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mardi 7 février 2017

DOCUMENT D’ORIENTATION POUR LA REFONDATION DE L’ETAT D’HAÏTI SELON UNE VISION HAÏTIENNE

DOCUMENT D’ORIENTATION POUR LA REFONDATION DE L’ETAT D’HAÏTI SELON UNE VISION HAÏTIENNE

FONHDILAC 
Avril 2011 
Actualisé par JR JEAN-NOEL
7 Février 2017

Remerciement.
La Fondation Haïtienne pour le Développement Intégrale Latino-Américain et Caribéen (FONHDILAC) tient à remercier celles et ceux qui ont rendu ce document possible. Ce document est le second de la série ; il a été revu, corrigé, augmenté, donc actualisé en Février 2017,  et se veut être un humble hommage à la mémoire des trop nombreuses victimes du séisme du 12 janvier 2010 et des ouragans, dont Matthew de catégorie 4 (3-4 Octobre 2016), qui ont ravagé Haïti. La fondation tient à manifester également sa gratitude au Forum Agricole Goâvien (FAG) qui a facilité une validation certaine des communautés rurales et périurbaines de cet exercice en Mai 2011. Ce document est repris en ce début d’année de grâce 2017 pour dire  à tous et à toutes qu’il y a encore de l’espoir pour notre pays.


I. CONTEXTE

La République d’Haïti occupe le tiers occidental de l’île d’Haïti (Quisqueya) dans la Mer des Caraïbes sur une superficie totale de 27 750 km2. La population haïtienne était estimée à 10, 911,819 habitants en 2015 alors que le pays ne comptait que 3 millions de personnes en 1950 (IHSI). Cette forte croissance démographique se traduit en une forte densité d´environ 393 habitants par km2. Malgré une tendance à l’urbanisation progressive (52%), la population en milieu rural représente environ 48% de la population totale.

Le pays est administrativement divisé en dix (10) départements. Parmi ces 10 départements, celui de l’Ouest à lui seul absorbe 37% de la population totale avec une très forte concentration dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (25% de la population).

Située sur la route des cyclones, Haïti est régulièrement victime des ouragans. En 2004, elle a fait les frais de deux inondations majeures suite à des phénomènes climatiques exceptionnels à Mapou/Fond Verrettes en mai et aux Gonaïves en septembre qui ont fait plus de 4,000 morts. En 2008, elle a été dévastée par quatre tempêtes tropicales (Fay, Gustave, Hanna, Ike) ayant frappé neuf (9) des dix (10) départements du pays. Ces ouragans dévastateurs avaient fait, d’après les organisations humanitaires, plus de 800 morts, 800,000 sinistrés, et causé des pertes matérielles estimées à environ 1 milliard de dollars américains (15% du PIB). En dépit de cette situation, des efforts du Gouvernement et ceux de la communauté internationale  avaient permis, contre toute attente, à des résultats surprenants en 2009 (taux de croissance du PIB de 2.9%), le seul PMA de la région Amérique Latine et Caraïbe (ALC) venait de surprendre tout le monde dans une année de récession mondiale.

Malheureusement, Haïti a subi, le 12 janvier 2010, un violent séisme de magnitude 7.3, dont l’épicentre se trouvait à 10 Kms de profondeur aux environs de la ville de Léogâne. Ce séisme a provoqué des dégâts dans plusieurs villes haïtiennes dont la Capitale, Port-au-Prince, et l’effondrement de la quasi-totalité des symboles physiques de l’État (120% du PIB de 2009 selon le PDNA 2010). Il a été enregistré, selon les autorités compétentes, 316,000 morts, 3,5 millions d’individus en situation d’urgence médicale, 4,000 amputés, 1,3 million de sans abri. Dans le cadre du plan national pour la relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH), il est prévu 34.5 milliards d’USD pour la reconstruction du Pays durant 22 ans. Ce plan présenté à New York, le 31 Mars 2010, a reçu 9.9 milliards d’USD de promesse de la Communauté Internationale (CI). La continuité des travaux prévus dans le cadre du document stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP2008-2011) et les premières actions humanitaires et de relèvement dans le cadre du PARDNH, n’ont certes pas permis de maintenir le taux de croissance du PIB de 2009, mais ont évité un taux de croissance négatif à deux chiffres (taux de croissance 2010 : -5.1% ). Des 9.9 milliards d’USD, 37.2% ont été engagés jusqu’en mars 2011, selon Bill Clinton, dans la cadre de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH). Avec ce taux de croissance négatif, la situation de la population haïtienne (taux de croissance de population 2.5% 1982-2003 selon IHSI) s’est donc aggravée : augmentation de la pauvreté, insécurité alimentaire, « 55% de la population vit dans des conditions infrahumaines liées à la faiblesse institutionnelle nationale et locale et aux inégalités spatiales dans l’offre des équipements collectifs » (Guichard Doré in Le Matin du 15 au 21 avril 2011).

De plus, en 2010, Haïti a dû faire face à d’autres problèmes découlant du choléra (plus de 10,000 morts (?) depuis novembre 2010), du cyclone Tomas, des résultats des élections du 28 novembre 2010 (100 M d’USD de dommages et pertes) et du 20 mars 2011 (perturbations au niveau de certaines villes et sur les routes nationales). 

Malgré tout, lors des journées de la finance (4-8 Avril 2011) organisées par le Group Croissance et la Banque de la République d’Haïti (BRH), le Ministre de l’économie et des finances, Ronald Baudin, affirmait que, en dépit des perturbations politiques enregistrées au cours du premier semestre de l’exercice fiscal 2010-2011, le taux de croissance du PIB de 8.9% prévu serait autour de 8% à la fin de l’exercice, à moins que l’on enregistre des catastrophes graves avant septembre 2011. Contrairement aux prévisions du ministre Baudin, il a été enregistré en réalité un taux de croissance de 5.1% du PIB. 

D’un autre côté, le mercredi 4 avril 2011, à la cérémonie d’ouverture de cet événement, le Gouverneur de la BRH, Charles Castel, tablait sur des hypothèses de taux de croissance de 7% du PIB durant les 10 prochaines années pour passer de 700 USD du PIB per capita à 1400 USD du PIB per capita. L’économiste, Charles Clermont, pensait qu’avec une politique axée sur le développement des PME, Haïti pourrait doubler son PIB per capita tous les cinq (5) ans avec une hypothèse de taux de croissance annuel de 15% du PIB. Quant au banker, Carl Braun, du Groupe UNIBANK, il pensait que  Haïti pourrait doubler son PIB per capita tous les six(6) ans,  avec une hypothèse de taux de croissance annuel de 12% du PIB. 

Lors de la réunion mensuelle du deuxième dimanche du mois de la FONHDILAC, le 9 avril 2011, les cadres de l’institution, comme ils ont fait après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, ont pris la résolution de mettre en place un comité de rédaction pour l’élaboration d’un document d’orientation qui pourrait contribuer à orienter le pays durant les 25 prochaines années, y inclus le quinquennat du nouveau président SEM Michel Joseph Martelly.

Malheureusement, à cause de la crise politique qui s’est maintenue durant tout le règne de Martelly, Haïti a certes connu des taux de croissance positifs mais très, très loin des prévisions (5.1% en 2011, 2.9% en 2012, 4.2% en 2013, 2.8% en 2014, 1.2% en 2015, 1.4% en 2016). Cette entropie politique  a forcé Martelly à négocier son départ en février 2016 et son remplacement par le président du Sénat, Jocelerme Privert, faute d’aboutissement du processus électoral démarré en Aout 2015. Le processus a pu être mené à bien par l’administration Privert, s’est soldé, au niveau présidentiel, par l’élection de Jovenel Moïse , au niveau du Parlement, par une écrasante majorité du PHTK et alliés, le parti de M. Martelly, et s’est pratiquement achevé, le 29 Janvier 2017, par le 2e tour des sénatoriales partielles et les collectivités territoriales (CASEC, Délégué de ville, en attendant les élections indirectes : Assemblée des sections communes (ASEC), Assemblée Communale (AC), Assemblée Départementale (AD), Conseil interdépartemental (CID).

