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dimanche 18 septembre 2011

HAITI : RATIFICATION DU DR CONILLE COMME PREMIER MINISTRE, LA BALLE EST MAINTENANT DANS LE CAMP DU SENAT



JEAN ROBERT JEAN-NOEL
LE 18 SEPTEMBRE 2011

Avec la non ratification de Me Gousse comme premier ministre par le Sénat le mois dernier, on s’est enlisé un peu plus. La situation politique aidant, c’est l’augmentation de l’insécurité globale ; c’est l’augmentation de la cherté de la vie avec un taux d’inflation autour de 9.5% ; c’est le ralentissement de l’économie ; avec le manque de moyens de production (engrais, crédit, machinerie agricole, etc. ) c’est la diminution de la récolte de printemps par rapport à 2010, responsable de 60% de la récolte globale du pays, d’où une augmentation de l’insécurité alimentaire globale (45% de la population) avec 210000 individus en insécurité alimentaire chronique (CNSA septembre 2011) qui nécessite des mesures immédiates de la part des acteurs, en particulier du gouvernement ; ce sont les dégâts causés par les pluies de septembre (saison cyclonique) ; c’est la MINUSTAH qui s’enlise avec ce viol de ce jeune garçon de 18 ans à Port- Salut par un contingent uruguayen, d’où un certain ras le bol par rapport à cette mission des Nations unies et des manifestations anti-MINUSTAH. Et puis, coté espoir dépendant de comment on voit les choses, c’est la nomination des délégués départementaux, celle  des directeurs généraux des services autonomes (CONATEL, DOUANES, OFNAC, AAN, etc.) par le Président de la République ; c’est la mise sur pied d’un Conseil Consultatif pour  favoriser les investissements en Haïti dirigé par l’Ex-Président Bill CLINTON ; c’est la désignation du Dr Garry CONILLE comme Premier Ministre dont la résidence au pays a fait couler beaucoup d’encre et sa ratification par la chambre des député à l’unanimité des présents (89/90, le Président ne votant pas, un record historique selon Ramasse de Caraïbes FM) ce vendredi 16 septembre 2011. Avec cette ratification de la Chambre basse à l’unanimité y inclus le groupe GPR, il s’est constitué  à ce niveau « une majorité fonctionnelle » qui se répercuterait au niveau du Sénat avec le Groupe des 16 Sénateurs du GPR qui serait aussi favorable au nouveau PM à moitié ratifié. Alors, et si on s’en sort vraiment ? Tout au moins de la crise gouvernementale ?

Le profil de la politique générale du Nouveau Premier Ministre ?
A moins d’un accident de parcours extraordinaire( Haïti étant une boite à surprises), Dr CONILLE passera le cap du Sénat aussi. La présentation de la politique générale deviendra une simple formalité puisqu’elle se basera sur le Plan d’action pour le relèvement et le développement national (PARDN) qui a déjà l’aval de la communauté internationale, sur son entité inédite, la CIRH avec plus de 100 projets approuvés/en cours et des fonds collectés supérieurs à 4 milliards d’USD, et sur  le programme en quatre « E » du président Martelly, Education, Emploi, Environnement, Etat de droit. Le deal qui a favorisé cette unanimité de ratification de la chambre basse et très certainement celle du Sénat, se verrait accorder une petite place dans la politique générale, le choix des ministres et d’autres hauts fonctionnaires dans le prochain gouvernement qui sera mis en place par le nouveau PM. En basant la politique générale sur le PARDN et autres, ce sera un compromis entre la continuité et le changement. C’est ce que nous avons conseillé à nos gouvernants dès le départ, ce qui  aurait évité au pays de perdre 4 mois et de s’enliser au point de ne même pas  se doter d’un budget pour l’exercice 2011-2012. Le gouvernement CONILLE sera obligé de reconduire le budget 2010-2011 (2.63 milliards de USD), ne serait-ce que dans un premier temps ? A moins que, comme nous l’avons suggéré, une équipe du Président se soit penchée dans l’ombre sur le budget 2011-2012 avec l’équipe sortante. Ainsi, on perdrait moins de temps dans la mise en place d’un budget rectificatif 2011-2012 de 4 milliards d’USD visant un taux de croissance de l’économie autour de 10%, un taux d’inflation inférieur à 10%, un taux de change autour de 40 G pour 1 USD dans le cadre d’un programme bien ficelé et acceptable pour Haïti et la communauté internationale qui finance à hauteur de 65% notre budget.

Les défis d’un  Gouvernement CONILLE
Le gouvernement CONILLE ou n’importe quel gouvernement haïtien aura à faire face a des défis énormes à partir de la situation aggravée par le tremblement de terre de 2010 et encore plus depuis  les 4 derniers mois. La question de nourriture est fondamentale. Avec l’inflation actuelle, l’augmentation du coût de la vie, même en équilibre alimentaire avec 53% d’importation et 47% de production agricole, l’accessibilité à des produits alimentaires se fait sentir à cause  du manque d’emploi, du ralentissement global de l’économie. De plus, les intempéries dues à la saison cyclonique ont réduit les accès aux zones de production, ont provoqué des inondations dans certaines régions (vulnérabilité environnementale) avec des pertes en termes de bétails, d’endommagements de maisonnettes, le retard des pluies de printemps n’a pas favorisé une augmentation de la production agricole nationale ; l’enquête de la CNSA et de ses partenaires sur la production agricole menée durant la période de soudure de 2011, a révélé une baisse de production agricole dans la plupart des département dont l’Artibonite , le grenier du pays en matière de riz. Le manque de pouvoir d’achat combiné à d’autres facteurs a conduit à une insécurité alimentaire sévère touchant 8.2% de la population qui interpelle tous les acteurs dont le gouvernement. En ce sens,  le Gouvernement ne pourrait se permettre de ne pas accorder une attention spéciale au secteur agricole tant au niveau du choix du nouveau ministre qu’au niveau des politiques publiques liées au secteur.

La complexité de la sécurité alimentaire d’Haïti
Les défis de la sécurité alimentaire sont certes liés à l’agriculture mais aussi à l’environnement, à la santé, à l’éducation, à l’économie, à la finance, au commerce à l’industrie (politique commerciale, politique fiscale, politique industrielle, etc.), à l’infrastructure en général, à l’emploi. C’est un domaine complexe bien appréhendé par le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle actualisé par la CNSA et publié par le ministère de l’agriculture. La transversalité d’un tel domaine vital dans la prise de décision gouvernementale mérite d’être bien maitrisée au niveau le plus élevé du gouvernement et  en particulier par  le ministre de l’agriculture et les autres ministres concernés. D’où la nécessité pour le nouveau Premier Ministre de s’entourer de gens compétents ayant un savoir faire éprouvé pour faire face à ces nombreux défis que confronte le pays. Le deal politique qui favorise sa ratification ne doit en aucun cas obnubiler son jugement dans le choix de ses collaborateurs immédiats, en l’occurrence ses ministres. L’exigence de la compétence devra être le critère no 1 de tout choix de ministre dans le prochain gouvernement. Le clientélisme sans compétence doit être banni. Sans quoi, ce sera l’échec.

L’adaptation du programme Martelly par rapport aux défis haïtiens
Le programme Martelly basé sur les 4 « E » devra être révisé ( s’il n’en n’avait pas tenu compte) en fonction de ces considérations. Il est clair que le Président veut commencer la mise en application de son programme d’éducation dès cette année fiscale 2011-2012 avec 142600 enfants en plus dans le circuit. Mais, il ne faut pas négliger la qualité de l’éducation et les préoccupations haïtiennes y relatives, débouchant en final sur un haïtien compétitif évoluant dans un environnement régénéré, bien équipé, grâce à un nouveau système socialement équitable, économiquement riche et politiquement responsable (FONHDILAC, 2001) . Ce qui nécessite une éducation adaptée aux défis environnementaux haïtiens, à l’emploi, à l’Etat de droit. Le programme gouvernemental doit clairement indiquer les mesures à arrêter pour favoriser 1) le traitement de  l’environnement haïtien sur une période de 5 ans avec l’objectif de récupérer 5% de l’espace environnemental haïtien, 2) la création de 100,000 emplois temporaires renouvelables tous les 3 mois dans l’environnement, l’agriculture, l’aménagement de rues, de pistes rurales, l’assainissement, le logement, etc., et la création d’emplois permanents dans ces domaines et dans l’industrie (zones franches, sous traitance, agroalimentaire, etc.), 3) la mise en place de l’Etat de droit selon une vision haïtienne, avec une meilleure distribution des services au niveau territorial et de sa richesse au niveau national, une meilleure gouvernance, une meilleure distribution de la justice (réforme de l’Etat, en particulier, réforme de la justice), la mise en place d’un Etat compétitif basé sur l’éducation, la principale garante de la compétitivité haïtienne (Haïti est 141e /142 pays en matière de compétitivité, K Pharel, Investir du 16/09/11), un Etat sécuritaire bien contrôlé tant au niveau de ses ports, aéroports, ses infrastructures routières, douanières, frontalières, et doté de structures de régulation, de coordination, de contrôle, de suivi et d’évaluation.

La balle dans les pieds des Sénateurs
En guise de conclusion, la ratification du Dr CONILLE par le  Sénat après celle de la Chambre des députés débouche à coup sûr sur la mise en place d’un nouveau gouvernement qui aura des défis énormes à gérer. Ce qui nécessite des choix judicieux du personnel politique axés sur la compétence et des politiques publiques susceptibles d’apporter le bien-être à la population haïtienne dont le simple besoin de se nourrir est un défi, voire alors le besoin de se loger. Le choix du Président de se concentrer sur les 4 « E » est en soi très judicieux. Mais ce sont autant de défis dont les 5 ans de son mandat ne permettront de résoudre que partiellement, encore qu’il faudrait bien cerner les problématiques. Et aucun haïtien digne de ce nom ne devrait souhaiter l’échec du Président quelles que soient son idéologie et son aversion par rapport à la personne de Martelly ou de SWEET MICKY. Tout échec du Président sera l’échec d’Haïti. La mise en place de ce nouveau gouvernement avec le Dr CONILLE comme PM sera peut-être le premier pas pour sortir de l’enlisement. C’est un choix politique maquillé constitutionnellement. Que ne faudrait-il pas faire pour sauver Haïti ? Et si on s’en sort vraiment, et pour de bon cette fois-ci ? Ce n’est pas le Sénat qui se mettrait au travers de ce premier pas positif depuis 4 mois ? La balle est dans vos camps, Messieurs !!!

dimanche 21 août 2011

HAITI : L’IMPASSE ET L’ESPOIR DE SORTIR DE L’ENLISEMENT

JEAN ROBERT JEAN-NOEL
LE 21 AOUT 2011

Deux semaines avant les 100 jours du Président Martelly au pouvoir (le 14 août 2011), le Senat de la République, l’autre branche du Parlement haïtien dominée par l’INITE, lui a infligé sa deuxième défaite (le 2 août 2011) par la non ratification de Me Gousse, son deuxième premier Ministre désigné. On attend incessamment la désignation d’un troisième premier ministre par le Président, qui, cette fois-ci, « n’est pas trop pressé ». En attendant, Haïti se retrouve donc aujourd’hui sans Premier Ministre plus de 100 jours après l’investiture du nouveau Président. La confrontation entre le Parlement et la Présidence persiste. Ce qui a poussé le journal Haïti en Marche (No 29.Vol XXV) à titrer un article : « Un pays bloqué… mais constitutionnellement », en d’autres termes, le Président a fait son travail de désigner le PM, le Parlement a fait le sien de ne pas le ratifier. Et tout ceci est constitutionnellement correct. Le Washington Post parle de « la boue », Le Matin de « l’enlisement » . Au grand dam du pays qui périclite . C’est l’impasse. Ya-t-il de l’espoir ?


