification, aménagement du territoire et développement local, aménagement Bassins Versants, etc.

(II)Refondation Economique avec 4 projets pour un montant de 737.58 M d'USD dans des domaines suivants: Production agricole, crédit, intrants, Lacs collinaires, réseaux d’irrigation, petites entreprises Investissement, agro-industrie, etc.

(III)Refondation Sociale avec 13 projets pour un montant de 4.2 milliards d'USD dans les domaines suivants:Logement temporaire et permanent, création d'emplois à haute intensité, Protection sociale, éducation : retour à l'école, construction d’école,santé, sécurité alimentaire et de nutrition, eau et assainissement, etc.

(IV)Refondation Institutionnelle avec 3 projets pour un montant de 675 M d'USD dans des domaines suivants:Gouvernance, Relance des administrations centrales et décentralisées : salaires, délocalisation, équipement, justice et sécurité, etc.


E. Considérations en termes de conclusions

Dans le cadre de cet article, il a été délibérément choisi de se concentrer sur les actions physiques et d’ordre technique. Les résultats montrent clairement qu’en dépit du fait que la communauté internationale ne réponde pas encore suffisamment aux promesses faites le 31 mars 2010 à la conférence de New York, les multiples actions techniques en cours ou en préparation augurent quand même des lendemains meilleurs. La mise en place de la CIRH, les actions physiques en cours, les dossiers préparés, les gens qui sont hébergés sous les tentes et abris provisoires même dans des conditions très précaires, les actions en relation avec la saison cyclonique 2010, les emplois créés incitent à regarder l’avenir avec un certain optimisme.

Toutefois, on n’a pas compris pourquoi politiquement, le GOH a pris des décisions si controversées qu’elles occultent les actions physiques et techniques en cours. La loi d’urgence créerait beaucoup moins de problème s’il y avait des explications claires de la part du pouvoir politique concernant cette exigence de la communauté internationale qui voulait que son argent soit géré le mieux que possible et si le GOH n’avait pas jugé opportun de venir avec une loi prolongeant le mandat du Président jusqu’en mai 2011. C’est cette dernière loi qui a été à la base des manifestations de rues dont le Mondial 2010 a pu permettre une trêve et donner un second souffle au GOH.

Durant cette période d’accalmie, le GOH, au lieu de peaufiner une stratégie de dialogue en vue de la participation de tout le monde aux prochaines élections entre temps annoncées pour le 28 novembre 2010, a choisi de continuer avec le processus d’exclusion mis en marche avant le tremblement de terre. Ce choix gouvernemental est perçu comme « une provocation » par l’opposition. Le Mondial conclu par la victoire de l’Espagne une fois achevé se prolonge sur un challenge politique incertain sur fond de manifestations anti-Préval et des inscriptions pour des présidentielles sans enthousiasme. Ce qui pourrait déboucher, si le GOH et la communauté internationale n’arrivaient à venir à bout des manifestations, (i) sur la modification du Conseil Electoral Provisoire (CEP), (ii) sur son renvoi et son remplacement par un autre CEP, (iii) sur le renvoi du processus électoral à une date ultérieure, (iv) sur le ralentissement du processus de reconstruction qui confronte déjà des problèmes de décaissements et de la mise en place du fonds fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB), (v) sur la chute du Président, (vi) et au pire sur une tutelle non déguisée cette fois-ci.

Veut-on continuer à jouer avec l’avenir du pays en piétinant les 250000 cadavres du tremblement de terre par le jeu macabre de la politique politicienne orientée vers la satisfaction des clans politiques et économiques au détriment du bien-être de la collectivité? Le choix est si évident que, dans le cas d’un choix contraire, les 250000 morts et l’histoire ne manqueront pas de demander des comptes à nos politiciens d’aujourd’hui. Alors, ressaisissez-vous et faites le choix du bien être collectif et du développement durable d’Haïti! A moins que…

dimanche 9 mai 2010

HAITI : HIMO, UN OUTIL POUR LA RECONSTRUCTION

HAITI : HIMO, UN OUTIL POUR LA RECONSTRUCTION
Jean Robert JEAN-NOEL
7 mai 2010

J’ai décidé de produire cet énième article sur la haute intensité de main d’œuvre (HIMO) pour plusieurs raisons. Certains cadres ont une opinion erronée par rapport à cette méthode d’exécution. A la phase actuelle du plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH), le gouvernement a lancé un vaste programme de création d’emplois à haute intensité de main d’œuvre avec l’appui financier de la communauté international (PAM, PNUD, FAO, USAID). Les institutions impliquées ont une compréhension différenciée de certaines unités liées à l’HIMO comme personne-jour (P-j), personne-mois (p-m), et ont des difficultés à les traduire en emploi réel journalier ou mensuel.

