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jeudi 29 décembre 2016

HAITI, LE CRI DE LA SOCIETE CIVILE : ENJEUX ET NECESSITE D’UNE ENTENTE NATIONALE


HAITI, LE CRI DE LA SOCIETE CIVILE: ENJEUX ET NECESSITE D'UNE ENTENTE NATIONALE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 DECEMBRE 2016

A. LE CONTEXTE 

Au moment de la préparation en Juin 2016 de l’événement annuel du Conseil de la Société Civile de la BID en Haïti (CONSOC), il a été demandé à l’Ing. JR JEAN-NOEL de faire une présentation pour le compte de la société civile sous le thème : « LE CRI DE LA SOCIETE CIVILE[1] ». 

Ce cri devrait se baser sur la plupart des petites expériences réussies ayant une influence sur l’eau de boisson et/ou sur l’eau d’irrigation.

Entre temps, le pays (i) a subi les assauts de l’ouragan Matthew (4-5 Octobre 2016) qui a causé des pertes et dommages équivalant à 22% du PIB global[2] et à 7% du PIBA (PIB-Agricole), soit un montant de 25.8 M USD dans le secteur eau et assainissement et de 603.8 M USD dans le secteur agricole, (ii) a organisé le 20 Novembre des « élections acceptables » mais contestées dès le comptage des votes et surtout dès l’annonce, le 28 Novembre 2016, des résultats préliminaires de la présidentielle donnant le candidat du Parti Haïtien Tet Kalé (PHTK), Jovenel Moïse, large vainqueur du scrutin (55.67%),(iii) est rentré dans une crise post-électorale que le Conseil Electoral tente de juguler avec la décision du Bureau Contentieux Electoral National (BCEN) de vérifier de manière aléatoire 12% des procès-verbaux.


Cette situation post-électorale a tendance à occulter les problèmes de développement du pays[3] par rapport à la lutte des clans pour le pouvoir politique. Ce qui m’oblige à déborder le cadre restreint du thème de l’événement, qui d’ailleurs n’a pas jugé bon d’utiliser ce texte, pour tirer des leçons non seulement en relation avec l’eau de boisson et d’irrigation, mais aussi et surtout avec d’autres aspects de développement du pays. D’où cet ajout au titre « Enjeux et nécessité d’une entente nationale».


B. LA VULNERABILITE DU PAYS, UN PROBLEME SERIEUX

Un pays vulnérable à tous les points de vue

Haïti est un pays vulnérable à tous les points de vue, les ressources humaines exposées à des problèmes de santé avec une espérance de vie autour de 60 ans, pas bien éduquées avec une fuite énorme des cerveaux, mal organisées socialement, vivant dans un environnement physique dégradé et insalubre et mal aménagé, dans des infrastructures non normalisées et insuffisantes, avec une économie rachitique malgré des ressources en sous-sol estimées à plus de 100 trillions de USD et gangrénée de corruption, et dans un système politique non adapté organisé autour d’une gouvernance au petit bonheur tant au niveau national, déconcentré et décentralisé (?). En résumé, le capital humain sans soins adéquats, le capital social non organisé, le capital environnemental vulnérable et non aménagé, le capital infrastructurel non normalisé et très insuffisant, le capital économique/financier rachitique et le capital politique galvaudé et prédateur.


C. LES LECONS APPRISES 


C1. LES PETITES LECONS A GENERALISER


L’Agr Carl Mondé a fait une expérience sur la mise en défens des terres autour d’une source, Source Laval à Anse à Veau, soustraites à l’intervention de l’ homme et des animaux, moyennant la mise à disposition de 180000 HTG aux occupants des terres sur une période de 5 ans sous forme de location. Les résultats après 22 mois sont extraordinaires, une augmentation significative du débit de la source, une végétation abondante, des couleuvres, des oiseaux, un vrai écosystème, un modèle. 

« D’un autre côté, Selon Mondé, l’analyse du climat et en particulier de la pluviométrie de la majeure partie du pays montre que la végétation naturelle peut se développer sans intervention de l‘homme sur des périodes relativement courtes (moins de 5 ans). De ce fait, la reconstitution d’une couverture ligneuse compacte peut être réalisée par une simple mise en défens. Il suffit de soustraire des parcelles à l’exploitation de l’homme et des animaux pour que la végétation naturelle se développe. Point n’est besoin alors de mettre en place des programmes complexes de reboisement ou de protection des bassins versants. Cette stratégie de mise en défens peut être appliquée n’importe où mais elle est particulièrement adaptée à des problématiques spécifiques : Protection des sources, des ravines, etc. » 

Le cas de gestion du système d’eau potable de Saint Marc par un groupe Privé qui est une expérience à corriger, à renforcer et à répliquer.

La gestion depuis plus de 20 ans du système d’irrigation de l’Arcahaie (6500 ha) par l’Association d’Irrigants de la Plaine de l’Arcahaie (AIPA), qui a déjoué toute tentative de récupération de l’association à des fins politiques.

La gestion du système de Croix-Fert, Belladère, par le Komité Izaje Sistèm Irigasyon Croix-Fer (KISIC) depuis 1986, soit 30 ans de gestion paysanne sans interférence de l’Etat. A noter que ce système d’irrigation de 250 ha a été réalisé par les paysans avec l’aide d’une ONG, le Comité Haïtien de développement (CHADEV).


C2. LES GRANDES LECONS A UTILISER

1. Gonaïves, un cas d’espèce très intéressant, mais malheureusement partiellement appliqué 

Gonaïves a connu deux inondations majeures en l’espace de 4 ans, 2004 et 2008[4], causant au total 3700 morts. Un plan a été mis en place par des techniciens haïtiens ((Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2009/06/haiti-gonaives-des-solutions-la-mesure.html ) et appliqué partiellement avec un certain succès. 

Gonaïves se développe différemment au niveau des plateaux et des piedmonts, les maisons sont à étage ; le réseau de drainage est plus dense ; les drains de ceinture sont de plus grande capacité ; la rivière La Quinte a une capacité 10 fois supérieure ; Pont Mapou et Pont Gaudin ont été reconstruits pour favoriser l’écoulement de 1000 m3 d’eau par seconde ; les berges de la rivière La Quinte ont été renforcées, très certainement pas assez, mais elles tiennent jusqu’à présent. Des interventions ont été éparpillées sur les 70000 ha du bassin versant, trop minimes certes, mais réalisées quand même. Le modèle gonaïvien a servi de modèle pour d’autres régions du pays.
 
En effet, la Direction des infrastructures agricoles du ministère de l’agriculture a répliqué partiellement ce modèle sur la Ville de Cabaret, de Jacmel, de Léogane avec un certain succès, car certaines composantes essentielles n’ont pas été prises en compte faute de moyens financiers et de manque de volonté politique (vision et planification). 

2. Le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH 2010-2030)

C’est un des résultats de l’évaluation conjointe des besoins post-désastres qui, à la demande et sous la direction du Gouvernement de la République d’Haïti, a été conduite du 18 février au 24 mars en Haïti, avec le soutien technique de l’ONU, la BID, la CEPAL, la Banque Mondiale et la Commission Européenne.

Voici la vision telle qu’exprimée par le Premier Ministre d’alors, JM Bellerive, lors du lancement du processus d’élaboration du PDNA (Post desater needs assessment) : « voir Haïti comme un pays émergent d’ici 2030, société de la simplicité, équitable, juste et solidaire, vivant en harmonie avec son environnement, sa culture et une modernité maîtrisée où l’État de droit, la liberté d’association et d’expression et l’aménagement du territoire sont établis, dotée d’une économie moderne, forte, dynamique, compétitive, ouverte et à large base territoriale, où l’ensemble des besoins de base de la population sont satisfaits et gérés par un État unitaire, fort, garant de l’intérêt général, fortement déconcentré et décentralisé. »

Les priorités du Plan d’Action Post Séisme, qui s’articulera autour de vingt (20) chantiers et qui nécessitent 34.50 USD, sont de faire face à l’urgence dans l’immédiat, redémarrer les activités économiques gouvernementales et sociales, réduire la vulnérabilité du pays face aux catastrophes naturelles et relancer Haïti sur la voie du développement.