Il faut noter que durant tout le règne de Martelly et de Privert, Haïti n’a cessé de faire face à des catastrophes naturelles : Isaac et Sandy en 2012, Erika en 2015, et surtout Matthew en 2016 de catégorie 4 qui a causé des dommages et pertes estimés à plus de 30% du PIB (2.8 Mrds USD), selon le ministre de la planification et de la coopération externe, Me Aviol Fleurant (Réf. Interview du 1er Janvier 2017 avec Kesner Pharel, Radio Métropole).

Ce qui se traduit par un changement d’administration, le 7 Février 2017, l’administration Moïse qui prend la place de celle de Privert. L’administration Moïse semble opter pour une continuation des actions de Martelly, des corrections par rapport à des actions jugées imparfaites et des innovations.

Ainsi, ce changement d’administration et de vision politique a poussé les cadres de la FONHDILAC à réfléchir, suite à leur Plaidoyer pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision Haïtienne, sorti en février 2010, sur une version actualisée du document intitulé : Document d’orientation pour la Refondation de l’Etat D’Haïti selon une vision haïtienne, sorti en Avril 2011. Ce document, qui se veut une suite logique du premier, s’articule autour d’une vision, des objectifs, d’un cadre philosophique, des principes directeurs, des résultats attendus, des grandes lignes d’orientation, des actions, d’une stratégie globale de mise en œuvre, du chiffrage des actions, d’un chronogramme des actions, des risques et de leur gestion.

C’est un document basé sur des hypothèses optimistes (8-12% de croissance économique annuelle et 1% de croissance annuelle de la population) en dépit du fait que Haïti, pays de surprises négatives mais aussi capable d’exploits les plus extraordinaires et de résultats les plus surprenants dans des contextes mondiaux hostiles, puisse faire mentir les plus pessimistes et entrainer ses fils et filles vers des résultats axés sur une vision d’ensemble assez claire et des objectifs précis basés sur des hypothèses de travail certes optimistes, mais réalistes dans un contexte haïtien de réconciliation nationale, d’envie de vivre ensemble et disposant de ressources en sous-sol (Iridium, or, pétrole, mercure, etc.,) estimées à 100 Trillions de dollars américains, en vue de refaire de notre pays, la perle des Antilles, l’exception culturelle de la Caraïbe, et être un pays émergent à l’horizon 2040

II. LA VISION ET LES OBJECTIFS

Selon le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE) (réf. http://www.mpce.gouv.ht/fr/vision-long-terme-du-developpement-dhaiti)  , qui a repris en l’amplifiant la vision exprimée dans le PDNA de 2010, « La Vision à long terme du développement d’Haïti est la refondation de la nation haïtienne transformant la catastrophe du 12 janvier 2010 en une opportunité pour qu’Haïti devienne un pays émergent d’ici 2030. Cette refondation doit se matérialiser en :
·  une société équitable, juste, solidaire et conviviale, vivant en harmonie avec son environnement, sa culture, une société moderne où l’état de droit, la liberté d’association et d’expression et l’aménagement du territoire sont établis ; 
·  une société dotée d’une économie moderne, diversifiée, forte, dynamique, compétitive, ouverte, inclusive, et à large base territoriale ; 
·   une société où l’ensemble des besoins de base de la population sont satisfaits en termes quantitatifs et qualitatifs ;
·    une société apprenante dans laquelle l’accès universel à l’éducation de base, la maitrise des qualifications dérivant d’un système de formation professionnelle pertinent, et la capacité d’innovation scientifique et technique nourrie par un système universitaire moderne et efficace, façonnent le nouveau type de citoyen dont le pays a besoin pour sa refondation ; et
·       le tout supporté par l’encadrement d’un État unitaire, fort, responsable, garant de l’application des lois et de l’intérêt des citoyens, ainsi que fortement déconcentré et décentralisé ».

En effet, la vision de cette Haïti de demain n’est pas différente de celle exprimée dans le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP 2008-2011). Cette vision a été énoncée dans le discours de lancement du PDNA 2010, le 18 février 2010, à Karibe Convention Center, Pétion ville : « Nous partageons un rêve : celui de voir Haïti comme un pays émergent d’ici 2030, société de la simplicité, équitable, juste et solidaire, vivant en harmonie avec son environnement, sa culture et une modernité maîtrisée où l’Etat de droit, la liberté d’association et d’expression et l’aménagement du territoire sont établis, dotée d’une économie moderne, forte, dynamique, compétitive, ouverte et à large base territoriale, où l’ensemble des besoins de base de la population sont satisfaits et gérés par un Etat unitaire, fort, garant de l’intérêt général, fortement déconcentré et décentralisé ».

Cette vision gouvernementale n’est pas non plus trop différente de celle déjà exprimée par la société civile tant en Haïti que dans la diaspora. En tout cas, elle résume bien le texte de plaidoyer de la FONHDILAC, et sied parfaitement à la vision exprimée par la FONHDILAC et à la philosophie dégagée dans le cadre de l’approche hexagonale.

Objectif Principal

L'objectif principal du Document d’orientation pour la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne est de formuler des propositions concrètes aux instances concernées par la refondation de l’Etat d'Haïti, en se basant sur des réflexions menées de manière participative tant au niveau de la FONHDILAC qu’au niveau d’autres entités de l’Etat, de la société civile et de la communauté internationale collaborant avec Haïti, et en profitant au maximum des expertises et sensibilités disponibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.

Objectifs spécifiques

1. Promouvoir les actions visant la refondation de l’Haïti de demain, plus équitable, fondée sur le droit, le partage, la solidarité, l'éducation, le respect de l'environnement et le culte du bien commun;

2. Promouvoir la mise en place d’un système tendant vers un citoyen responsabilisé dans « une société économiquement riche, socialement équitable et politiquement responsable ».

3. Promouvoir le développement d'Haïti par une planification stratégique basée sur l’humain, le social, l’environnemental, sur l’infrastructurel, et sur une bonne gouvernance économique, financière et politique, et tenant compte de l’utilisation efficace des ressources humaines disponibles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ainsi que des ressources naturelles à l’intérieur d'Haïti;

4. Mettre en place des mécanismes permettant une solidarité internationale plus efficiente à l'égard d'Haïti dans le cadre de la réforme de l’Etat visant une meilleure distribution de la justice, une meilleure distribution de la richesse du pays, la déconcentration administrative, la décentralisation et l’aménagement du territoire selon 4 régions (Nord, Centre, Ouest et Sud), 10 départements, 42 arrondissements, 140 communes et 570 sections communales, avec accent sur 4 grands pôles régionaux de croissance et de développement et de 32 micros Pôles au niveau des arrondissements.

III. LE CADRE PHILOSOPHIQUE ET LES PRINCIPES DIRECTEURS

Approches philosophiques

Le cadre philosophique de ce document d’orientation s’articule autour des approches participatives, territoriales et se base surtout sur l’approche hexagonale développée par la FONHDILAC. « L’approche hexagonale est étroitement liée aux approches Bassin Versant, territoriale, Cluster, à l’approche participative et ses diverses dérivées : le partenariat, la synergie, la responsabilisation individuelle et collective, la mise en réseau aux niveaux local, national, régional et mondial. Elle peut constituer le cadre de diagnostic, d’analyse et d’application de tout le processus de développement durable à ces divers niveaux » D’où les principes directeurs retenus.

Principes Directeurs

Dans le cadre de ce document, nous avons adopté les six principes du groupe GRAHN :

« 1. Justice sociale et participation citoyenne : reconstruire une citoyenneté partagée qui permet à chaque Haïtienne/Haïtien de jouir pleinement de ses droits, sans aucune forme de discrimination, tout en assumant pleinement ses devoirs envers la société;

2. Droit et accessibilité aux services de base : reconnaître le droit de tout citoyen à des services de base tels l'éducation, la santé, l'alimentation, l'eau potable, le logement, et entreprendre les actions nécessaires visant à terme l'accessibilité de ces services de base à tous les Haïtiennes/Haïtiens, sans exclusive;

3. Continuité des actions positives : identifier, valoriser et poursuivre les bonnes initiatives qui ont cours dans le pays, en évitant de faire table rase des expériences édifiantes pour repartir de zéro;

4. Arrimage avec le pays intérieur comme manifestation de la solidarité nationale : prendre en compte les aspirations et les préoccupations de la société civile haïtienne afin de contribuer à la réalisation de celles-ci et de les porter au-devant de la scène internationale;

5. Urgence compatible avec le long terme : régler les problèmes urgents d'aujourd'hui en ayant recours à des solutions intelligentes et responsables qui n'hypothèquent pas l'avenir du pays;

6. Développement durable : privilégier les choix de reconstruction et de développement qui préservent les générations futures ».