Une anecdote succulente

Je souris encore quant à cette remarque d’une personne accusant les responsables du MARNDR de bluffeurs lorsqu’elle a lu dans le document post séisme dont l’un des résultats est la création à partir de la méthode HIMO de 45 millions de personnes-jours de travail sur une période 3 ans. Son argument, comment peut-on créer 45 millions de personnes-jour alors qu’on n’a dans le pays que 10 millions de personnes ? « C’est du bluff, et puis, quelle est cette histoire de HIMO dans l’agriculture ?», argumente-elle de manière convaincue comme la plupart de « nos spécialistes en tout improvisés ». J’ai tenté gentiment de lui expliquer sans avoir l’impression de la convaincre réellement, car comme la plupart des « haïtiens ayant fait de grandes études à l’extérieur», elle m’a écouté d’une oreille distraite. Au désespoir de cause, je l’ai conseillée d’aller sur mon site pour lire mon « plaidoyer pour l’utilisation de la HIMO dans le cadre du développement durable d’Haïti (www.jrjean-noel.blogspot.com). Elle m’a affirmé avoir lu mais je suis sur que non ou qu’elle n’a rien compris. Son problème est (i) une aversion contre la HIMO, (ii) une certaine suffisance par rapport à sa formation et (iii) une incompréhension de la notion de personne-jour et par extension de la méthode HIMO elle-même.

La confusion

Ce manque de compréhension de cette méthode se fait sentir dans des échanges entre certains cadres. Lors des discussions avec des cadres haïtiens et aussi des cadres étrangers, j’ai senti une grande confusion par rapport à cette méthode de travail. On la compare souvent à la méthode haute intensité d’équipement (HIEQ). On la confond au roy-roy, une dénaturation de la HIMO sous le soleil d’Haïti pour apaiser la tension sociale. L’idée générale répandue est la suivante, HIMO= emploi temporaire, HIMO=gaspillage d’argent, HIMO= corruption. Et ceci malgré les exemples réussis de travaux d’adoquinage (pavées de béton) de rues dans la plupart des villes d’Haïti dont Carrefour, Cité Soleil, Port-au-Prince, Petite Rivière, Croix-des-Bouquets, de réhabilitation de systèmes d’irrigation, de pistes rurales, etc.
Ce que les gens doivent retenir c’est que, en matière travaux de génie civil et de génie rural, bref de construction, on ne peut utiliser que l’homme (main d’œuvre) ou la machine (équipement). Quand on utilise beaucoup de main d’œuvre, on parle de main d’œuvre intensive ou de haute intensité de main d’œuvre (HIMO). Quand on utilise beaucoup d’équipements, on parle de haute intensité d’équipements (HIEQ). Naturellement, on peut mixer les deux. La HIEQ ne peut se faire sans une utilisation même minimale de main d’œuvre. L’HIMO peut se faire sans équipement, mais le meilleur chantier HIMO est celui qui utilise un minimum d’équipement. Toutefois, dans le cas d’Haïti, il nous faut nous faire à l’idée qu’il est impératif de nous servir de cette main d’œuvre abondante dont nous disposons.

La nécessité d’utiliser la masse de main d’œuvre non qualifiée

Mon argument est simple. Pour arriver à développer Haïti ou, tout au moins, à démarrer le développement, la seule chose dont nous disposons en abondance actuellement comme ressource naturelle est notre masse de main d’œuvre non qualifiée. Avant d’arriver à une masse critique de gens qualifiés par une politique agressive et soutenue d’éducation, il nous faut coute que coute utiliser cette masse de main d’œuvre non qualifiée avec un minimum d’encadrement. Toutes les petites villes de la Cote Sud du pays ont pu changer de visage grâce à une utilisation rationnelle de cette masse de main d’œuvre. Il en a été de même pour la mise en place de nos petits et moyens systèmes d’irrigation et même en partie le grand système de l’Artibonite (32000 ha). En tenant compte d’un certain nombre de préalables, l’utilisation de la HIMO peut se révéler un outil très efficace.