Plus spécifiquement : (i) Assurer la préparation de la saison cyclonique et des pluies 2010, particulièrement pour les populations déplacées ; (ii) Inscrire systématiquement les aspects environnementaux dans toutes les décisions liées au processus de redressement et de développement ; (iii) Assurer l’intégration de la gestion des risques et des désastres dans toutes les activités de reconstruction pour tous les secteurs ; (iv) Mettre en place une politique active de l’emploi en appuyant les micro-entreprises, en renforçant la formation professionnelle, en intégrant les principes de haute intensité de main d’œuvre (HIMO) et en associant l’entreprenariat haïtien, la main d’œuvre locale ainsi que les communautés ; (v) Placer de façon accrue l’État comme prestataire de services de base déconcentrés et décentralisés, tout en assurant un renforcement substantiel de son autorité auprès des entités non étatiques. A cet égard, amorcer la création d’un filet de protection sociale pour les plus démunis ; (vi) Décongestionner la zone métropolitaine de Port-au-Prince par une politique de déconcentration et de décentralisation en mettant en place des incitations pour la sédentarisation de la population autour de pôles de croissance ; (vii) Continuer d’apporter assistance et soutien à 1.3 million d’haïtiens qui ont tout perdu et à 3 millions de personnes affectées par le désastre, tout en accélérant le processus de relèvement pour éviter une dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure.

Ce plan se décline en deux temps. Soit l’immédiat qui porte sur une période d’une année et qui constitue la période de transition avant que tout le mécanisme de la refondation de l’État ne soit opérationnel. Le second temps s’ouvre sur une perspective temporelle de dix ans, permettant ainsi de tenir compte de trois cycles de programmation des Stratégies Nationales de Croissance et de Réduction de la Pauvreté.
Commentaire : Ce plan n’a été appliqué que partiellement.

3. Cadre programmatique et budgétaire du secteur agricole 2015-2018

Une démarche priorisant des pôles de croissance et de développement

L’idée de soutenir cette nouvelle démarche de priorisation des pôles de croissance vise une mise en valeur des territoires selon leur potentiel à partir de l’approche transversale intégrée de gestion de bassin versant et de l’approche d’intercommunalité. Une mobilisation des actions de l’Etat, de manière complémentaire et synergique, centrée sur ces pôles, devrait avoir le mérite de rationaliser les investissements et de produire un meilleur impact dans les différents segments de production et ceci selon les spécificités de chaque bassin de vie et des différentes zones agro-écologiques et économiques, en encourageant, encore plus et entre autres, l’investissement privé dans le secteur.
Intérêts pour les capitaux privés dans le secteur agricole

L’investissement privé non paysan a significativement augmenté dans le secteur agricole, ce qui traduit l’importance des opportunités offertes par ce secteur et que les autorités du MARNDR n’ont jamais cessé de clamer haut et fort depuis 2012. Le secteur privé (en dehors des petits et moyens exploitants agricoles) apporte une part importante au financement du secteur, notamment dans la fourniture des biens et des services aux nombreux acteurs du secteur impliqués. Ils interviennent également dans certains cas directement dans la production et la transformation. Depuis 2012, de grands efforts ont été consentis pour inciter des investisseurs privés tant nationaux qu’étrangers à profiter des opportunités offertes par le secteur agricole dans le cadre de l’approche PPP (partenariat public privé). Ils visent d’attirer plus de capitaux privés[5] (le gros capital) dans le secteur agricole, particulièrement dans des filières porteuses et spécifiques à certaines zones situées dans les cinq (5) pôles de croissance et de développement tel que schématisé par la figure 1 en tant qu’actions en cours et la perspective d’une meilleure imbrication et d’intégration de ces actions dans le développement durable du pays.

Critères de choix des pôles de croissance

Dans cette perspective, cinq (5) pôles de croissance ont été définis selon des critères précis (voir Fig. 1).

Ce sont des zones (i) dominées par les 5 principaux châteaux d'eau du pays ( 1-Massif du Nord incluant Marmelade, 2- Montagnes Noires, 3- Chaine des Matheux et la chaine du Trou d'eau, 4-Massif de la Selle en passant par les Palmes jusqu'à Miragoâne, et 5- le Massif de la Hotte incluant le Plateau de Rochelois; (ii) constituées des différentes plaines alluviales dominées par ces châteaux d'eau; (iii) disposant de ressources suffisantes en sols, en eaux pour valoriser des investissements importants et permettant la création significative de richesse; (iv) pouvant favoriser l'association des plaines irrigables en vue d'une valorisation intensive et sécuritaire et des zones de montagne à aménager pour assurer une gestion durable et un approvisionnement régulier en eau; et (v) disposant au préalable d'une infrastructure minimale de transport (susceptible d'amélioration et d'extension) permettant l'acheminement des produits des centres de production vers les centres de consommation qui se retrouvent beaucoup plus au niveau des grandes agglomérations urbaines.

Aussi, le Ministère de l’agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) s’évertue-t-il à créer autour de ces pôles une dynamique incluant les opérateurs économiques du secteur privé et une articulation intersectorielle pour livrer des services publics que ce soit en matière de sécurité sanitaire, l’amélioration de la pénétration des zones de production et leur connexion aux marchés.

Figure 1 : Géo localisation des pôles de croissance et leurs potentiels




Concentration des investissements par pôles de croissance

Ce choix se justifie en vue de: (i) éviter la dispersion et le saupoudrage qui ont caractérisé les budgets antérieurs; (ii) maximiser les synergies entre les projets pour améliorer leurs impacts; (iii) réduire les coûts administratifs des projets d'investissement et engager le maximum de ressources pour les investissements directs; et (iv) assurer une meilleure coordination technique et une meilleure valorisation des ressources humaines engagées.

Les investissements du secteur agricole s'articuleront autour de 12 Programmes Phares qui seront exécutés dans les 5 pôles de croissance en même temps, ou dans un, deux et trois pôles en fonction des spécificités des actions constituant ces programmes. En clair, certains programmes s'exécuteront dans plusieurs pôles parallèlement et d'autres seront spécifiques à tel ou tel pôle.
Les actions complémentaires par d'autres ministères dans les pôles

Selon le principe d'articulation des actions et d’intégration au sein de l'Etat pour une meilleure cohérence de l'action gouvernementale, le ministère de l'agriculture, en tant que " locomotive de la croissance" ou un des piliers de la croissance, suggère qu'il y ait une complémentarité des actions au niveau des pôles de croissance. Et à titre d'exemples, prenons le pôle 1:

MTPTC: (i) la réhabilitation des routes : Route Trou du Nord-Ste Suzanne-Dupiti,; Terrier-Rouge- Perches-Valières; Ouanaminthe-Capotille-Montorganisé-Carice; Fort Liberté-Ferrier; (ii) la Construction de la route Carice-Valières- Ste Suzanne; (iii) Energie Renouvelable: l'exploitation du potentiel d'énergie éolienne dans la baie de Fort Liberté; la construction ou la réhabilitation d'un port fonctionnel dans le Nord est pour écouler des produits sur l'extérieur

MDE: (i) La gestion de zones réservées comme le Parc des 3 baies, (ii) la protection de Lagon aux Bœufs, (iii) l'appui à la protection des bassins versants et la gestion des châteaux d'eau, (iv) l'identification de nouvelles zones réservées au niveau des châteaux d'eau. 

MTIC: En matière touristique, (i) la Valorisation de la Baie de Fort Liberté, Ancien fort Anglais, les vestiges des villages indiens, (ii) la valorisation du Palais Sans Souci et de la Citadelle.

MEF/BRH : Cadre macro-économique approprié en faveur de la production nationale, politique tarifaire adéquate, financement assurance agricole.

MCI: Gestion des Parcs, programme d'entreprenariat agricole, politique tarifaire adéquate.

MJSP : Mise en place de la police des sections communales et de la police frontalière au sein de la PNH.

MICT : Implication des collectivités territoriales dans les comités de gestion de bassin versant, des systèmes d’irrigation, d’eau potable, etc.

Ces exemples pourraient se répéter à l'infini et ce travail pourrait se faire pour chaque pôle de croissance. D'où la nécessité de priorisation dans le cadre de ce budget 2015-2018 et la nécessité d'application par la suite du principe de continuité de l'Etat pour ne pas recommencer à chaque fois.
Commentaire : Cette nouvelle démarche plutôt révolutionnaire du ministère de l’agriculture n’a été appréciée que de manière très différenciée par les 3 derniers ministres qui se sont succédé au ministère sur une période d’environ 1 an, en violation du principe de continuité de l’Etat.

En première conclusion, Procéder à la généralisation des cas de réussite 
Il faut aller au-delà de ces cas d’espèces, tenir compte des petites et grandes expériences partiellement réussies liées à la mise en défens, l’exploitation des forêts énergétiques dans certaines zones du pays (Nippes, Sud), la mise en place des retenues collinaires et leur exploitation. Il faudra procéder à la généralisation des cas de réussite au niveau d’une commune, d’un département, d’une région et du pays. D’où la nécessité d’applique le Principe de continuité de l’Etat.

