HAITI A L’HEURE DE VERITE
JEAN ROBERT JEAN-NOEL
29 AVRIL 2012
Aujourd’hui, les ministères de l’agriculture et des affaires sociales ont
lancé les festivités du 1er Mai 2012 sur le campus de Damien. C’est
l’occasion de saluer la grande famille de Damien qui profite de l’occasion pour
se ressourcer durant ces trois jours. En fonction de tous ces efforts déployés
pour décorer magnifiquement la cour de Damien, lieu central de cette grande
fête du travail et de l’agriculture, la fête s’annonce déjà belle avec cette
foire agro- industrielle et artisanale doublée de l’animation musicale de
« Boukman Experyans ». Durant ces trois jours de festivités, Haïti
vivra au rythme de l’agriculture et du travail. Les Directions départementales
du ministère participent aussi aux festivités dans leur aire d’intervention respective.
L'espoir: campagne de Printemps, dossier d'emplois et "vivre ensemble"
Nous sommes en pleine campagne de Printemps qui fournit annuellement 60% de la production agricole du pays. Les abondantes pluies d'avril causent des dégâts importants au niveau de Port-au-Prince et autres grandes villes mais permettent d’augurer des résultats plus qu’acceptables au niveau de la production agricole malgré des semences non appropriées. Dans le cadre d'ABA GRANGOU, le ministère de l'agriculture a produit un dossier de plus de 20 M USD susceptible de générer près de 130000 Personnes-Mois (P-M) de travail, s’il est mis en œuvre au niveau des dix (10) départements. Haïti devrait donc s’estimer heureuse et vivre avec beaucoup d’espoir durant cette période pré-cyclonique.
En outre, avec un Premier Ministre ratifié à moitié qui a de forte chance de l’être entièrement sous peu et un Président convalescent qui « a frôlé la mort » et qui est prêt « à retrousser ses manches » pour se remettre au travail sur la terre natale en commençant par la commémoration de la première année de sa prise de pouvoir le 14 mai prochain, l'espoir devrait nous rendre optimistes et positifs. Enfin, cette interview de Martelly qui rassure devrait nous convaincre du demarrage prochain de ce "vivre ensemble".
L’interview du Président
En effet, le Président a donné, le jeudi 26 avril 2012, une longue interview à Alex
St Surin de Radio MEGA basée à Miami et relayée, pour la circonstance, par près
d’une cinquantaine de radios à travers Haïti et qui est passée par la suite sur
les chaines de télévision en Haïti. Il a
fait un bilan positif de sa première année de gestion et a reconnu avoir
beaucoup appris et s’est grandement assagi par rapport à son rôle de Président,
Chef de l’Exécutif, en ce sens qu’il ne peut agir seul sans les autres
pouvoirs, en particulier le Parlement, comme il le croyait auparavant. En d’autres
termes, certaines erreurs commises ne se renouvelleraient plus. C’est tout au
moins ma lecture de cette interview empreinte d’une grande sincérité.
Regardons ensemble ce qui s’est passé au cours de ce mois d’avril 2012.
La mort d'un jeune policier
La situation d’insécurité qui prévalait à la fin du mois dernier et au
début du mois d’avril a semblé baisser d’un cran à partir d’une opération coup
de poing menée par la police nationale. Il faut noter aussi que le Directeur
Général, qui était convalescent, a repris du service. Cela n’a pas empêché la
mort par balle d’un jeune policier de 27 ans, qui parait-il, aurait été l’objet
de menace de la part d’un Député. Celui-ci a été interrogé par la Justice en
présence du Président de la Chambre Basse. En tout cas, la mort de ce jeune
policier a valu à notre pays une journée de grève « très chaude », le lundi 23 avril
2012. Ce qui a considérablement ralenti les activités ce jour-là.
Les « anciens
militaires »
La semaine d’avant, les « anciens militaires » qui sont présents
actuellement sur l’ensemble du territoire de manière très visible, se sont
sentis en droit de pressurer le Parlement. La Chambre des Députés qui devait se
pencher sur le dossier du Premier Ministre a du y surseoir momentanément en
attendant que la lumière soit faite sur l’attitude de « ces bandes armées ».
La convocation des anciens militaires par le Ministère de l’intérieur pour régler la question d’arriérés de
salaires, de fonds de pension de ces derniers a débouché sur la vocifération de
certains d’entre eux devant les médias et cette menace d’appliquer « le
plan B » que seuls les militaires en ont connaissance jusqu’à présent. Ce
qui pourrait être exploité par des loups qui le mettraient sur le compte des anciens militaires.
La corruption et la
République Dominicaine?
Toutes ces agitations ont été précédées deux semaines plus tôt de cette « révélation
de corruption » venant de la République voisine avec l’implication d’un
sénateur dominicain, proche du Président Fernandez, et principal contributeur
de son parti, le PLD, qui aurait versé, à travers ses entreprises opérant en
Haïti , des fonds à nos deux candidats, Mme Manigat (250,000 USD) et Mr
Martelly (2,500,000 USD) lors du second tour des élections haïtiennes et dont
une partie versée au Président après sa prise de pouvoir. Ce que les deux ont
naturellement nié. Où est la vérité ?
Cette affaire semble être liée à la
campagne électorale qui bat son plein en République Dominicaine dont le
Président sortant a jugé bon de décorer le Président Martelly dans le cadre
d’une grandiose cérémonie de l’autre coté de l’Ile qui a été interprétée comme
un show électoraliste par la partie d’en face. En tout cas, comme par hasard,
un colonel dominicain appartenant au camp adverse en République Dominicaine
(PRD), est accusé d’être en train de formuler un complot avec un haïtien contre le Président Martelly.
Comme quoi, dirait-on, difficile de savoir la vérité. En période électorale, tout
est permis.