Un contexte conflictuel dominé par des intérêts de clans

Durant les trois mois de la présidence de M. Martelly, la situation haïtienne n’a cessé de se dégrader. Nous l’avons bien analysée dans des articles publiés dans les journaux comme Le Matin et Haïti en Marche, sur Facebook, sur les médias en ligne, et sur le site de l’auteur sous les titres (i) Haïti, nécessité d’une révolution de croissance économique (réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/05/haiti-necessite-dune-revolution-de.html), (ii) Haïti, une cigarette allumée aux 2 bouts (réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/06/haiti-une-cigarette-allumee-aux-2-bouts.html), et (iii) Haïti, sortira-t-on de l’auberge (réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/07/haiti-sortira-t-on-de-lauberge.html). Les réflexions ont bien appréhendé la complexité de la situation haïtienne liée à la confrontation entre la Présidence et le Parlement et ont débouché sur des propositions de sortie de crise plutôt réalistes mais difficilement applicables dans un contexte conflictuel dominé par des intérêts de clans au détriment de l’intérêt national. Malheureusement, on préfère persister dans le conflit en arrêtant des décisions et en prononçant des paroles qui exacerbent le conflit. Ce qui a pour effets immédiats de favoriser les actes des malfaiteurs et comploteurs invétérés qui profitent pleinement de la situation de confusion et d’incertitude pour augmenter le niveau d’insécurité dans le pays et, par voie de conséquences, le niveau de vie chère.

La situation s’est encore dégénérée par des révélations, des actes répréhensibles, des déclarations qui auraient pu être évitées, des actions non suffisamment planifiées, et notre tendance à amplifier les choses simples déplacées de leur contexte juste pour nuire et mettre mal à l’aise l’autre, dont les exemples suivants:

(i) La révélation d’un réseau de droits humains relative à certains « parlementaires consultants au Ministère de l’Intérieur », ce qui a conduit , à ce qu’il parait contrairement à la procédure normale, à la convocation du Titulaire de ce ministère au Parquet que le Premier Ministre Bellerive, Ministre de la Justice A.I et supérieur hiérarchique du commissaire de gouvernement, chef du Parquet , a jugé bon d’accompagner, et à la menace de convocation du Commissaire du Gouvernement par le Parlement, un véritable feuilleton tragi-comique;

(ii) La profanation de la Cathédrale du Cap-Haïtien et les déclarations de l’Archevêque du Cap-Haïtien y relatives, et les déclaration de notre cher Archevêque à propos de M. Martelly et de son « pantalon de Sweet Micky » (Radio Vision 2000) ;

(iii) L’interview de M. Martelly à Radio-Canada où il a déclaré pouvoir être amené, face à la « dictature parlementaire » à « l’option de diriger par décrets » qui reste « ouverte » donc à dissoudre le Parlement, et la réponse du Parlement y relative assimilant cette déclaration à une « plaisanterie », une « absurdité », qui exigerait des excuses auprès du Parlement (Sénateur Anick François Joseph), ce qui prouverait que le Président n’a jamais cru en la démocratie ( Sénateur Jean Charles) et qu’il se croit être encore sur une scène musicale recevant des applaudissements après chaque morceau joué (Sénateur Beauplan).

(iv) Le voyage impromptu du Président en Amérique latine, une sorte de fuite pour échapper momentanément à la situation du pays (Gérard Bissainte), en particulier au Chili où il a été reçu, en Argentine où il a été diplomatiquement dissuadé d’y arriver, et au Brésil où le voyage a été différé jusqu’à la mise en place d’un nouveau gouvernement en Haïti, un véritable « cafouillage diplomatique » (Haïti en Marche # 30. Vol XXV).

La situation décrite plus haut prouve, s’il en était besoin, que le Pays se retrouve dans une véritable impasse politique qui ne dit pas son nom et qui pourrait déboucher sur des débordements et des casses dont Haïti est coutumière. Alors que ce sont des problèmes assez simples à résoudre si on place les intérêts du pays au-dessus des intérêts de clans.

Alors, y-a-t-il encore de l’espoir ?

Quand on est en pleine crise, on a tendance à ne voir que « le verre à moitié vide » pour répéter l’ancien Ministre de l’agriculture François Severin. Au sein de la FONHDILAC, pour pouvoir tenir le coup en Haïti où nous évoluons, nous cherchons toujours des raisons d’espérer pour continuer notre travail et regarder « le verre à moitié plein ».
Nous avons retenu comme points positifs :

 Le plan de reconstruction de Port-au-Prince. La présentation, au Caribe Convention Center par le Maire de Port-au-Prince, M. Jason, du plan pour la reconstruction de Port-au-Prince réalisé par une quarantaine (40) de cadres haïtiens dont le chef de fil est l’Ing. Ligondé (interview à Radio Métropole) et Bernard Ethéart en a fait un article critique sous le titre de « Le rêve de Jason » (Réf. Haïti en Marche #30. Vol XXV).

 La NATCOM. Le lancement des activités de la NATCOM, cette compagnie téléphonique qui a remplacé la TELECO et qui fournit un service par câble à trois dimensions (téléphonie, télévision et internet à haut débit) et aussi un service de téléphonie mobile à très bas prix qui connait un grand succès avec ,en prime, un service d’internet de qualité.

 Le programme d’éducation du président Martelly. La prochaine rentrée des classes avec la mise en marche du programme d’éducation de M. Martelly et ses premiers 142,600 enfants pour la première année de son application à partir du fonds d’éducation mis en place en juin 2011, malgré les critiques qu’on pourrait avoir vis-à-vis de ce fonds (son mode de fonctionnement et d’opération non clairement défini, son opacité, etc.), c’est un succès à l’actif du Président.

 La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti. L’engagement pour reconduire la CIRH avec ses 87 projets approuvés et ses 4 milliards de fonds engagés et décaissés (réalisme économique et politique oblige), cette plate-forme de « coordination, de cohésion et de discussion » entre bailleurs et Haïti est la seule garante des fonds déjà collectés et à collecter. Sa dissolution sans son remplacement par une entité nationale opérationnelle compromettrait les relations d’Haïti avec la Communauté internationale et les chances de démarrage effectif de la reconstruction du pays, à moins de disposer de nos propres fonds (cochon an pa gen gres ankò). Le Président a bien saisi l’importance de cet instrument pour la réalisation d’une partie de son programme en attendant la mise en place de son premier gouvernement. Si le Parlement qui l’a approuvé pour 18 mois de manière controversée en 2010 décide de passer outre cette fois-ci, Haïti fera face à encore plus de difficultés insurmontables. Mais le Parlement pourra-t-il ne pas approuver une prorogation de la CIRH juste pour contrarier le Président ? Le Parlement n’oserait pas entrer en conflit avec la Communauté Internationale et compromettre la continuité en grande partie inscrite dans le plan de relèvement et de reconstruction dont la CIRH et le fonds fiduciaire multi bailleurs (FFMB) demeurent les deux entités inédites susceptibles de garantir un minimum de succès au plan de reconstruction, l’œuvre monumentale du dernier gouvernement Bellerive-Préval.

En guise de conclusion, il est clair que tout n’est pas perdu. Entre nous soit dit en passant, la Présidence de Martelly n’a pas eu de sursis comme les précédentes durant leurs 100 premiers jours. Dès le départ, globalement, la presse haïtienne (traditionnelle et média en ligne) n’a pas été tendre avec le nouveau Président. En tout cas, elle est beaucoup plus sévère avec lui qu’au Parlement qui a rejeté « politiquement » ses deux Premiers Ministres désignés, et l’a privé, par ainsi, de son principal instrument de politique, garant de tout bilan sérieux durant ses 100 premiers jours. Toutefois, tout en prenant son temps pour bien choisir un nouveau Premier Ministre, en s’arrangeant pour constituer « une majorité présidentielle au Parlement » ( Guichard Doré) ou, tout au moins, « une majorité fonctionnelle », le Président aurait intérêt à appliquer certains des 14 points énumérés dans l’un de mes articles cités plus haut, dont, entre autres, la nomination du Président de la Cour de cassation, la publication de l’amendement constitutionnel, le vrai, la nomination du Conseil Electoral permanent, la préparation et l’organisation des élections sénatoriales partielles, les élections municipales, les élections indirectes avec objectifs de les gagner sans magouille, etc. Pour cela, le Président devrait s’appuyer sur le Gouvernement démissionnaire en attendant la mise en place de son propre gouvernement, sur une présidence bien structurée avec des gens compétents susceptibles de jouer valablement le rôle d’interface par rapport au Gouvernement, sur la CIRH, sur un processus de concertation nationale pour déboucher, selon le mot d’Evans Paul, sur « un pacte de gouvernabilité », sur ce qui reste du budget 2010-2011 et éventuellement sur le budget 2011-2012. Sans perdre de temps. Ainsi, le Président sortira de l’enlisement et le Pays aussi !

lundi 15 août 2011

Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne

Document d'orientation pour la refondation de l'Etat d'Haiti selon une vision haitienne.

FONHDILAC
Avril 2011

Remerciement.

La FONHDILAC tient à remercier celles et ceux qui ont rendu ce document possible. Ce document est le second de la série et se veut être un humble hommage à la mémoire des trop nombreuses victimes du séisme du 12 janvier 2010. La fondation tient à manifester également sa gratitude au Forum Agricole Goâvien (FAG) qui a facilité une validation certaine des communautés rurales et périurbaines de cet exercice.


I. CONTEXTE

La République d’Haïti occupe le tiers occidental de l’île d’Haïti (Quisqueya) dans la Mer des Caraïbes sur une superficie totale de 27 750 km2. La population haïtienne était estimée à 10 millions d’habitants en 2010 alors que le pays ne comptait que 3 millions de personnes en 1950. Cette forte croissance démographique se traduit en une forte densité d´environ 360 habitants par km2. Malgré une tendance à l’urbanisation progressive, la population en milieu rural représente environ 60% de la population totale.