D. LE PRINCIPE DE CONTINUITE DE L’ETAT, UNE NECESSITE

Haïti a produit un certain nombre de documents de réflexions, d’approches, de plans, de stratégies. Toutefois, Haïti n’évolue pas en vase clos, mais dans un contexte régional et mondial. Généralement, les gouvernements haïtiens (GOH) n’appliquent pas le principe de continuité de l’Etat. Quand un GOH succède à un autre, la tendance naturelle c’est de prendre le contrepied de l’action de l’autre ou de s’arranger pour faire ses propres actions en laissant de côté les actions de l’autre. Parfois, même quand le GOH applique le principe de la continuité de l’Etat, il a tendance à modifier les noms des concepts sans modifier le contenu juste pour ne pas donner l’impression de faire comme l’autre. Heureusement, du Gouvernement de transition (Alexandre-Latortue) en passant par les autres Gouvernements qui se sont succédé de 2004 à 2016, il y a eu l’application de certains aspects du principe de la continuité de l’Etat ; par exemple, la mise en application de la plupart des décrets élaborés par le GOH de transition comme le décret sur la réforme de l’Etat ou autres, ou encore la continuation des travaux d’infrastructures d’un GOH à un autre. Par contre, il est regrettable qu’on n’ait pas senti la mise en application stricte du plan d’action pour le relèvement et le développement National d’Haïti (PARDNH 2010-2030). Ce document, s’il était appliqué à la lettre par les divers gouvernements (Bellerive, Conille, Lamothe, Paul et Jean-Charles), aurait aidé à réduire le niveau de vulnérabilité du pays et atténuer les impacts du dernier ouragan, Matthew qui a ravagé notre pays en début d’octobre 2016.

E. LE PLAN DE REPONSE A LA SITUATION ACTUELLE DU PAYS

La démarche à adopter

Le Plan national de réponse devrait englober l’ensemble des plans ou éléments de plans déjà réalisés, couvrir l’ensemble du pays avec accent particulier sur les départements touchés par Matthew , tenir compte des aspects de déconcentration et de décentralisation, et se référer (i) au plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti de 34.50 Mrds USD (PARDH 2010-2030), (ii) au cadre budgétaire du ministère de l’agriculture basé sur les cinq (5) châteaux d’eau du pays dont celui du Grand Sud qui desserve trois départements (Sud, Grand-Anse et Nippes), (iii) aux six (6) capitaux humain, social, environnemental, infrastructurel, économique/financier et institutionnel (gouvernance), (iv) aux objectifs de Développement Durable (ODD), (v) aux divers documents de référence produits sur Haïti et/ou par Haïti, Comité interministériel de de l’aménagement du territoire (CIAT), Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle (GRAHN-Monde/Haïti), Fondation Haïtienne pour le Développement Intégral Latino-Américain et Caribéen (FONHDILAC), etc. Comme je l’ai expliqué dans un de mes articles (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2016/10/haiti-le-vrai-debat.html) , « Haïti est un pays développé sur le papier ». Pour cette raison, il faudra mettre en place un secrétariat technique permanent, inventorier l’ensemble des propositions sur Haïti pour en tirer les éléments les plus pertinents en vue de produire le plan national de réponse ou Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH 2016-2040), de s’en assurer la mise en œuvre et d’en assurer le suivi.

Plan National de réponse ou PSDH 2016-2040

Le Plan Stratégique de développement d’Haïti (PSDH 2016-2040) devrait être un plan de 100 Mrds USD déclinés en plans quinquennaux de 20 Mrds USD et en plan annuel de 4 Mrds USD. Les plans des secteurs seront pris en compte dans le plan global. A titre d’exemple, pour le secteur agricole, qui est le pilier de la croissance ou déclaré locomotive de la croissance, il faudrait lui accorder 10% du budget, soit environ 2 Mrds USD sur 5 ans, si on voulait arriver à une vraie relance du secteur sur cette période. Rapidement, pour éviter tout malentendu, il faut expliquer que les investissements dans le secteur ne seront pas tous gérés par le ministère de l’agriculture comme on a tendance à le croire, mais son rôle se limitera, entre autre, à une coordination désormais sérieuse du secteur. Il en sera de même pour les autres ministères et les secteurs y relatifs.
 

F. ENJEUX ET NECESSITE D’UNE ENTENTE NATIONALE

Haïti est certes le pays le plus inégalitaire de la Caraïbe et de l’Amérique latine. La classe dominante économiquement n’a pas conscience du danger qui la guette, en voulant conserver à tout prix ses privilèges et en évoluant en vase clos dans un monde à part. La classe moyenne est décapitalisée et désemparée. La masse est dans la misère la plus abjecte et exploitée à souhait. C’est une situation explosive, exploitée par nos politiciens sans la volonté réelle de changer quoi que ce soit, encouragés par nos « amis de la communauté internationale » pour pouvoir nous citer en exemple et rire de nous en sous-main, et non profitable à la longue à l’élite économique et à l’économie en général. Nous avons l’obligation de nous entendre pour changer tout cela et jeter les bases du développement de notre pays au lieu de nous entre-déchirer pour nos clans respectifs et les broutilles du pouvoir politique. Les vrais enjeux sont la mise sur pied d’un plan de réponse à toute cette situation désastreuse qui passe obligatoirement et impérativement par une entente nationale et un pacte de vivre ensemble favorisant la mise en application de ce plan en vue d'un mieux être du peuple haïtien sans exclusion. Nos politiciens, notre élite économique, notre élite intellectuelle (la plupart), les couches moyennes et les masses rurales et urbaines en ont-ils vraiment conscience ? Prions que nous en prenions conscience à temps en vue d’une révolution tranquille, à la manière du Canada, basée sur une entente et un plan de réponse national, en lieu et place d’une révolution violente basée sur les frustrations. A bon entendeurs, salut !!!



[1] Ce titre a été commandité par le CONSOC lors de la rencontre de juin 2016. 

[2] « Evaluation rapide des dommages et des pertes occasionnés par l’ouragan Matthew et éléments de réflexion pour le relèvement et la reconstruction. Ministère de l’Economie et des Finances- Octobre 2016.» 

[3] Taux de croissance du PIB pour l’exercice 2015-2016 très faible (1.4%), taux d’inflation en rythme annuel (12.5%), taux de change autour de 68 HTG pour 1 dollar américain avec des perspectives très sombres pour l’exercice 2016-2017 qui a démarré avec le passage de Matthew, les inondations dans le Nord du pays et la crise post-électorale susceptible de prolonger l’entropie politique qui a caractérisé la situation haïtienne ces derniers temps. 

[4] Les pertes et dommages causés par les 4 cyclones de 2008 avoisinent 15% du PIB. 

[5] A noter que les petits exploitants investissent environ 1 milliard de dollars américains annuellement dans le secteur.

mercredi 30 novembre 2016

HAITI, JOVENEL MOISE ELU AU PREMIER TOUR, APRES LES CATASTROPHES NATURELLES, EVITEZ-NOUS LA CATASTROPHE POLITIQUE (?)


HAITI, JOVENEL MOISE ELU AU PREMIER TOUR, APRES LES CATASTROPHES NATURELLES, EVITEZ-NOUS LA CATASTROPHE POLITIQUE (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 NOVEMBRE 2016

Au cours de ce mois de Novembre 2016, la politique a repris ses droits de cité par rapport aux conséquences des intempéries (ouragan Matthew et pluies torrentielles dans le Nord). Notre pays était revenu en mode élection avec la programmation de la présidentielle pour le 20 Novembre, suite aux élections américaines du 8 Novembre qui a vu la victoire surprise de Donald Trump sur la favorite Hilary Clinton. Comme en de pareils cas, la politique relègue tout au second plan, les candidats les plus en vue repartaient en campagne, malgré le manque de moyens des uns et l’abondance des autres. C’est comme si tout se passait dans un pays normal. On ne dirait pas que le pays venait de subir deux chocs, le passage de Matthew et l’inondation dans le Nord, en particulier au Cap-Haitien, la 2e ville d’Haïti, inondée, depuis quelque temps, chaque année. En effet, tout le monde était branché élection. On avait cette impression que le pays avait envie de finir avec ce processus qui a trop duré et qui imprime une certaine paralysie dans son fonctionnement normal. L’économie est à plat avec 13% d’inflation en rythme annuel, le dollar franchit le cap de 67.50 gourdes. L’insécurité alimentaire s’accentue après le passage de Matthew. Le Plan de réponse sur le moyen et le long tarde à venir. Ca y est, le 20 Novembre, on a eu une bonne journée électorale sans incidents majeurs. Et après une semaine ponctuée, sur le plan international, par la mort à 90 ans du dernier géant politique mondial, Fidel Castro de Cuba, et caractérisée, en Haïti, par une tension presqu’insoutenable soldée par une remontée de l’insécurité avec des morts, des blessés, des incendies, des menaces de toutes sortes, les résultats préliminaires du 1er tour de la présidentielle sont prononcés, le 28 Novembre 2016, par le CEP : Jovenel Moise est élu à 55.67% des votes valides, en attendant les résultats définitifs après contestations. Qu’est-ce qui explique la réussite jusqu’ici de cet énième processus électoral ? Que faut-il faire pour éviter la catastrophe politique ?