Auxquels, nous ajoutons les principes directeurs définis par la FONHDILAC en relation avec les axes fondamentaux de l’approche hexagonale :

Axe humain
Le principe fondamental est la satisfaction des droits humains fondamentaux en référence à la déclaration universelle des droits de l’homme, la constitution de 1987 et les 17objectifs de développement durable (ODD 2016-2030).

Axe socio-culturel
Au niveau de cet axe, nous avons deux principes fondamentaux
1. Participation-responsabilisation
2. Promotion et Protection de la culture nationale

Axe environnemental
Le principe fondamental est le développement durable, exploitation « conservatrice » des ressources naturelles.

Axe infrastructurel
Au niveau de cet axe, nous avons deux principes fondamentaux :
1. l’aménagement du territoire doit respecter le principe du développement durable
2. les investissements doivent être répartis de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire (déconcentration économique).

Axe économique et financier
Le principe fondamental est l’accès équitable aux biens et services résultant des activités de production et de distribution.

Axe politique
Le principe fondamental est une répartition équitable, socialement (principe démocratique) et géographiquement (décentralisation, déconcentration administrative), de la participation de la population aux décisions et de leur mise en œuvre.

En référence au cadre philosophique et aux principes directeurs retenus et développés, on peut s’attendre à des résultats tels que détaillés au point 4.

IV. LES RESULTATS ATTENDUS

Les résultats attendus le sont eu égard à l’approche hexagonale. L’approche hexagonale vise, tout en s’appuyant sur la démarche participative, à développer un cadre harmonieux pour l’évolution de l’humain dans un cadre social équitable, dans un cadre naturel régénéré et bien équipé par des infrastructures adaptées, dans un cadre économique et financier incitatif et dans un cadre politique responsable et démocratique (bonne gouvernance). D’où l’accent mis sur les six capitaux : le capital humain, le capital social, le capital environnemental, le capital infrastructurel, le capital financier et économique et le capital politique (gouvernance). Ce qui peut se schématiser de manière logique avec l’humain à l’intérieur du social, les deux à l’intérieur de l’environnemental, et l’aménagement de l’environnemental de manière telle à ce que l’ensemble soit en harmonie, le système financier et économique pour réaliser cet ensemble et le perpétuer dans le cadre d’une gouvernance économique régulatrice et incitatrice, et le système politique pour la gestion globale et le maintien de l’équilibre harmonieux du système global.

En clair, le résultat final se traduira par la mise en place d’un nouveau système favorisant une Haïti émergente et moderne à l’horizon 2040 axée sur :

(i) Le capital humain comme tenant et aboutissant du processus de développement local et national avec un taux de croissance de population autour  de 1% ; Ce qui se traduira par une masse critique de gens éduqués (90% de la population) tant au niveau primaire (100%), secondaire (100%), universitaire (70%) et professionnel (100%), en bonne santé disposant de services de santé, d’eau potable, d’électricité, de communication, d’emploi (90%) à leur portée et leur permettant de satisfaire leurs besoins primaires (se nourrir, se loger, s’éduquer, se divertir) ;

(ii) Le capital social et Culturel comme élément fondamental du système social et de socialisation (60% de la population regroupés dans des associations) ; en promouvant sa force culturelle, l’haïtien se regroupe en société selon sa religion, son métier, ses intérêts, ses champs de compétences, de loisirs ;

(iii) Le capital environnemental ou naturel comme cadre naturel, environnemental et géographique d’évolution de l’humain et des groupes sociaux ; l’haïtien procède à la régénération de son environnement naturel (25% de forêt primaire ajouté au 29% de couverture végétale actuelle mise à mal par l’ouragan Matthew ) qu’il perpétue avec amour à l’intérieur de ses organisations sociale, culturelle, écologique, économique et politique, en réseaux entre elles et avec des organisations de mêmes types au niveau de la caraïbe, de l’Amérique Latine et du monde ;

(iv) Le capital physique et infrastructurel comme cadre de confort de l’humain et de l’humain regroupé en société ; avec l’aide de la communauté internationale, l’Etat d’Haïti, à travers ses gouvernements, procède, à partir d’un excellent plan d’aménagement du territoire, à la réhabilitation, la construction des équipements (logements (70%), bâtiments administratifs (100%), scolaires (100%), universitaires (4 grandes universités dans 4 régions), sanitaires (70%), industriels (50%), commerciales (50%) et touristiques (40%), réseaux d’irrigation (100%), de routes (100%), d’eau potable (100%), d’électricité (90%), de télécommunications (70%), etc.

(v) Le capital financier et économique ( taux de croissance du PIB 8-12% par an, PIB 2040 : 3.5-4500 USD/Hab., à partir de la bonne gouvernance et avec l’appui de la communauté internationale dans un premier temps, et du secteur privé tant haïtien qu’étranger et à partir de fonds propres issus de l’exploitations des nombreuses ressources du pays, comme cadre de financement de l’ensemble et cadre d’évolution des activités économiques et financières susceptibles de contribuer à l’autonomisation de l’humain et des catégories sociales évoluant dans le système et le perpétuer, et

(vi) Le capital politique (Gouvernance) comme cadre fondamental de planification, de conception, de coordination, d’incitation, d’orientation et de régulation grâce à la bonne gouvernance, s’oriente vers une Haïti compétitive exploitant à fonds ses richesses naturelles et minières en les répartissant de manière la plus équitable possible grâce à une politique de décentralisation et de déconcentration administrative basée sur les potentialités des différentes régions du pays (Macros Pôles) et d’une trentaine de  micros pôles de croissance et de développement au niveau des arrondissements.

V. LES GRANDES ORIENTATIONS

Les grandes orientations stratégiques de ce document d’orientation s’articulent autour des grandes lignes suivantes :

(i) Une politique de population et de développement des ressources humaines axée sur le respect des règles de la vie associative, de la gestion financière et économique, et de la vie politique, sur le respect de l’environnement et des infrastructures mises en place avec et pour la population, et se basant sur un taux de croissance avoisinant 1% au lieu de 2.5 % actuellement, sur une politique sanitaire visant la couverture sanitaire de tout le pays depuis la section communale la plus reculée jusqu’au niveau de la ville , sur une politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle visant la satisfaction des besoins de la population en la matière jusqu’au niveau de souveraineté alimentaire le plus élevé possible et tenant compte des aspects sanitaires, éducatifs, environnementaux, agricoles, culturaux, économiques et financiers ;

(ii) Une politique de mise en place d’un système social et culturel plus équitable basé sur l’éducation visant la compétitivité, en passant par la scolarisation universelle, le nouveau secondaire, l’université, tenant compte de la culture haïtienne avec des ouvertures sur l’extérieur, en particulier la Caraïbe, l’Amérique Latine, l’Afrique, l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Asie et le monde, et promouvant une vie associative riche et bien régulée par une gouvernance sérieuse et incitative, des structures de gestion de l’environnement, des infrastructures, des structures de participation à la vie économique et à la vie politique avec des investissements importants dans le système social ;

(iii) Une politique de protection de l’environnement et des ressources naturelles axée sur l’éducation au respect de l’environnement, sur la gestion des risques et désastres, sur la participation de la population et de ses organisations à la gestion de l’environnement, sur sa réhabilitation totale, sur la promotion de l’écotourisme, du tourisme culturel, sur la mise en place des structures de gestion de l’environnement tant au niveau étatique, que des collectivités territoriales et de la société civile, et sur des investissements importants au niveau de l’environnement ;