Le pays est administrativement divisé en dix (10) départements. Parmi ces 10 départements, celui de l’Ouest à lui seul absorbe 39% de la population totale avec une très forte concentration dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (25% de la population).

Située sur la route des cyclones, Haïti est régulièrement victime des ouragans. En 2004, elle a fait les frais de deux inondations majeures suite à des phénomènes climatiques exceptionnels à Mapou/Fond Verrettes en mai et aux Gonaïves en septembre qui font plus de 4,000 morts. En 2008, elle a été dévastée par quatre tempêtes tropicales (Fay, Gustave, Hanna, Ike) ayant frappé neuf (9) des dix (10) départements du pays. Ces ouragans dévastateurs avaient fait, d’après les organisations humanitaires, plus de 800 morts, 800,000 sinistrés, et causé des pertes matérielles estimées à environ 1 milliard de dollars américains (15% du PIB). En dépit de cette situation, des efforts du Gouvernement et ceux de la communauté internationale, avaient permis, contre toute attente, à des résultats surprenants en 2009 (taux de croissance du PIB de 2.9%), le seul PMA de la région amérique latine et caraïbe (ALC) venait de surprendre tout le monde dans une année de récession mondiale. Haïti s’est donc replacée sur la carte mondiale du business.

Malheureusement, Haïti a subi, le 12 janvier 2010, un violent séisme de magnitude 7.3, dont l’épicentre se trouvait à 10 Kms de profondeur aux environs de la ville de Léogâne. Ce séisme a provoqué des dégâts dans plusieurs villes haïtiennes dont la Capitale, Port-au-Prince, et l’effondrement de la quasi-totalité des symboles physiques de l’État (120% du PIB de 2009 selon le PDNA 2010). Il a été enregistré, selon les autorités compétentes, 316,000 morts, 3,5 millions d’individus en situation d’urgence médicale, 4,000 amputés, 1,3 million de sans abri. Dans le cadre du plan national pour la relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH), il est prévu 34.5 milliards d’USD pour la reconstruction du Pays durant 22 ans. Ce plan présenté à New York, le 31 Mars 2010, a reçu 9.9 milliards d’USD de promesse de la Communauté Internationale (CI). La continuité des travaux prévus dans le cadre du document stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP2008-2011) et les premières actions humanitaires et de relèvement dans le cadre du PARDNH, n’ont certes pas permis de maintenir le taux de croissance du PIB de 2009, mais ont évité un taux de croissance négatif à deux chiffres (taux de croissance 2010 : -5.1% ). Des 9.9 milliards d’USD, 37.2% ont été engagés jusqu’en mars 2011, selon Bill Clinton, dans la cadre de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH). Avec ce taux de croissance négatif, la situation de la population haïtienne (taux de croissance de 2%) s’est donc aggravée : augmentation de la pauvreté, insécurité alimentaire, 55% de la population vit dans des conditions infrahumaines liées à la faiblesse institutionnelle nationale et locale et aux inégalités spatiales dans l’offre des équipements collectifs (Guichard Doré in Le Matin du 15 au 21 avril 2011).

De plus, en 2010, Haïti a du faire face à d’autres problèmes découlant du choléra (plus de 5000 morts depuis novembre 2010), du cyclone Tomas, des résultats des élections du 28 novembre 2010 (100 M d’USD de dommages) et du 20 mars 2011 (perturbations au niveau de certaines villes et sur les routes nationales). Malgré tout, lors des journées de la finance (4-8 Avril 2011) organisées par le Group Croissance et la Banque de la République d’Haïti (BRH), le Ministre de l’économie et des finances affirme que, en dépit des perturbations politiques enregistrées au cours du premier semestre de l’exercice fiscal 2010-2011, le taux de croissance du PIB de 8.9% prévu sera autour de 8% à la fin de l’exercice, à moins que l’on enregistre des catastrophes graves avant septembre 2011. D’un autre coté, le mercredi 4 avril 2011, à la cérémonie d’ouverture de cet événement, le Gouverneur de la BRH table sur des hypothèses de taux de croissance de 7% du PIB durant les 10 prochaines années pour passer de 700 USD du PIB per capita à 1400 USD per capita. Et l’économiste, Charles Clermont, pense qu’avec une politique axée sur le développement des PME, Haïti pourrait doubler son PIB per capita tous les cinq (5) ans avec une hypothèse de taux de croissance annuel de 15% du PIB, tous les six(6) ans avec une hypothèse de taux de croissance de 12% du PIB selon le Banker, Carl Braun , du Groupe UNIBANK.

Lors de la réunion mensuelle du deuxième dimanche du mois de la FONHDILAC, le 9 avril 2011, les cadres de l’institution, comme ils ont fait après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, ont pris la résolution de mettre en place un comité de rédaction pour l’élaboration d’un document d’orientation qui pourrait contribuer à orienter le pays durant les 25 prochaines années y inclus le quinquennat du nouveau président SEM Michel Joseph Martelly.

Ainsi, ce changement de gouvernement et de vision politique a poussé les cadres de la FONHDILAC à réfléchir, suite à leur Plaidoyer pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision Haïtienne, sorti en février 2010, sur ce présent document intitulé : Document d’orientation pour la Refondation de l’ Etat D’Haïti selon une vision haïtienne, 14 mois plus tard. Ce document, qui se veut une suite logique du premier sorti d’il y a environ un an, s’articule autour d’une vision, des objectifs, d’un cadre philosophique, des principes directeurs, des résultats attendus, des grandes lignes d’orientation, des actions, d’une stratégie globale de mise en œuvre, du chiffrage des actions, d’un chronogramme des actions, des risques et de leur gestion.
C’est un document basé sur des hypothèses optimistes (8-12% de croissance économique annuelle et 1% de croissance annuelle de la population) en dépit du fait que Haïti, pays de surprises négatives mais aussi capable d’exploits les plus extraordinaires et de résultats les plus surprenants dans des contextes mondiaux hostiles, puisse faire mentir les plus pessimistes et entrainer ses fils et filles vers des résultats axés sur une vision d’ensemble assez claire et des objectifs précis basés sur des hypothèses de travail certes optimistes, mais réalistes dans un contexte haïtien de réconciliation nationale et d’envie de vivre ensemble en vue de refaire de notre pays, la perle des Antilles, l’exception culturelle de la Caraïbe, et être un pays émergent à l’horizon 2035

II. LA VISION ET LES OBJECTIFS

La vision de cette Haïti de demain n’est pas différente de celle exprimée dans le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP 2008-2011). Cette vision a été exprimée dans le discours de lancement du PDNA 2010, le 18 février 2010, à Karibe Convention Center, Pétion ville : Nous partageons un rêve : celui de voir Haïti comme un pays émergent d’ici 2030, société de la simplicité, équitable, juste et solidaire, vivant en harmonie avec son environnement, sa culture et une modernité maîtrisée où l’Etat de droit, la liberté d’association et d’expression et l’aménagement du territoire sont établis, dotée d’une économie moderne, forte, dynamique, compétitive, ouverte et à large base territoriale, où l’ensemble des besoins de base de la population sont satisfaits et gérés par un Etat unitaire, fort, garant de l’intérêt général, fortement déconcentré et décentralisé.

Cette vision gouvernementale n’est pas trop différente de celle déjà exprimée par la société civile tant en Haïti que dans la diaspora. En tout cas, elle résume bien le texte de plaidoyer de la FONHDILAC, et sied parfaitement à la vision exprimée par la FONHDILAC et à la philosophie dégagée dans le cadre de l’approche hexagonale.

Objectif Principal

L'objectif principal du Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne est de formuler des propositions concrètes aux instances concernées par la refondation de l’Etat d'Haïti, en se basant sur des réflexions menées de manière participative tant au niveau de la FONHDILAC qu’au niveau d’autres entités de l’Etat, de la société civile et de la communauté internationale collaborant avec Haïti, et en profitant au maximum des expertises et sensibilités disponibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.

Objectifs spécifiques

1. Promouvoir les actions visant la refondation de l’Haïti de demain, plus équitable, fondée sur le droit, le partage, la solidarité, l'éducation, le respect de l'environnement et le culte du bien commun;

2. Promouvoir la mise en place d’un système tendant vers un citoyen responsabilisé dans une société économiquement riche, socialement équitable et politiquement responsable ».

3. Promouvoir le développement d'Haïti par une planification stratégique basée sur l’humain, le social, l’environnemental, sur l’infrastructurel, et sur une bonne gouvernance économique, financière et politique, et tenant compte de l’utilisation efficace des ressources humaines disponibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ainsi que des ressources naturelles à l’intérieur d'Haïti;

4. Mettre en place des mécanismes permettant une solidarité internationale plus efficiente à l'égard d'Haïti dans le cadre de la réforme de l’Etat visant une meilleure distribution de la justice, une meilleure distribution de la richesse du pays, la déconcentration administrative, la décentralisation et l’aménagement du territoire selon 4 régions (Nord, Centre, Ouest et Sud), 10 départements, 42 arrondissements, 140 communes et 570 sections communales.

III. LE CADRE PHILOSOPHIQUE ET LES PRINCIPES DIRECTEURS

Approches philosophiques

Le cadre philosophique de ce document d’orientation s’articule autour des approches participatives, territoriales et se base surtout sur l’approche hexagonale développée par la FONHDILAC. « L’approche hexagonale est étroitement liée aux approches Bassin Versant, territoriale, Cluster, à l’approche participative et ses diverses dérivées : le partenariat, la synergie, la responsabilisation individuelle et collective, la mise en réseau aux niveaux local, national, régional et mondial. Elle peut constituer le cadre de diagnostic, d’analyse et d’application de tout le processus de développement durable à ces divers niveaux » D’où les principes directeurs retenus.

Principes Directeurs

Dans le cadre de ce document, nous avons adopté les six principes du groupe GRAHN :

1. Justice sociale et participation citoyenne : reconstruire une citoyenneté partagée qui permet à chaque Haïtienne/Haïtien de jouir pleinement de ses droits, sans aucune forme de discrimination, tout en assumant pleinement ses devoirs envers la société;

2. Droit et accessibilité aux services de base : reconnaître le droit de tout citoyen à des services de base tels l'éducation, la santé, l'alimentation, l'eau potable, le logement, et entreprendre les actions nécessaires visant à terme l'accessibilité de ces services de base à tous les Haïtiennes/Haïtiens, sans exclusive;

3. Continuité des actions positives : identifier, valoriser et poursuivre les bonnes initiatives qui ont cours dans le pays, en évitant de faire table rase des expériences édifiantes pour repartir de zéro;

4. Arrimage avec le pays intérieur comme manifestation de la solidarité nationale : prendre en compte les aspirations et les préoccupations de la société civile haïtienne afin de contribuer à la réalisation de celles-ci et de les porter au devant de la scène internationale;

5. Urgence compatible avec le long terme : régler les problèmes urgents d'aujourd'hui en ayant recours à des solutions intelligentes et responsables qui n'hypothèquent pas l'avenir du pays;
6. Développement durable : privilégier les choix de reconstruction et de développement qui préservent les générations futures.

