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dimanche 31 août 2014

HAITI, IMBROGLIO POLITIQUE, DESRAS INCONTOURNABLE (?)


HAITI, IMBROGLIO POLITIQUE, DESRAS INCONTOURNABLE (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 AOUT 2014


A la fin de mon article de juillet 2014, j’avais évoqué ce malaise indéfinissable lié à une sorte d’anthropie  politique et je m’interrogeais sur ce qui allait à se passer après le Carnaval des fleurs (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/07/haiti-football-gogo-beaucoup-de-bonnes.html). En dépit de la mise en place  de ce CEP « acceptable » réclamé par la plupart des acteurs politiques, le Sénat n’a pas encore voté, plus de 158 jours depuis son vote par la Chambre Basse, la loi électorale amendée. La grande majorité des haïtiens y inclus certains anti-Martelly, attendent impatiemment  ce vote. A chaque fois, le Groupe des six Sénateurs radicaux (G6), qui réclame l’application de l’article 289 pour la mise en place d’un CEP constitutionnel, infirme le quorum pour empêcher ce vote. Alors que tout le monde craint le spectre de la caducité du Parlement le deuxième lundi de Janvier 2015, un groupe de cinq Sénateurs (G5), proche du Pouvoir Exécutif, se propose de démissionner pour dénouer la crise électorale et favoriser l’organisation des élections à la fin de cette année, la date du 26 octobre n’étant plus de mise. Le Bureau du Sénat, en deux occasions, a sollicité un dialogue entre le  Président Martelly et les six Sénateurs y incluse l’opposition. Dans sa réponse, le Président invite les six Sénateurs au Palais National le lundi 1er septembre 2014 à 11h A.M. (rencontre reportée). En fonction des scénarii possibles, il nous est venu à l’esprit ce titre : «  Haïti, imbroglio politique, Desras incontournable(?)». Alors, analysons les divers scénarii sur le tapis avant de déboucher sur des considérations et conclusions appropriées.

I.                   LES CINQ SCENARII

Scénario No 1 : Le vote des amendements de la loi électorale par le Sénat avec appui du G6
Le CEP n’attend que le  vote de la loi amendée pour organiser les élections à la fin de décembre 2014. Selon M. Desras, la loi électorale telle qu’amendée et votée par la Chambre Basse, est valable à 90% pour organiser les élections. Lors d’une réunion organisée avec le CEP présidé par Max Mathurin, une commission sénatoriale, par la voix de notre ami, le Sénateur Privert, a proposé une vingtaine d’amendements en plus pour bonifier le texte amendé par la Chambre Basse. En cas de vote de ces amendements par le Sénat avec l’appui du groupe des 6 sénateurs « radicaux », il faudrait retourner le texte à la Chambre des Députés pour un vote dans les mêmes termes. On n’en est pas encore là, on en est même très loin. Le G6 est ferme sur sa position, il faudrait, au préalable, monter un autre CEP selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution. Et cela dure depuis plus de 150 jours. Le Bureau du Sénat sollicite un dialogue politique entre l’administration Martelly et l’opposition politique, en particulier le G6,  et pourquoi ne pas constater le blocage du processus par le G6 et ouvrir la voie  à l’application de l’article 12 de l’accord del Rancho ?

Scénario No 2 : L’application de l’article 12 de l’accord del Rancho
Il est un fait indéniable qui saute aux yeux, le G6 ne veut pas voter les amendements à la loi électorale et l’opposition radicale l’encourage à continuer en ce sens. La proposition de dialogue avec l’Exécutif ressemble beaucoup plus à une manœuvre pour gagner du temps. Les amendements additionnels proposés par la commission sénatoriale pourraient intégrer le texte dans le cadre d’une mise en application de l’article 12 de l’accord del Rancho. Or, pour appliquer l’article 12, il faudrait au préalable que les parties signataires de l’accord constatent la faillite de l’une d’entre elles. La Commission de suivi de l’accord devra se réunir avec les protagonistes pour constater le blocage et en faire part à la Médiatrice (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/04/haiti-sur-le-fil-du-rasoir-faut-il-en.html). Dans ce cas, il n’y a qu’une partie prenante qui pourrait refuser cette faillite, le Sénateur Desras. Voyons voir. Le Président de la République ne verrait aucun inconvénient à constater cette faillite ; le Président de la Chambre basse non plus ainsi que les partis politiques signataires de l’accord. Il ne resterait que le Président du Sénat à être réticent dans le constat de cette faillite. Dans le cas contraire, il serait donc possible d’appliquer sans problèmes l’article 12 par l’ensemble des parties prenantes, en prenant en compte les amendements proposés par la commission sénatoriale. Desras a-t-il l’étoffe nécessaire pour aider à débloquer la crise électorale  dans le cadre de l’accord Del Rancho qu’il a lui-même dénoncé à un moment de la durée? Ou laissera-t-il l’Exécutif avec le Groupe des cinq (G5) passer en force ?