 La volonté et la compétence du CEP ainsi que la neutralité des institutions étatiques

 La première explication, c’est le travail remarquable du CEP réalisé dans la transparence la plus totale. Ce CEP a affiché un profil d’indépendance à nul autre pareil, évitant tous les soupçons de partisannerie, offrant une sérénité à toute épreuve grâce à des mesures opportunes pour améliorer le fonctionnement de la machine électorale, et montrant une solidarité de tous les instants, sauf le jour de la prononciation des résultats du 1er tour de la présidentielle (6/9 ont signé). Il faut dire aussi que des institutions comme la police, les parquets de la république, le gouvernement à travers le ministère de l’intérieur et les délégués départementaux ont joué leur partition. Ce sont donc la volonté et la compétence du CEP ainsi que la neutralité de ces institutions étatiques qui ont contribué à cette réussite. Il faut aussi et surtout souligner la neutralité affichée du Président Privert.

 Les interventions déterminantes de Privert

 Le Président Privert, soupçonné d’être en faveur de l’ancienne opposition  à Martelly dont le discours électoral est en majeure partie anti PHTK, le parti de l’ex-président Martelly, et naturellement anti Jovenel Moise, a surpris tout le monde dans un discours où il a déclaré la neutralité de son administration par rapport au processus électoral. Un vrai discours d’homme d’Etat dans lequel il a instruit la police, les commissaires du gouvernement et les délégués départementaux, représentants régionaux du pouvoir exécutif, à garder leur neutralité dans le processus électoral sous peine de sanction (Réf. http://newslakay.com/message-qui-fait-du-president-privert-un-grand-homme-regardez/ ). Ce discours a marqué un tournant majeur dans le processus électoral et s’est démarqué de la sortie de l’ex-président Aristide accusant le Conseil Electoral Provisoire (CEP) de préparer « un coup d’Etat électoral » avec l’aide d’une minorité « zuitt » qui utilise de faux sondages et autres stratagèmes, et incitant le peuple à procéder au « déchoucage électoral » au cas où la candidate de la majorité, en l’occurrence Mme Maryse Narcisse de LAVALAS, n’aurait pas gagné la présidentielle.


Et la tension montait jusqu’au 20 Novembre 2016, le jour J des élections qui se sont déroulées sans incidents majeurs. Tout le monde a salué le travail du CEP, de la police nationale, de la neutralité affichée de l’administration Privert. Pourtant, dès la fin du processus de comptage des votes, les partisans de LAVALAS ont gagné les rues pour proclamer leur victoire et le PHTK a fait de même le lendemain dans le cadre d’une conférence de presse, malgré les interdictions du décret électoral. Et durant toute la semaine avant la proclamation officielle des résultats preliminaires et malgré les notes de rappel du ministère de la Justice et de la sécurité publique, les partisans de LAVALAS ont continué à manifester et ont proféré des menaces, créant ainsi une situation de panique. Cette situation a favorisé une remontée de l’insécurité soldée par l’incendie du marché de Pétionville à Frère, des morts (une dame sortant de la banque, un bandit armé, un partisan de PHTK à Carrefour), la tentative d’assassinat de l’ex-premier ministre Yvon Neptune à Williamson sur la Nationale No 1, l’attaque de la UNIBANK de Pétionville, etc.

Le 28 Novembre 2016, le Président Privert est revenu à la rescousse dans un autre discours pour rappeler la neutralité de son administration et inviter les protagonistes à utiliser les voies de recours offertes par la constitution et le décret électoral au lieu de choisir le chaos pour faire les réclamations en cas de non satisfaction par rapport aux résultats préliminaires. Il a aussi instruit le CEP de tenir compte de toutes les réclamations des partis s’estimant lésés par la proclamation des résultats préliminaires (Ref. https://www.youtube.com/watch?v=gMPWFttK9iA). Ces interventions de Privert ont été déterminantes dans la réussite du processus.

Jovenel Moise est donc élu en principe au 1er tour des élections

Tard dans la soirée du 28 Novembre 2016, 11h 30 PM, le CEP a enfin donné le verdict tel que rapporté par Le Nouvelliste : « Selon les résultats de la présidentielle fournis au CEP par le Centre de tabulation des votes, Jovenel Moïse totalise 595 430 votes, soit 55,67% ; Jude Célestin obtient 208 836 votes, soit 19, 52% ; Moïse Jean Charles de Pitit Dessalines obtient 118 142 votes, soit 11,04% ; Maryse Narcisse de Fanmi Lavalas obtient 96 121, soit 8,99%. » (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/165741/Jovenel-Moise-aux-portes-du-palais-national#sthash.YRpHI9sn.emOrO7w7.dpuf). Jovenel Moise est donc élu en principe au 1er tour des élections, si les contestations ne changent pas les résultats préliminaires basés sur environ 21% des votes valides.

Manifestations de rue, période contentieuse, c’est la responsabilité de tous pour sauver Haïti  

Bien avant la proclamation des résultats préliminaires, le Parti LAVALAS avait annoncé la couleur. Il a grandement contribué à la semaine de tension qui a précédé la proclamation des résultats par des menaces verbales, des manifestations de rue. Depuis la proclamation des résultats, le parti par l’organe même de Mme Narcisse a déclaré la mobilisation générale contre ce qu’elle appelle «  le coup d’Etat électoral », mais se réserve le droit de contester légalement les résultats. Comme l’année dernière, LAVALAS joue sur les deux tableaux, manifestations violentes de rue et contestation légale pour influencer les résultats en sa faveur ou l’annulation de tout le processus (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2015/11/haitijovenel-moise-ne-peut-pas-etre.html ). Il est rejoint par LAPEH de Jude Célestin et Pitit Desalin de Jean Charles Moise qui, cette fois-ci, parle de manifestations pacifiques. On est donc revenu à la case départ comme l’année dernière.  Arriveront-ils à l’annulation du processus ou à un hypothétique second tour? Dans les deux cas, les chances sont minces vu l’écart entre eux et Jovenel Moise. Mais, on ne sait jamais. En Haïti, tout est possible. Comme les trois parlent de contester légalement les résultats par devant le CEP et ses instances contentieuses, ce qui n’a pas été le cas l’année dernière et qui est en soi un progrès, il faudra attendre la fin de la période contentieuse pour voir ce qui va réellement se passer. En attendant, il faut prendre les dispositions pour éviter de mettre le pays à feu et à sang, en particulier la zone métropolitaine de Port-au-Prince. C’est la responsabilité de l’administration Privert et des forces de l’ordre, c’est celle de LAVALAS, de Pitit Desalin et de LAPEH et surtout de leur leader, Maryse Narcisse et Jean Bertarnd Aristide, Jean Charles Moise, Jude Célestin et Jean Hector Anacacis, et aussi celle de Jovenel Moise et de Michel Martelly. C’est celle de la presse et de la société civile. Manifestations de rue, période contentieuse, c’est la responsabilité de tous pour sauver Haïti. Notre pays a besoin de calme, de sérénité et de stabilité. Après les catastrophes naturelles, s’il vous plait, évitez-nous la catastrophe politique !

L’entente nationale pour éviter la catastrophe politique

Matthew a causé des pertes et dommages estimés à 22% du PIB dont 7% dans le secteur agricole (chouchou du président élu) avec des dégâts dépassant 600 M USD (réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2016/10/haiti-matthew-bilan-et-plan-de-reponse.html  ).  Les inondations dans le grand Nord, en particulier au Cap-Haitien, viennent aggraver la situation. Le pays ne s’est pas encore relevé du tremblement de terre de 2010 dont les pertes et dommages étaient estimés à 120% du PIB. De 2010 à nos jours, on a connu d’autres catastrophes naturelles, la sécheresse, les cyclones Isaac et Sandy ainsi que les conséquences de nos turpitudes politiques débouchant sur une instabilité chronique depuis 2012 avec la bataille politique pour le renversement de Martelly qui a terminé son mandat dans les conditions que l’on sait. L’opposition politique a jeté son dévolu sur le sénateur Privert dont le règne n’a pas été traversé par des manifestations violentes de rue jusqu’au 21 Novembre 2016. Avec les résultats partiels en faveur de PHTK, va-t-on vers une catastrophe politique, le chaos et l’instabilité politique ? Ça en a tout l’air. D’où la nécessité de cette entente nationale pour éviter la catastrophe politique.