Les conditions du bonne utilisation de la HIMO

Pour arriver à bien utiliser cette méthode de travail, cet outil grand consommateur de main d’œuvre, la première chose est de nous fixer des objectifs bien précis et de nous donner les moyens financiers de les atteindre. Il faut essayer d’équilibrer le coût des matériaux par rapport au coût de la main d’œuvre. Il faut aussi une bonne organisation de chantier, en procédant au recrutement des travailleurs/ouvriers « soit par jour », « soit sous forme de contrat », en plaçant chaque groupe d’équipes dans des endroits bien précis, et en assurant un contrôle de tous les instants. Il faut procéder régulièrement au paiement périodique, etc. Dès ces conditions réunies, les résultats ne tarderont pas à se matérialiser en termes de quantité de travaux réalisés et d’emplois créés, d’argent dépensé, de disponibilité de produits, de services, de réduction de risques, de protection de vies et de biens.

Comment passer de personne-jour à l’emploi réel?

Pour les résultats physiques, il n’est pas difficile de les chiffrer. Par contre pour le nombre d’emplois, on sent beaucoup de confusions, ou, dans certains cas, une volonté délibérée d’abuser de l’unité personne-jour, ou carrément une grande ignorance dans le chiffrage de l’emploi réel. En réalité, une personne qui travaille durant une journée représente 1 personne-jour (P-j) de travail, durant 2 jours, cela fait 2 p-j, durant 100 jours, cela fait 100 p-j. De même 100 personnes qui travaillent durant une journée représentent 100 p-j, 1000 personnes durant une journée représentent 1000 p-j.

Maintenant, prenons l’exemple des 45 millions de p-j de travail du ministère de l’agriculture à raison de 20 jours de travail par mois ; le nombre de personne-mois se calcule en divisant le nombre total de p-j par 20 (45000000/20 = 2250000 p-m) ; de même, le nombre d’emplois durant les 3 ans ou 36 mois se calcule ainsi : 2250000/36 = 62500 emplois environ par mois. C’est un calcul arithmétique simple. Mais cela fait beaucoup plus impressionnant de parler de 45 millions de personnes-jours que de parler de 62500 emplois/mois durant trois ans. C’est, entre autres, la raison pour laquelle que la plupart des rapports des ONG, des bailleurs de fonds et du gouvernement fourmillent de personnes-jours de travail en ce qui a trait au nombre d’emplois créé.

Conclusion

En guise de conclusion, dans le cadre de cette phase de relèvement qui va s’étendre sur au moins 18 mois et même dans la phase de reconstruction proprement dite, Haïti n’a aucun intérêt à mettre de coté une méthode de travail, un outil, qui a fait ses preuves à travers le monde et en Haïti lorsqu’elle est appliquée selon les règles de l’art, et qui pourra largement contribuer à la reconstruction du pays. L’expérience haïtienne en la matière n’est plus à prouver. Notre main d’œuvre n’est certes pas qualifiée mais elle fait preuve d’intelligence et d’une grande capacité d’adaptation avec un minimum d’encadrement. Elle apprend bien sur le tas. En témoigne son apport dans la réalisation de la route Port-au-Prince-Mirebalais au niveau de la réalisation des ouvrages de drainage en maçonnerie et en béton.
Il est clair qu’il faut que le pays s’arrange pour profiter de cette opportunité liée au 12 janvier 2010 pour former cette main d’œuvre sur le tas et de manière formelle en mettant en place des écoles moyennes, des écoles professionnelles pour atteindre le niveau de masse critique de main d’œuvre qualifiée, et aussi de cadres pour l’accompagnement de cette main d’œuvre. Tout ceci nous ramène à la question globale d’éducation, garante de notre développement intégral et durable et de cette compétitivité de plus en plus féroce pour tout Etat, surtout celui d’Haïti qui se veut « émergeant et moderne à l’horizon 2030 ». N’est-ce pas, Mr le Premier Ministre ?
Eh bien, Mr le Président, faites preuve de leadership en vous appuyant sur l’intelligence collective haïtienne et en invitant les autres qui ne sont pas de votre camps à se mettre autour de vous pour la grande « combite nationale », la grande concertation nationale, qui nous sortira de cette « économie rentière » basée sur l’exploitation de la pauvreté et des catastrophes naturelles qui provoquent des dégâts/dommages périodiques à cause de la grande vulnérabilité environnementale du pays haïtien, pour répéter l’expression de mon ami hollandais, Dr Van Vliet. Est-il trop tard? L’avenir immédiat nous éclairera.