Auxquels, nous ajoutons les principes directeurs définis par la FONHDILAC en relation avec les axes fondamentaux de l’approche hexagonale :

Axe humain
Le principe fondamental est la satisfaction des droits humains fondamentaux en référence à la déclaration universelle des droits de l’homme, la constitution de 1987 et les objectifs du millénaire pour le développement.

Axe socio-culturel
Au niveau de cet axe, nous avons deux principes fondamentaux
1. Participation-responsabilisation
2. Promotion et Protection de la culture nationale

Axe environnemental
Le principe fondamental est le développement durable, exploitation « conservatrice » des ressources naturelles.

Axe infrastructurel
Au niveau de cet axe, nous avons deux principes fondamentaux :
1. l’aménagement du territoire doit respecter le principe du développement durable
2. les investissements doivent être répartis de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire (déconcentration économique).

Axe économique et financier
Le principe fondamental est l’accès équitable aux biens et services résultant des activités de production et de distribution.

Axe politique
Le principe fondamental est une répartition équitable, socialement (principe démocratique) et géographiquement (décentralisation, déconcentration administrative), de la participation de la population aux décisions et de leur mise en œuvre.

En référence, au cadre philosophique et aux principes directeurs retenus et développés, on peut s’attendre à des résultats tels détaillés au point 4.

IV. LES RESULTATS ATTENDUS

Les résultats attendus le sont eu égard à l’approche hexagonale. L’approche hexagonale vise, tout en s’appuyant sur la démarche participative, à développer un cadre harmonieux pour l’évolution de l’humain dans un cadre social équitable, dans un cadre naturel régénéré et bien équipé par des infrastructures adaptées, dans un cadre économique et financier incitatif et dans un cadre politique responsable et démocratique. D’où l’accent mis sur les six capitaux : le capital humain, le capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital financier et économique et le capital politique. Ce qui peut se schématiser de manière logique avec l’humain à l’intérieur du social, les deux à l’intérieur de l’environnemental, et l’aménagement de l’environnemental de manière telle à ce que l’ensemble soit en harmonie, le système financier et économique pour réaliser cet ensemble et le perpétuer dans le cadre d’une gouvernance économique régulatrice et incitatrice, et le système politique pour la gestion globale et le maintien de l’équilibre harmonieux du système global.

En clair, le résultat final se traduira par la mise en place d’un nouveau système favorisant une Haïti émergente et moderne à l’horizon 2035 axé sur :

(i) Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national avec un taux de croissance de population en deçà de 2% ; Ce qui se traduira par une masse critique de gens éduqués (90% de la population) tant au niveau primaire (100%), secondaire (100%), universitaire (70%) et professionnel (100%), en bonne santé disposant de services de santé, d’eau potable, d’électricité, de communication, d’emploi (90%) à leur portée et leur permettant de satisfaire leurs besoins primaires (se nourrir, se loger, s’éduquer, se divertir) ;

(ii) Le capital social comme élément fondamental du système social et de socialisation (60% de la population regroupés dans des associations) ; en promouvant sa force culturelle, l’haïtien se regroupe en société selon sa religion, son métier, ses intérêts, ses champs de compétences, de loisirs ;

(iii) Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ; l’haïtien procède à la régénération de son environnement naturel (25% de forêt primaire ajouté au 29% de couverture végétale actuelle ) qu’il perpétue avec amour à l’intérieur de ses organisations sociale, culturelle, écologique, économique et politique, en réseaux entre elles et avec des organisations de mêmes types au niveau de la caraïbe, de l’Amérique Latine et du monde ;

(iv) Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ; avec l’aide de la communauté internationale, l’Etat d’Haïti, à travers ses gouvernements, procède, à partir d’un excellent plan d’aménagement du territoire, à la réhabilitation, la construction des équipements (logements (70%), bâtiments administratifs (100%), scolaires (100%), universitaires (4 grandes universités dans 4 régions), sanitaires (70%), industriels (50%), commerciales (50%) et touristiques (40%), réseaux d’irrigation (100%), de routes (100%), d’eau potable (100%), d’électricité (90%), de télécommunications (70%), etc.

(v) Le capital financier et économique ( taux de croissance du PIB 8-12% par an, PIB 2035 : 3.5-4500 USD/Hab., à partir de la bonne gouvernance et avec l’appui de la communauté internationale dans un premier temps, et du secteur privé tant haïtien qu’étranger, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et

(vi) Le capital politique comme cadre fondamental de planification, de conception, de coordination, d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance, s’oriente vers une Haïti compétitive exploitant à fonds ses richesses naturelles en les répartissant de manière la plus équitable possible grâce à une politique de décentralisation et de déconcentration administrative basée sur les potentialités des différentes régions du pays et d’une vingtaine de pôles de développement.

V. LES GRANDES ORIENTATIONS

Les grandes orientations stratégiques de ce document d’orientation s’articulent autour des grandes lignes suivantes :

(i) Une politique de population et de développement des ressources humaines axée sur le respect des règles de la vie associative, de la gestion financière et économique, et de la vie politique, sur le respect de l’environnement et des infrastructures mises en place avec et pour la population, et se basant sur un taux de croissance avoisinant 1% au lieu de 2% actuellement, sur une politique sanitaire visant la couverture sanitaire de tout le pays depuis la section communale la plus reculée jusqu’au niveau de la ville , sur une politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle visant la satisfaction des besoins de la population en la matière jusqu’au niveau de souveraineté alimentaire le plus élevé possible et tenant compte des aspects sanitaires, éducatifs, environnementaux, agricoles, culturaux, économiques et financiers ;

(ii) Une politique de mise en place d’un système social plus équitable basé sur l’éducation visant la compétitivité, en passant par la scolarisation universelle, le nouveau secondaire, l’université, tenant compte de la culture haïtienne avec des ouvertures sur l’extérieur, en particulier la Caraïbe, l’Amérique Latine, l’Afrique, l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Asie et le monde, et promouvant une vie associative riche et bien régulée par une gouvernance sérieuse et incitative, des structures de gestion de l’environnement, des infrastructures, des structures de participation à la vie économique et à la vie politique avec des investissements importants dans le système social ;

(iii) Une politique de protection de l’environnement et des ressources naturelles axée sur l’éducation au respect de l’environnement, sur la gestion des risques et désastres, sur la participation de la population et de ses organisations à la gestion de l’environnement, sur sa réhabilitation totale, sur la promotion de l’écotourisme, du tourisme culturel, sur la mise en place des structures de gestion de l’environnement tant au niveau étatique, que des collectivités territoriales et de la société civile, et sur des investissements importants au niveau de l’environnement ;

(iv) Une politique d’aménagement du territoire agressive axée sur l’éducation au respect des infrastructures, sur la participation des structures sociales, de la société civile, des collectivités territoriales et étatiques dans la gestion des infrastructures, avec un zoning strict des aménagements (logements, routes, irrigation, eau potable, hôpitaux, etc.) respectueux des normes environnementales, tenant compte de la nature montagneuse de la République d’Haïti et de la situation de la vulnérabilité de l’environnement haïtien et de ses nombreux risques et des investissements importants y relatifs ;

(v) Une politique économique et financière visant un système financier et économique non inflationniste (taux d’inflation < 10%), protectionniste au même niveau que la Caraïbe sur certains aspects et libérale sur d’autres aspects, basée sur des grands choix économiques et financiers, sur l’harmonisation des politiques fiscales (taux de taxation autour de 15%) et monétaires (taux de change autour de 40 HTG pour 1 USD) et des taux de crédit incitatifs et favorables au développement des petites et moyennes entreprises (PME) et une couverture d’assurance à toutes épreuves couvrant tous les risques auxquels fait face le Pays Haïtien. Tout ceci est soutenu par une éducation économique et financière à la base, une incitation à la vie économique, à la priorisation de la protection de l’environnement, à la répartition équitable des infrastructures sur tout le territoire national ;

(vi) Une gouvernance politique visant le bien être de la population haïtienne et axée sur l’éducation politique de la population, sur sa participation à la vie politique, à la gestion de l’environnement, à la gestion des infrastructures, à la gestion des ressources financières, sur la déconcentration administrative, sur la décentralisation à partir de 4 régions, des 10 départements et des 42 arrondissements, sur une justice équitable , sur la reforme de l’Etat, sur la répartition des richesses eu égard aux potentialités de chaque région et des pôles de développement susceptible de garantir une croissance soutenue du PIB autour de 8-12% sur une période de 25 ans.


VI. LES ACTIONS

De ces grandes orientations découlent les actions suivantes articulées autour des ressources humaines comme tenants et aboutissants du processus de développement durable. Partant de la gouvernance politique qui englobe l’éducation politique, la participation à la vie politique, à la gestion de l’environnement, des infrastructures, des ressources financières, les politiques d’Etat axées autour des six axes et exprimées en termes d’éducation, de gestion, de respects des normes et des règles du jeu établies et en termes d’investissements publics et privés, ne visent qu’au renforcement du cadre de vie de l’Haïtien et de ses associations. Toutes les actions exprimées et articulées autour des six axes sont autant de politiques publiques à renforcer et à mettre en œuvre pour aboutir à l’Haïti de demain rêvée par tous les haïtiens.


VII. LA STRATEGIE DE MISE EN OEUVTRE

La stratégie de mise en œuvre du nouvel Etat d’Haïti selon une vision haïtienne, tout en s’inspirant de certaines propositions de réformes de l’Etat glanées ça et là et de certaines pratiques en cours au niveau de l’actuel Etat d’Haïti pour faciliter la transition et la continuité, se base sur deux points importants à notre avis : A) la réorganisation de l’Etat d’Haïti, et B) la gestion des grandes catégories d’actions.

A. La réorganisation de l’Etat d’Haïti

Pour la mise en œuvre de l’ensemble des actions ou politiques publiques décrites plus haut, il faudrait procéder par une réorganisation profonde de l’appareil étatique et gouvernemental. La constitution de 1987 modifiée, le plan stratégique de sauvetage National (PSSN), les travaux de réformes de la commission Nationale de reforme administrative (CNRA), les travaux du Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle (GRAHN), les Travaux des diverses commissions présidentielles, les travaux de la société Civile et du secteur privé Haïtien pourront contribuer à la mise en œuvre de ce document d’orientation.