(iv) Une politique d’aménagement du territoire agressive axée sur l’éducation au respect des infrastructures, sur la participation des structures sociales, de la société civile, des collectivités territoriales et étatiques dans la gestion des infrastructures, avec un zoning strict des aménagements (logements, routes, irrigation, eau potable, écoles, hôpitaux, etc.) respectueux des normes environnementales, tenant compte de la nature montagneuse de la République d’Haïti et de la situation de la vulnérabilité de l’environnement haïtien et de ses nombreux risques et des investissements importants y relatifs ;

(v) Une politique économique et financière visant un système financier et économique non inflationniste (taux d’inflation < 10%), protectionniste au même niveau que la Caraïbe sur certains aspects et libérale sur d’autres aspects, basée sur des grands choix économiques et financiers, sur l’harmonisation des politiques fiscales (taux de taxation autour de 15%) et monétaires (taux de change autour de 50 HTG pour 1 USD) et des taux de crédit incitatifs et favorables au développement des petites et moyennes entreprises (PME) et une couverture d’assurance à toutes épreuves couvrant tous les risques auxquels fait face le Pays Haïtien. Tout ceci est soutenu par une éducation économique et financière à la base, une incitation à la vie économique, à la priorisation de la protection de l’environnement, à la répartition équitable des infrastructures sur tout le territoire national ;

(vi) Une gouvernance politique visant le bien être de la population haïtienne et axée sur l’éducation politique de la population, sur sa participation à la vie politique, à la gestion de l’environnement, à la gestion des infrastructures, à la gestion des ressources financières, sur la déconcentration administrative, sur la décentralisation à partir des 4 régions, des 10 départements et des 42 arrondissements, sur une justice équitable , sur la réforme de l’Etat, sur la répartition des richesses eu égard aux potentialités de chaque région et des pôles de développement susceptible de garantir une croissance soutenue du PIB autour de 8-12% sur une période de 25 ans.

VI. LES ACTIONS

De ces grandes orientations découlent les actions suivantes articulées autour des ressources humaines comme tenants et aboutissants du processus de développement durable. Partant de la gouvernance politique qui englobe l’éducation politique, la participation à la vie politique, à la gestion de l’environnement, des infrastructures, des ressources financières, les politiques d’Etat axées autour des six axes et exprimées en termes d’éducation, de gestion, de respects des normes et des règles du jeu établies et en termes d’investissements publics et privés, ne visent qu’au renforcement du cadre de vie de l’Haïtien et de ses associations. Toutes les actions exprimées et articulées autour des six axes sont autant de politiques publiques à renforcer et à mettre en œuvre pour aboutir à l’Haïti de demain rêvée par tous les haïtiens.

VII. LA STRATEGIE DE MISE EN OEUVTRE

La stratégie de mise en œuvre du nouvel Etat d’Haïti selon une vision haïtienne, tout en s’inspirant de certaines propositions de réformes de l’Etat glanées ça et là et de certaines pratiques en cours au niveau de l’actuel Etat d’Haïti pour faciliter la transition et la continuité, se base sur deux points importants à notre avis : A) la réorganisation de l’Etat d’Haïti, et B) la gestion des grandes catégories d’actions.

A. La réorganisation de l’Etat d’Haïti

Pour la mise en œuvre de l’ensemble des actions ou politiques publiques décrites plus haut, il faudrait procéder par une réorganisation profonde de l’appareil étatique et gouvernemental. La constitution de 1987 modifiée, le plan stratégique de sauvetage National (PSSN), les travaux de réformes de la commission Nationale de réforme administrative (CNRA), les travaux du Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle (GRAHN), les Travaux des diverses commissions présidentielles, les travaux de la société Civile et du secteur privé Haïtien pourront contribuer à la mise en œuvre de ce document d’orientation.

Le regroupement des ministères selon leurs missions et attributions

L’ensemble des services de l’Etat seront regroupés en onze (11) grands ministères : (i)Le Ministère de l’intérieur, de la défense nationale et des collectivités territoriales,(ii) le Ministère des affaires étrangères, de la coopération externe et des Haïtiens vivant à l’Etranger,(iii) le Ministère de la planification, de l’Aménagement du Territoire, de la fonction publique, (iv) le Ministère de l’économie, des finances, du commerce et de l’industrie, (v) le Ministère des travaux publics, transports et Communications, (vi) le Ministère de l’éducation Nationale, de la jeunesse, des sports et des Services civiques,(vii) le Ministère de la Santé publique, de la population et de la condition Féminine, (viii)) le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles, de l’environnement et de la pêche, (ix) le Ministère de la culture, de l’Information et du Tourisme,(x) le Ministère des affaires sociales, humanitaires, des cultes et de l’emploi. (xi) Le Ministère de la justice et de la Sécurité publique.

Les secrétaireries d’Etat

Chaque Ministère sera subdivisé en secrétaireries d’Etat. Les ministères actuels regroupés sous le label d’un un autre ministère seront dirigés automatiquement par un Secrétaire d’Etat. Chacun des services de l’État se retrouve déconcentré au niveau des 10 départements et des 42 arrondissements avec tout le personnel et l’équipement nécessaire pour faire fonctionner le service au niveau local et satisfaire les besoins de la population concernée en la matière.

Ce mode d’organisation de l’Etat permettrait un fonctionnement optimum jusqu’à l’adaptation finale qui correspondrait à la vision de changement du nouveau pouvoir. Le changement ne devrait pas être seulement un changement de certaines personnes, mais aussi et surtout un changement de mentalité et de structure organisationnelle de l’Etat avec obligation de résultats périodiques et finaux.

L’organisation des Collectivités Territoriales en 4 régions et 42 arrondissements

Les collectivités territoriales seront regroupées dans 4 régions ou 4 macros pôles : Nord, Centre, Ouest et Sud et administrées au niveau de 42 arrondissements regroupant communes et sections communales avec 32 micros pôles de développement bien équipés , dotés de tous les services de base (hôpitaux, écoles, centres de formation professionnelle, industries, centres de loisir, etc.), et entourés de villes satellitaires tampons bien dotées elles aussi, mais à un degré moindre que les micros pôles, ainsi de suite jusqu'au niveau des sections communales. Les 4 régions seront dotées de 4 campus universitaires garantissant l'avantage compétitif de notre pays dans des domaines bien spécifiques.

B. La mise en œuvre des grandes catégories d’actions de l’Etat

Pour y parvenir, la nouvelle administration, issue des élections, tout en contrôlant, de manière stricte, la question d’insécurité, devrait s’atteler à quatre (4) grandes catégories d’actions. Il en sera de même pour toute nouvelle administration durant les 25 prochaines années avec les mêmes catégories d’actions, mais un peu différentes du point de vue thématique d’un quinquennat à l’autre. Peut-être que l’on n’aura plus besoin d’une grande concertation nationale (réf.7.B.3) après la première qu’aura organisée cette nouvelle administration issue des élections de Novembre 2016 et de Janvier 2017. De toute manière, attardons-nous sur les 4 catégories d’actions.

1. La gestion des actions d’urgences

Les actions d’urgences se regroupent en actions liées au choléra, aux dommages causés par le tremblement de terre et l’ouragan Matthew, le déplacement des sans-abris dans des endroits décents, l’élaboration d’un plan de réponse à la situation actuelle, avec accent particulier sur les urgences à prendre en compte dans un budget rectificatif; la préparation de la saison cyclonique 2017 (et autres saisons cycloniques à venir) avec plans de contingence, la poursuite des travaux de protection des villes contre les inondations périodiques, l’assainissement des villes, des villages, la réparation des rues, des routes de pénétration, des pistes rurales, le curage des drains et des canaux, etc. ; la préparation des campagnes agricoles de printemps, d’été et d’hiver en s’appuyant sur le plan préparé par le ministère de l’agriculture, le cluster agriculture pourrait grandement aider, le traitement des ravines, des rivières, des versants, la mise en place des structures biologiques et mécaniques, etc. ; la création d’emplois temporaires dans les domaines d’assainissement , d’adoquinage de rues, d’irrigation, de conservation de sols et de l’eau, d’enlèvement des débris, de construction de logements sociaux, etc. Il faudrait que les travaux d’urgences aient des liens de continuité avec les actions durables.

