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vendredi 29 avril 2011

INITE ET MARTELLY OU LE CHANGEMENT DANS LA CONTINUITE ?

Jean Robert Jean-Noël

Le 28 avril 2011

Le candidat Michel Joseph Martelly a fait campagne sous le thème « changement ». Très critique par rapport au système en place qui a produit tant de misère et tant de souffrance, Il a promis de le changer. Par contre, l’INITE a mené campagne sous le thème « continuité ». En d’autres termes, le Parti du Président Préval croyait dur comme fer qu’il était sur la bonne voie. Il faudrait tout simplement améliorer certaines choses. Le 28 novembre 2010, le peuple est sorti voter. Le 7 décembre 2010, les résultats ont été prononcés. Le peuple estimant avoir été volé avait mis le pays à feu et à sang causant des dommages et pertes estimés à 100 M d’USD par les économistes. Une crise électorale s’est installée et avait du attendre l’intervention de l’OEA pour trancher contre le candidat de l’INITE en faveur de Mr Martelly au 2e tour. Le 2e tour opposa M. Martelly à Mme Manigat arrivée en première position au 1er tour. Le 20 mars 2011, le 2e tour a eu lieu couronné par la victoire de Mr Martelly aux présidentielles au verdict préliminaire du CEP prononcé le lundi 4 avril 2011. Ce verdict a consacré un grand nombre d’élus de l’INITE et d’autres entités aux législatives et laissé en ballotage favorable d’autres entités par rapport à l’INITE. Tout s’est passé dans la joie ce 4 avril 2011 et sans heurt. Malheureusement, les choses allaient se gâter le 20 avril 2011, lorsque les sénateurs et députés en ballotage favorable se sont retrouvés en position de vaincus par rapport à l’INITE au verdict final du CEP. Ce qui a conduit, une fois de plus, à des casses et une rentrée parlementaire sans les contestés en attendant de trouver une solution avec la fameuse OEA pour compléter le parlement.
Alors, comment se présente la situation au niveau du Parlement qui déterminera la configuration du Gouvernement ? Quelle marge de manœuvre aura le Président Martelly avec un Parlement à majorité dominée par l’INITE? Analysons la situation au Parlement, la situation du développement laissé par le Président Préval, la vision de changement de l’administration Martelly, et dégageons comme perspective le changement dans la continuité.

La configuration du Parlement
Avec la validation des pouvoirs , ce lundi 25 avril 2011, de 79 députés sur 99, la 49e législature est constituée. Le lendemain, c’était le tour des sénateurs élus. Et les observateurs ont une idée assez claire de la configuration du Parlement . Sous la plume de Victor Jean Junior dans Le Nouvelliste du 25 avril 11, Le processus électoral loin d'être bouclé, il est écrit ceci : « Avec 17 représentants au Sénat et - si l'on en croit les récents propos du sénateur Joseph Lambert - environ 70 élus et alliés à la Chambre basse, INITE est l'organisation politique majoritaire au Parlement. Viennent ensuite LAVNI, AAA, Alternativ et Ansanm nou fò. Deux candidats de la plateforme INITE, Jean Edzer Valentin (La Vallée de Jacmel, Sud-Est) et Jude Destiné Pierre (Ganthier/Fonds-Verrettes, Ouest) sont encore dans la course. Outre ces circonscriptions, les législatives auront lieu aussi le 29 mai prochain à Verretes (Artibonite) ».
Le samedi 23 avril 2011, l’Agence HPH a rapporté que : « La plateforme INITE et ses alliés ont présenté samedi le "Groupe parlementaire du renouveau" avec plus de 70 députés et 17 sénateurs faisant du GPR le groupe majoritaire au parlement. Les élus de la plateforme INITE et leurs alliés ont participé à une journée de travail qui a consacré la formation de ce nouveau groupe parlementaire, le premier de la 49e législature. Celle-ci devrait entamer ce lundi ses activités. “Nous sommes à un carrefour qui exige l’unité et la solidarité,” a déclaré le sénateur Joseph Lambert, coordonateur de la plateforme INITE à l’ouverture de la rencontre. »

Sur la base de ces informations, en attendant la décision de l’OEA et les élections complémentaires, la Plate-forme INITE semble incontournable dans la constitution d’une majorité présidentielle pour la mise en place du gouvernement. Le parti du Président élu n’ayant que 3 députés à la Chambre basse ne peut que faire des alliances pour constituer une majorité présidentielle pour gouverner le pays. Avec qui ? Probablement avec INITE et alliés. Car, en constituant le groupe parlementaire du renouveau (GPR), l’INITE se positionne comme la première force au Parlement et est en mesure de négocier avec le Président élu. Quand on dit négociation, c’est donnant-donnant. Tant au niveau vision, programme et gouvernement. Ce sera une bataille serrée et sérieuse pour le partage du pouvoir. Or le Président veut le changement et l’INITE la continuité. Qu’est-ce que l’INITE a son actif ou tout au moins quel est l’héritage du Président Préval ?

La situation du développement du pays
Si sur la plan politique, on peut parler d’échec partiel de Préval car il n’est pas arrivé, comme prévu, à placer son héritier à la présidence de la République, la configuration du Parlement actuel lui laisse quand même des marges de manœuvre assez importantes au niveau gouvernemental, tout au moins son équipe au parlement si elle fait preuve de discipline de parti ou de groupe ( souvenez-vous du CPP). Par contre, sur le plan de développement, les trois (3) gouvernements de Préval ont laissé un bilan « acceptable » qui n’a pas été suffisamment exploité par le Président sortant politiquement parlant. Oyez.

Sur le plan macro économique, la discipline a toujours été au rendez-vous. De 37% l’héritage du Président Aristide, l’inflation a été ramenée à 16% par Boniface-Lotortue en 2006 avec des réserves de change supérieures à 200 M d’USD avec un des taux de change autour de 42 GHT pour 1 USD. Les 3 gouvernements de Préval ont stabilisé le taux de change autour de 40 GHT pour 1 USD, un taux d’inflation à 1 chiffre qui a atteint un seuil négatif à certain moment, même le taux actuel de 7% en glissement annuel est plus qu’importé que produit par l’économie haïtienne (Kesner Pharel, Investir du 23 avril 2011). Malgré une gestion politique plutôt catastrophique pour notre économie, le taux de croissance de 8.9% pour l’exercice n’est pas tout à fait compromis et pourrait se chiffrer en fin d’exercice à 8% selon le Ministre de l’économie. Les réserves de change sont autour de 800 M d’USD, soit 3 mois et demi d’importation. L’économie haïtienne est plutôt « saine » pour répéter le Ministre Baudin. Le système bancaire haïtien est un modèle du genre au niveau de la Caraïbe, une vraie paradoxe pour un pays corrompu. C’est un atout précieux pour n’importe quel gouvernement. Le gouvernement a entamé un certain nombre de réformes pour rendre le système global plus performant et surtout plus transparent en informatisant la Direction Général des Douanes, la direction général des impôts (DGI), l’administration centrale et déconcentrée (processus en cours), selon le ministère de l’économie et des finances (MEF).

Sur le plan des grandes actions en cours dans le cadre du DNSCRP (4.3 milliards USD) et du plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH 34.5 milliards d’USD) dont 9.9 milliards d’USD ont été promis à New York par la communauté internationale (CI) le 31 mars 2010, il faut noter le décaissement/engagement de 37.2% selon Bill Clinton, les 74 projets approuvés par la CIRH, la retour à l’école, à l’université, la relocalisation de 700,000 sans abri, l’enlèvement d’une bonne partie des débris, la création de près d’un million d’emplois temporaires selon le PAM, la réhabilitation et la réalisation des grands axes routiers comme Port-au-Prince-Hinche, Port-au-Prince-Gonaïves, Port-au-Prince-Cayes-Jérémie, Miragoâne-Petit-Trou de Nippes, qui favorisent (même en situation de construction en cours) la réduction de moitié le temps mis dans certains cas pour atteindre la destination finale et vice versa , la construction achevée du tronçon Ouanaminthe-Cap-Haïti, de l’Aéroport de Jacmel, de l’Aéroport du Cap (en cours), la construction du Warf de Labadie, le processus de mise en place d’une zone franche dans le Nord du pays, la réhabilitation et construction de systèmes d’irrigation, d’eau potable, d’hôpitaux, de centres de santé etc. Autant d’actions en cours et achevées qui ouvrent la voie au développement du pays sans parler des actions mises en œuvre par le secteur privé haïtien et étranger, les ONGs, les agences de coopération.

En parcourant le pays en dehors de Port-au-Prince, on a cette favorable impression que les choses bougent mais qu’il manque cette coordination de l’Etat. Certes, on est loin de l’idéal souhaité mais on n’est pas non plus dans une situation catastrophique et sans espoir. En tant que Gonaïvien, les travaux entrepris aux Gonaïves depuis 2004 et continués par l’administration Préval commencent à donner de très bons résultats. En grande partie toutes ces actions réalisées sont à l’actif de l’administration sortante donc d’une certaine manière au groupe ESPWA/INITE. On ne peut les rejeter d’un revers de main quel qu’en soit notre sentiment par rapport au Président Préval qui n’a pas su capitaliser dessus et a laissé cette impression de quelqu’un qui n a rien foutu. Or en politique impression vaut fait. En tout cas quelle qu’en soit la vision du développement du Président élu, elle ne peut être en totale rupture par rapport à l’ensemble de ces actions décrites plus haut selon le principe même de continuité de l’Etat.

La vision du changement de l’administration Martelly
La vision de M. Martelly est exprimée dans ses prises de parole, celles de ses conseillers et dans son programme, Le courage de changer. Cette vision est axée sur : (i) La Relance de la production agricole nationale,(ii) la Sécurité des personnes et des biens,(iii) l’Education et la formation pour tous, (iv) Replacer Haïti sur la carte du monde, (v)Tourisme et culture, (vi) Santé préventive et soins pour tous, (vii) Dynamiser l’économie et le secteur privé.