Le regroupement des ministères selon leurs missions et attributions

L’ensemble des services de l’Etat seront regroupés en onze (11) grands ministères : (i)Le Ministère de l’intérieur, de la défense nationale et des collectivités territoriales,(ii) le Ministère des affaires étrangères, de la coopération externe et des Haïtiens vivant à l’Etranger,(iii) le Ministère de la planification, de l’Aménagement du Territoire, de la fonction publique, (iv) le Ministère de l’économie, des finances, du commerce et de l’industrie, (v) le Ministère des travaux publics, transports et Communications, (vi) le Ministère de l’éducation Nationale, de la jeunesse, des sports et des Services civiques,(vii) le Ministère de la Santé publique, de la population et de la condition Féminine, (viii)) le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles, de l’environnement et de la pêche, (ix) le Ministère de la culture, de l’Information et du Tourisme,(x) le Ministère des affaires sociales, humanitaires, des cultes et de l’emploi. (xi) Le Ministère de la justice et de la Sécurité publique.

Les secrétaireries d’Etat

Chaque Ministère sera subdivisé en secrétaireries d’Etat. Les ministères actuels regroupés sous le label d’un un autre ministère seront dirigés automatiquement par un Secrétaire d’Etat. Chacun des services de l’État se retrouve déconcentré au niveau des 10 départements et des 42 arrondissements avec tout le personnel et l’équipement nécessaire pour faire fonctionner le service au niveau local et satisfaire les besoins de la population concernée en la matière.

Ce mode d’organisation de l’Etat permettrait un fonctionnement optimum jusqu’à l’adaptation finale qui correspondrait à la vision de changement du nouveau pouvoir. Le changement ne devrait pas être seulement un changement de certaines personnes, mais aussi et surtout un changement de mentalité et de structure organisationnelle de l’Etat avec obligation de résultats périodiques et finaux.

L’organisation des Collectivités Territoriales en 4 régions et 42 arrondissements

Les collectivités territoriales seront regroupées dans 4 régions Nord, Centre, Ouest et Sud et administrées au niveau de 42 arrondissements regroupant communes et sections communales avec 20 grands pôles de développement bien équipés , dotés de tous les services de base (hôpitaux, écoles, centres de formation professionnelle, industries, centres de loisir, etc.), et entourés de villes satellitaires tampons bien dotées elles aussi, mais à un degré moindre que les arrondissements, ainsi de suite jusqu'au niveau des sections communales. Les 4 régions seront dotées de 4 campus universitaires garantissant l'avantage compétitif de notre pays dans des domaines bien spécifiques.

B. La mise en œuvre des grandes catégories d’actions de l’Etat

Pour y parvenir, la nouvelle administration, issue des élections, tout en contrôlant, de manière stricte, la question d’insécurité, devrait s’atteler à quatre (4) grandes catégories d’actions. Il en sera de même pour toute nouvelle administration durant les 25 prochaines années avec les mêmes catégories d’actions, mais un peu différentes du point de vue thématique d’un quinquennat à l’autre. Peut-être que l’on n’aura plus besoin d’une grande concertation nationale (réf.7.B.3) après la première qu’aura organisée cette nouvelle administration issue des élections du 20 mars 2011. De toute manière, attardons-nous sur les 4 catégories d’actions.

1. La gestion des actions d’urgences

Les actions d’urgences se regroupent en actions liées au choléra, le déplacement des sans abri dans des endroits décents, en attendant de les héberger définitivement dans des logements dignes de ce nom au niveau des pôles développement, de préférence loin de Port-au-Prince, d’où nécessité d’un travail de recensement très sérieux des sans abri et de leurs lieux d’origine et de ce dont ils disposaient avant le séisme ; la préparation de la saison cyclonique 2011 avec plan de contingence, la poursuite des travaux de protection des villes contre les inondations périodiques, l’assainissement des villes, des villages, la réparation des rues, des routes de pénétration, des pistes rurales, l’enlèvement des débris dans les zones affectées par le séisme, le curage des drains et des canaux, etc. ; la préparation des campagnes agricoles de printemps, d’été et d’hiver en s’appuyant sur le plan préparé par le ministère de l’agriculture, le cluster agriculture pourrait grandement aider, le traitement des ravines, des rivières, des versants, la mise en place des structures biologiques et mécaniques, etc. ; la création d’emplois temporaires dans les domaines d’assainissement , d’adoquinage de rues, d’irrigation, de conservation de sols et de l’eau, d’enlèvement des débris, de construction de logements sociaux, etc. Il faudrait que les travaux d’urgences aient des liens de continuité avec les actions durables.

2. La gestion des actions durables et structurantes

Certaines actions sont en cours d’exécution au niveau des grands chantiers routiers, d’irrigation, d’eau potable, d’électricité, de constructions d’écoles, de centres administratifs, de santé, d’universités, de centres de stockage. Le Gouvernement a intérêt à poursuivre ces actions, à mettre en œuvre les études, à faire d’autres études, à réaliser d’autres projets. Le plan national d’éducation, le plan national d’investissement agricole, le plan national de sécurité alimentaire, le plan directeur de vulgarisation, les travaux des diverses commissions, les 74 projets approuvés par la CIRH, les réformes entamées au niveau de l’Etat, au niveau du système bancaire, au niveau du système d’assurance, les projets de lois, les décrets, la reforme constitutionnelle, tous ces travaux, toutes ces actions devront se faire dans un souci de continuité de l’Etat. Il a été programmé un certain nombre d’actions dans le cadre de la CIRH dont le mandat arrive à terme en octobre 2011. Cette structure devra être remplacée à cette date par une agence de développement d’Haïti (ADH). Il ne faudra pas trop se battre avec la communauté internationale par rapport à cette entité. On pourrait facilement renégocier tout cela au moment de la création de l’Agence de développement.

3. La grande concertation nationale

Haïti dispose d’un ensemble de plans dont le PARDNH, le PSSN, le GRAHN, les plans de la société civile, du secteur privé, la grande concertation devrait en faire un plan consensuel sur 25 ans, s'attaquer à l'inégalité sociale, la justice, la déconcentration administrative, la décentralisation à partir des arrondissements, l'aménagement du territoire, l'axe capitale tel que proposé par la FONHDILAC, la mise en place de cette agence de reconstruction en lieu et place de la CIRH avec droit de regard et d'appui de la communauté internationale, les nouveaux amendements de la constitution, la réforme de l’Etat, sa réorganisation pour lui permettre d’être plus performant, le modèle de décentralisation pour Haïti par rapport aux arrondissements, les 20 pôles de développement à mettre en place dans le cadre de la décentralisation et de l’aménagement du territoire, leur découpage, celui des quatre régions, les villes Tampons par rapport aux pôles de développement, la validation d’un ensemble de dossiers sur lesquels Haïti n’a pas encore de consensus, etc.

Cette concertation nationale qui viserait le regain de confiance entre les haïtiens, la réconciliation nationale, devrait être inclusive, semi souveraine, car elle ne doit pas remettre en question les résultats des élections qui ont mis en place la nouvelle administration ni toute la constitution de 1987, car cette constitution est aussi une conquête démocratique et traduit une certaine vision de l’Haïti de demain par rapport à cet Etat prédateur mis en place après 1806. Les résultats de cette grande concertation nationale seront dans la mesure du possible d’application immédiate, sauf le plan consensuel qui devra prendre en compte le plan quinquennal de la nouvelle administration.

Ce plan stratégique sera suivi d’un ensemble de plans opérationnels qui seront exécutés par les ministères regroupant un certain nombre de secrétaireries d'Etat et/ou organismes autonomes sous tutelle de ces ministres avec des structures déconcentrées et décentralisées couvrant tout le pays.

4. L’Organisation des élections municipales, sénatoriales partielles et indirectes

La Nouvelle administration aura à organiser des élections au cours de cette année en vue de renouveler le tiers du Senat, la mise en place de nouveaux maires élus, des CASECs et des institutions prévues pour la mise en place des Collectivités Territoriales (CT). L’amendement constitutionnel prévoit comment mettre en place le CEP permanent, une fois fait, il faudrait rapidement procéder à la mise en place de ce nouveau CEP et le Conseil Constitutionnel prévus par les amendements. La nouvelle administration pourrait, par la suite, procéder à l’organisation des élections sénatoriales, municipales et indirectes telles que prévues par les amendements constitutionnels.

Il faut noter et souligner que le Nouveau Pouvoir aura à organiser durant sa dernière année de Mandat de 5 ans, les élections générales telles que prévues par les amendements et qui pourraient être confirmés et même renforcés par la grande concertation semi souveraine avec des résolutions d’application quasi immédiate.
Quant aux autres quinquennats qui viendront après, les élections générales se feront durant la dernière année de la présidence selon le « calendrier harmonisé » prévu par les amendements actuels et peut-être par d’autres issus de la Grande Concertation du Premier quinquennat.

VIII. LE CHIFFRAGE, LE FINANCEMENT

Dans notre exercice de chiffrage, nous nous inspirons des réflexions et estimations faites par des professionnels aussi bien haïtiens qu’étrangers. La proposition d’érection d’une ville universitaire de 50,000 habitants près de Ganthier se chiffre à 6 milliards de dollars américains. Le document d’orientation sur Gonaïves reste dans ces ordres de grandeur. Le DSNCRP a prévu pour sa part 4.3 milliards de dollars américains sur trois ans. Ainsi, compte tenu de tout ce qui précède, nos projections pour la construction de cette nouvelle Haïti ont été de 40 milliards de dollars américains sur une période de 10 années. Ce qui correspond à des investissements moyens de 4 milliards par an.

Maintenant que nous prévoyons la mise en œuvre du document d’orientation sur une période beaucoup plus longue de 25 ans au lieu de 10 ans, il faudra revoir à la hausse les chiffres. Le Plan Stratégique de Sauvetage National (PSSN) a prévu 100 milliards USD sur une période de 25 ans. Le Plan d’action pour le Relèvement et le développement National d’Haïti (PARDNH) a prévu 34.5 milliards d’USD sur 22 ans.
Naturellement, on aurait tendance à se baser sur le montant de financement négocié par le pouvoir actuel et sur lequel il a déjà des promesses de 9.9 milliards d’USD dont 37.2% auraient été décaissés et engagés dans le cadre de la CIRH. Toutefois, il serait plus réaliste de revoir les chiffres à la hausse et les situer au niveau du PSSN, soit 100 milliards, qui correspondent au montant prévu par la FONHDILAC par extension. D’autant que, selon les hypothèses de taux croissance annuel du PIB (8-12%) prévues par la FONHDILAC, il faudra des investissements annuels (APD, publics et privés) de l’ordre de 4 milliards d’USD/an pour soutenir cette croissance sur une période de 25 ans pour faire d’Haïti, « un pays émergent et moderne » à l’horizon de 2035.