Nos nains politiques actuels sont-ils en mesure de comprendre la grandeur  d’un tel enjeu politique vital pour notre pays?

Le pays a l’obligation de donner une réponse sérieuse à cette situation catastrophique. Le plan de réponse à ces catastrophes concerne tout le monde. En tant que technicien, nous avons essayé de donner quelques pistes. Nous rappelons les éléments essentiels de ce plan : « Les éléments du nouveau Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH)  de 100 Mrds d’USD  sur 25 ans, déclinés en plans quinquennaux, devraient permettre d’avoir une croissance soutenue et un développement harmonieux du pays, si, au niveau politique, on arrivait à nous entendre sur ce minimum, en basant notre développement sur les cinq (5) châteaux du pays, dont celui du grand sud allant du Plateau de Rochelois (Paillant) jusqu’au Pic Macaya (Massif de la Haute). Cette nouvelle vision du développement, esquissée par le ministère de l’agriculture et  basée sur les cinq (5) pôles de croissance et de développement  à renforcer et à ériger  au niveau des cinq (5) châteaux d’eau, devrait être l’élément clé de ce plan de réponse.» La balle est dans notre camp, faut-il continuer à se battre pour les broutilles de pouvoir en faveur de tel ou tel clan, ou faut-il nous mettre ensemble pour sauver Haïti ? Nos nains politiques actuels sont-ils en mesure de comprendre la grandeur  d’un tel enjeu politique vital pour notre pays?

lundi 31 octobre 2016

HAITI, MATTHEW BILAN ET PLAN DE REPONSE (?)

HAITI, MATTHEW BILAN ET PLAN DE REPONSE (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 OCTOBRE 2016


Durant tout le mois d’octobre 2016, Haïti était en mode bilan et plan de réponse après le passage de Matthew du 3 au 4 octobre 2016, laissant la politique en filigrane avec les élections reprogrammées pour le 20 Novembre 2016. Chaque institution est allée de son petit bilan. Le ministère de l’agriculture a dégainé le premier, stoppé net par Frantz Duval dans un éditorial mettant en doute les chiffres avancés à chaud. Les enquêtes de terrain, selon une méthodologie établie avec l’appui de la FAO, de la Banque Mondiale, de la BID, sur la base des informations du recensement général agricole (RGA) réalisé en 2009, et en se basant sur l’année 2016 comme ligne de base, ont révélé des pertes et dommages avoisinant 600 M USD ( environ 7% PIB). D’autres institutions tant nationales qu’internationales ont sorti leur bilan partiel qui confirme les chiffres du ministère de l’agriculture. Il faut dire aussi que le ministère avait aussi sorti, à l’interne,  les éléments de son plan de réponse. Mais, souffrant du syndrome de Duval, ils n’ont pas osé publier les informations sur ce plan de réponse, exception faite de l’intervention du ministre Guito Laurore parlant de 2 Mrds HTG pour l’aspect urgence du plan, lors de son passage à l’émission de l’association nationale des médias haïtiens  (ANMH) sur Télé Caraïbe, le 23 Octobre 2016. Entre temps, la plupart des institutions internationales ont lancé leur plan de réponse humanitaire et sollicité l’appui de la communauté internationale pour le financement de leur plan. Ainsi, on dénombre une multitude d’initiatives apparemment sans coordination. Avec l’arrivée de l’aide vénézuélienne, suivie de celle des dominicains après la visite éclair de leur président, M Medina, en Haïti, de celle des colombiens, et de celle des américains, il s’en est suivi un tollé au niveau du pays, alimenté par le Sénat (le groupe minoritaire), par la Cour des Cassations  qui a pris position contre la Présidence de Privert, et ce tollé a culminé par l’interpellation avortée du ministre de l’intérieur, M. Anick Joseph, accusé de mauvaise gestion de la catastrophe. Alors, après le passage de Matthew de catégorie 4, quel bilan et quelle réponse ?  Avant de voir les éléments d’un plan national de réponse, essayons de voir le bilan, en nous basant sur le document officiel du gouvernement haïtien (GOH), intitulé : « Evaluation rapide des dommages et des pertes occasionnés par l’ouragan Matthew et éléments de réflexion pour le relèvement et la reconstruction. »

         A.     BILAN DES DOMMAGES ET PERTES DE MATTHEW

Selon le document produit par le ministère de l’économie et des finances (MEF),  il a été retenu ce qui suit :

       1. Description de la catastrophe.  

L’ouragan Matthew a frappé en Haïti le 4 octobre 2016 en tant qu’ouragan de catégorie 4. Il a touché terre près de la localité de Les Anglais, dans le département du Sud, et a quitté Haïti le lendemain par la côte Nord-Ouest. La vitesse maximale des vents enregistrée a atteint 230km/h, causant de fortes inondations (plus de 600 mm en moins de 24 heures), et des ondes de tempête principalement dans les départements de la Grand ‘Anse, Nippes, Sud, Ouest (en particulier l’Ile de la Gonâve) et Nord-Ouest. On estime une surcote du niveau de la mer de 2 à 3 mètres sur la côte Sud et de 1 à 1,5 mètres dans le Golfe de la Gonâve.  Impact matériel. L’effet combiné du vent, de la submersion marine et des pluies a causé de fortes inondations, des glissements de terrain et la destruction de très nombreuses infrastructures, y compris des édifices publics, hôpitaux, églises, écoles et résidences privées. Les secteurs de l’agriculture et de l’environnement ont été sévèrement touchés, l’ouragan ayant détruit de nombreuses cultures et des écosystèmes naturels. Le réseau routier a également subi des dommages importants à des points stratégiques. En effet, le pont de la rivière Ladigue à Petit Goâve s’est effondré, bloquant la Route Nationale No. 2, le seul accès routier aux départements de la Grand ‘Anse, des Nippes et du Sud. Une grande partie du réseau électrique et du réseau de l’eau potable et de l’assainissement de l’ensemble de la péninsule sud ont aussi subi des dégâts importants.  

Impact humain et réponse d’urgence. A ce jour, le  Gouvernement fait état de 546 morts, 128 disparus, 439 blessés au niveau national. Plus de 175 500 personnes se sont réfugiées dans 224 abris temporaires dans les départements de la Grand-Anse, de Nippes, du Sud et de l’Ouest.   La population en besoin d’assistance humanitaire immédiate s’élève à 1,4 million (12,9% de la population totale du pays). Pour faire face à la situation d’urgence, le gouvernement a lancé avec l’appui des Nations Unies un appel à l’aide humanitaire de 7,9 milliards de gourdes (120 million de dollars américains), pour fournir des secours à 750 000 personnes gravement touchées par l'ouragan. À ce titre, le Gouvernement, avec l’appui des différents partenaires nationaux et internationaux, distribue des produits de base sur les départements atteints. 

Le 17 octobre 2016, le Mécanisme d’Assurance contre le Risque Catastrophique dans la Caraïbe (CCRIF [1]selon les sigles en anglais) a indemnisé le Gouvernement Haïtien à hauteur de 23,4 millions de dollars américains,  dont 20,3 millions de dollars américains dans le cadre de la police d’assurance du Gouvernement Haïtien de protection contre les cyclones et 3,02 million de dollars américains dans le cadre de sa police d’assurance contre la pluviométries excessive. Ce paiement apporte au Gouvernement des liquidités immédiates pour financer les besoins les plus pressants. 
   
 2. Evaluation des dommages et des pertes dus à la catastrophe 

 Sur la base de l’évaluation rapide dans chaque secteur conduite par les équipes des ministères sectoriels, l’ouragan Matthew aurait occasionné des pertes et des dommages à hauteur de 124,8 milliards de Gourdes (1,9 milliards de dollars américains), soit 22 % du PIB. La plupart des dommages et des pertes ont été subis par les secteurs sociaux, tels que logement, éducation et santé (41%) et les secteurs productifs, tels qu’agriculture et commerce (41%), suivi de l’infrastructure (18%), et du tourisme et de l’environnement (moins d’un pour cent). Le secteur privé a enregistré la plus grande partie des dommages et pertes (80%). 