Sans entrer dans une analyse exhaustive du programme de M Martelly par rapport au PARDNH, pour l’observateur averti, ces sept (7) axes du programme se retrouveraient sans grande difficulté dans les quatre piliers du PARDNH, la refondation sociale, la refondation économique, la refondation territoriale et la refondation institutionnelle. C’est peut-être la façon d’opérer qui va être différente avec un leadership différent, peut-être une meilleure coordination et plus de transparence. Mais dans le fond, il y a matière à négociation. Prenons, l’exemple de l’agriculture, l’administration Martelly ne peut pas mettre de coté tout le travail accompli en termes de documents stratégiques visant la relance de la production nationale agricole, la politique de développement agricole (PDA 2010-2025), le plan national d’investissement agricole 2010-2016 (PNIA 790 M USD) dont au moins 250 M USD sont négociés et prêts à être décaissés, le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle 2010-2025(PNSAN), le Plan Directeur de Vulgarisation agricole (PDVA).La finalité de ces documents c’est de projeter « une Haïti sans faim à l’horizon 2025 ». Il ne peut pas non plus mettre de coté : le plan national d’éducation, le Maillage routier national, les travaux des diverses commissions présidentielles en termes de compétitivité, d’éducation, d’amendement constitutionnel, les travaux du CIAT dont une bonne partie est exprimée dans le document Haïti Demain mars 2010. Alors, en toute logique, les négociations entre les deux parties devraient déboucher sur une sorte de compromis que l’on pourrait appeler « changement dans la continuité ».

Le changement dans la continuité
Sur la base de l’analyse précédente, le jeu politique entre l’équipe Martelly et le Groupe GPR devrait être très serré et très sérieux avec comme enjeu certes le partage du pouvoir entre élus mais dans un but bien précis le développement du Pays Haïtien. Le compromis basé sur le changement dans le continuité devrait s’appuyer sur les éléments les plus pertinents des actions en cours, et les marier avec les axes fondamentaux du programme le courage de changer pour en faire un programme gouvernemental de 5 ans ancré dans une vision plus large de 25 ans. Ce programme gouvernemental aborderait (i) les questions urgentes liées à l’amendement constitutionnel, au choléra, aux sans abri, à la prochaine saison cyclonique 2011 et aux autres saisons cycloniques durant les 5ans, à la gestion des risques et désastres, à l’insécurité alimentaire, à la création d’emploi ; (ii) les questions structurantes liées à la poursuite et au renforcement des actions de développement en cours (Agriculture, éducation, santé, route, irrigation, eau potable, électricité, école, université, centre de santé, hôpital, reforme institutionnelle, la stabilité macroéconomique, etc.), (iii) la grande concertation nationale ( la confiance entre Haïtiens, la réconciliation nationale, la vision de 25 ans et la refonte des divers plans pour en faire un plan consensuel, la constitution de 1987 et les nouveaux amendements , etc) ; (iv) l’organisation des élections sénatoriales partielles, des collectivités territoriales et des élections indirectes. Ne seraient-ce pas là des éléments pertinents pour un compromis vers le changement dans la continuité ?

dimanche 27 mars 2011

HAITI-ELECTIONS 2e TOUR, RESULTATS 31 MARS 2011, HAITI D’ABORD !

HAITI-ELECTIONS 2e TOUR, RESULTATS 31 MARS 2011, HAITI D’ABORD !
Jean Robert JEAN-NOEL
27 Mars 2011

Le 7 décembre 2010, le Conseil Electoral Provisoire (CEP) proclama les résultats des élections du 1er tour des présidentielle et législatives du 28 novembre 2010. Ces élections et leurs résultats provoquèrent près d’une dizaines de morts et des dégâts matériels estimés à 100 M d’USD par nos économistes et une crise électorale qui a mis à nue la dépendance du pays vis-à-vis de la Communauté Internationale (CI). Face à la désolation ressentie durant ces deux jours d’émeute, je me suis permis, le 10 décembre 2010, en tant que citoyen haïtien vivant en Haïti, de ramasser les cinq (5) propositions citoyennes sur cette crise et d’y ajouter deux (2) propositions après une analyse très judicieuse dégageant la responsabilité du pouvoir en place dans cette crise électorale, dont une, la 6e sera reprise par l’OEA proposant de remplacer le candidat du pouvoir par Mr Martelly au 2e tour (www.jrjean-noel.blogspot.com), .
En effet, face à l’aggravation de la situation globale du pays en ce mois de décembre 2010, malgré l’implication directe de la CI dans cette crise, en particulier l’OEA, le Président de la République, Mr Préval, a fait appel à des experts de cette institution pour aider Haïti à trouver une solution à la crise électorale. Par des artifices de calculs qui s’apparentaient beaucoup plus à une solution politique, les « experts de l’OEA » ont proposé de remplacer Mr Célestin par Mr Martelly au 2e tour des élections présidentielles, solution avalisée par la CI dans son ensemble et appliquée par le CEP. Ce qui nous a valu deux mois de retard sur le calendrier électoral et l’organisation de ce 2e tour, ce 20 mars 2011, entre Mme Manigat et Mr Martelly. La proclamation des résultats de ces élections est prévue pour ce 31 mars 2011. Qu’en sera-t-il ? Le pays aura-il à payer à nouveau les pots cassé de notre inconscience ?

La position des deux camps

Selon les premières estimations des médias basés sur les dépouillements le soir même des élections, et sur certains procès verbaux affichés aux centres de vote, les tendances seraient plutôt favorables à Mr Martelly dont la photo est publiée en première page de l’Hebdomadaire Haïti en Marche (Haïti en Marche # 09 ), Premiers chiffres : Michel Martelly pourrait l’emporter jusqu’à 60%, selon HEM. Sur cette base et d’autres, disent-ils en leur possession, les partisans de Mr Martelly ont crié victoire. Sur les médias en ligne, c’est l’empoignade. Chacun se dit en possession d’informations les plus fiables. Sur ces entrefaites, le camp Manigat a fait sortir un communiqué signé de Mr Patrice Dumont disant détenir d’informations laissant croire que Mme Manigat est dans une position confortable pour gagner les élections. Les alliés de Mme Manigat, en l’occurrence MM Latortue et Beauplan, invitent d’aller débattre au centre de tabulation. Un groupe appartenant à « Repons Peyizan » a tenu aussi sa conférence en clamant la victoire de Mr Martelly. Toutes ces interventions ont eu pour effet de rétablir « l’équilibre » et de forcer les observateurs et le commun des mortels à un certain attentisme et à spéculer aussi sur « d’éventuelles magouilles » du CEP qui a interdit de publier les tendances.

D’un autre coté, en écoutant les déclaration des uns et des autres, en lisant les empoignades sur le net, on a cette désagréable impression que les deux camps sont prêts à en découdre et sont prêts à lâcher leurs sbires dans la rue pour « faire respecter le vote du peuple ». On a comme l’impression, que notre pays, notre chère Haïti, n’est pas l’enjeu principal de ces élections, que chaque camp se bat pour sa chapelle et non pour cette Haïti meurtrie par un tremblement de terre qui a fait officiellement 316,000 morts, malade du choléra, dévastée par des cyclones, gangrenée de corruption, fragilisée par sa vulnérabilité environnementale et son positionnement sur la route des ouragans , et ses risques de tremblement et/ou de tsunami . L’observateur averti que je suis est inquiet, d’autant que hier samedi 26 mars 2011, j’ai vécu, à Miragoâne, à la localité de Chalon un incident qui pourrait se révéler le signe avant coureur de ce qui va se passer après le 31 mars 2011.

L’incident de Miragoâne

En effet, ce 26 mars, j’ai été dans la zone de Miragoâne pour une consultation sur l’irrigation. Vers midi, j’ai vu des barricades sur la Nationale no 2. J’ai demandé à mon chauffeur d’avancer prudemment. On a été accueilli par des jets de pierres et des tirs d’armes à feu au niveau de Chalon. La raison de cet incident est simple. Le PAM qui a ouvert des chantiers « cash for work » au niveau de la zone, a eu un retard de paiement. Voilà la raison pour laquelle, on a du perdre deux heures de temps à négocier avec des mécontents et certains ont vu la vitre de leur véhicule briser. Qu’est-ce qu’un usager de la route a à voir avec un retard de paiement d’une organisation internationale qui a ouvert des chantiers pour essayer de recapitaliser la population de la zone ?

L’état d’esprit avant la proclamation des résultats le 31 mars 2011.

Cet incident témoigne de l’état d’esprit qui prévaut actuellement dans le pays où la moindre étincelle peut provoquer une explosion incontrôlable favorable aux éternels fauteurs de trouble . Les nerfs sont donc à fleur de peau. Quand on sort travailler ou vaquer à ses occupations, on ne sait pas si on va rentrer sain et sauf à la maison. On est tout le temps sur le qui vive. On n’a pas la tranquillité d’esprit nécessaire pour réfléchir aux grands défis qui attendent le pays. Et nos intellectuels sur le net, surtout ceux-là qui vivent à l’extérieur au lieu d’y pencher car en principe plus à même de le faire en lieu et place de nous autres qui confrontons la réalité quotidienne de terrain, s’entredéchirent pour des questions sans grandeur de partisannerie politique. Que l’élu soit Manigat ou Martelly, les défis d’Haïti ne changeront pas. Alors, s’il vous plait, évitez d’alimenter les antagonismes au sein de la population, noir-mulâtre, riche-pauvre, partisan Manigat-partisan Martelly, Haïtien de l’intérieur-Haïtien de l’extérieur, intellectuel-simple d’esprit, etc. Haïti a besoin de tous ses fils et filles pour affronter ses défis et se refonder. Ce ne sont pas les résultats des élections qui vont changer quoi que ce soit en Haïti ! Les deux protagonistes auront à confronter les mêmes problèmes et les mêmes défis surtout ceux liés la refondation d’Haïti. Qu’ils convient leurs partisans à ne pas empirer la situation du pays en brisant et en cassant quelle que soit l’issue de ce 2e tour. Rappelez-vous que ce 2e tour n’est autre qu’un compromis politique suite à la gargote électorale du 1er tour ! Rien d’autre !

Haïti d’abord !