2. La gestion des actions durables et structurantes

Certaines actions sont en cours d’exécution au niveau des grands chantiers routiers, d’irrigation, d’eau potable, d’électricité, de constructions d’écoles, de centres administratifs, de santé, d’universités, de centres de stockage. Le Gouvernement a intérêt à poursuivre ces actions, à mettre en œuvre les études, à faire d’autres études, à réaliser d’autres projets. Le plan national d’éducation, le plan national d’investissement agricole, le plan national de sécurité alimentaire, le plan directeur de vulgarisation, les travaux des diverses commissions, les divers projets en cours, les réformes entamées au niveau de l’Etat, au niveau du système bancaire, au niveau du système d’assurance, les projets de lois, les décrets, la réforme constitutionnelle, tous ces travaux, toutes ces actions devront se faire dans un souci de continuité de l’Etat. Il y a nécessité de mettre en place une agence de développement d’Haïti (ADH).

3. La grande concertation nationale

Haïti dispose d’un ensemble de plans dont le PARDNH, le PSDH, le PSSN, le GRAHN, les plans de la société civile, du secteur privé, la grande concertation devrait en faire un plan consensuel sur 25 ans, s'attaquer à l'inégalité sociale, la justice, la déconcentration administrative, la décentralisation à partir des arrondissements, l'aménagement du territoire, l'axe capitale tel que proposé par la FONHDILAC, la mise en place de cette agence de développement d’Haïti, avec droit de regard et d'appui de la communauté internationale, les nouveaux amendements de la constitution, la réforme de l’Etat, sa réorganisation pour lui permettre d’être plus performant, le modèle de décentralisation pour Haïti par rapport aux arrondissements, les 32 micros pôles de croissance et développement à mettre en place dans le cadre de la décentralisation et de l’aménagement du territoire, leur découpage, celui des quatre régions (macros pôles), les villes Tampons par rapport aux pôles de développement, la validation d’un ensemble de dossiers sur lesquels Haïti n’a pas encore de consensus, les états généraux sectoriels de la nation, etc.

Cette concertation nationale qui viserait le regain de confiance entre les haïtiens, la réconciliation nationale, devrait être inclusive, semi souveraine, car elle ne doit pas remettre en question les résultats des élections qui ont mis en place la nouvelle administration ni toute la constitution de 1987, car cette constitution est aussi une conquête démocratique et traduit une certaine vision de l’Haïti de demain par rapport à cet Etat prédateur mis en place après 1806. Les résultats de cette grande concertation nationale seront dans la mesure du possible d’application immédiate, sauf le plan consensuel qui devra prendre en compte le plan quinquennal de la nouvelle administration.

Ce plan stratégique sera suivi d’un ensemble de plans opérationnels qui seront exécutés par les ministères regroupant un certain nombre de secrétaireries d'Etat et/ou organismes autonomes sous tutelle de ces ministres avec des structures déconcentrées et décentralisées couvrant tout le pays.

4. L’Organisation des élections indirectes

La Nouvelle administration aura à organiser des élections indirectes au cours de cette année en vue de  mettre en place des institutions prévues pour la mise en place des Collectivités Territoriales (CT), les diverses assemblées au niveau section communale, au niveau communal, au niveau départemental et interdépartemental. L’amendement constitutionnel prévoit comment mettre en place le CEP permanent, une fois fait, il faudrait rapidement procéder à la mise en place de ce nouveau CEP et le Conseil Constitutionnel prévus par les amendements. La nouvelle administration pourrait, par la suite, procéder à l’organisation des élections sénatoriales, municipales et indirectes telles que prévues par les amendements constitutionnels.

Il faut noter et souligner que le Nouveau Pouvoir aura à organiser durant sa dernière année de Mandat de 5 ans, les élections générales telles que prévues par les amendements qui pourraient être confirmés et même renforcés par la grande concertation semi souveraine avec des résolutions d’application quasi immédiate.

Quant aux autres quinquennats qui viendront après, les élections générales se feront durant la dernière année de la présidence selon le « calendrier harmonisé » prévu par les amendements actuels et peut-être par d’autres issus de la Grande Concertation du Premier quinquennat.

VIII. LE CHIFFRAGE, LE FINANCEMENT

Dans notre exercice de chiffrage, nous nous inspirons des réflexions et estimations faites par des professionnels aussi bien haïtiens qu’étrangers. La proposition d’érection d’une ville universitaire de 50,000 habitants près de Ganthier se chiffre à 6 milliards de dollars américains. Le document d’orientation sur Gonaïves reste dans ces ordres de grandeur. Le DSNCRP a prévu pour sa part 4.3 milliards de dollars américains sur trois ans. Ainsi, compte tenu de tout ce qui précède, nos projections pour la construction de cette nouvelle Haïti ont été de 40 milliards de dollars américains sur une période de 10 années. Ce qui correspond à des investissements moyens de 4 milliards par an.

Maintenant que nous prévoyons la mise en œuvre du document d’orientation sur une période beaucoup plus longue de 25 ans au lieu de 10 ans, il faudra revoir à la hausse les chiffres. Le Plan Stratégique de Sauvetage National (PSSN) a prévu 100 milliards USD sur une période de 25 ans. Le Plan d’action pour le Relèvement et le développement National d’Haïti (PARDNH) a prévu 34.5 milliards d’USD sur 22 ans.

Naturellement, on aurait tendance à se baser sur le montant budgétaire annuel actuel autour de 2 Mrds USD. Toutefois, il serait plus réaliste de revoir les chiffres à la hausse et les situer au niveau du PSSN, soit 100 milliards, qui correspondent au montant prévu par la FONHDILAC par extension. D’autant que, selon les hypothèses de taux croissance annuel du PIB (8-12%) prévues par la FONHDILAC, il faudra des investissements annuels (APD, publics, privés et financement à partir de l’exploitation de nos ressources minières) de l’ordre de 4 milliards d’USD/an pour soutenir cette croissance sur une période de 25 ans pour faire d’Haïti, « un pays émergent et moderne » à l’horizon de 2040.

Haïti pourrait sur le moyen terme financer son développement si l’on se basait sur les informations fournies par l’Ing. Antoine Dimanche et le Dr Henry Vixamar dans le cadre des interviews sur Radio Métropole et d’autres sources. Haïti disposerait de 500 Trillions de m3 de gaz naturel suite au séisme du 12 Janvier 2010, selon l’Ing. Dimanche, elle disposerait de ressources minières de très bonne qualité dont l’iridium (1 tonne d’iridium coute 45 Mrds USD, selon Dr Vixamar). Une autre source a estimé à 100 Trillions USD les ressources minières d’Haïti. Il nous suffirait, si ces informations s’avéraient exactes, de bien planifier sur la durée l’exploitation de nos mines pour financer notre développement.

IX. LA DUREE

La mise en œuvre de la refondation de l’Etat d’Haïti se fera en trois phases : l’urgence sur 2 ans, le relèvement sur 3 ans et la reconstruction sur 20 ans subdivisés en périodes quinquennales. Dans la réalité, les trois phases ne sont jamais aussi séquentielles et rigides. En effet, à cause de la vulnérabilité du pays, durant au moins les dix premières années de la reconstruction, l’Etat aura à gérer les urgences annuelles liées aux intempéries, et même au-delà, il y aura toujours des urgences à gérer. C’est pourquoi, il faudra des phases parfaitement imbriquées, articulées et intégrées de façon à former un tout cohérent conduisant au développement durable de notre pays. Ce calendrier doit tenir compte des investissements prévus dans le plan stratégique développement d’Haïti (PSDH) qui a remplacé le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH), des investissements des secteurs privés haïtiens et étrangers, de la diaspora haïtienne et de l’exploitation de nos ressources propres (humaines, naturelles et minières). Une période de 5 à 7 ans serait suffisante pour atteindre la vitesse de croisière, si nous arrivions à bien gérer les risques inhérents à une telle entreprise aussi ambitieuse de refonder un Etat, et pas n’importe lequel, le plus imprévisible de tous et aussi le plus surprenant.