Il faut donc souligner que le passage de MATTHEW sur Haïti a causé des dommages et pertes correspondant à 22% du PIB, dont 7% au niveau du secteur agricole ((603.8 M USD). En comparaison, les dommages et pertes du tremblement de terre de 2010  avoisinaient 120% du PIB de 2009. La réponse du Gouvernement exprimée par le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH) se chiffrait à 34.5 Mrds USD en vue de faire d’Haïti « un pays émergent à l’horizon 2030 ». Elle a été axée sur (i) la refondation sociale,(ii) la refondation territoriale, (iii) la refondation économique et  (iv) la refondation institutionnelle. Ce plan de réponse qui a englobé tous les autres plans n’a pas vraiment dépassé la phase de relèvement. Modifié par l’administration Martelly en Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH), tout en conservant les quatre grands axes, personne n’a pu nous dire si le PSDH en a été une application partielle ou une réelle modification. En tout cas, il est impératif d’y revenir dans le cadre de ce plan de réponse à Matthew.

B.      PLAN DE REPONSE A MATHEW

Impacts macro-économique et social
Matthew aura des impacts macro-économique et social, avec un ralentissement de la croissance. Sur le plan social, l’ouragan est venu aggraver une situation déjà précaire au niveau des départements frappés, avec « une population en moyenne plus pauvre que la moyenne nationale. Par ailleurs, la forte concentration des ménages pauvres autour de la ligne de pauvreté extrême laisse présager un fort risque pour ces ménages de tomber dans la pauvreté extrême.» Insiste le document du MEF. De plus, avec les dommages et pertes enregistrés dans le secteur agricole, la situation de la sécurité alimentaire risque de s’aggraver aussi, sans oublier les risques d’exode vers Port-au-Prince, l’exacerbation « des problèmes de malnutrition et de retard de croissance des plus jeunes, ainsi que leur vulnérabilité aux maladies ». Pour atténuer  ces risques et menaces, il faudrait rapidement venir avec ce plan de réponse national avec ses trois phases, urgence, relèvement et reconstruction/ développement. Ce plan de relèvement et de reconstruction devrait mobiliser  des ressources financières substantielles tant au niveau interne qu’externe.

     Eléments de réflexions
Voici ce que propose, le document du MEF en termes d’éléments de réflexions : « Dans ce contexte, il est impératif dans un premier temps d’identifier les possibilités de réallouer les ressources financières existantes, tant au sein du budget de l’Etat que dans le cadre des programmes d’appui des partenaires et d’opérer ces réallocations le plus rapidement possible. Ces ressources, y compris les décaissements du CCRIF, constituent la première ligne de défense parce qu’elles sont immédiatement disponibles. Il est important de capitaliser sur les outils et les initiatives existantes, et recommandé de concentrer les investissements sur un nombre limité d’activités : i) la mise en place de mesures visant à freiner l’insécurité alimentaire et à soutenir les moyens d’existence en milieu rural; ii) le rétablissement des services de base (santé, éducation) ; iii) la création d’emploi et la stimulation de revenus à très court terme et iv) la stabilisation des infrastructures fragilisées ; et v) la gestion des risques d’urbanisation non maitrisée, ceci en privilégiant les zones rurales et en ancrant les efforts de relèvement dans une perspective de développement. Dans un second temps, des ressources additionnelles doivent être mobilisées et un cadre de relèvement élaboré, pour la reconstruction, et le développement. Les résultats présentés dans ce rapport pourront faire l’objet de discussions plus approfondies dans ce contexte. » Ces éléments de réflexions rejoignent en quelque sorte les conclusions de mon article du mois de septembre 2016, publié le 9 octobre, soit 5 jours après le passage de Matthew  (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2016/10/haiti-le-vrai-debat.html ). Mais, pour faciliter les choses, le GOH aurait dû déclarer l’état d’urgence.

Dans ce même ordre de réflexions, le Plan national de réponse devrait englober l’ensemble des plans ou éléments de plans déjà réalisés, couvrir l’ensemble du pays avec accent particulier sur les départements touchés par Matthew , tenir compte des aspects de déconcentration et de décentralisation, et se référer (i) au plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti de 34.50 Mrds USD (PARDH 2010-2030), (ii) au cadre budgétaire du ministère de l’agriculture basé sur les cinq (5) châteaux d’eau du pays dont celui du Grand Sud qui desserve trois départements (Sud, Grand-Anse et Nippes), (iii) aux six (6) capitaux humain, social, environnemental, infrastructurel, économique/financier et institutionnel (gouvernance), (iv) aux objectifs de Développement Durable (ODD), (v) aux divers documents de référence produits sur Haïti et/ou par Haïti, Comité interministériel  de l’aménagement du territoire (CIAT), Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle (GRAHN-Monde/Haïti), Fondation Haïtienne pour le Développement Intégral Latino-Américain et Caribéen (FONHDILAC), etc. Comme je l’ai expliqué dans mon dernier article, « Haïti est un pays développé sur le papier ». Pour cette raison, il faudra inventorier l’ensemble des propositions sur Haïti pour en tirer les éléments les plus pertinents en vue de produire le plan national  de réponse ou Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH 2016-2040).

Plan National de réponse ou PSDH 2016-2040
Le Plan Stratégique de développement d’Haïti (PSDH 2016-2040) devra être un plan de 100 Mrds USD déclinés en plans quinquennaux de 20 Mrds USD et en plan annuel de 4 Mrds USD. Les plans des secteurs seront pris en compte dans le plan global. A titre d’exemple, pour le secteur  agricole, qui est le pilier de la croissance ou déclaré locomotive de la croissance, il faudrait lui accorder 10% du budget, soit environ 2 Mrds USD sur 5 ans, si on voulait arriver à une vraie relance du secteur sur cette période. Rapidement, pour éviter tout malentendu, il faut expliquer que les investissements dans le secteur ne seront pas tous  gérés par le ministère de l’agriculture comme on a tendance à le croire, mais son rôle se limitera, entre autre, à une coordination, désormais sérieuse, de l'ensemble des actions y relatives.  Il en sera de même pour les autres ministères et les secteurs y relatifs. 

       C.      CONCLUSIONS 

Il était temps que le GOH sorte quelque chose. Le  document du GOH est  assez sérieux,  avec une estimation des pertes et dommages  à 22% du PIB. On est certes en présence d’une situation catastrophique mais très loin de ce qu’on a vécu avec le tremblement de 2010 dont les dégâts ont été estimés  à 120% du PIB. 

La réponse du GOH en terme de plan global tarde à venir. C’est pourquoi nous avons essayé de fournir quelques pistes à nos décideurs pour une réponse plus globale, s’inspirant des documents existant. Ces éléments de réflexions dont la plupart viennent de notre expérience de terrain, des résultats obtenus à échelle réduite, des observations sur les divers plans concoctés et  appliqués de manière partielle jusqu’ici, pourront faciliter l'élaboration du nouveau PSDH.

Dans le passé, on a constaté que la mise en application des plans se concentrait  surtout sur l’aspect urgence et  certains éléments de l’aspect relèvement et de reconstruction. Mais, on n’a jamais eu cette impression qu’il y ait eu un souci de la part de nos décideurs de mettre en application, de manière globale, les plans élaborés avec l’appui de la communauté internationale.

C’est pourquoi nous insistons pour un plan consensuel qui tienne compte de la problématique haïtienne dans son ensemble avec un accent particulier sur les départements touchés. Cette démarche permettra  aux départements non touchés de produire davantage en vue de satisfaire leurs besoins et de venir en aide aux départements touchés.

Les éléments du nouveau PSDH de 100 Mrds sur 25 ans, déclinés en plans quinquennaux, devraient permettre d’avoir une croissance soutenue et un développement harmonieux du pays, si, au niveau politique, on arrivait à nous entendre sur ce minimum, en basant notre développement sur les cinq (5) châteaux du pays, dont celui du grand sud allant du Plateau de Rochelois (Paillant) jusqu’au Pic Macaya (Massif de la Haute). Cette nouvelle vision du développement, esquissée par le ministère de l’agriculture et  basée sur les cinq (5) pôles de croissance et de développement  à renforcer et à ériger  au niveau des cinq (5) châteaux d’eau, devrait être l’élément clé de ce plan de réponse. On espère que les élections programmées auront vraiment lieu, le 20 novembre 2016, et que nos autorités issues de ces élections accordent la plus haute importance à ces réflexions et au plan qui en sera issu et qu’elles trouvent un consensus pour l’appliquer de manière intégrale et non partielle comme par le passé. Tout d’abord, ces éléments de réflexions seront-ils pris en compte dans le plan de réponse à Matthew? Il faut l’espérer, à la manière de nos jeunes sélections nationales de football (U 17 et U 20) qui deviennent, à force de volonté et du travail bien fait, les championnes de la Caraïbe. Pourquoi pas notre pays un jour en matière de développement ???