Tacitement, nous avons accepté ce compromis d’aller à ce 2e tour car nous sommes fatigués. Nous avons accepté de laisser Mr Préval aller jusqu’au 14 mai 2011 car nous sommes fatigués. Nous avons accepté le retour de MM Aristide et Duvalier car nous sommes fatigués. Nous avons accepté la hausse du prix du carburant qui va avoir des répercussions sur le cours de notre vie car nous sommes fatigués. Nous acceptons de vivre dans cette précarité car nous sommes fatigués. Alors, acceptons les résultats de ce soit disant 2e tour comme une première étape vers cette grande concertation nationale pour jeter les bases d’un grand sauvetage national de l’Haïti de demain, moderne, émergeante, décentralisée et souveraine. Haïti d’abord, c’est notre cri de ralliement dorénavant ! Vous vous retrouvez dans ce cri, alors « faisons la route ensemble » et laissons les autres se battre pour leur chapelle, tout en les suppliant de ne pas briser et casser le petit reste qui reste. Ils nous doivent bien cela, n’est-ce pas ? Après tout, c’est leur pays aussi ! Donc Haïti d’abord s’il vous plait !!!

vendredi 10 décembre 2010

HAITI-ELECTIONS DU 28 NOVEMBRE 10, LES SEPT OPTIONS DE SORTIE DE CRISE

HAITI-ELECTIONS DU 28 NOVEMBRE 10, LES SEPT OPTIONS DE SORTIE DE CRISE
Jean Robert JEAN-NOEL
10 Décembre 2010

2010 est à ma connaissance l’année la plus terrible qu’Haïti ait connue. En effet, notre pays fut victime du tremblement de terre qui a fait plus de 250000 morts et des dommages estimés à 120% du PIB de 2009;le cyclone Tomas a fait une dizaine de victimes et des dommages estimés à des dizaines de millions de dollars américains ; le choléra a franchi le cap de 2000 morts, et les résultats des élections du 28 novembre ont provoqué près d’une dizaine de morts et des dommages importants aux Cayes, au Cap, à Port-au-Prince, à Pétionville et une paralysie du pays depuis la proclamation de ces résultats. Les résultats de ces élections viennent exacerber la crise haïtienne. Quelles sont les options possibles pour s’en sortir ?

La crise électorale et ses racines historiques
Cette crise est en grande partie provoquée par le pouvoir en place. En effet, après la prise du pouvoir en 2006, au lieu de réaliser les élections indirectes pour la mise en place du Conseil Electoral Permanent (CEP), le Président Préval et son Premier Ministre, Jacques Edouard Alexis, avec la complicité de certains leaders politiques, préférèrent procéder à la mise en place d’un nouveau conseil électoral provisoire(CEP). Ce nouveau CEP avait organisé les sénatoriales contestées de 2009. Ces sénateurs « mal élus » ont permis au pouvoir d’asseoir sa mainmise sur le Parlement qu’il avait déjà dominé au niveau de la chambre basse grâce à un contrôle du groupe parlementaire CPP. Cette mainmise permit au Président de se débarrasser de Mme Pierre-Louis, la Première Ministre qui, entre temps, avait remplacé Mr Jacques Edouard Alexis, lui-même lâché par le Président et renvoyé par le Senat alors dominé par les Sénateurs qui allaient par la suite se considérer comme des opposants au Président Préval, et qui, paradoxalement, allaient prendre position pour Mme Pierre-Louis lorsque le Président décida de s’en débarrasser. Cet appui à Mme Pierre-Louis et les bons résultats obtenus par cette dernière(2.9% de croissance du PIB en 2009) n’avaient pas empêché le Président de la renvoyer malgré l’avis contraire de la plupart des haïtiens et de la communauté internationale, et de la remplacer par Mr Jean Max Bellerive, le Premier Ministre actuel. Le Président, sûr de ses forces et ayant le vent en pourpre, créa le Parti INITE et procéda à un léger remaniement du CEP qui avait prévu d’organiser les législatives en février 2010, et ce, malgré les protestations de l’opposition. Ces législatives n’avaient pu avoir lieu à cause du tremblement de terre du 12 janvier 2010, et ont du être fusionnées avec les Présidentielles pour être organisées le 28 Novembre 2010, malgré le refus de participation d’une frange de l’opposition à cause même, disent-ils, de la mainmise du pouvoir sur le CEP. Ces élections ont pu avoir lieu en effet ce 28 novembre 2010 avec beaucoup d’irrégularités et de fraudes, de l’avis de tout le monde et même du Président de la République lui-même. Sur la crise globale haïtienne vient donc se greffer une crise électorale sérieuse.

Comment sortir de la crise électorale ?
Haïti est au bord du gouffre cette fois-ci depuis la proclamation des résultats préliminaires de ces élections, le 7 Décembre 2010. Pour sortir de la crise électorale actuelle qui a déjà provoqué des dégâts considérables et des pertes en vies humaines, et qui pourrait avoir des conséquences incalculables pour notre pays, il y a plusieurs propositions/options sur le tapis (i) L’annulation des élections du 28 novembre 2010 ;(ii)L’organisation d’un second tour à 4 candidats ;(iii) L’organisation d’un second tour à 3 candidats;(iv) Le renvoi pur et simple du Président Préval ;(v) Le remplacement du Gouvernement tout en conservant le Président jusqu’au 7 février 2010 ; (vi) L’organisation d’un second tour sans le candidat du pouvoir ; (vii)Un compromis entre le pouvoir et Martelly pour « l’élection de Mme Manigat » au 1er tour. Ces deux dernières options sont miennes.

(i) L’annulation des élections du 28 novembre 2010
Cette proposition vient du groupe des 12 candidats à la présidence qui , le 28 novembre 2010, avait lancé un appel à l’annulation des élections pour cause d’irrégularités et fraudes massives. Quand on écoute la déclaration de l’ensemble des candidats, on a l’impression que tout le monde accuse le CEP sans distinction, y incluse la plate-forme INITE qui réclame la victoire à 52%. Cette proposition s’accompagnerait du renvoi du CEP. Cette proposition devrait avoir l’aval du pouvoir et de la communauté internationale pour être mise en application.

(ii) L’organisation d’un second tour à 4 candidats classés en tête de liste par le CEP
Cette proposition a été faite par Gérard Daniel Rouzier avant même la proclamation des résultats des élections du 28 Novembre 2010. Si le CEP en avait tenu compte, cela nous aurait évité la situation actuelle. Mais face à cette situation, cette option peut-elle encore être appliquée? D’autant que Céant qui vient en 4e position reste un farouche défenseur de l’option annulation.

(iii) L’organisation d’un second tour à 3 candidats
Cette proposition est déduite d’une interview de Valérie Numa sur Vision 2000 avec Mme Odette Roy Fombrun. Elle est reprise par certaines personnes qui croient que, face à l’ampleur de la crise électorale, il faudrait une solution politique pour sauver ce qui peut encore l’être.

(iv) Le renvoi pur et simple du Président Préval
C’est ce que demande la frange de l’opposition qui n’a pas été aux élections, c’est ce qu’exigent certains manifestants, c’est ce que proposent certains cadres sur les sites de la diaspora et de certains médias en ligne. Cette proposition n’est pas réaliste pour la bonne et simple raison qu’il ne reste que deux mois à Mr Préval pour laisser constitutionnellement le pouvoir. La mise en application d’une telle proposition dépendrait de la volonté du Président de partir avant l’heure, de la disposition de la communauté à accepter une telle option et de la capacité des manifestants à rester mobilisés sur une période plus au moins longue avec les conséquences désastreuses que l’on sait. Cette option, à mon avis, est à écarter.

(v) Le remplacement du Gouvernement tout en conservant le Président Préval jusqu’au 7 février 2010
Cette proposition prévoit la mise en place d’un nouveau gouvernement qui accompagnerait le Président jusqu’au 7 février 2011. Le Président serait remplacé à partir de cette date par le Président de la Cour des Cassations qui aurait trois à six mois pour organiser les élections. Il est aussi prévu tout un agenda pour ce nouveau gouvernement. Cette proposition sans le dire annulerait les élections du 28 Novembre 2010 et renverrait le CEP. A coté du remplacement du gouvernement qui me parait irréaliste à 2 mois de la fin du mandat du Président Préval, je pense que cette proposition ne permettrait pas d’apaiser la tension actuelle liée en grande partie à l’élimination de Mr Michel Martelly. L’annulation des élections satisferait les 12 candidats, la frange de l’opposition qui n’a pas participé aux élections, certains manifestants, certains cadres de la diaspora, mais lèserait les trois premiers candidats en lice.

(vi) L’organisation d’un second tour sans le candidat du pouvoir
Cette proposition se base sur les conséquences des 2 premières journées de protestation qui traduisent un ras le bol par rapport au pouvoir en place et qui se traduit par le rejet de Mr Jude Célestin en procédant à la mise à feu du local de la plate-forme INITE, des photos géantes de ce candidat du pouvoir, et en lui vouant une hostilité frisant la haine. En fonction de ce constat, Mr Célestin s’effacerait au profit de Mr Martelly. Cette proposition exigerait beaucoup de sacrifices de la part du pouvoir en place qui s’est arrangé pour en garder le contrôle à travers Mr Célestin. Trop d’intérêts de groupes seraient en jeu au détriment de ceux du pays pour l’application d’une telle option. Il faudrait un sens poussé de l’Etat et une compréhension profonde des intérêts supérieurs de la nation haïtienne de la part des tenants du pouvoir pour la mise en application d’une telle proposition. Une déclaration de renoncement de Mr Célestin au profit de Martelly serait l’une des meilleures options pour calmer la tension actuelle selon moi.

(vii) Un compromis entre le pouvoir et Martelly pour « l’élection de Mme Manigat » au 1er tour
C’est une option purement politique pour sauver la situation et ce qui reste de l’intégrité du pays. Jude Célestin (48 ans) et Michel Martelly (49 ans) feraient une déclaration commune qu’ils accordent leurs voix à Mme Manigat (70 ans). Le Président Préval, le CEP et la Communauté internationale prendraient acte et cautionneraient cette solution négociée. Le groupe des 12 ainsi que la frange de l’opposition qui n’a pas participé à ces élections applaudirait cette solution dans un élan patriotique. La société civile prendrait position publiquement pour cette solution politique négociée. Et Haïti étonnerait une fois de plus le monde.
Sommes-nous capables d’une telle grandeur d’âme et d’un tel élan patriotique ? Moi, Jean Robert JEAN-NOEL, je le Crois, et vous ??? A moins que ces leaders qui nous gouvernent ou qui aspirent à le faire n’aient aucune considération pour cette pauvre Haïti « tant chérie » par eux !!!

vendredi 30 juillet 2010

HAITI RECONSTRUCTION, LA CIRH ET LE FONDS FIDUCIAIRE MULTI BAIILLEURS OU EN SOMMES-NOUS ?

HAITI RECONSTRUCTION, LA CIRH ET LE FONDS FIDUCIAIRE MULTI BAIILLEURS OU EN SOMMES-NOUS ?
Jean Robert JEAN-NOEL

Le 26 juillet 2010

Pour les observateurs objectifs, le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH) a eu, depuis sa présentation à la Conférence de Reconstruction de New York au siège des Nations Unies où il a reçu 9.9 milliards d’USD de promesses de financement, quelques résultats physiques et techniques acceptables. A noter que les résultats présentés avaient à voir avec la situation d’avant le séisme et d’après le séisme du 12 janvier 2010. Pour la situation d’après le 12 janvier, on s’est surtout basé sur les prévisions du PARDNH et les actions physiques y relatives et les projets présentés par Haïti à la Conférence de PUNTA CANA (RD) (réf. www.jrjean-noel.blogspot.com ). Au cours de cette conférence, Haïti a présenté ses représentants dans la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) mais a très peu parlé du Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB). Dans le cadre de la reconstruction où en sommes-nous par rapport à ces deux mécanismes depuis cette conférence de New York du 31 mars 2010 ? Pour répondre à cette interrogation, appuyons-nous sur le PARDNH en regard de ces deux entités et analysons leur situation par rapport aux informations disponibles.