Scénario No 3 : La démission du G5, le passage en force de l’administration Martelly vers  les élections ( ?)
Cette menace  de démission du G5 pourrait devenir réalité si elle favorisait le déblocage du processus comme le croit ce groupe. En effet, en démissionnant en bloc, ce groupe proche du pouvoir exécutif, permettrait à ce dernier de constater l’incapacité du Sénat à fonctionner et de constater la caducité du Parlement avant le 2e lundi de janvier 2015. Ainsi, l’Exécutif pourrait prendre un décret pour organiser les élections en décembre 2014, tout au moins le premier tour. Cette formule est vertement critiquée par le G6 et l’opposition. Mais est-elle si mauvaise que ça ? Ce sera une bonne chose si elle permettra d’éviter le chaos qui s’annonce le 15 janvier 2015. Ce serait une réédition  de ce qui s’est passé en 1999 sous la première présidence de M. Préval. Ce passage en force de l’administration Martelly vers les élections serait susceptible de jeter de l’huile sur le feu, selon certains observateurs, et de conduire à la chute du régime en place. En tout cas, cela arrangerait énormément l’opposition politique et le G6 ainsi que le Président du Sénat qui serait appelé à la rescousse pour remplacer le Président Martelly. Sacré Desras qui voudrait éviter tout cela, en proposant au Président de dialoguer avec l’opposition et le G6 !

Scénario No 4 : Le Dialogue politique entre l’Administration Martelly et l’Opposition
Le Président du Sénat a écrit, en deux occasions en moins de 15 jours, au Président de la République pour lui proposer de dialoguer avec le G6 et l’opposition. M. Martelly a répondu qu’il reste ouvert au dialogue mais semble réticent à l’idée de ce dialogue entre l’Exécutif et le G6, car les tentatives passées n’ont rien donné. Le porte parole de la Présidence a expliqué que c’est une manœuvre  visant à faire passer le temps et rendre complice l’Exécutif du blocage du processus électoral et du chaos qui pourrait suivre le 15 janvier 2015. Malgré cette attitude de refus de la part de l’Exécutif, la 2e réponse du Président Martelly au Président du Sénat, qui est venue après la conférence de presse du G6, a invité le G6 à venir dialoguer avec lui au Palais National, le lundi 1er septembre 2014 à 11 h AM. ( pourparlers reportés à une date ultérieure). 

Lors de la conférence de presse du G6, le 28 aout 2014, Sénateur Jeanty croit qu’il faudra négocier l’après 2014, car, selon lui, M. Mathurin, le Président du CEP, avait expliqué que, pour réaliser les élections, il faudrait mettre six mois à partir de la mise à disposition de la loi électorale au CEP. Partant de cette explication, Sénateur Jeanty croit qu’il ne peut y avoir d’élections en 2014. D’où la nécessité de s’asseoir avec l’Exécutif pour préparer l’après 2014 dans le cadre d’un dialogue inter haïtien (pourquoi ne pas revenir à El Rancho ?). Il a prêté l’intention à l’Exécutif d’être de connivence avec l’International pour diriger par décret et liquider les ressources du pays. C’est au bureau du Sénat, a-t-il précisé d’entamer des négociations avec l’Exécutif et non au G6 de solliciter ce dialogue. Ce que le Bureau du Sénat a fait avec la réponse positive du Président que l’on sait mais en fixant le lieu de la rencontre au Palais National. La grande question, pourquoi le G6 ne se décide à négocier que maintenant alors que la loi électorale amendée est à la chambre haute depuis plus de 150 jours ? De plus, le G6, à ce qu’il parait selon le Sénateur Benoit (émission Ramase de Radio Caraïbes du 30 aout 2014), n’accepterait pas d’aller au Palais National. Le G6 a toujours été sur la même position que le MOPOD. Or, à entendre Tunep Delpé, le MOPOD ne jure que par le déchoucage de l’administration Martelly-Lamothe. Donc, quelle est la signification de l’expression « négocier l’après 2014 » dans l’esprit du G6 ? N’est-ce pas, comme le pense l’Exécutif, une manœuvre de plus pour faire passer le temps, et nous ajoutons, avec l’espoir d’un chambardement qui emporterait l’administration Martelly-Lamothe ?