IX. LA DUREE

La mise en œuvre de la refondation de l’Etat d’Haïti se fera en trois phases : l’urgence sur 6 mois, le relèvement sur 18 mois et la reconstruction sur 23 ans subdivisés en périodes quinquennales. Dans la réalité, les trois phases ne sont jamais aussi séquentielles et rigides. En effet, à cause de la vulnérabilité du pays, durant au moins les dix premières années de la reconstruction, l’Etat aura à gérer les urgences annuelles liées aux intempéries, et même au-delà, il y aura toujours des urgences à gérer. C’est pourquoi, il faudra des phases parfaitement imbriquées, articulées et intégrées de façon à former un tout cohérent conduisant au développement durable de notre pays. Ce calendrier doit tenir compte des investissements prévus dans le cadre du DSNCRP, du PARDNH, des investissements des secteurs privés haïtiens et étrangers, de la diaspora haïtienne. Une période de 5 à 7 ans serait suffisante pour atteindre la vitesse de croisière, si nous arrivions à bien gérer les risques inhérents à une telle entreprise aussi ambitieuse de refonder un Etat, et pas n’importe lequel, le plus imprévisible de tous et aussi le plus surprenant.

X. LES RISQUES ET LA GESTION DES RISQUES EN GUISE DE CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Avec l’Etat d’Haïti actuel, les risques en temps normal se retrouvent à chaque pas. Dans le cas qui nous concerne de promouvoir la mise en place d’un nouvel Etat, la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne, il faudra les multiplier par 4 sinon plus. Aussi allons-nous sélectionner quelques uns qui pourraient surgir à n’importe quelle phase du processus de refondation de l’Etat.

La gestion des risques et désastres

Haïti fait face à des risques cycloniques et sismiques, car elle est sur la route des cyclones et basée sur un réseau de failles sismiques susceptibles de provoquer des tremblements de terre assez violents (7, 8 de magnitude) et d’éventuels tsunamis. Son degré de dégradation environnementale la rend encore plus vulnérable. Ces données doivent être prises en compte dans les politiques publiques. C’est pourquoi, chaque année, dans le budget de la République, les fonds pour la mise en œuvre d’un plan annuel de contingence doivent être inscrits pour gérer ces risques jusqu’à ce que le pays atteigne un niveau de développement qui tienne compte de ces données et qui permettent, une fois le niveau de vulnérabilité jugé assez réduit, de diminuer proportionnellement les coûts prévus pour manager ces risques et désastres. Donc, il faut éviter de refaire pareil.

Tentation de refaire pareil

Dans le cas d'Haïti dévastée, il ne peut s'agir seulement, ni d'abord, de reconstruction technique d'infrastructures et de structures. Il s'agit fondamentalement de reconstruction politique et sociale orientant la reconstruction économique et technique. Ce serait gaspiller l'aide internationale et toute la solidarité citoyenne partout mobilisée à tous les niveaux, si l'on se contentait de refaire une copie neuve sur papier vélin de la société d'avant le séisme.

Dans cette perspective, il ne suffit point de déclarer dans des discours politiquement corrects qu'on reconnaît et respecte la souveraineté d'Haïti. Il faut le montrer dans la pratique et les formes d'aide. C'est d'autant plus nécessaire que l'État haïtien, fragilisé avant le séisme, s'est quasiment effondré après le séisme. Ainsi blessé presque à mort, il est devenu une proie facile pour tous les États forts tentés de se conduire en redresseurs d'États fragiles. La nouvelle administration devra être très vigilante dans ses rapports avec ses partenaires de la communauté internationale.

Les rapports avec la communauté internationale

L'extrême fragilisation du gouvernement Bellerive et de l'État pourrait faire croire à certains qu'Haïti n'a plus les moyens de s'autogouverner dans le court terme. D’où la CIRH. Nous n’avons pas de problème avec cette entité au sein de la FONHDILAC, surtout si elle constitue une sorte de garantie pour la communauté par rapport à notre réputation de corruption. Nous insistons aussi pour la mise en place d’un Fonds Fiduciaire Multi Bailleurs (FMB) unique tel que souhaité par le gouvernement Bellerive, mais mis en place comme un fonds en plus. Tel n'est pas notre point de vue, car nous voulons avoir des relations équilibrées avec la communauté internationale telles que prévues par les principes de la déclaration de Paris. Le peuple haïtien n'a besoin d'aucun «consortium» de pays amis pour gérer la crise à sa place, ce qui mettrait entre parenthèses la souveraineté d'Haïti. Même si l’expertise technique ainsi que l’appui financier de ces pays demeurent incontournables. Donc, ni protectorat déclaré, ni tutelle déguisée! La refondation de l’Etat d’Haïti exige des rapports harmonieux, mais aussi équilibrés entre partenaires.

La lenteur de l’Etat à décider

Pour avoir une chance de réaliser ce rêve de refonder Haïti, l’Etat doit se départir de sa lenteur proverbiale. Il est impératif que l’Etat Haïtien entame des démarches pour sauvegarder l’intérêt collectif en mettant en place cette Agence de développement d’Haïti qui pourrait remplacer la CIRH en octobre 2011. Ce faisant, il éviterait que les haïtiens, individualistes invétérés, en l’absence de l’État, ne recommencent à construire n’importe comment comme ils le font déjà, selon le « common sense » et en fonction purement de leurs intérêts égoïstes, il donnerait un signale fort à la CI sur son intention d’investir dans le durable. Dans le cas contraire, un travail de sensibilisation auprès des trois (3) pouvoirs de l’Etat devrait être entrepris par tous ceux qui se retrouvent un tant soit peu dans ce document d’orientation et qui y adhèrent même informellement.

La résurgence des vieux démons de division

Durant les premières heures après le séisme, la solidarité entre haïtiens a été vantée par les observateurs étrangers. Beaucoup de gens se sont sacrifiés pour sauver d’autres frères et sœurs. Avant l’arrivée des secours, on a partagé même un morceau de pain. Mais, depuis quelque temps, on sent venir la division. Avec la période électorale, on est retombé dans les vieux démons de division. Le pays paie les pots cassés. La bataille pour le pouvoir a fait des morts et des dégâts estimés à plus de 100 M d’USD. Avec les premiers décaissements sur les milliards de dollars de promesses d’aide, la proclamation définitive des résultats des élections du 20 mars 2011, les blessures de division risquent de prendre du temps pour se cicatriser. D’où la nécessité de cette grande concertation nationale pour nous réconcilier avec nous-mêmes . Il faut à tout prix arriver à gérer cette montée de la division en nous concentrant sur l’essentiel, la reconstruction du pays, la refondation de l’Etat d’Haïti.

La mainmise d’un petit groupe avec l’appui de la communauté internationale

La communauté internationale (CI) a sa clientèle en Haïti, un petit groupe qui le plus souvent voit ses intérêts avant ceux du pays. Il faut qu’elle change sa façon d’opérer pour se mettre à la hauteur de l’évènement et s’ouvre un peu plus sur d’autres catégories de gens. Les gens de bien qui veulent voir changer les choses pour de bon doivent se liguer contre ce petit groupe. Et la CI doit faire l’effort aussi de s’ouvrir à d’autres groupes qui, certes, ne maitrisent pas son jargon mais qui ont les compétences et l’honnêteté nécessaire pour accompagner cette refondation de l’Etat dans le sens de la collectivité.

La lutte hégémonique entre les grands pour des raisons économiques et géostratégiques

Ce séisme montre déjà la volonté des grands de se battre pour avoir le leadership de la refondation/reconstruction. Cette bataille entre les grands pourrait compromettre cette reconstruction ou la conduire dans des directions opposées à cette vision à l’haïtienne. Les haïtiens doivent faire preuve d’intelligence pour tirer le meilleur parti pour Haïti dans cette lutte des grands. Selon certains experts, il est de plus en plus sûr que notre sous sol dispose de certaines matières assez rares et même du pétrole ; en tout cas, notre pays est placé dans une position stratégique par rapport au reste de la Caraïbe et de l’Amérique Latine. Il nous faudrait avoir une conscience informée de notre réalité pour bien négocier cette solidarité internationale conduite par les grands de ce monde ou tout au moins la gérer pour le mieux.

La barrière constitutionnelle

La constitution de 1987 pourrait constituer une barrière sur certains aspects liés à la refondation de l’Etat suivant la vision dégagée. Il faut voir cette refondation au-delà du prisme de la Constitution de 1987. Il faudrait, si nécessaire, soit la modifier, soit la changer. Même si en tant qu’élément de notre lutte démocratique, il serait préférable de l’amender dans le cadre d’une grande concertation nationale semi souveraine au lieu de la changer pour préserver son coté symbole.

L’amélioration de l’image du pays

L’image du pays n’a cessé de se dégrader au cours de ces dernières 25 années. Les agences internationales dans leur évaluation périodique continue à considérer Haïti comme un endroit à risque de plus en plus élevé. Ces considérations ne sont pas sans conséquences sur la gestion de la collaboration avec les bailleurs de fonds. Les conditions se durcissent, rendant du coup la mise en œuvre des projets et programmes de développement plus compliqués à se mettre en œuvre dans des délais convenables. Un effort sensible au niveau de la gouvernance s’avère être aussi important qu’urgent. Des actions visibles visant la réduction de la corruption et/ou tout au moins sa perception, par exemple, seraient de grande utilité pour amorcer un changement positif de l’image que nous portons au monde.

La résistance au changement

La résistance au changement va être l’obstacle le plus difficile à gérer, selon Charles Cadet, l’ex-responsable de la très sérieuse Commission Nationale de la Réforme administrative (CNRA) qui avait fait des propositions pertinentes et innovantes pour la restructuration et la refondation de l’Etat, oubliées jusqu’à cette minute dans les tiroirs de l’administration de l’Etat. Il faudrait plus qu’un simple groupe comme la FONHDILAC, mais l’adhésion de la Nation Haïtienne pour porter cette vision de la refondation/reconstruction/construction de l’Etat d’Haïti qui doit redevenir, à terme, La perle des Antilles ou l’exception culturelle de la Caraïbe, et rentrer dans le cercle des pays émergents à l’horizon 2035.

FONHDILAC. Avril 2011.

www.fonhdilac.webs.com

mercredi 27 juillet 2011

HAITI, SORTIRA-T-ON DE L’AUBERGE ?