Le PARDNH et les deux entités en question

Selon le PARDNH, « le séisme du 12 janvier marque une rupture dans les approches utilisées jusque là » et nécessite « véritablement une nouvelle forme de coopération, une responsabilité mutuelle Haïti – Communauté internationale dans les résultats à atteindre ». D’où l’obligation « d’agir maintenant tout en mettant en place les conditions de la croissance structurelle nécessaire dans la durée. Aussi, le PARDNH subdivise-il les étapes de la refondation d’Haïti en « trois grands moments » de la planification des interventions (i) La période d’urgence, (ii) La période d’implantation (dix-huit mois) des projets déclencheurs pour cette Haïti de demain, et (iii) La période de concrétisation de la reconstruction et de la refondation d’Haïti sur un horizon de dix ans pour remettre le pays sur la voie du développement et dix ans de plus pour en faire véritablement un pays émergeant, les échéances sur lesquelles Haïti demande l’appui de la communauté internationale pour réussir cette refondation qui s’avère un devoir historique pour chaque Haïtien et chaque Haïtienne ».

La mise en œuvre d’un tel plan exige la mise en place de deux entités inédites jusqu’ici en Haïti, la CIRH et le FFMB.

La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH)

Selon le PARDNH, la CIRH, qui est commission paritaire composée d’Haïtiens et d’étrangers et coprésidée par l’Ex US Président et le Premier Ministre Haïtien, a pour mission « d’assurer la coordination et le déploiement efficaces des ressources et de répondre aux préoccupations relatives à la responsabilisation et à la transparence afin de maximiser les appuis fournis par les bailleurs de fonds internationaux ». En attendant de devenir la Régie pour le Développement d’Haïti (RDH) après 18 mois, le mandat de la CIRH « consiste à mettre en œuvre le Plan de Développement pour Haïti soumis par le Gouvernement. Elle donne son approbation à des propositions de projets évalués en fonction de leur conformité et de leur coordination avec le Plan de développement pour Haïti, élaborer et solliciter des projets compatibles avec les priorités du Plan de développement pour Haïti et décide de la recevabilité des soumissions externes ». « Les attributions de la CIRH seront exercées dans le cadre de l’état d’urgence. Elle dispose, en Conséquence, des pouvoirs nécessaires en vue d’exercer efficacement sa mission ». D’où cette fameuse loi d’urgence controversée de 18 mois.

Pour exercer correctement sa fonction, la CIRH a en plus de son conseil d’administration (CA) un secrétariat exécutif coordonné par un directeur exécutif. Ce secrétariat « comporte des services de planification, de communications et de gestion de projets, une équipe de conseillers sectoriels et des bureaux attribués au secteur privé et aux ONG. Ce secrétariat est composé d’experts d’Haïti, de la Diaspora haïtienne, et de personnes détachées par les principales institutions financières internationales et les bailleurs de fonds ». Entre temps les modalités de fonctionnement du secrétariat ont été définies et acceptées par le CA. Les membres de la CIRH sont en place, le Directeur Exécutif également.

Le Fonds fiduciaire Multi-Bailleurs ( FFMB)

Qu’en est-il du FFMB ? Voici ce qu’en dit le PARDNH « Le Fonds Fiduciaire Multi-Bailleurs (FFMB) est un instrument qui doit faciliter l’harmonisation entre les programmes et projets nécessitant du financement et les fonds disponibles. C’est un dispositif qui permet de regrouper les fonds pour des programmes dont l’envergure dépasse les capacités d’un seul bailleur de fonds. C’est finalement un mécanisme qui doit en principe faciliter la coordination des aides externes et assurer la saine gestion des fonds mis à disposition pour la refondation d’Haïti ». Toujours selon le PARDNH « Haïti a demandé la création d’un Fonds Fiduciaire Multi-Donateurs dont l’administration sera confiée à la Banque mondiale. Un partenariat regroupant la Banque Interaméricaine de Développement, les Nations Unies et la Banque Mondiale doit permettre d’atteindre les objectifs cités au paragraphe précédent, mais il doit y avoir obligation de résultats, i.e. (1) permettre de mobiliser davantage de fonds et les rendre disponibles plus rapidement, (2) accroître la fluidité des flux financiers, (3) accélérer les procédures d’approvisionnement et de mobilisation des opérateurs pour l’exécution des programmes, (4) fournir, aux partenaires contributeurs, les garanties de probité et de diligence dans l’utilisation des ressources financières et (5) réduire les coûts de transaction de l’aide ».

Le PARDNH rapporte un peu plus loin : « Il est peu prévisible, même si c’est là le souhait du Gouvernement d’Haïti, que tous les fonds disponibles, y compris ceux qui transitent par les agences multilatérales et les ONG, vont effectivement être gérés via ce fonds. Il est donc impératif de préciser la portée effective de la compétence de ce fonds et de ses modalités d’approvisionnement et de décaissement ». Ce qui nous conduit tout droit vers l’analyse de la situation par rapport aux informations disponibles.

Analyse de la situation par rapport aux informations disponibles

A la lecture des informations tirées du PARDHN, il est clair que le GOH devait prendre une loi d’urgence pour favoriser l’évolution de la CIRH. D’un autre coté, la communauté des bailleurs n’était pas tout à fait d’accord avec le souhait du GOH d’avoir un fonds unique pour pouvoir mieux gérer la reconstruction. Elle a estimé que sa façon d’opérer était correcte et qu’elle n’avait pas à se courber par rapport à un souhait du Gouvernement Haïtien. Comme elle était partie prenante de l’élaboration du PARDNH, elle l’a fait passer dans ce document pour pouvoir mieux faire à sa façon par la suite.

D’où les propos de Jean Michel CAROIT dans le journal Le Monde, le 30 mars 10 : « Inspiré par l'expérience de l'agence pour la reconstruction mise en place en Indonésie après le tsunami de décembre 2004, ce modèle risque de se heurter aux réticences de plusieurs bailleurs de fonds soucieux de préserver le contrôle et la visibilité de leurs apports. Pour le responsable de la mission des Nations unies en Haïti, Edmond Mulet, la constitution d'un fonds unique multi donneur serait la meilleure façon d'éviter l'éparpillement des initiatives et les doubles emplois. Craignant que cette formule soit peu réaliste, il suggère que chaque grand bailleur prenne en charge une zone géographique ou un secteur d'activité, ce qui permettrait de mieux évaluer les résultats ». Et un peu plus loin, il rapporte que « C'est aux Haïtiens qu'il appartient de définir leur avenir, répètent les responsables de la communauté internationale (CI) ».

C’est cela notre plus grand problème, nous ne savons pas négocier avec la CI et défendre correctement les points de vue haïtiens argument contre argument. Ainsi, nous nous sommes retrouvés avec une CIRH pratiquement imposée par la CI, malgré les susceptibilités proverbiales de l’Haïtien eu égard à la question de souveraineté du pays. Mais cette CI, malgré les principes de la déclaration de Paris, malgré les multiples problèmes liés à l’harmonisation des procédures et pour des questions de simple visibilité, s’est arrangée pour échapper au FFMB pourtant claironné par le GOH comme une victoire, et surtout pour continuer à fonctionner chacun avec ses propres procédures. Le GOH aurait pu exiger de la communauté des bailleurs d’avoir des procédures consensuelles ou, tout au moins, l’adoption des procédures de l’un des bailleurs. Ce qui fait qu’enfin de compte, le FFMB ne gérerait, selon deux responsables de la CI en Haïti, que 10 à 15% des fonds promis à New-York. Aux dernières nouvelles, le montant total du FFMB est de 500 M d’USD, soit seulement 5% des promesses de NY. Voici ce qu’en rapporte Radio Métropole ce 24 juillet 2010 : « Les 97 millions de dollars représentent moins de 20% du montant total (500 millions) du fonds fiduciaire multi donateur ». La BM serait incessamment en attente des fonds « du Canada, de l’UE, de la France, de la Géorgie, de l'île Maurice, du Qatar, de l'Arabie saoudite, de la Corée du Sud, de l'Espagne, de la Suède et des USA ».

Pour l’auteur de cet article, fin observateur de la situation haïtienne depuis des années, c’est de la foutaise cette belle envolée du PARDNH : « Selon le prospectus du Fonds, ce mécanisme a comme objectif de faciliter le leadership du Gouvernement d’Haïti sur la structure d’approbation et d’exécution des programmes et projets. Il doit en outre permettre de développer une structure de gouvernance inclusive des différents paliers du gouvernement, de la société civile, du secteur privé et des ONG ».

En tout cas, ce qui va se passer, la CIRH, à travers son secrétariat exécutif, va avoir toutes les peines du monde à orienter les programmes et projets vers les multiples bailleurs y inclus cette nouvelle entité, le FFMB, avec l’obligation pour les ministères qui vont exécuter ces programmes et projets de respecter les procédures de ces divers bailleurs de fonds. Ceci va grandement compliquer la tâche de la CIRH et l’Etat Haïtien qui vont être accusés d’incompétents par « manque de capacité d’absorption » à cause même des multiples procédures à appliquer. Malheureusement pour cette communauté internationale (CI), elle fait partie intégrante de cet organe de décision qui s’appelle CIRH et qui deviendra plus tard RDH.

En guise de conclusion, le GOH n’avait pas à souhaiter la mise en place d’un fonds commun mais devait l’exiger. Il fallait forcer les bailleurs à appliquer intégralement les principes de la déclaration de Paris y inclus celui d’Harmonisation. La responsabilité de réussir la refondation d’Haïti est certes avant tout haïtienne, elle est aussi mutuelle par l’implication de nos amis de la CI. S’il est fait exigence au GOH de se courber à certains principes, il en est de même pour la CI. Il est donc du devoir des co-présidents de la CIRH d’exiger de la communauté des bailleurs d’adopter le FFMB ou tout au moins des « procédures consensuelles et célères pour Haïti ». Les 250000 morts l’exigent, Messieurs, et votre devoir le commande également !

dimanche 25 juillet 2010

HAITI RECONSTRUCTION, OU EN SOMMES-NOUS ? QUEL CHOIX : CLANS OU PAYS ?