X. LES RISQUES ET LA GESTION DES RISQUES EN GUISE DE CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Avec l’Etat d’Haïti actuel, les risques en temps normal se retrouvent à chaque pas. Dans le cas qui nous concerne de promouvoir la mise en place d’un nouvel Etat, la refondation de l’Etat d’Haïti selon une vision haïtienne, il faudra les multiplier par 4 sinon plus. Aussi allons-nous sélectionner quelques-uns qui pourraient surgir à n’importe quelle phase du processus de refondation de l’Etat.

La gestion des risques et désastres
Haïti fait face à des risques cycloniques et sismiques, car elle est sur la route des cyclones qui pourraient atteindre la catégorie 5 avec le changement climatique, et basée sur un réseau de failles sismiques susceptibles de provoquer des tremblements de terre assez violents (7, 8 de magnitude) et d’éventuels tsunamis. Son degré de dégradation environnementale la rend encore plus vulnérable. Ces données doivent être prises en compte dans les politiques publiques. C’est pourquoi, chaque année, dans le budget de la République, les fonds pour la mise en œuvre d’un plan annuel de contingence doivent être inscrits pour gérer ces risques jusqu’à ce que le pays atteigne un niveau de développement qui tienne compte de ces données et qui permettent, une fois le niveau de vulnérabilité jugé assez réduit, de diminuer proportionnellement les coûts prévus pour manager ces risques et désastres. Donc, il faut éviter de refaire pareil.

Tentation de refaire pareil
Dans le cas d'Haïti dévastée, il ne peut s'agir seulement, ni d'abord, de reconstruction technique d'infrastructures et de structures. Il s'agit fondamentalement de reconstruction politique et sociale orientant la reconstruction économique et technique. Ce serait gaspiller l'aide internationale et toute la solidarité citoyenne partout mobilisée à tous les niveaux, si l'on se contentait de refaire une copie neuve sur papier vélin de la société d'avant le séisme et Matthew.

Dans cette perspective, il ne suffit point de déclarer dans des discours politiquement corrects qu'on reconnaît et respecte la souveraineté d'Haïti. Il faut le montrer dans la pratique et les formes d'aide. C'est d'autant plus nécessaire que l'État haïtien, fragilisé avant le séisme, s'est quasiment effondré après le séisme et l’ouragan Matthew. Ainsi blessé presque à mort, il est devenu une proie facile pour tous les États forts tentés de se conduire en redresseurs d'États fragiles. La nouvelle administration devra être très vigilante dans ses rapports avec ses partenaires de la communauté internationale.

Les rapports avec la communauté internationale
L'extrême fragilisation des gouvernements successifs depuis 2004 et de l'État pourrait faire croire à certains qu'Haïti n'a plus les moyens de s'autogouverner dans le court terme. D’où la CIRH et « cette assistance mortelle» décrite par Raoul Peck. Nous voulons avoir des relations équilibrées avec la communauté internationale telles que prévues par les principes de la déclaration de Paris. Le peuple haïtien n'a besoin d'aucun «consortium» de pays amis pour gérer la crise à sa place, ce qui mettrait entre parenthèses la souveraineté d'Haïti. Même si l’expertise technique ainsi que l’appui financier de ces pays demeurent incontournables, tout au moins dans un premier temps. Donc, ni protectorat déclaré, ni tutelle déguisée! La refondation de l’Etat d’Haïti exige des rapports harmonieux, mais aussi équilibrés entre partenaires.

La lenteur de l’Etat à décider
Pour avoir une chance de réaliser ce rêve de refonder Haïti, l’Etat doit se départir de sa lenteur proverbiale. Il est impératif que l’Etat Haïtien entame des démarches pour sauvegarder l’intérêt collectif en mettant en place cette Agence de développement d’Haïti pour assurer le suivi du PSDH. Ce faisant, il éviterait que les haïtiens, individualistes invétérés, en l’absence de l’État, ne continuent à construire n’importe comment comme ils le font déjà, selon le « common sense » et en fonction purement de leurs intérêts égoïstes, il donnerait un signal fort à la CI sur son intention d’investir dans le durable. Dans le cas contraire, un travail de sensibilisation auprès des trois (3) pouvoirs de l’Etat devrait être entrepris par tous ceux qui se retrouvent un tant soit peu dans ce document d’orientation et qui y adhèrent même informellement.

La résurgence des vieux démons de division
Durant les premières heures après le séisme et de l’ouragan Matthew, la solidarité entre haïtiens a été vantée par les observateurs étrangers. Beaucoup de gens se sont sacrifiés pour sauver d’autres frères et sœurs. Avant l’arrivée des secours, on a partagé même un morceau de pain. Mais, depuis quelque temps et durant la période électorale, on sent l’exacerbation de la division. Le pays a payé les pots cassés. La bataille pour le pouvoir en 2010 a fait des morts et des dégâts estimés à plus de 100 M d’USD. A partir des résultats contestés  de la présidentielle de novembre 2016, les blessures de division risquent de prendre du temps pour se cicatriser. D’où la nécessité de cette grande concertation nationale pour nous réconcilier avec nous-mêmes. Il faut à tout prix arriver à gérer cette division en nous concentrant sur l’essentiel, la reconstruction du pays, la refondation de l’Etat d’Haïti.

La mainmise d’un petit groupe avec l’appui de la communauté internationale
La communauté internationale (CI) a sa clientèle en Haïti, un petit groupe qui le plus souvent voit ses intérêts avant ceux du pays. Il faut qu’elle change sa façon d’opérer pour se mettre à la hauteur de l’évènement et s’ouvre un peu plus sur d’autres catégories de gens. Les gens de bien qui veulent voir changer les choses pour de bon doivent se liguer contre ce petit groupe. Et la CI doit faire l’effort aussi de s’ouvrir à d’autres groupes qui, certes, ne maitrisent pas son jargon mais qui ont les compétences et l’honnêteté nécessaire pour accompagner cette refondation de l’Etat dans le sens de la collectivité.

La lutte hégémonique entre les grands pour des raisons économiques et géo-stratégiques
Ce séisme et le passage de Matthew montrent déjà la volonté des grands de se battre pour avoir le leadership de la refondation/reconstruction. Cette bataille entre les grands pourrait compromettre cette reconstruction ou la conduire dans des directions opposées à cette vision à l’haïtienne. Les haïtiens doivent faire preuve d’intelligence pour tirer le meilleur parti pour Haïti dans cette lutte des grands. Selon certains experts, il est de plus en plus sûr que notre sous-sol dispose de certaines matières assez rares et même du pétrole, on estime à 100 trillions de USD les ressources enfouies dans notre sous-sol ; en tout cas, notre pays est placé dans une position stratégique par rapport au reste de la Caraïbe et de l’Amérique Latine. Il nous faudrait avoir une conscience informée de notre réalité pour bien négocier cette solidarité internationale conduite par les grands de ce monde ou tout au moins la gérer pour le mieux.

La barrière constitutionnelle
La constitution de 1987 pourrait constituer une barrière sur certains aspects liés à la refondation de l’Etat suivant la vision dégagée. Il faut voir cette refondation au-delà du prisme de la Constitution de 1987. Il faudrait, si nécessaire, soit la modifier, soit la changer. Même si en tant qu’élément de notre lutte démocratique, il serait préférable de l’amender dans le cadre d’une grande concertation nationale semi souveraine au lieu de la changer pour préserver son côté symbole.

L’amélioration de l’image du pays
L’image du pays n’a cessé de se dégrader au cours de ces 30 dernières  années. Les agences internationales dans leur évaluation périodique continue à considérer Haïti comme un endroit à risque de plus en plus élevé. Ces considérations ne sont pas sans conséquences sur la gestion de la collaboration avec les bailleurs de fonds. Les conditions se durcissent, rendant du coup la mise en œuvre des projets et programmes de développement plus compliqués à se mettre en œuvre dans des délais convenables. Un effort sensible au niveau de la gouvernance s’avère être aussi important qu’urgent. Des actions visibles visant la réduction de la corruption et/ou tout au moins sa perception, par exemple, seraient de grande utilité pour amorcer un changement positif de l’image que nous donnons au monde.