JEAN ROBERT JEAN-NOEL
Le 27 juillet 2011

La situation haïtienne est des plus complexes ces trois derniers mois. C’est la rentrée parlementaire ; c’est l’amendement constitutionnel raté ; c’est la prise du pouvoir par le nouveau président de la République ; c’est la saison cyclonique ; c’est la recrudescence du choléra, de l’insécurité ; c’est le rejet de Mr ROUZIER comme Premier Ministre pressenti et désigné ; c’est l’expectative en matière politique durant une à deux semaines ; c’est la désignation d’un nouveau Premier Ministre en la personne de Me Bernard GOUSSE sur fond de confrontation entre le Parlement et la Présidence ; c’est la multiplication des voyages du Président MARTELLY à l’étranger . C’est le succès de l’évènement ”Livres en folie” ; c’est l’organisation des examens d’Etat ; c’est l’anniversaire de naissance des anciens chefs d’Etat, Jean Claude DUVALIER (60 ans) et Jean Bertrand Aristide (58 ans) ; c’est le début des fêtes champêtres d’Eté ; C’est la disparition de notre Azor, le Trésor national en matière de musique traditionnelle. C’est la poursuite des négociations avec le Parlement sur la ratification du Premier Ministre désigné. C’est l’annonce d’une probable prorogation d’un an de la CIRH sur fond de contestation de certaines organisations. C’est la visite du couple présidentiel dans le Nord du pays ponctuée de ”jets de pierres ” selon une certaine presse, de ”deux bouteilles lancées par des membres de la Base « Renfort »” selon le réseau citadelle . C’est la mort d’un député, celui de Beaumont. C’est enfin de compte le ralentissement de l’économie haïtienne sans apparemment une conscience claire de la part du Parlement et de la Présidence. Sortira-t-on de l’auberge ? Et que faire pour s’en sortir ?

Remarques

Dans cette grisaille politique qui surplombe notre pays, les aspects les plus encourageants restent et demeurent la culture et l’éducation. On peut certes reprocher les failles relevées dans l’organisation des examens d’Etat, mais on constate avec plaisir que ces examens sont organisés en temps et lieu, malgré les multiples problèmes que confronte le pays haïtien.

D’un autre coté, l’évènement culturel annuel « Livres en folie »a eu, une fois de plus cette année, un succès fou. Toutes les catégories sociales se sont déplacées comme pour dire au monde entier, « ça c’est notre force, aucune puissance étrangère ne peut nous l’enlever ». Cette puissance culturelle s’exprime encore plus dans les fêtes champêtres qui connaissent chaque année un succès extraordinaire mais qui, cette année, grâce à l’amélioration des réseaux routiers, enregistrent beaucoup plus d’affluence de gens de l’intérieur du pays (tourisme local) et de la diaspora haïtienne. Les fêtes d’anniversaire de deux anciens chefs d’Etat (réf. Haïti en Marche)avec leurs amis dans leur pays après des années d’exil, les funérailles nationales de notre Azor, un trésor culturel haïtien dans l’art du maniement du tambour, ce sont là des traits culturels haïtiens qui nous confortent et nous permettent de traverser dignement des moments de grisaille politique.

L’éducation d’un coté, la culture de l’autre, les deux piliers sur lesquels devra s’appuyer notre pays pour se refonder, en commençant par la résolution tout de suite de la crise gouvernementale en puisant dans notre culture et dans notre histoire de peuple capable d’étonner le monde quand il le fallait.

Solutionner la crise gouvernementale

Après l’échec de Rouzier, le Président Martelly avait dit qu’il allait demander au Premier Ministre, Bellerive, de faire plus que liquider les affaires courantes. Depuis, on ne sent pas « ce faire plus ». Au contraire ! Les ministres laissent le gouvernement petit à petit. Ceux qui sont là fonctionnent au ralenti. Le Président a-t-il organisé un Conseil des Ministres pour confirmer ses dires et donner plus de marge de manœuvres au gouvernement ? En tout cas, on ne sent pas le gouvernement de Bellerive. D’où le ralentissement de l’économie qui se traduit par le manque d’emploi, une réduction de la production nationale, une impression de manque sécurité (assassinats spectaculaires, Toussaint, Dorvil), une insécurité alimentaire qui pointe à l’horizon et qui pourrait déboucher sur les émeutes de la faim et favoriser une exploitation politique. En attendant la ratification de Me Gousse ou le choix d’un autre Premier Ministre, un Conseil des Ministres pourrait statuer sur un programme minimum à exécuter par le gouvernement démissionnaire. Il y va de la nécessité de sauver ce qui peut l’être d’un exercice fiscal partiellement compromis et de préparer le prochain exercice fiscal 2011-2012. Le Sénateur PRIVERT, en tant que l’un de nos meilleurs spécialistes de la question, si ce n’est le meilleur tout au moins en matière fiscale, a le devoir de convaincre ses collègues du Parlement de s’élever à leur niveau d’hommes et de femmes d’Etat pour doter le pays, avant octobre 2011, d’un budget pour l’exercice fiscal 2011-2012, naturellement en accord avec le Président Martelly. Sinon, on sera obligé, à la fin de cet exercice, de reconduire le budget de 2.6 milliards de USD, alors qu’il nous faudrait, selon la FONHDILAC, un budget de l’ordre de 4 milliards d’USD pour soutenir une croissance économique de 8 à 12% pour l’exercice 2011-2012. Or il est possible de trouver une partie de cet argent dans le cadre de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) qui sera probablement prorogée pour une période d’au moins 1 an. Réalisme politique et économique oblige ! Il faudrait solutionner la crise gouvernementale par la nomination d’un nouveau gouvernement ou l’élargissement du mandat du Gouvernement Bellerive.

Alors, peut-on sortir de l’auberge ?

Le jusqu’auboutisme ne nous mènera nulle part. La Présidence le sait. Le Parlement aussi. Alors, pour sauver ce pays qui est nôtre, il faudrait :

1) Continuer les négociations en évitant la confrontation ouverte : modération du langage des deux cotés car Haïti l’exige, il y va du bien-être de la nation. Nous avons besoin de paix et de sérénité.

2) Convoquer un Conseil des Ministres pour permettre au Gouvernement Bellerive de faire plus que liquider les affaires courantes en l’instruisant de mettre en application les points non pris en compte dans les recommandations de l’article :” Haïti, une cigarette allumée aux 2 bouts”(Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/06/haiti-une-cigarette-allumee-aux-2-bouts.html. Journal le Matin et Haïti en Marche)

3) Continuer le processus de ratification de Me Gousse ou d’un autre Premier Ministre sur la base des négociations avec les deux parties relatives à la décision arrêtée en termes de partage de responsabilités au sein du Gouvernement avec les trois (3) ministères accordés au Groupe GPR, Economie et Finance, Agriculture et Santé, selon le Sénateur Zeni (Radio Vision 2000).

4) Encourager le Président, le Premier Ministre désigné, le Premier Ministre sortant et son gouvernement, et les parlementaires à s’investir dans la création d’un climat de confiance entre les deux (2) parties en donnant au pays l’impression que tout va pour le mieux.
5) Donner au Premier Ministre désigné les mains libres pour dégager une majorité au Parlement sur la base de négociations et non sur la base de chantage. En aucun cas, les négociations ne doivent dépasser les limites de l’indécence.

6) Se garder (Présidence et Parlement ), durant la période de négociations, de toutes déclarations intempestives susceptibles de jeter de l’huile sur le feu. Certains Sénateurs et le Président doivent se contrôler durant leur prise de parole.

7) Procéder (Le Parlement )à l’analyse des pièces du PM désigné qui, une fois ratifié, procédera à la présentation de sa politique générale qui sera adoptée à coup sûr par les deux chambres parce qu’elle sera le fruit d’un compromis.

8) Procéder (Le Président) à l’investiture officielle du nouveau gouvernement qui rentrera en fonction en remplacement de celui de Bellerive.

Haïti, comme en 1803 après le Congrès de l’Arcahaie, sortira de l’auberge pour entamer, cette fois-ci et pour de bon, sa refondation en toute tranquillité. Ce sera l’heure de la délivrance et notre pays sera sauvé parce que, comme Pétion et Dessalines, le Parlement et la Présidence auront compris qu’il faudra privilégier la concertation à la confrontation pour sauver ce qui peut l’être encore de cette nation en lambeaux. Nos actuels dirigeants ont-ils cette grandeur d’âme et ce sens du bien commun pour rééditer le passé ? A eux de le prouver !!!

mardi 21 juin 2011

HAITI, UNE CIGARETTE ALLUMEE AUX 2 BOUTS

JEAN ROBERT JEAN-NOEL
21 JUIN 2011

Le 14 Mai 2011, M. Michel MARTELLY est investi comme le 56e Président d’Haïti. Le « changement » est en marche. Mais l’ancienne administration fortement représentée au Parlement à travers le groupe parlementaire du renouveau (GPR) avait laissé, « continuité » oblige, des dossiers brulants non suffisamment traités :(i) le choléra (+5000 morts depuis novembre 2010) et son pic épidémique à l’approche de la saison pluvieuse et cyclonique 2011, (ii) les nombreuses familles encore sous les tentes, en particulier au niveau de l’ensemble des places publiques de la Capitale,(iii) la crise électorale issue des résultats électoraux définitifs du 20 avril 2011, (iv) la crise constitutionnelle avec la publication du « faux amendement constitutionnel » dans le Moniteur du 13 mai 2011. De quoi inciter l’apôtre du « changement » à opérer dans la « continuité » !Une bonne cigarette allumée au deux (2) bouts ! Que fallait-il faire ? Et que faire maintenant ?

Eviter la confrontation ?
Sweet Micky a toujours été perçu comme un « bagarreur ». Mr Martelly en campagne ne s’est pas trop départi de cette image. Le jour de son investiture comme Président, son discours est resté électoraliste donc bagarreur. Donc, l’autre camp l’attendait au tournant comme cet ”éléphant dans un magasin de porcelaine ». Selon un principe acquis de ma longue expérience, il ne faut jamais laisser les autres utiliser vos défauts contre vous. Ainsi, on arrivera à déjouer tous les pièges tendus par des amis et par des ennemis. Donc, le Président aurait dû choisir la coopération à la confrontation, et sur la base de cette « Haïti d’abord ! »,amorcer le « changement dans la continuité ». Mon article sous le même titre donnait la recette. Malheureusement, les conseils n’ont pas été suivis. On est donc en pleine confrontation alors que le pays a besoin de coopération. Que fallait-il faire ?

Couper la cigarette en trois (3) parties
Plus spécifiquement, au nom de son amour déclaré pour ce pays, au nom du changement prôné, le Président aurait du couper la cigarette en 3 parties : (i) reconduire le gouvernement Bellerive avec le même objectif de 8% de croissance prévu par le budget 2010-2011, en exigeant la gestion par le gouvernement reconduit de l’ensemble des dossiers brulants en cours et la préparation du budget 2011-2012 autour des 4 milliards de USD engagés dans le cadre de la CIRH ; (ii) Mettre en place avec son équipe un « schadow gouvernement » à coté du gouvernement reconduit pour roder cette équipe et faciliter le contrôle de l’ancienne dans la gestion des affaires de l’Etat , et (iii) se placer au dessus de la mêlée pour mieux voir et mieux coordonner tranquillement la mise en place du nouveau Gouvernement prévu pour la fin de l’exercice en cours avec parallèlement l’entame du processus de ratification du nouveau Premier Ministre. Pour agir de cette manière, il fallait une grande maitrise de la situation politique, un grand esprit de sacrifice et un grand leadership pour expliquer ses choix au peuple haïtien si impatient. C’aurait été une grande leçon de coopération, une bonne manière de rétablir la confiance entre nous, une grande opportunité ratée de bien amorcer le changement.