HAITI RECONSTRUCTION, OU EN SOMMES-NOUS ? QUEL CHOIX : CLANS OU PAYS ?
Jean Robert JEAN-NOEL
21 juillet 2010

L’idée de produire cet article est venue à partir d’un ensemble d’interrogations soulevées par mes amis concernant le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH). Depuis sa présentation à la Conférence de Reconstruction de New York au siège des Nations Unies où il a reçu 9.9 milliards d’USD de promesses de financement, ce plan, bien accueilli par la communauté internationale, a été l’objet de critiques de la part de l’opposition politique, et d’une 2e conférence, celle de Punta Cana, en République Dominicaine. Au cours de cette conférence, Haïti a présenté ses représentants dans la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) prévue par le PARDNH et un ensemble de projets/programmes sous les rubriques, refondation territoriale, refondation économique, refondation sociale et refondation institutionnelle. Cette CIRH, qui a été l’objet d’une loi controversée, est une des deux entités inédites prévues par le PARDNH, l’autre étant le Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB). Où en sommes-nous par rapport à la situation globale du pays depuis cette conférence de New York du 31 mars 2010 ? Quel choix : clans ou pays ? Pour répondre à ces interrogations, appuyons nous sur le PARDNH, les actions en cours dans le pays, l’exemple du ministère de l’agriculture, les projets présentés à PUNTA CANA, et sur certaines considérations en termes de conclusions.

A. Rappel des prévisions du PARDNH

Selon le PARDNH du 31 mars 2010, le séisme du 12 janvier marque une rupture dans les approches utilisées jusque là. L’importance des problèmes à résoudre, des moyens à mobiliser appellent de nouvelles façons de faire, véritablement une nouvelle forme de coopération, une responsabilité mutuelle Haïti – Communauté internationale dans les résultats à atteindre.

Le Plan d’action doit conjuguer l’impératif d’agir maintenant tout en mettant en place les conditions de la croissance structurelle nécessaire dans la durée. Aussi, les « trois grands moments » de la planification des interventions, les échéances sur lesquelles Haïti demande l’appui de la communauté internationale pour réussir cette refondation qui s’avère un devoir historique pour chaque Haïtien et chaque Haïtienne, sont :

1- La période d’urgence, qui doit servir à améliorer les conditions d’hébergement des sans-abris, à retourner les élèves à l’école et les étudiants à l’Université et aux centres de formation professionnelle, à préparer la prochaine saison cyclonique de l’été, à poursuivre les efforts pour redonner une normalité à la vie économique notamment en créant massivement des emplois par des activités à haute intensité de main d’œuvre, en garantissant la stabilité du système financier et l’accès au crédit aux micro, petites et moyennes entreprises, à continuer la réorganisation des structures de l’État. Durant cette période, il faudra travailler sur les stratégies et plans de développement des nouveaux pôles choisis, poursuivre les actions en faveur de l’équipement des zones d’accueil des populations déplacées par le séisme, mettre en place le processus électoral pour éviter tout vide constitutionnel.

2- La période d’implantation (dix-huit mois) des projets déclencheurs pour cette Haïti de demain et la mise en place du cadre d’incitation et d’encadrement à l’investissement privé sur lequel est fondé le choix de croissance économique fait par Haïti. En effet, comme le prévoient les différentes analyses et évaluations, les investissements privés, dans l’économique comme dans le social, vont constituer la colonne vertébrale de la refondation de notre pays. Parmi les engagements pris avec les donateurs, il a été retenu d’accompagner le développement du secteur privé, tout le secteur privé, pour le doter des capacités nécessaires pour remplir ce rôle.

3- La période de concrétisation de la reconstruction et de la refondation d’Haïti sur un horizon de dix ans pour remettre le pays sur la voie du développement et dix ans de plus pour en faire véritablement un pays émergeant.

Au cours de cette Conférence de New York, les partenaires internationaux se sont engagés de manière ferme sur les deux premières périodes et ont accepté le principe d’un accompagnement de notre pays « sur le long terme pour concrétiser ce pacte de responsabilité mutuelle convenue à Madrid dès 2006 », en promettant 9.9 milliards d’USD sur une période de 10 ans dont 5.3 milliards de dollars sur les premiers 18 mois. Les trois périodes prévues sont donc couvertes, tout au moins en termes de promesses et de certaines actions qui étaient déjà en cours après le 12 janvier 2010. Ici, il faut se rappeler que toute cette solidarité internationale par rapport à notre pays a un coût financier ; et ce coût-là est très certainement pris en compte dans les 9.9 milliards d’USD.

Pour avoir accès à cet argent, le Gouvernement Haïtien (GO) et la Communauté Internationale (CI) se sont mis d’accord dans le cadre du PARDNH pour mettre en place la CIRH qui deviendra plus tard l’Agence pour le Développement d’Haïti (ADH) et le FFBM. Ces deux entités inédites jusqu’ici dans les annales de la coopération haïtienne avec la CI, devront favoriser « l’instruction des dossiers, la formulation des programmes et projets, leurs financements et leurs exécutions, tout cela dans une approche coordonnée et cohérente ». Ceci est valable tant pour la fin de la période d’urgence, pour la période d’implantation de projets déclencheurs (18 mois) que pour la période de concrétisation de la reconstruction et de refondation d’Haïti (10 ans). Cette dernière période sera couverte par « trois cycles de programmation des Stratégies Nationales de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (SNCRP) ».

B. Les actions en cours dans le pays.

En effet, dans le cadre du DSNCRP, certains programmes étaient en cours. En mai 2009, on en avait dénombré six (6) programmes totalisant 1060 projets pour un montant 4.3 milliards d’USD (réf. Indice de perceptions de la corruption et projets, www.jrjean-noel.blogspot.com). Momentanément arrêtés après le séisme, la plupart de ces projets ont repris leur cours normal comme les projets de routes avec le ministère des TPTC, Gves-Port-de-Paix, Gves-St Marc, St Marc-Montrouis, Cayes-Jérémie, Mirebalais-Port-au-Prince (achevé), Mirebalais-Hinche, etc. D’autres sont à peine lancés et/ou en gestation comme ceux présentés à Punta Cana dans le cadre de cette 2e conférence sur le PARDNH organisée en République Dominicaine début juin 2010.

Il faut noter les actions pour la reprise des cours dans des abris provisoires en bois couverts de tôles ou de pailles, la mise en place des tentes et des abris provisoires dans les villes affectées par le séisme. Des actions sont menées dans le cadre de la préparation à la saison cyclonique 2010, aux Gonaïves, à l’Estère, à Cabaret, à Léogane, Grand Goâve et aux Cayes. Ces actions sont menées par le GOH, par les agences de coopération et par les ONG. L’impression, c’est qu’il n’y a pas encore de réelle coordination de ces actions par le GOH. A coté de ces actions, on relève d’autres qui se faisaient à travers les organismes de l’Etat en partenariat avec des ONG et qui continuent de plus belle à travers toute la République. On va s’attarder sur la plupart de ces actions avant de présenter les projets qui ont été listés à la conférence de PUNTA CANA en République Dominicaine.

Projets d’Initiatives communautaires (PIC)

A coté des projets décrits plus haut, certains projets d’initiatives communautaires ont vu le jour grâce à un concept de petits projets de l’ordre de 5 à 10 mille USD introduit par le FIDA (2002) dans le cadre du Projet d’intensification des cultures vivrières (PICV II) (21 M USD) et repris (2004) par la Banque Mondiale (BM) (17500 USD/projet) dans le cadre du Programme de développement communautaire participatif (PRODEP) de 40.6 M USD. Ces petits projets gérés directement par les structures rurales/paysannes ont permis la structuration du monde rural dans les zones d’intervention de ces projets. La BM et le bureau de monétisation ont vulgarisé ces types de projets avec l’appui de leurs partenaires, le CECI et la PADF. Ces petits projets s’exécutent dans les 65 communes les plus pauvres selon la carte de pauvreté de 2004. En plus du PRODEP qui se retrouve en milieu rural, la BM et ses partenaires ont pu introduire une autre variante en milieu urbain, Programme de développement participatif urbain (PRODEPUR) . Le Programme d’appui aux initiatives productives en milieu rural (PAIP, 28 M USD) financé par le FIDA à travers le FAES et le Projet de développement de la petite irrigation (PPI II) dans une moindre mesure ont appliqué le même concept de petits projets. Dans le cadre du PRODEP, il a été prévu 1300 sous-projets sur 5 ans. Dans le cadre du PICVII, les PIC prévus étaient au nombre de 700. A titre d’exemple, le PICV II a assuré le suivi de 19 PIC d’aménagement hydro agricole (511 ha) pour cet exercice 2009-2010. Tout ceci pour dire que les projets d’infrastructures rurales et urbaines pullulent en Haïti.

Programme de création d’emplois pour l’amélioration de la sécurité alimentaire (HIMO)

Parallèlement à l’élaboration du PARDNH et d’Haïti Demain , le GOH a favorisé le lancement d’un vaste programme de création d’emplois financé par le PAM, le PNUD, la FAO, l’USAID, l’ACDI à travers tout le pays. Ce programme de création d’emploi permet à des personnes sinistrées de la zone métropolitaine et des régions affectées par le tremblement de terre ou celles déplacées à travers le pays d’acquérir une certaine autonomie. (Réf. Manuel d’opération du programme de création d’emplois, avril 2010)

Le programme vise trois objectifs (i) L’amélioration de la sécurité alimentaire des bénéficiaires directs par la possibilité d’accès à des revenus acceptables et/ou à leur paiement partiel en nature avec des provisions alimentaires ; (ii) L’assainissement des zones concernées et la diminution de la vulnérabilité du pays par la réalisation de travaux de déblayage, curage de canaux d’irrigation et de drainage, traitement des bassins versants, correction de ravines et de berges de rivière, reboisement, etc , et (iii) La relance de la production agricole et alimentaire, par l’entretien, la réhabilitation et la construction des infrastructures productives (routes, systèmes d’irrigation, etc.), et travaux agricoles.

Plus d’une centaine de projets sont validés par les comités départementaux de validation dans le cadre de ce programme. Environ 30000 personnes travaillent par jour. En vitesse de croisière, ce programme atteindra plus de 60000 emplois par jour pour plus de 100 projets d’une durée de 3 mois à 1 an. Il ne faut pas toutefois confondre ces projets qui pour la plupart s’exécutent en milieu rural avec les actions du ministère de l’agriculture.