[1]Le CCRIF est une compagnie d’assurance contrôlée, opérée et localisée dans les Caraïbes. Il fut développé sous le leadership technique de la Banque mondiale et avec une donation du Gouvernement Japonais. Il fut capitalisé au travers de contributions à un Fonds Multi-Donnant du Gouvernement du Canada, de l’Union Européenne, la Banque mondiale, les Gouvernements du Royaume-Uni, France, la Banque de Développement des Caraïbes et le Gouvernement d’ Irlande et des Bermudes ainsi qu’au travers des cotisations de membres payées par les gouvernements qui participent à l’initiative.   











lundi 10 octobre 2016

HAITI, LE VRAI DEBAT (?)

HAITI, LE VRAI DEBAT (?)

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
9 OCTOBRE 2016
Revu le 14 OCTOBRE 2016

Haïti était en mode élection. La campagne électorale battait son plein. Les candidats sillonnaient le pays pour vendre leur programme. Les meetings  se faisaient pour la plupart dans une atmosphère d’intolérance. Normal, puisqu’on est en Haïti ! Cela ne devrait pas. Le pays était en mode débat aussi. Télé Soleil s’est concentré sur les sénatoriales. D’autres médias sur la présidentielle avec l’aide de la société civile et du secteur privé. Un premier débat a opposé Edmonde Supplice Beauzile, Jean-Henry Céant, Jude Célestin, Jean-Charles Moïse et Jovenel Moïse, les candidats les plus en vus, moins Mme Maryse Narcisse de LAVALAS. L’arrêt 168-13 du 23 septembre 2013, qui dénationalise les dominicains d’ascendance haïtienne en majeure partie, et qui, 3 ans plus tard, est encore objet de débat et n’apporte pas de solution à ce problème d’apatridie malgré certaines mesures adoptées par le gouvernement dominicain face à la levée de boucliers au niveau international. Ajoutée à tout cela, la décision du Pdt Obama de reprendre le rapatriement des haïtiens non en règle avec l’immigration américaine. Les dispositions prises par l’administration Privert pour recevoir les rapatriés haïtiens attendent d’être mises en application. Le débat autour de la loi sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme aboutit au vote du Sénat après celui de la chambre basse. Le festival avorté des homosexuels, « le Massimadi » (massissi, madivine, des mots tabous dans le langage des biens pensants haïtiens), a été l’objet d’un débat intense sur l’homosexualité en Haïti, a failli couter son poste au commissaire Danton Léger et fait percevoir cette décision rapportée de l’administration actuelle comme une prise de position en faveur des homosexuels. Jean Charles Moïse et Jude Célestin avec son alliance avec Eric Jean-Baptiste  ont fait du départ de la MINUSTAH un thème de campagne, ce qui a poussé le Président Privert à proposer à l’assemblée annuelle des Nations Unies le départ de la MINUSTAH d’Haïti pour 2017. Enfin, le grand débat c’est aussi et surtout  autour du passage du cyclone Matthew de catégorie 4 sur l’échelle Saphir-Simson qui en compte 5 et la vulnérabilité d’Haïti avec son bilan partiel très lourd et le renvoi des élections sine die. D’où le titre de notre article : «Haïti, le vrai débat?»

Le bilan partiel du passage de Matthew
Le journaliste/politicien, Clarens Renois, a rapporté un bilan partiel du passage de Matthew en Haïti sur Facebook en ces termes : « véritable catastrophe pour Haïti. Le dernier bilan partiel : 122 morts, 2 disparus et 91 blessés, 115.000 familles sinistrées, 500 maisons complètement détruites, 25.000 fortement endommagées. Il faut ajouter les 178 établissements scolaires endommagés sans compter les fermes et plantations ravagées. Les dégâts sont énormes, les pertes inimaginables. Le sud et la Grand-Anse sont balayés. Le pays est meurtri, malade au cœur et au corps... ».

 Selon le Figaro, un journal Français : « Le dernier bilan établi à partir des chiffres fournis par les équipes de la Protection civile sur le terrain s'élève précisément à 877 morts, mais l'agence centrale, qui met plus de temps à rassembler les informations, parle pour le moment de 271 morts et de 61.500 sans-abri. Le gouvernement avait évalué jeudi à 350.000 le nombre de sinistrés ayant besoin d'une aide immédiate ».

Les premières images sur le grand Sud montrent la dévastation de la région sous les rafales et les bourrasques de plus de 200 km/h et des pluies diluviennes de plus de 300 mm. Les arbres sont déracinés, la couverture végétale et forestière au niveau de cette région s’est pratiquement envolée comme les toits de la majorité des maisons en tôles. Valery Numa a expliqué que la zone de Camp-Perrin est totalement dévastée, églises, hôtels, maisons, arbres, plantations, bétails. D’autres sources ont parlé de possibilité de famine dans les prochains jours. Les Nippes et la région des palmes ont subi de sérieux dégâts matériels. Pour le grand Sud, le pont sur la rivière La Digue à l’entrée de Petit Goâve est coupé, le pont sur la ravine du Sud également. Les routes menant sur la côte sud de torbeck à Tiburon en passant par Port Salut, les Coteaux, Roche à Bateau, Port-à-Piment, Chardonnières, les Anglais, cette petite ville sur laquelle l’œil de Mathieu a touché terre à 7 h AM, ce 4 Octobre 2016, sont gravement endommagées. Il faut rappeler que la route nationale desservant cette sous-région côtoie la mer et est traversée par de nombreuses rivières. De l’autre côté, de Camp-Perrin à  les Irois en passant par Roseaux, Jérémie, Dame Marie, Anse-D’Ainault, etc., la route en construction jusqu’à Jérémie, la route en terre prolongée jusqu’à les Irois, subissent les mêmes assauts avec la seule différence, elle est moins exposée aux marées hautes mais aux éboulements/glissements de terrains. La communication téléphonique étant encore coupée au niveau de certaines zones, on a une idée très partielle de l’ampleur des dégâts et des pertes (évaluation en cours au niveau des départements touchés).

On sait que l’Ouest à l’Est et au nord de Port-au-Prince n’a pas été très exposé, exception de Kenscoff si l’on en croit au bilan partiel présenté par le maire de cette ville. Mais les rafales de vent, l’abondante pluie (environ 250 mm en 24 heures, selon Agr. PG LAFONTANT) ont causé des dégâts à partir de la chute des arbres et des inondations au niveau de toutes les villes (chutes d’arbres), en particulier à Tabarre, Cité Soleil , Croix-des-Bouquets, Ganthier, Thomazeau (inondations) ; par contre l’Ile de la Gonâve a été durement frappée parce que très exposée.

Pour l’Artibonite, selon Télé Papillon, c’est la marée haute qui a provoqué des dégâts au niveau du Warf des Gonaïves. Les zones situées au niveau de la mer, qui sont habituellement inondées, le sont à nouveau, mais rien de grave. Par contre au niveau de Coridon, les marais salants sont inondés en partie.

Pour le Nord-Ouest, très exposé à Matthew, la situation était assez inquiétante au niveau de Baie de Henne, Bonbadopolis, Môle Saint Nicolas, Ile de La Tortue, Port-de-Paix, Saint Louis du Nord, Anse-à-Foleur, des villes côtières subissant les assauts de la mer, de la pluie et du vent. Mais, jusqu’à date, les informations font état d’une situation préoccupante. En tout cas, aucune commune mesure par rapport au grand Sud.

LE VRAI DEBAT, C’EST HAÏTI

Le vrai débat est maintenant sur Haïti. 2016 avec Matthew est plus catastrophique que 1954 avec Hazel. Que faire pour éviter une autre catastrophe plus grave dans les 60 prochaines années?

Un pays vulnérable à tous les points de vue
Haïti est un pays vulnérable à tous les points de vue, les ressources humaines exposées à des problèmes de santé avec une espérance de vie autour de 60 ans, pas bien éduquées avec une fuite énorme des cerveaux, mal organisées socialement, vivant dans un environnement physique dégradé et insalubre et mal aménagé, dans des infrastructures non normalisées et insuffisantes, avec une économie rachitique malgré des ressources en sous-sol estimée à plus de 100 trillions de USD et gangrénée de corruption, et dans un système politique non adapté organisé autour d’une gouvernance au petit bonheur tant au niveau national, déconcentré et décentralisé (?). En résumé, (i) la capital humain sans soins adéquats, (ii) le capital social non organisé, (iii) le capital environnemental vulnérable et non aménagé, (iv) le capital infrastructurel non normalisé et très insuffisant, (v) le capital économique/financier rachitique et  (vi) le capital politique galvaudé et prédateur.