La résistance au changement
La résistance au changement va être l’obstacle le plus difficile à gérer, selon Charles Cadet, l’ex-responsable de la très sérieuse Commission Nationale de la Réforme administrative (CNRA) qui avait fait des propositions pertinentes et innovantes pour la restructuration et la refondation de l’Etat, oubliées jusqu’à cette minute dans les tiroirs de l’administration de l’Etat. Il faudrait plus qu’un simple groupe comme la FONHDILAC, mais l’adhésion de la Nation Haïtienne pour porter cette vision de la refondation/reconstruction/construction de l’Etat d’Haïti qui doit redevenir, à terme, La perle des Antilles ou l’exception culturelle de la Caraïbe, et rentrer dans le cercle des pays émergents à l’horizon 2040.

FONHDILAC. Avril 2011

Actualisé en Février 2017

mercredi 25 janvier 2017

HAITI : BILAN 2016, PERSPECTIVES 2017, LE SECTEUR AGRICOLE PRINCIPAL RESPONSABLE DE LA CROISSANCE DE 2016, PEUT-IL IL REFAIRE « LE MEME EXPLOIT » EN 2017?


HAITI : BILAN 2016, PERSPECTIVES 2017, LE SECTEUR AGRICOLE PRINCIPAL RESPONSABLE DE LA CROISSANCE DE 2016, PEUT-IL IL REFAIRE « LE MEME EXPLOIT » EN 2017?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
25 JANVIER 2017

Désigné « locomotive de la croissance » par l’administration Martelly à la fin de l’exercice 2014-2015 (Réf.http://jrjean-noel.blogspot.com/2015/09/haiti-elections-2015-le-secteur.html ), le secteur agricole s’est vu accorder 9.7% dans le budget 2015-2016 et a bénéficié, après 3 ans de sècheresse, de la bonne pluviosité suite au passage sur Haïti de l’ouragan Erika (28 Aout 2015). Et, malgré un long processus électoral avec des péripéties que l’on sait, le pays a pu connaitre une croissance du PIB de 1.4 %, certes inférieure aux prévisions (3.6%) mais surprenante en une année électorale avec très peu d’investissements de la communauté internationale, et dans le cadre d’un budget rectificatif où la part du budget du secteur agricole a été ramenée à moins de 7%. Alors, le secteur agricole, qui est le principal responsable de cette croissance de 1.4%, peut-il refaire le même exploit en 2017?

L’apport du secteur agricole dans la composition du PIB
A la fin de l’exercice 2014-2015, le ministre Dorcin, l’architecte de la nouvelle orientation  du secteur agricole basée sur des pôles de croissance articulés autour des 5 châteaux d'eau du Pays et des périmètres irrigués  et irrigables en aval de ces châteaux d'eau, a été remplacé par le ministre Valbrun. Ce dernier s’est approprié cette nouvelle orientation en phase avec la locomotive de la croissance. Par contre, le ministre Laurore, qui a remplacé Valbrun dans le cadre du nouveau gouvernement de l’administration du Président Privert, ne s’est pas senti lié à cette vision de locomotive de la croissance non adoptée par la nouvelle administration, mais ne s’est pas départi du programme mis en place par ses prédécesseurs.

Il faut noter aussi à la décharge de ce taux de croissance du secteur agricole (i) les investissements dans le secteur par les principaux acteurs, les petits exploitants agricoles qui, bon gré mal gré, investissent plus de 1 milliard de dollars américains annuellement, dans le cadre de ce qu’on appelle l’agriculture familiale, (ii) l’apport des divers projets sous financements internationaux et exécutés par le ministère de l’agriculture à travers les unités de coordination de projet (UCP), (iii) l’apport des projets sous financements internationaux (bilatéraux et multilatéraux) à travers les ONG, (iv) l’apport des investissements privés (gros investisseurs) dans le cadre de l’agri business, improprement appelé « agriculture commerciale » dans le document intitulé « Programme Triennal de Relance Agricole (PTRA 2013-2016) ».  

La campagne d’hiver (25% de la production annuelle) s’est donc achevée sur un niveau de production acceptable. La campagne de Printemps (60% de la production) qui était en cours à l’arrivée du ministre Laurore, a eu la même attention de la part du ministère de l’agriculture et des autres acteurs du secteur et a eu aussi un bon niveau de production. Il en a été de même pour les autres campagnes agricoles. La bonne pluviosité, qui a arrosé Haïti durant tout l’exercice, a été le facteur déterminant dans la réussite de la production agricole de cette année, malgré les turbulences politiques liées au processus électoral.

Cette bonne production agricole a été l’élément fondamental dans la composition de la croissance en se situant autour de 3% (Tableau 1). « Le secteur agricole, selon IHSI, qui avait plombé l'économie haïtienne en 2015 a été en grande partie à l'origine de la croissance du PIB cette année. En effet, selon les premières estimations effectuées à partir des données partielles et provisoires fournies par le Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), la Valeur Ajoutée à prix constant de la branche Agriculture, Sylviculture, Elevage et Pêche est passée de 3131 millions de gourdes en 2015 à 3226 millions de gourdes en 2016, soit une augmentation de 3.0%, contre une chute de 5.4% l'année précédente ».

Tableau 1 : PIB ET SES COMPOSANTES EN SEPTEMBRE 2016
PIB ET SES COMPOSANTES EN SEPTEMBRE 2016

PREVISIONS ECONOMIQUES
2014
2015
2016
SEMI DÉFINITIFS
ESTIMÉES
ESTIMÉES
PIB EN MILLIARDS HTG
15 439
15 626
15 851
Taux de croissance réel
2,8%
1,2%
1,4%
Secteur primaire
-1,4%
-5,4%
3,0%
Secteur secondaire
5,5%
3,2%
0,8%
Secteur tertiaire
3,6%
2,9%
1,2%
Source : MEF-Septembre 2016

C’est donc grâce à l’exploit du secteur primaire (secteur agricole) que notre pays a pu avoir ce taux de croissance du PIB un peu surprenant en année électorale. Le secteur secondaire a contribué à hauteur  de 0,8% tandis que le secteur tertiaire à hauteur de 1,2%. On est donc très loin des prévisions de 3.6% du PIB.

Les explications de l’IHSI relatives à ce faible taux de croissance du PIB global
Regardons de plus près les explications fournies par l’IHSI, hormis le secteur agricole,  dans les comptes économiques en 2016 et les parties soulignées pour attirer votre attention :
« Parmi les autres branches d'activités qui ont contribué à l'accroissement du PIB de 2016, on peut citer la hausse de 1.5% des industries manufacturières qui ont été surtout menées par les industries alimentaires (4.0%) et la Fabrication de papier et d'imprimerie (3.9%). Cette dernière a pu bénéficier du dynamisme créé dans le secteur par les activités électorales. Les autres branches d'activités ont gardé un profil plutôt bas.
Par exemple, contrairement aux années précédentes, la Branche Bâtiment et Travaux Publics, dont la Valeur Ajoutée a quasiment stagné (0.2%), n'a pas vraiment participé à l'augmentation du PIB.
Du point de vue de la demande globale, la croissance a été tirée par une hausse, en volume, de 1.2% de la Consommation Finale et de 1.1% de l'Investissement Global. La Consommation a été soutenue en partie par l'augmentation de 7%[1] des envois de fonds des travailleurs de la diaspora et la progression de 12%[2] de la masse salariale de l'Administration Publique.
L'Investissement public ayant chuté selon le TOFE[3](Tableau des opérations financières de l’Etat), la légère hausse de l'Investissement Global observée peut être attribuée au secteur privé. En attestent l'accroissement de 2.2%[4] de l'Investissement Direct Etranger (IDE) et l'augmentation de 17%[5] des crédits octroyés au secteur privé par le système financier. La légère hausse des Exportations de 0.7% résulte surtout de l'effet du taux de change.
L'année 2016 a été également marquée par une forte dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain, passant de 51.8 gourdes pour un dollar américain en septembre 2015 à 65.2 gourdes en septembre 2016, soit une chute de près de 26%. Evidemment, la décote de la monnaie haïtienne a impacté l'inflation qui, contrairement aux prévisions de 6.2% au début de l’exercice, a atteint, en glissement annuel, 12,5% à la fin de l'année fiscale 2016 ».  