C. L’exemple du ministère de l’agriculture

Tous les autres ministères ont des actions en cours. Le choix de s’attarder sur les actions du ministère de l’agriculture répond à une logique de cohérence des actions par rapport au PARDNH et de continuité par rapport aux actions antérieures au séisme du 12 janvier 2010 et de leur adaptation et articulation par rapport à cette nouvelle donne. Les réalisations sont ici articulées autour de 4 groupes d’activités : Préparation de documents d’orientations et de plaidoyer pour le secteur agricole, Appuis aux campagnes agricoles, Réhabilitation physique, Coopération/Partenariat pour la mise en œuvre de programmes et projets. Dans le cadre de cet article, on s’attardera sur deux aspects. Là aussi, le choix de se concentrer sur des actions en cours en 2010 et sur le plan d’investissement 2010-2016 répond à cette même logique d’actions à l’intérieur d’un cadre global, le PARDNH, d’un cadre spécifique, la politique de développement agricole 2010-2025, et d’une imbrication des actions dans un cadre de continuité articulant le passé, le présent et l’avenir. Il faut insister sur le fait que les actions ne sont pas que d’ordre physique comme la construction de nouveaux locaux au niveau central pour héberger les cadres mais aussi d’ordre institutionnel, ne serait-ce que pour renforcer le MARNDR pour augmenter sa capacité d’absorption.

Les Projets d’infrastructures rurales en 2010.

Le Directeur de la Direction des infrastructures rurales (DIA),Ing. M Charles interviewe en juin 10 par l'auteur de l'article, a dénombré pour l’année 2010 trente six (36) projets d’infrastructures rurales en cours d’exécution actuellement. Ce sont dans l’ensemble des projets ayant une composante d’infrastructures d’irrigation, de traitement de bassin versant, de construction de lacs collinaires, de traitement de berges de rivières, de construction de citernes.

Ces projets sont localisés dans l’ensemble des départements avec une forte concentration dans l’Artibonite (11), dans l’Ouest (7) ; le Centre, le Nord Est, le Nord Ouest et le Sud Est en comptent chacun 3, tandis que le Nord et le Sud les suivent avec 2 projets chacun ; les Nippes et la Grande Anse ferment la marche avec chacun 1 projet.

Les agences d’exécution sont le MARNDR à travers des Unité de Coordination de projet (UCP) et ses Directions Départementales Agricoles (DDA) comme le PIA, le PICV2, le PPI2, les DDA. Certaines activités se font dans le cadre des Projets WINNER localisé dans l’ouest, l’Artibonite et le Centre et DEED localisé dans l’Ouest et l’Artibonite. Il faut noter que la FAO exécute directement un de ces projets dans le NE. L’exécution des travaux se fait en général à travers des opérateurs (Firmes, ONG, DDA, Agence de coopération technique (ACT).

Le Projet où l’on dénombre des infrastructures d’irrigation d’envergure est le Projet d’intensification agricole (PIA) où il est dénombré des actions sur plus de 10000 ha tandis que le projet avec la plus grosse infrastructure est l’Artibonite 4C avec la construction projetée d’une usine hydroélectrique et de la mise en place de 4000 ha équipés d’infrastructures d’irrigation (financement Coopération Brésilienne).

A part les projets financés par le Trésor Public qui souvent s’exécutent à travers les DDA, les projets dénombrés ont une durée de vie de 5 à 7 ans. Il faut noter que les travaux de curage sont récurrents tandis les travaux de réparation et de réhabilitation sont séquentiels et pourraient s’étendre sur plusieurs années en fonction des disponibilités financières de l’Etat (Exemple : Cas des 5 périmètres de Montrouis : 910 ha sur une période de 3 ans).

Ces projets sont financés par la BID, l’USAID, l’UE, la BM, le FIDA, l’AFD, l’ACDI, la coopération Taïwanaise, la coopération brésilienne et le Trésor Public (TP). La plupart des projets prévus dans le plan d’investissement seront financés par les mêmes bailleurs.

Le plan d’investissement agricole 2010-2016

Le ministère de l’agriculture avec l’appui de toutes les parties prenantes du secteur s’est doté d’un Plan National d’investissement 2010-2016 de 790 M d’USD en harmonie avec la politique de développement agricole 2010-2025 et partie intégrante du PARNDH. Le Plan national d’investissement agricole ou National Agriculture Investment plan (NAIP juin 2010) est fondé sur la réponse globale du Gouvernement haïtien à l’effort de reconstruction consécutif au tremblement de terre, ainsi que sur la politique agricole. Il vise à coordonner et fixer des grands principes communs pour le financement et les besoins d’investissements nécessaires au développement du secteur. Le Plan national d’investissement agricole vise les objectifs suivants : (i) augmenter la productivité et la compétitivité du secteur agricole ; (ii) accroître de 25 % la contribution de la production agricole à l’offre alimentaire au niveau national ; (iii) diminuer de 50 % le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire en Haïti d’ici2015 ; iv) améliorer les conditions sanitaires et la nutrition des Haïtiens, en mettant l’accent sur les groupes vulnérables ; (v) augmenter les revenus agricoles d’au moins 500 000 ménages ; (vi) accroître l’entrée de devises étrangères dans le pays ; (vii) et diminuer la vulnérabilité de l’ensemble de la population aux risques de catastrophes naturelles.
Les mesures à court terme (jusqu’en septembre 2011) représentent 28 % du total des investissements proposés. Le MARNDR gère actuellement un budget annuel total (hors sources de financement externe et interne) d’environ 150 millions USD , et le Plan proposé devrait entraîner des dépenses supplémentaires ordinaires de 15 millions USD par an après la date de clôture du Plan (2016). Ces chiffres représentent une augmentation de 10 % sur le budget global actuel du secteur, augmentation que l’on estime gérable et dans les capacités actuelles et prévisibles du MARNDR. Il importe toutefois de noter que, pour soutenir durablement un tel niveau de dépenses ordinaires, le MARNDR va devoir poursuivre le programme de renforcement institutionnel en cours et les activités supplémentaires prévues par le Plan.

A noter que les besoins non couverts (Gap financier) sont notamment évalués à 578 millions USD. Sur ce montant, la BID s’est engagée à hauteur de 200 M USD sur 5 ans, l’USAID à hauteur de 110 M USD sur 1 an et le GAFSP à hauteur de 35 M USD sur 4 ans ; tandis que le FIDA entame le processus de financement d’un nouveau projet de 18 M USD dans le département des NIPPES sur 7 ans, tout en procédant à l’annulation de la dette d’Haïti vis-à-vis du FIDA (57 millions USD) suite aux discussions engagées, et en procédant au lancement d’un projet d’urgence de 2 ans de 2.5 M USD. Le renforcement institutionnel du ministère est en cours pour augmenter sa capacité d’absorption. D’autant que les projets présentés à PUNTA CANA ont fort avoir avec le Plan d’investissement.

D. Le document de projets/programmes présenté à Punta Cana

Dans un document en espagnol « lanzamiento del plan para la recuperación y el desarrolló de Haití, Mayo de 2010”, il a été dénombré quatre groupes de projets sous les rubriques : refondation territoriale (43), refondation économique(4), refondation sociale (13) et refondation institutionnelle (3). Ces quatre groupes totalisent soixante un (61) projets pour un montant global de 11. 5 milliards d’USD. Voici en détails les 4 groupes:

(I)Refondation Territoriale avec 43 projets pour un montant de 5.9 milliards d'USD dans les domaines suivants: zones dévastées, Routes, Saisons cycloniques, aéroports, ports, zones franches, pôles régionaux de développement, rénovation urbaine, électrification, aménagement du territoire et développement local, aménagement Bassins Versants, etc.

(II)Refondation Economique avec 4 projets pour un montant de 737.58 M d'USD dans des domaines suivants: Production agricole, crédit, intrants, Lacs collinaires, réseaux d’irrigation, petites entreprises Investissement, agro-industrie, etc.

(III)Refondation Sociale avec 13 projets pour un montant de 4.2 milliards d'USD dans les domaines suivants:Logement temporaire et permanent, création d'emplois à haute intensité, Protection sociale, éducation : retour à l'école, construction d’école,santé, sécurité alimentaire et de nutrition, eau et assainissement, etc.

(IV)Refondation Institutionnelle avec 3 projets pour un montant de 675 M d'USD dans des domaines suivants:Gouvernance, Relance des administrations centrales et décentralisées : salaires, délocalisation, équipement, justice et sécurité, etc.


E. Considérations en termes de conclusions

Dans le cadre de cet article, il a été délibérément choisi de se concentrer sur les actions physiques et d’ordre technique. Les résultats montrent clairement qu’en dépit du fait que la communauté internationale ne réponde pas encore suffisamment aux promesses faites le 31 mars 2010 à la conférence de New York, les multiples actions techniques en cours ou en préparation augurent quand même des lendemains meilleurs. La mise en place de la CIRH, les actions physiques en cours, les dossiers préparés, les gens qui sont hébergés sous les tentes et abris provisoires même dans des conditions très précaires, les actions en relation avec la saison cyclonique 2010, les emplois créés incitent à regarder l’avenir avec un certain optimisme.

Toutefois, on n’a pas compris pourquoi politiquement, le GOH a pris des décisions si controversées qu’elles occultent les actions physiques et techniques en cours. La loi d’urgence créerait beaucoup moins de problème s’il y avait des explications claires de la part du pouvoir politique concernant cette exigence de la communauté internationale qui voulait que son argent soit géré le mieux que possible et si le GOH n’avait pas jugé opportun de venir avec une loi prolongeant le mandat du Président jusqu’en mai 2011. C’est cette dernière loi qui a été à la base des manifestations de rues dont le Mondial 2010 a pu permettre une trêve et donner un second souffle au GOH.

Durant cette période d’accalmie, le GOH, au lieu de peaufiner une stratégie de dialogue en vue de la participation de tout le monde aux prochaines élections entre temps annoncées pour le 28 novembre 2010, a choisi de continuer avec le processus d’exclusion mis en marche avant le tremblement de terre. Ce choix gouvernemental est perçu comme « une provocation » par l’opposition. Le Mondial conclu par la victoire de l’Espagne une fois achevé se prolonge sur un challenge politique incertain sur fond de manifestations anti-Préval et des inscriptions pour des présidentielles sans enthousiasme. Ce qui pourrait déboucher, si le GOH et la communauté internationale n’arrivaient à venir à bout des manifestations, (i) sur la modification du Conseil Electoral Provisoire (CEP), (ii) sur son renvoi et son remplacement par un autre CEP, (iii) sur le renvoi du processus électoral à une date ultérieure, (iv) sur le ralentissement du processus de reconstruction qui confronte déjà des problèmes de décaissements et de la mise en place du fonds fiduciaire Multi Bailleurs (FFMB), (v) sur la chute du Président, (vi) et au pire sur une tutelle non déguisée cette fois-ci.