Notre vulnérabilité à la base des dégâts et pertes subis
On comprend pourquoi les menaces et les risques sont si grands quand une catastrophe naturelle survient, en particulier, tremblement de terre et cyclones. En effet, Haïti a connu de grands cyclones qui ont marqué les esprits, Inès, Flora, David, Gordon, Jeanne 2004 (destruction de la ville des Gonaïves, 3000 morts), les 4 cyclones de 2008, Gonaïves, une fois de plus très gravement endommagée avec moins de pertes en vies humaines, environ 700 morts cette fois-ci). Ce ne sont pas des ouragans pour la grande majorité. Très souvent, c’étaient des tempêtes tropicales. Si ma mémoire est bonne, Matthew est le seul cyclone de catégorie 4 ayant traversé Haïti. Les autres étaient de catégorie inférieure ou étaient tout simplement des tempêtes. C’est notre vulnérabilité qui est à la base des dégâts et pertes subis.

Les leçons tirées
Pour la plupart, on a tiré des leçons qui nous sont utiles, même dans le cas actuel. Certes, le bilan est partiel et déjà très lourd. On a enregistré beaucoup de pertes matérielles, mais de moins en moins de pertes en vies humaines. Gonaïves se développe différemment au niveau des plateaux et des piedmonts, les maisons sont à étage, le réseau de drainage est plus dense, les drains de ceinture sont de plus grande capacité, la rivière La Quinte a une capacité 10 fois supérieure, Pont Mapou et Pont Gaudin ont été reconstruits pour favoriser l’écoulement de 1000 m3/s, les berges ont été renforcées, très certainement pas assez, mais elles tiennent jusqu’à présent. Des interventions ont été éparpillées sur les 70000 ha du bassin versant, trop minimes certes, mais réalisées quand même. Des solutions ont été proposées par une équipe de techniciens haïtiens des ministères de l’agriculture, de l’environnement, des travaux publics, de l’intérieur, coordonnée par Ing Jean-Robert JEAN-NOEL, et partiellement appliquées par manque de volonté politique. Elles peuvent servir de modèle pour d’autres régions du pays (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2009/06/haiti-gonaives-des-solutions-la-mesure.html ). La Direction des infrastructures agricoles du ministère de l’agriculture a répliqué partiellement ce modèle sur la Ville de Cabaret, de Jacmel, de Léogane avec un certain succès car certaines composantes essentielles n’ont pas été prises en compte faute de moyens financiers et de manque de volonté politique (vision et planification). Il faut aller au-delà de ces cas d’espèces, tenir compte des petites expériences réussies liées à la mise en défens, l’exploitation des forêts énergétiques dans certaines zones du pays (Nippes, Sud), la mise en place des retenues collinaires et leur exploitation, la généralisation des cas de réussite au niveau d’une commune, d’un département, d’une région et du pays. D’où la nécessité de se départir de la politique politicienne.

La prédominance de la politique politicienne
Depuis la mort de Dessalines, les politiciens ne font que se battre pour la prise du pouvoir personnel. La plupart, plutôt minime, imprégnés de la notion pays, ont lié leurs intérêts personnels ou de clans à ceux du pays. Ce qui nous a donné des moments de développement. Mais, comme les intérêts des clans ont été toujours plus importants que ceux du pays, il s’ensuit un mal développement du pays qui tire insuffisamment encore profit en matière touristique de la politique de fortification initiée par Dessalines, continuée par Christophe et Pétion et clôturée par Boyer. La construction de certains ouvrages utiles comme des ponts sous le gouvernement d’Hyppolite, d’institutions financières sous Salomon, de développement urbain sous le Gouvernement d’Antoine Simon, de gouvernance sous l’occupation américaine (centralisation), réorganisation de l’armée, mise en place d’infrastructures de gouvernance, Palais National, palais des ministères, palais judiciaire, conception et mis en place des grands ouvrages de développement d’électricité, barrages d’irrigation, politique de développement urbain et routier (Estimé, Magloire, Duvalier)  adoquinage de rues au niveau des grandes et petites villes et application partielle des divers plans de développement avec l’appui de la communauté internationale (Duvalier Fils, Aristide, Préval, les divers gouvernements de transition, Martelly ). Il faut noter que, ces derniers temps, Haïti a été victime de l’exacerbation de la bataille des clans avec la mise en application de slogans politiques, transformés à la va-vite en des programmes politiques non liés, en grande partie, aux plans existants et mal appliqués une fois nos politiciens au pouvoir. C’est un peu le cas pour ces élections interrompues, en termes de programmes s’entend (nécessité de combiner ces divers programmes en un seul pour Haïti par celui qui aurait gagné). Quant aux divers plans de développement depuis la démocratisation, Haïti est sur le papier un pays développé, mais la réalité est un mal développement, un non développement, dû en particulier à une absence et/ou manque d’application des rares politiques publiques clairement définies.

EN GUISE DE CONCLUSION

Heureusement, il existe dans les tiroirs plusieurs documents qui, une fois remaniés, adaptés, combinés avec certains éléments de programmes de nos prétendants actuels au pouvoir suprême et adoptés par l’ensemble des acteurs du développement, devraient contribuer au développement harmonieux du pays. Pour cela, il faudrait suspendre la bataille des clans, organiser la grande concertation nationale avec pour finalité le vrai plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH) basé sur les objectifs de développement durable (ODD 2016-2030), sur les cinq (5) châteaux d'eau du pays et sur les six (6) capitaux, et sa mise en application par les gouvernements successifs sur une période de 25 ans et plus.

Pour y arriver, il faudra commencer par prendre conscience de cette grande vulnérabilité du pays qui vient d’être mise à nue par le passage de Matthew. Les départements affectés par cette catastrophe nécessitent un traitement à trois niveaux : urgence, relèvement et développement. Parallèlement, il faut continuer avec le processus électoral en identifiant les endroits où placer les bureaux électoraux et les centres de vote dans les départements affectés, ne serait-ce que sous des tentes.

Pour la partie d’urgence du plan d’une durée de  six (6) mois, il faudrait (i) des kits de première nécessité (pain, bonbon, fruit, fromage, eau, boite de sardine, nourriture crue pour une quinzaine de jours au moins, flash, allumette, etc.), (ii) le retour des déplacés dans leur résidence ou de l’endroit qui y tient lieu, (iii) une évaluation exacte de la situation, (iv) la réparation des voies de communication (routes, pistes), (v) le rétablissement des communications téléphoniques, (vi) l’auto réparation des maisonnettes moyennant mise à disposition de matériaux et de matériels (tôles, bois, clous, marteaux, etc.), (vii) la réparation et curage des systèmes d’irrigation et remise en eau, (viii) la mise à disposition des kits de semences, des kits médicaux si nécessaire et cliniques mobiles,(ix) les études pour réparation et réhabilitation des infrastructures (écoles, dispensaires, centres de santé, hôpitaux, églises, etc.) ; la mise en place de certaines actions sous forme d’essais. Certaines recommandations faites au Gouvernement de Transition Alexandre-Latortue lors du passage de Jeanne aux Gonaïves en 2004 peuvent être appliquées et adaptées aux circonstances actuelles (réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2008/09/inondation-aux-gonaives-et-autres-zones.html ). Pour cette phase, il faudra au minimum créer 400,000 Personnes-mois (P-M) de travail durant 4 mois, Ce qui correspond grosso modo à 64,000,000.00 USD

Pour la partie relèvement du plan d’environ 18 mois, la finalisation des études et du plan de développement de la région affectée et/ou du département affecté, la recherche de financement, la reconstruction des infrastructures  pour résister à un cyclone de catégorie 5 et un tremblement de niveau 9, la finalisation du vrai plan stratégique de développement national (PSDH) axé sur les ODD, sur les pôles de croissance et de développement au niveau des cinq (5) châteaux d'eau du pays, selon le modèle esquissé par le ministère de l’agriculture, et sur les six capitaux (humain, social, environnemental, infrastructurel, économique/financier et politique/gouvernance).

Pour la partie Développement du PSDH, les études complémentaires du plan global, les recherches et les exploitations minières,  les études spécifiques, la généralisation de certaines actions mises en œuvre à titre d’essais durant les périodes d’urgence et de relèvement, surtout en termes de construction des grands ouvrages de développement (Ports, Aéroport, routes, barrages, irrigation, retenues collinaires, plantation, pêche et aquaculture ), la déconcentration administrative, la décentralisation (gouvernance au niveau national et local), le développement de cinq (5) pôles de croissance et de développement au niveau des cinq (5) châteaux d'eau du pays.