Alors, maintenant que faire ?
La Présidence et le Parlement n’ont qu’un seul choix : Haïti d’abord ! Il leur faut coute que coute éviter la confrontation en faisant taire leur orgueil de groupe et en pensant Haïti. Haïti ne peut plus se permettre de perdre un autre mois dans cette grisaille politique. Certes, il n’est plus possible de contempler un taux de croissance de 8%, mais il est encore possible de sauver les 3 derniers mois de l’exercice en cours. Nos hommes politiques doivent au moins comprendre cela. Nos experts financiers et le Group Croissance en tête nous ont déjà fourni assez d’éléments pour comprendre ce minimum en matière économique. Alors, chers Messieurs et Dames, arrangez vous pour que le pays soit doté d’un gouvernement durant cette fin de mois de juin 2011. Ce gouvernement, tout en sollicitant l’aide de l’ancienne administration pour au moins 3 mois et en créant des conditions pour rétablir la confiance entre les haïtiens, aura un cahier de charge en quatorze (14) points pour les trois derniers mois de l’exercice en cours, en vue de :

1) Gérer les affaires du pays à partir du budget 2010-2011 avec le souci d’atteindre un bon niveau de croissance économique en septembre 2011 ;

2) Gérer les urgences liées à la flambée de cholera, la saison cyclonique, les gens sous les tentes, en restructurant le service national des Endémies majeures (SNEM), en renforçant les structures de gestion des risques et désastres, en restructurant l’EPPLS (logements sociaux), en restructurant le SPPREN (Service d’entretien routier) ;

3) Organiser les examens officiels de l’Education Nationale et Préparer la réouverture des classes en Septembre 2011 tout en bien expliquant au grand public que l’école gratis est un processus progressif sur une période relativement longue ;

4) Préparer et lancer les campagnes agricoles d’Eté et d’Hiver pour réduire l’insécurité alimentaire ;

5) Préparer le budget 2011-2012 d’un montant de 4 milliards de USD avec les hypothèses suivantes : un taux de croissance de 10%, un taux d’inflation <10%, un taux de change stable de 40 gourdes pour 1 USD ;

6) Nommer le Président de la Cour de Cassation ;

7) Mettre en place le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ;

8) Trouver des solutions à la crise électorale, à la crise constitutionnelle ;

9) Mettre en place le Conseil Electoral Permanent une fois la crise constitutionnelle résolue ;

10) Mettre en place le Conseil Constitutionnel tel que prévu par la Constitution amendée ;


11) Assurer une coordination sérieuse des actions des ONG et des agences de Coopération technique tant bilatérales que multilatérales ;

12) Préparer les élections Sénatoriales partielles, les Mairies, les CASEC et les élections indirectes ;

13) Mettre en branle le processus pour transformer la CIRH en cette agence de développement d’Haïti (ADH) prévue par le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH) en octobre 2011 ;

14) Engager la responsabilité de la MINUSTAH en matière de l’introduction du choléra en Haïti et un processus de dédommagement pour des pertes en vies humaines et économiques encourues et pour aider à combattre le déficit d’image du pays à l’extérieur, tout ceci en vertu des conventions en la matière.

La mise en application de ce cahier de charge par le nouveau gouvernement permettra au pays d’éviter la confrontation et d’amorcer le processus de changement qui débouchera à coup sûr sur le processus de mise en marche de la nouvelle Haïti qui deviendra à l’horizon 2030, « un pays émergent et moderne », et à nouveau ”la Perle des Antilles, l’exception culturelle de la Caraïbe.” C’est le rêve de tout Haïtien digne de ce nom et ce devrait être le rêve de tous nos politiciens, surtout ceux qui sont au pouvoir. Alors, Messieurs et Dames, Marquez la rupture par rapport à l’ancien système mis en place depuis 1806 ! Haïti ne l’oubliera jamais !!!

lundi 30 mai 2011

HAITI, NECESSITE D’UNE REVOLUTION DE CROISSANCE ECONOMIQUE

Jean Robert JEAN-NOEL
29 Mai 2011

EN 2010, Haïti, avec 360 Hab./km2 et avec un PIB de 700 USD/Hab., est considérée comme un pays surpeuplé et extrêmement pauvre. La croissance démographique du pays est supérieure à 2% et se maintient presque constamment autour de ce pourcentage. Sa croissance économique a décru pendant longtemps au point d’être comparée à celle d’un pays en guerre durant ces 40 dernières années. L’économiste, Kesner Pharel, a titré un article en décembre 2009 sur l’économie haïtienne relative à la décennie 2000-2010 comme « une décennie perdue ». Alors comment expliquer une telle situation ? Et que faut-il faire pour s’en sortir ?

La situation socio-économico-politique

En comparant l’économie haïtienne par rapport à elle-même de 1980 à 2011, on constate une augmentation constante de la pauvreté avec toutes les conséquences que cela implique sur l’environnement physique du pays. La dégradation de l’environnement haïtien, qui a débouché sur la vulnérabilité proverbiale du pays, est étroitement liée, entre autres, à notre manière de faire de la politique et à l’ignorance de la majorité de nos hommes politiques des concepts économiques liée, elle-même, à notre système éducatif qui n’a pas pris en compte notre éducation financière et économique depuis l’école primaire. J’en prends pour preuve le mot d’ordre des ainés dans la lutte contre la dictature des Duvalier qui nous disaient inlassablement « lèse’l pouri » (laissez les choses se gâter en français). En d’autres termes, même si vous avez la possibilité de faire les choses correctement, ne le faites pas pour embarrasser le gouvernement et provoquer à terme un mécontentement généralisé qui devrait déboucher sur une révolution politique sans tenir compte des effets désastreux de cette stratégie sur l’économie du pays. Cette stratégie ajoutée à la corruption endémique a beaucoup nui à l’avancement du pays. Car elle a amplifié la pauvreté et complexifié la situation socio- économico-politique du pays.

La politisation à outrance pour se servir avec le peuple comme leader

Depuis, les années 1980, notre pays est entré dans un cycle d’instabilité politique qui va s’aggraver à partir de 1986. Le départ de Duvalier Fils va nous permettre d’amorcer un cycle de démocratisation qui s’articule autour de la politisation du pays avec des luttes acharnées pour le pouvoir politique non pour apporter le changement souhaité inscrit dans la Constitution de 1987 mais pour continuer à s’enrichir ou s’enrichir tout cours à partir de la politique. La politique pour se servir et non pour servir. La multiplication des partis politiques de type familial ou autour d’un homme providentiel va s'amplifier en lieu et place de vrais partis politiques avec des idéologies clairement définies tel que prôné par la Constitution de 1987. Avec ces groupuscules politiques, les démons de la division vont s’installer plus profondément dans l’âme haïtienne. Et pour arriver à gagner les élections, nous allons laisser faire le peuple au lieu de le guider. En conséquence, la situation globale du pays se dégrade au fil des ans pour aboutir, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, à la situation d’aujourd’hui. Alors, que faire ?

Prendre appui sur le PARDNH et réviser à la baisse le taux de croissance de 2010-2011

En Mars 2010, Haïti avec l’appui de la communauté internationale s’est dotée d’un plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH) de 34.5 milliards de USD sur 22 ans dont 9.9 milliards ont été promis par la Communauté Internationale en mars 2010 à la Conférence de New York. Actuellement, près de 40% des fonds liés à cette promesse sont soit engagés soit décaissés. Et le gouvernement de Mr Bellerive a prévu des investissements (y inclus le fonctionnement) de l’ordre 2.65 milliards de USD pour l’exercice en cours pour atteindre un taux de croissance de 8.9% du PIB après une contraction de l’économie de (-5% du PIB) pour l’exercice écoulé. La situation politique actuelle exige de revoir à la baisse le taux de croissance. Le Ministre des finances prédisait , en avril 2011, que l’on pourrait atteindre 8% à la fin de l’exercice si rien n’est venu perturber la situation. Avec les tractations plutôt difficiles pour la mise en place du nouveau gouvernement et l’adaptation obligatoire des nouveaux ministres à leur fonction, il faudrait présumer que le taux de croissance serait encore plus bas. L’idéal pour le Président Martelly serait de reconduire le gouvernement actuel jusqu’à la fin de l’exercice en cours pour avoir une chance de se rapprocher des 8% de croissance prévus par l’actuel Ministre des Finances. Mais ce ne serait pas « politiquement correct », même s’il favorisait l’amorce d’ « une révolution de croissance économique ».

Amorcer « la révolution de croissance économique » à partir de 2011-2012

De toute manière, si l’on veut sortir de cette situation et contempler le développement de ce pays d’ici 2035, il faudrait viser haut en matière de croissance économique. Comme l’a rapporté la Fondation Haïtienne pour le développement intégrale latino américain et caribéen (FONHDILAC) dans son « document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne. Avril 2011 », les économistes, Charles CASTEL, Gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Carl BRAUN, PDG de l’UNIBANK, et Charles CLERMONT, PDG du Fonds d’Opportunité et du Renouveau d’Haïti (FORH),pensent respectivement que notre pays peut doubler son PIB en 10 ans avec 7% de croissance l’an, en 6 ans avec 12% de croissance par an, et en 5 ans avec 15% de croissance l’an. Ces économistes ont appuyé leurs prévisions sur leur longue expérience du marché financier haïtien et de l’économie haïtienne. Carl Braun pense qu’il faudrait « une révolution de croissance » pour arriver à développer ce pays. Au sein de la FONHDILAC, nous pensons qu’il faudrait des investissements de l’ordre de 4 milliards de USD par an pour des taux annuels de croissance économique dans une fourchette de 8 à 12% du PIB. Pour soutenir le développement du pays, jusqu’à en faire un pays émergent à l’horizon 2035, les investissements devraient se faire dans les six axes de développement adoptés par la FONHDILAC, l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique et la gouvernance (politique) avec une répartition équitable des effets de cette révolution de croissance économique. Ces six axes englobent parfaitement les quatre (4) axes de l’administration Martelly ou 4 E, à savoir : Education, Emploi, Environnement et Etat de Droit. Alors ? En avant donc pour cette révolution de croissance économique tout en réduisant notre croissance démographique et en répartissant de manière équitable la richesse issue de cette croissance économique soutenue ! Kote sa nou pa ka fè la ?