Veut-on continuer à jouer avec l’avenir du pays en piétinant les 250000 cadavres du tremblement de terre par le jeu macabre de la politique politicienne orientée vers la satisfaction des clans politiques et économiques au détriment du bien-être de la collectivité? Le choix est si évident que, dans le cas d’un choix contraire, les 250000 morts et l’histoire ne manqueront pas de demander des comptes à nos politiciens d’aujourd’hui. Alors, ressaisissez-vous et faites le choix du bien être collectif et du développement durable d’Haïti! A moins que…

dimanche 9 mai 2010

HAITI : HIMO, UN OUTIL POUR LA RECONSTRUCTION

HAITI : HIMO, UN OUTIL POUR LA RECONSTRUCTION
Jean Robert JEAN-NOEL
7 mai 2010

J’ai décidé de produire cet énième article sur la haute intensité de main d’œuvre (HIMO) pour plusieurs raisons. Certains cadres ont une opinion erronée par rapport à cette méthode d’exécution. A la phase actuelle du plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH), le gouvernement a lancé un vaste programme de création d’emplois à haute intensité de main d’œuvre avec l’appui financier de la communauté international (PAM, PNUD, FAO, USAID). Les institutions impliquées ont une compréhension différenciée de certaines unités liées à l’HIMO comme personne-jour (P-j), personne-mois (p-m), et ont des difficultés à les traduire en emploi réel journalier ou mensuel.

Une anecdote succulente

Je souris encore quant à cette remarque d’une personne accusant les responsables du MARNDR de bluffeurs lorsqu’elle a lu dans le document post séisme dont l’un des résultats est la création à partir de la méthode HIMO de 45 millions de personnes-jours de travail sur une période 3 ans. Son argument, comment peut-on créer 45 millions de personnes-jour alors qu’on n’a dans le pays que 10 millions de personnes ? « C’est du bluff, et puis, quelle est cette histoire de HIMO dans l’agriculture ?», argumente-elle de manière convaincue comme la plupart de « nos spécialistes en tout improvisés ». J’ai tenté gentiment de lui expliquer sans avoir l’impression de la convaincre réellement, car comme la plupart des « haïtiens ayant fait de grandes études à l’extérieur», elle m’a écouté d’une oreille distraite. Au désespoir de cause, je l’ai conseillée d’aller sur mon site pour lire mon « plaidoyer pour l’utilisation de la HIMO dans le cadre du développement durable d’Haïti (www.jrjean-noel.blogspot.com). Elle m’a affirmé avoir lu mais je suis sur que non ou qu’elle n’a rien compris. Son problème est (i) une aversion contre la HIMO, (ii) une certaine suffisance par rapport à sa formation et (iii) une incompréhension de la notion de personne-jour et par extension de la méthode HIMO elle-même.

La confusion

Ce manque de compréhension de cette méthode se fait sentir dans des échanges entre certains cadres. Lors des discussions avec des cadres haïtiens et aussi des cadres étrangers, j’ai senti une grande confusion par rapport à cette méthode de travail. On la compare souvent à la méthode haute intensité d’équipement (HIEQ). On la confond au roy-roy, une dénaturation de la HIMO sous le soleil d’Haïti pour apaiser la tension sociale. L’idée générale répandue est la suivante, HIMO= emploi temporaire, HIMO=gaspillage d’argent, HIMO= corruption. Et ceci malgré les exemples réussis de travaux d’adoquinage (pavées de béton) de rues dans la plupart des villes d’Haïti dont Carrefour, Cité Soleil, Port-au-Prince, Petite Rivière, Croix-des-Bouquets, de réhabilitation de systèmes d’irrigation, de pistes rurales, etc.
Ce que les gens doivent retenir c’est que, en matière travaux de génie civil et de génie rural, bref de construction, on ne peut utiliser que l’homme (main d’œuvre) ou la machine (équipement). Quand on utilise beaucoup de main d’œuvre, on parle de main d’œuvre intensive ou de haute intensité de main d’œuvre (HIMO). Quand on utilise beaucoup d’équipements, on parle de haute intensité d’équipements (HIEQ). Naturellement, on peut mixer les deux. La HIEQ ne peut se faire sans une utilisation même minimale de main d’œuvre. L’HIMO peut se faire sans équipement, mais le meilleur chantier HIMO est celui qui utilise un minimum d’équipement. Toutefois, dans le cas d’Haïti, il nous faut nous faire à l’idée qu’il est impératif de nous servir de cette main d’œuvre abondante dont nous disposons.

La nécessité d’utiliser la masse de main d’œuvre non qualifiée

Mon argument est simple. Pour arriver à développer Haïti ou, tout au moins, à démarrer le développement, la seule chose dont nous disposons en abondance actuellement comme ressource naturelle est notre masse de main d’œuvre non qualifiée. Avant d’arriver à une masse critique de gens qualifiés par une politique agressive et soutenue d’éducation, il nous faut coute que coute utiliser cette masse de main d’œuvre non qualifiée avec un minimum d’encadrement. Toutes les petites villes de la Cote Sud du pays ont pu changer de visage grâce à une utilisation rationnelle de cette masse de main d’œuvre. Il en a été de même pour la mise en place de nos petits et moyens systèmes d’irrigation et même en partie le grand système de l’Artibonite (32000 ha). En tenant compte d’un certain nombre de préalables, l’utilisation de la HIMO peut se révéler un outil très efficace.

Les conditions du bonne utilisation de la HIMO

Pour arriver à bien utiliser cette méthode de travail, cet outil grand consommateur de main d’œuvre, la première chose est de nous fixer des objectifs bien précis et de nous donner les moyens financiers de les atteindre. Il faut essayer d’équilibrer le coût des matériaux par rapport au coût de la main d’œuvre. Il faut aussi une bonne organisation de chantier, en procédant au recrutement des travailleurs/ouvriers « soit par jour », « soit sous forme de contrat », en plaçant chaque groupe d’équipes dans des endroits bien précis, et en assurant un contrôle de tous les instants. Il faut procéder régulièrement au paiement périodique, etc. Dès ces conditions réunies, les résultats ne tarderont pas à se matérialiser en termes de quantité de travaux réalisés et d’emplois créés, d’argent dépensé, de disponibilité de produits, de services, de réduction de risques, de protection de vies et de biens.

Comment passer de personne-jour à l’emploi réel?

Pour les résultats physiques, il n’est pas difficile de les chiffrer. Par contre pour le nombre d’emplois, on sent beaucoup de confusions, ou, dans certains cas, une volonté délibérée d’abuser de l’unité personne-jour, ou carrément une grande ignorance dans le chiffrage de l’emploi réel. En réalité, une personne qui travaille durant une journée représente 1 personne-jour (P-j) de travail, durant 2 jours, cela fait 2 p-j, durant 100 jours, cela fait 100 p-j. De même 100 personnes qui travaillent durant une journée représentent 100 p-j, 1000 personnes durant une journée représentent 1000 p-j.

Maintenant, prenons l’exemple des 45 millions de p-j de travail du ministère de l’agriculture à raison de 20 jours de travail par mois ; le nombre de personne-mois se calcule en divisant le nombre total de p-j par 20 (45000000/20 = 2250000 p-m) ; de même, le nombre d’emplois durant les 3 ans ou 36 mois se calcule ainsi : 2250000/36 = 62500 emplois environ par mois. C’est un calcul arithmétique simple. Mais cela fait beaucoup plus impressionnant de parler de 45 millions de personnes-jours que de parler de 62500 emplois/mois durant trois ans. C’est, entre autres, la raison pour laquelle que la plupart des rapports des ONG, des bailleurs de fonds et du gouvernement fourmillent de personnes-jours de travail en ce qui a trait au nombre d’emplois créé.

Conclusion

En guise de conclusion, dans le cadre de cette phase de relèvement qui va s’étendre sur au moins 18 mois et même dans la phase de reconstruction proprement dite, Haïti n’a aucun intérêt à mettre de coté une méthode de travail, un outil, qui a fait ses preuves à travers le monde et en Haïti lorsqu’elle est appliquée selon les règles de l’art, et qui pourra largement contribuer à la reconstruction du pays. L’expérience haïtienne en la matière n’est plus à prouver. Notre main d’œuvre n’est certes pas qualifiée mais elle fait preuve d’intelligence et d’une grande capacité d’adaptation avec un minimum d’encadrement. Elle apprend bien sur le tas. En témoigne son apport dans la réalisation de la route Port-au-Prince-Mirebalais au niveau de la réalisation des ouvrages de drainage en maçonnerie et en béton.
Il est clair qu’il faut que le pays s’arrange pour profiter de cette opportunité liée au 12 janvier 2010 pour former cette main d’œuvre sur le tas et de manière formelle en mettant en place des écoles moyennes, des écoles professionnelles pour atteindre le niveau de masse critique de main d’œuvre qualifiée, et aussi de cadres pour l’accompagnement de cette main d’œuvre. Tout ceci nous ramène à la question globale d’éducation, garante de notre développement intégral et durable et de cette compétitivité de plus en plus féroce pour tout Etat, surtout celui d’Haïti qui se veut « émergeant et moderne à l’horizon 2030 ». N’est-ce pas, Mr le Premier Ministre ?
Eh bien, Mr le Président, faites preuve de leadership en vous appuyant sur l’intelligence collective haïtienne et en invitant les autres qui ne sont pas de votre camps à se mettre autour de vous pour la grande « combite nationale », la grande concertation nationale, qui nous sortira de cette « économie rentière » basée sur l’exploitation de la pauvreté et des catastrophes naturelles qui provoquent des dégâts/dommages périodiques à cause de la grande vulnérabilité environnementale du pays haïtien, pour répéter l’expression de mon ami hollandais, Dr Van Vliet. Est-il trop tard? L’avenir immédiat nous éclairera.

lundi 26 avril 2010

HAITI : COMBINAISON D’OPTIONS DE DÉVELOPPEMENT, LE DERNIER COMBAT DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE HAITIENNE

HAITI : COMBINAISON D’OPTIONS DE DÉVELOPPEMENT, LE DERNIER COMBAT DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE HAITIENNE

Jean Robert JEAN-NOEL

25 avril 2010

En 2003, j’avais développé une thèse un peu farfelue pour démontrer à mes amis découragés que notre chère Haïti ne pourra pas périr. Cette thèse était basée sur quatre options de développement : l’option haïtienne, l’option dominicaine, l’option régionale et l’option internationale. J’en avais fait un article qui a connu un certain succès à l’époque (avril 2004), « Combinaison d’options de développement, la porte de sortie pour Haïti ? » (Réf. Le Nouvelliste, et www.jrjean-noel.blogspot.com , avril 2008).