Je voudrais ici insister sur (i) la stagnation du secteur Travaux publics et bâtiments, principal contributeur au PIB dans un passé récent, (ii) l’augmentation de 7% des envois de la diaspora, (iii) la hausse des exportations de 0.7%, due à la décote de la gourde (iv) la décote de la gourde (26% de chute) et son impact négatif sur l’inflation (12.5%).

La situation est donc loin d’être rose. La principale explication à ce faible taux de croissance du PIB est l’instabilité politique, un véritable fléau pour l’économie nationale. Avec un tel niveau de croissance du PIB, Haïti est loin de sortir de la pauvreté. En effet, le taux de croissance de la population se maintient autour de 1.5%. Il nous reste donc des efforts sérieux à faire et à mettre en place des politiques publiques appropriées pour sortir de la pauvreté, en particulier dans le secteur agricole.

La nécessité de rééditer l’exploit du secteur agricole en 2017 et dans les années à venir
Contrairement à ce qui a été prévu par l’accord du 6 février 2016 et conformément à la principale recommandation du rapport de la Commission Indépendante  d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE), l’administration Privert a procédé à la reprise totale des élections présidentielles. Ces élections se sont soldées par  la victoire de Jovenel Moïse. Cette victoire a dû être confirmée, le 3 janvier 2017, par le bureau du contentieux électoral national (BCEN) après contestations de ses trois poursuivants immédiats. Ces derniers refusent d’ailleurs jusqu’à présent de reconnaitre sa victoire, criant au « coup d’Etat électoral » mais acceptant la victoire des autres élus aux municipales, à la députation et au Sénat. Comme quoi, dans un même processus électoral, il peut y avoir deux poids et deux mesures. En tout cas, celui qui se veut le champion de l’agriculture ne sait pas encore s’il rentrera au Palais National, le 7 Février 2017, puisqu’il est indexé dans une affaire de blanchiment des avoirs par l’unité centrale de renseignement financier (UCREF). Toutefois, celui qui « veut mettre ensemble les gens, la terre, le soleil, les rivières » pour donner un second souffle à l’agriculture, ne s’avoue pas vaincu et se bat comme un diable dans un bénitier pour sauver sa réputation et accéder au pouvoir en vue de « continuer, améliorer et innover » ce que le Parti Haïtien Tet Kalé (PHTK) avait initié avec l’ex-président Martelly. Je rappelle ici que c’est l’administration Martelly qui avait déclaré le secteur agricole «  locomotive de la croissance », en lui accordant 9.7% du budget de 2015-2016 et qui a proposé cette orientation de développement du secteur par pôles de croissance articulés autour des cinq (5) châteaux d’eau du pays.

Pour bien jouer ce nouveau rôle, il faut donner les moyens au secteur. Depuis bien avant 2009, nous faisons un plaidoyer pour accorder 10% du budget national à l’agriculture. En 2015, l’administration Martelly a enfin consacré 9.7% du budget national au secteur. Nous nous sommes posé la question, qu’en sera-t-il après Martelly ? Maintenant, avec le retour de PHTK au pouvoir après l’intermède Privert, la question ne devrait plus se poser. La nouvelle administration, issue des élections  et qui domine le Parlement, ne devrait pas avoir trop de problème à maintenir ce cap de 10% et même plus. Par analogie aux budgets passés et suite au passage de Matthew, qui a causé des dégâts équivalents  à 603.8 M USD (7% du PIB), il serait intéressant de consacrer 2 Mrds USD au secteur pour les 5 prochaines années dans le cadre d’un budget global de 20 Mrds USD. L’approche par châteaux d’eau  devrait permettre de mettre l’accent sur la régénération des bassins versants, garantissant par ainsi la protection du territoire en prévision d’un autre ouragan de même catégorie que Matthew, tout en favorisant l’augmentation de la production agricole en vue de satisfaire à terme les besoins alimentaires du pays et d’exporter le surplus vers l’extérieur. D’où la nécessité de politiques publiques visant la sécurité alimentaire du peuple haïtien (souveraineté alimentaire comme finalité ?), avec accent particulier sur les autres secteurs impliqués dans la mise en œuvre du plan national de sécurité alimentaire (PNSAN 2010-2025) en phase de reformulation, tels la santé, l’éducation, les affaires sociales, les travaux publics, la planification, l’économie et les finances, etc.

Comme l’a remarqué l’IHSI dans les comptes économiques de 2016 : « En termes de perspectives, il convient de noter que l'année fiscale 2017 est mal partie à cause de la nature qui n'a pas été clémente dès les premiers jours du mois d'octobre. Les résultats positifs obtenus, particulièrement dans la campagne agricole de printemps 2016, ont été quasiment bousillés par le passage du cyclone Matthew dans au moins quatre des dix départements géographiques du pays (le Grand Sud). Cette catastrophe naturelle a considérablement décapitalisé les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs pour ne citer que ceux-là. Si des actions adéquates ne sont pas menées en vue d'une recapitalisation appropriée, cette situation risque de mettre à mal la performance attendue de l'économie haïtienne en 2017. (Réf. http://www.ihsi.ht/pdf/comptes_economiques_en_2016.pdf ) ».

En tablant sur une bonne pluviosité suite au passage de Matthew, l’agriculture haïtienne, qui est essentiellement pluviale, pourrait espérer augmenter sa performance au cours de 2017, moyennant une attention particulière de la part des pouvoirs publics. Le plan de réponse post Matthew de 179 M USD sur 7 ans peut aider mais ne correspond pas à une réponse vigoureuse face aux dégâts enregistrés. Il est impératif de s’en servir partiellement dans le cours terme mais de le réviser à la hausse pour des résultats de moyens et de longs termes. Dans le cadre des états généraux sectoriels projetés par la nouvelle administration, le plan de réponse devrait être mis en débat. Le redimensionnement du plan autour de 2 Mrds USD sur 5 ans pourrait être, entre autre, une finalité à atteindre.

Pour améliorer la performance du secteur et favoriser son apport au PIB global, il faudrait un plan de réponse axé sur (i) la réforme institutionnelle, avec accent particulier sur les structures déconcentrées et décentralisées, (ii) le renforcement de l’agriculture familiale, (iii) l’agri business, (iv) les services techniques, financiers et d’assurance agricole (conservation, transformation, commercialisation des produits agricoles), (v) la réhabilitation et la mise en place d’infrastructures agricoles performantes, (vi) la régénération des bassins versants, avec accent particulier sur les châteaux d’eau, les sources, les ravines, les rivières, etc.

Ainsi, la bonne pluviosité aidant, l’application du plan de réponse, la gestion des catastrophes naturelles, la bonne gouvernance en termes de coordination, d’orientation, de régulation et de suivi/évaluation devraient favoriser une meilleure performance du secteur en 2017 et, dans les années à venir, de contribuer autour de 5% et plus à la performance du PIB global du pays, moyennant un pacte de stabilité issu d’une entente nationale pour le développement d’Haïti. N’est-ce pas là une cause pour laquelle tous nos hommes politiques devraient se battre, si l’on se réfère à leur amour déclaré pour la patrie commune? Une fois ce pacte de stabilité adopté, si pacte il y aura, notre pays pourrait appliquer dans sa gestion de la chose publique cette trilogie basée sur la continuité, l’amélioration et l’innovation, chère au nouveau Président de la République.



[1]  Banque de la République d'Haïti, BRH
[2] Ministère de l'Economie et des Finances, MEF
[3] TOFE: Tableau des Opérations Financières de l'Etat, MEF
[4] ) : Banque de la République d’Haïti, (BRH)
[5] Banque de la République d’Haïti, (BRH)