Cette affaire a occupé les médias en lieu et place des grands dossiers du
pays comme le budget qui attend peut-etre la ratification définitive du Premier Ministre,
si ratification il y en aura à 5 mois de la fin de l’exercice fiscal 2011-2012.
Ce qui augure un taux de croissance beaucoup plus faible du PIB pour l’exercice
en cours. Mais on s’en fiche mis à part le Group Croissance et d’autres fous
comme moi qui croient encore dans l’avenir de ce coin de terre.
La semaine de la Finance du
Group Croissance
Un succès pour les organisateurs, un autre regard sur le pays. Tout le
monde de la finance haïtienne était au rendez-vous. De nouveaux concepts, de
nouvelles idées pour les non initiés : « l’insécurité financière »
avec la concentration de 87% des disponibilités financières au niveau du
Département de l’Ouest, la nécessité de « l’inclusion financière »
pour relancer l’économie et déboucher sur cette croissance durable, cette révolution
de croissance. C’a été l’occasion d’honorer deux personnalités importantes de
la finance : Mme Gladys Coupet de la Citi Bank et Mr Henry Bazin, ancien
ministre de l’économie. Cette 2e édition nous a permis à nous autres
de nous évader et de réfléchir sur l’avenir de ce pays bien aimé et tellement
mal compris par nos politiques qui préfèrent se battre pour en avoir la
jouissance et non pour son développement. Il ne faut pas non plus mettre tous nos
politiques dans le même panier. C’est peut-être la faute du système mis en
place en 1806 et qui se renouvelle en accentuant son coté exclusiviste,
exclusion par rapport à nos ruraux, exclusion financière (13%) et autres (services, emplois) par rapport à nos villes de province, et exclusion par rapport à notre diaspora.
La semaine de la Diaspora
La semaine de la diaspora a été l’occasion de nous retrouver, les haïtiens
de l’intérieur et les représentants de la diaspora, notre principal bailleur de
fonds avec plus de 1.5 Mrds USD l’an, le principal responsable de notre survie.
Economie oui, politique non, ou tout au moins, très partiellement. A quand la
participation à la vie politique du pays sans restriction aucune de ce
réservoir de compétences, de connaissances ? Il faudrait y penser
sérieusement si on veut sortir de ce sous-développement chronique et contempler
cette révolution de croissance avec une répartition equitable de ses fruits. Pour cela,
il nous faudrait de la stabilité politique avec des gouvernements qui arrivent
à travailler en paix sans la peur d’un renvoi par le Président ou par le
Parlement.
L’absence d’un gouvernement
En l’absence du Président qui est revenu juste pour rencontrer le Président Mexicain en visite officielle en Haïti et contraint de repartir pour se
faire soigner en urgence aux USA, Haïti a souffert de l’absence d’un
gouvernement. La tentative du Premier Ministre démissionnaire de faire sentir
sa présence lorsque les policiers fâchés de l’assassinat de l’un d’entre
eux et qui voulaient se venger sur le
Député rendu « responsable » de cet acte odieux, n’a pas été bien
vue. Au 6e Sommet des Chefs d’Etat des Amériques en Colombie, Haïti n’a été
représentée que par son ministre des
affaires étrangères démissionnaire et moitié Premier Ministre. C’est notre
vérité et nous la trouvons normale. Même si nous savons pertinemment que, sans gouvernement, aucun bailleur ne s’aventure
à honorer ses promesses et que sans budget le pays ne fait que naviguer sans
boussole.
¼ de Premier Ministre
C’est pourquoi nous utilisons un prêt comme PETROCARIBE pour des dépenses
courantes et non pour des investissements sérieux et rentables. Par exemple,
nous disons vouloir faire de l’agriculture notre principal pilier de
croissance. Qu’avons-nous fait pour cela ? Rien. Pas même le vote des 10% du budget national
souhaités. La loi budgétaire n’est pas encore votée à cause essentiellement de
la démission du Premier Ministre et à cause de la lenteur de ratification du
nouveau Premier Ministre, en la personne de Laurent Salvador LAMOTHE, notre
moitié Premier Ministre à date. Un ami a plaisanté en parlant de notre « 1/3
PM ». Il est devenu très sérieux en m’expliquant, non seulement, il doit
passer l’étape de la Chambre basse et aussi celle de l’énoncé de sa politique générale devant
les deux chambres, séparément s’il vous plait. « Je devrais parler de
notre ¼ PM par rapport à ce qui reste du processus de ratification » a-t’il
conclu le plus sérieusement du monde. En y réfléchissant bien, cela nous ramenera
au-delà de 8 mai 2012, date de départ des « dinosaures du Sénat ». Ce qui pourrait perturber le processus.Voilà
la vérité, notre vérité.
L’heure de vérité
Pour réaliser le programme 4 E du Président
Martelly, le PM Conille avait présenté une politique globale de 15 Mrds d’USD
sur 5 ans. Il n’avait pas eu le temps de faire adopter son budget d’approximativement
de 3 Mrds d’USD pour l’exercice en cours, et le secteur agricole n’a pas eu les
10% souhaités (300 M USD) de ce budget pour favoriser l’atteinte de cet objectif global de 7.8% de croissance. Avec la ratification de Mr LAMOTHE, si ratification il y
en aura, il nous faudrait revoir le budget et le ratifier avec 7 mois de
retard. Les résultats seront forcément en deçà des prévisions. Nous sommes donc
à l’heure de vérité. Continuons-nous à nous enfoncer ou faisons-nous ce
consensus minimum autour de LAMOTHE ? Al chita avek analyz bidon’w yo. Vye
neg Martelly. Nap fout continye pi red ! Quelle tristesse ! C’est notre
vérité ! Nous sommes en plein là dedans ! Singulier petit pays !
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