Depuis 2004, c’est la combinaison d’options de développement qui est en application avec la présence des troupes étrangères dans le pays. En témoignent le cadre de coopération intérimaire (CCI) sous les gouvernements de Latortue et d’Alexis, le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) sous les gouvernements d’Alexis, de Pierre-Louis et de Bellerive, et le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH) sous le gouvernement de Bellerive et très certainement sous les gouvernements à venir jusqu’en 2030 où Haïti deviendra ce « pays émergeant » et « moderne » selon la vision de l’actuel Gouvernement.

La « souveraineté limitée » ou contrôlée

En effet, depuis 2004, la communauté internationale (CI), sous l’obédience de la Banque mondiale, s’est associée avec les gouvernements haïtiens pour produire les cadres de coopération en tenant compte de leurs points de vue. A ces exercices ont participé, à coté des experts étrangers, les cadres haïtiens de l’administration publique, de la société civile et du secteur privé, avec en prime un certain niveau de validation nationale dans certains cas. Il faut noter et souligner que ces documents sont produits selon les modèles conformes aux « exigences de la communauté internationale et surtout des bailleurs de fonds ». C’est ce que j’appelle la combinaison d’options de développement.

Alors que la combinaison d’options de développement se reflète dans ces cadres de coopération dont les projets/programme s’exécutent à travers des unités de coordination de projets (UCP) créées au sein des structures étatiques, des organisations non gouvernementales (ONG) et des agences de coopération internationale (ACI), les bailleurs de fonds ont mis en place toute une structure de contrôle interne et externe pour s’assurer de limiter la corruption et d’obtenir des résultats, tout ceci doublé d’un ensemble de conditionnalités les unes plus contraignantes que les autres. Ces conditionnalités sont très souvent à la base des retards enregistrés dans la mise en œuvre des projets et programmes et, dans certains cas, des échecs criants enregistrés. C’est l’ère de la « souveraineté limitée » pour répéter le mot du Président Boniface Alexandre.

L’arme de la corruption

Malgré le contrôle exercé par les bailleurs et les efforts du GOH pour la mise en place et le renforcement des structures haïtiennes de contrôle de la corruption, l’ULCC, l’UCREF, la commission nationale des marchés publics (CNMP), la Cours Supérieure des Comptes et des Contentieux administratifs (CSCCA), Haïti occupe toujours les dernières places dans les derniers classements de transparency international. A force de nous répéter que nous sommes corrompus et nous d’utiliser l’arme de corruption contre nos adversaires politiques, et le plus souvent sans preuve, la perception a fini par devenir réalité. J’ai sorti trois articles sur l’indice de perception de la corruption pour demander aux haïtiens de ne pas utiliser le mot corruption sans preuve. Au contraire, on ne fait que cela. Rappelez-vous les 197 M USD : c’est la remise sur pied du CNE, c’est en partie l’augmentation de la production agricole en 2009 de 45% à 53% (CNSA), soit un poids de 8% dans la croissance de 2.9% du PIB de 2009 (MEF). Pourtant, malgré le rapport illustré fourni au Parlement, ces 197 M USD ont été utilisés par le Senat pour renvoyer la Première Ministre, Mme Pierre-Louis. Les leaders politiques utilisent ces 197 M USD pour taxer le GOH de corrompu. Quant à la communauté internationale, elle sait très bien que son argent est plutôt « bien géré » par les UCP et les ACI. Le peu qui passe directement par le GOH a, depuis 2004, plutôt eu une gestion acceptable aux yeux de la CI qui, à travers le FMI, délivre des certificats de satisfécit au GOH, au point de procéder à l’annulation de plus d’un milliard de la dette d’Haïti en juin 2009. Pourtant, lors du voyage du Président Préval à Washington (mars 2010), il y a eu toute une orchestration autour de la corruption au sein du GOH au point qu’il a du se défendre du bec et des ongles par rapport à cette perception. Cette orchestration n’était pas innocente. Elle visait, à mon avis, à forcer la main au GOH pour accepter des mécanismes inédits dans le cadre du nouveau cadre de coopération exigé par la reconstruction, une sorte de grignotement sur la souveraineté déjà limitée de l’Etat d’Haïti.

« La tutelle consacrée »

Avec ce nouveau cadre de coopération d’environ 34 milliards d’USD, le PARDNH 2010-2030, pour lequel les bailleurs se sont engagés lors de la conférence de reconstruction de New York (31 mars 2010) à hauteur de 9.9 milliards d’USD sur 10 ans, les deux parties, le Gouvernement Haïtien (GOH) et la Communauté internationale (CI) se sont donnés deux outils inédits jusqu’ici en Haïti : la commission intérimaire de reconstruction d’Haïti (CIRH) coprésidée par l’ex-Président, Bill Clinton, l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, et le Premier Ministre, Jean Max Bellerive, et le fonds fiduciaire multi-bailleurs (FFMB) sous la responsabilité de la Banque Mondiale (BM). Cette fois-ci, les deux parties ne sont pas seulement liées par des accords internationaux ratifiés par le Parlement mais la combinaison d’options de développement est consacrée par la fameuse loi prolongeant l’état d’urgence de 18 mois et votée séparément par les deux chambres. C’est la « tutelle consacrée » selon certains. D’où les réactions nationalistes de l’opposition accusant le pouvoir de « vendre le pays » et les explications des gouvernants se défendant d’être sous tutelle. D’ailleurs, le Président n’a-t-il pas le droit de véto consacré par cette même loi ? Donc peut-être pas tutelle totale mais souveraineté encore plus limitée qu’avant.

En tout cas, de la « souveraineté limitée » à la « tutelle consacrée », il est clair que le pouvoir ne pouvait pas grand-chose face à cette puissance de la communauté internationale qui a promis 9.9 milliards d’USD et qui avec patience a tissé sa toile d’araignée pour nous amener à cette extrémité depuis des années. Rappelez-vous les divers accords d’ajustement structurel (Marc Bazin, in Le Nouvelliste). Au point que la plupart d’entre nous condamnant publiquement cette occupation, l’acceptent en privé ; il suffit d’écouter la réaction du peuple pour comprendre notre niveau de déchéance par rapport à certaines valeurs inculquées par nos pères fondateurs. De toute manière, à ce stade, être sous tutelle ou pas, cette reconstruction se fera avec ou sans nous, car la CI ne pourra plus se permettre d’échouer cette fois-ci. Faut-il laisser faire pareil ou se battre pour qu’elle ne soit pas que physique et/ou saupoudrage ?

Les actions à entreprendre

Le PARDNH renferme des éléments théoriques pour éviter cela : la refondation territoriale, la refondation économique, la refondation sociale et la refondation institutionnelle. Et puis, il y a ce document « Haïti Demain » produit par le comité interministériel à l’aménagement du territoire (CIAT) qui favoriserait une mise en œuvre harmonieuse du PARDNH. Il en est de même pour le document du secteur Privé, le plan stratégique de sauvetage national (PSSN), le document de la FONHDIIAC. Prenons l’exemple du plan d’investissement du ministère de l’agriculture (environ 800 M USD) qui est partie prenante du PARDNH mais qui demeure essentiellement haïtien et qui, du 22 au 24 avril 2010, a été l’objet de validation dans le cadre d’un débat national. Pour les grandes réalisations physiques, elles pourront être fournies clé en main au GOH selon le modèle de TAIWAN. En témoignent la route Cayes-Port-à-Piment, les stadium de Gonaïves, de St-Marc et du Cap-Haïtien, ce sont des réalisations clé en main de la Firme Taïwanaise, OECC. Cependant on peut penser les choses physiques, les concevoir avec l’étranger même s’il les exécute. Par contre, pour le soft, on peut influencer les choses à notre manière et déboucher sur l’essentiel, l’éducation, la santé, etc. A nous de jouer à l’intelligent! Il ne faut pas non plus l’accaparement de tout par un petit groupe, un petit clan. Nous parlons ici de cette intelligence collective qui nous avait permis d’arracher notre indépendance le 1er janvier 1804. C’est cet exploit qu’il faudra renouveler.

En guise de conclusion, je reprends, en y ajoutant quelques nuances, mes conclusions d’avril 2004. « C’est l’occasion pour nous autres haïtiens sans exclusive qui maîtrisons la question et le terrain et qui sommes conscients de la situation catastrophique héritée de nos deux cents (200) ans de manque de développement et de ce terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010, de saisir cette opportunité en faisant taire nos intérêts mesquins, en plaçant la question nationale au centre des débats, en défendant nos points de vue face à l’international et en imposant de manière intelligente notre option de développement à la leur comme on a commencé à le faire dans le PDNA et le PARDNH.

Dans cette nouvelle conjoncture, c’est notre option de développement combinée avec celle de la communauté internationale qui nous ouvrira la porte du salut. Comme l’a dit George Michel, face à l’occupant, Haïti a toujours gagné la bataille politique. Faisons en sorte que cette fois-ci la victoire débouche sur le développement intégral de notre pays pour que le citoyen haïtien compétitif puisse évoluer correctement au sein de son organisation et dans son environnement naturel régénéré et équipé d’infrastructures indispensables avec des moyens économiques et financiers suffisants et grâce à une gouvernance politique responsable et incitatrice. Tout un programme, n’est-ce pas ? »

Ce programme pourrait intégrer le PARDNH lors de sa mise en œuvre durant ces 20 prochaines années et surtout durant les 18 prochains mois.

Alors, Haïtiennes et Haïtiens au sein de l’appareil étatique, de la société civile, du secteur privé et des collectivités territoriales, de la diaspora, conspirons pour une refondation d’Haïti à la mesure de nos ambitions et surtout des ambitions de nos pères fondateurs. Ne soyons pas seulement « intelligents individuellement », comme me disait un ami étranger, mais aussi et surtout collectivement. Cette intelligence collective haïtienne a été imbattable avec des analphabètes en 1803 face à l’adversité des puissances de l’époque, elle le sera encore plus en 2010 avec des haïtiens bien formés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et, cette fois-ci, avec l’appui de la communauté internationale. Avec la combinaison d’options de développement comme choix imposé et/ou accepté, la refondation de l’Etat d’Haïti passe nécessairement par l’intelligence collective haïtienne. C’est le passage obligé pour la réussite de ce dernier et long combat pour le développement durable d’Haïti. Etes-vous prêts ? Alors à l’assaut ! Sa Ki…