Scénario No 5 : Le déchoucage de l’administration Martelly-Lamothe
Le Sénateur JEAN-CHARLES du G6 n’a jamais caché ses intentions vis-à-vis de M. Martelly. Ce dernier doit coûte que coûte laisser le pouvoir. C’est aussi la position du MOPOD. C’est la raison pour laquelle le MOPOD n’a pas été à El Rancho. Pourquoi subitement l’opposition changerait-elle d’avis vis-à-vis de Martelly? Cette opposition là y inclus le G6, moins la FUSION, veut des élections mais sans Martelly. Alors de quelle négociation parle-t-on si ce n’est de faire passer le temps avec l’espoir de ce chambardement? En effet, la situation socio-économique et politique n’est pas du tout rose. Il y a ce malaise indéfinissable qui a favorisé cette complicité interne pour mettre dehors plus de 300 prisonniers à la prison de Croix-des-Bouquets. La reprise d’une soixantaine d’entre eux est loin de résoudre le problème. Ce malaise c’est aussi le mandat d’amenée contre l’Ex-Président Aristide lancé par le juge Lamarre Bélizaire et basé sur le rapport Paul Denis réalisé sous le gouvernement de transition (2004-2006) ; c’est aussi le mandat contre Me André Michel lancé par le même juge Bélizaire comme complice des frères Florestal dans l’assassinat d’un étudiant en 2010, Frantzy Duverseau ; c’est enfin la hausse des cours du carburant à partir d’octobre 2014 annoncée par le ministre de l’économie et des finances au Sénat, Mme Jean-Marie. Il n’est donc pas si utopique que cela de voir partir l’administration Martelly-Lamothe dans le cadre d’un chambardement généralisé bien orchestré par l’opposition radicale, en exploitant intelligemment toutes les informations susceptibles de ternir davantage l’image de cette « administration corrompue » , responsable, selon elle, de tous les maux du pays. Dans le cas d’un tel chambardement, le pouvoir exécutif reviendrait au Président du Sénat, selon l’article 149 de la Constitution amendée.

II.                CONSIDERATIONS

Rappel de la finalité du Dialogue Del Rancho
Malgré tout ce qu’on a pu dire de l’accord del Rancho, il demeure jusqu’ici, le cadre acceptable pour résoudre nos problèmes. Voici ce qu’a prévu le Protocole de Médiation élaboré et signé par les parties prenantes avant le lancement du dialogue et qui demeure encore valable si on veut continuer à dialoguer entre nous : « La médiatrice a pour objectif principal de conduire les Parties à conclure un accord politique sur les points de l'agenda concerté afin (i) de  résoudre les problèmes urgents du pays et (ii) de jeter des bases pour un dialogue national. Cet objectif principal se décline dans les objectifs spécifiques suivants :(i) Réunir les principaux acteurs autour de la table du dialogue ;(ii) S'assurer du bon déroulement des délibérations ;(iii) Amener les Parties à parvenir à un consensus ». Les précisions apportées par le document cadre ou Protocole de Médiation ont permis de mieux comprendre ce qui était visé : « un pacte politique sur la gouvernance démocratique, l'organisation d'élections crédibles, la question de l'amendement constitutionnel, la consolidation des Institutions démocratiques basée sur le respect du principe de la séparation des pouvoirs ». C’est ce que nous allons appeler plus tard, le Dialogue Del Rancho. Un échec, selon l’opposition. Une victoire, selon les participants. Après ce premier résultat, le Protocole de Médiation a prévu « de jeter les bases d’un Dialogue National ». C’est ce qu’a toujours réclamé la nation, en particulier, notre ami, M. Tunep Delpé avec sa plaidoirie pour une conférence nationale.  Malheureusement ce protocole de médiation est arrivé à un mauvais moment pour l’opposition radicale.

La raison fondamentale de la non participation du MOPOD au Dialogue Del Rancho
En effet, lorsqu’il a démarré, le Dialogue Del Rancho a favorisé en quelque sorte le pouvoir en place face à une opposition qui gagnait du terrain dans le processus de déchoucage de Martelly et de Lamothe. C’est la raison fondamentale de la non participation du MOPOD à ce dialogue. Il a contrarié ses plans qui étaient de voir Martelly partir avant la fin de son mandat. L’opposition radicale appuyée par le Sénat était à deux doigts d’obtenir gain de cause. Le dialogue Del Rancho a stoppé net tout cet élan. D’où l’animosité de l’opposition politique radicale ainsi que le G6 vis-à-vis  de ce Dialogue qu’ils ont qualifié de toutes les épithètes les plus dégradantes. A mon avis, sans ce dialogue, le pays aurait été à feu et à sang, car les partisans de Martelly n’allaient pas laisser faire l’opposition sans bouger. C’était pour éviter cet affrontement fratricide que la Conférence épiscopale s’est offerte comme médiatrice pour essayer de juguler la crise inter haïtienne. De toute manière, l’application de l’article 12 de l’accord Del Rancho reste encore une option pour éviter le spectre grimaçant du 2e lundi de janvier 2015.

Le jeu force à couper
Jusqu’à présent, l’opposition accuse l’Administration Martelly comme seule responsable de la non réalisation des élections dans le pays depuis trois (3) ans, car c’est sa responsabilité. En un certain sens, elle a raison. En 2010, l’opposition politique ne voulait pas non plus d’élection avec M. Préval. Elle a estimé qu’après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, les conditions n’étaient pas réunies pour avoir de « bonnes élections, crédibles, honnêtes et démocratiques ». M. Préval a fait la sourde oreille et a maintenu le cap vers les élections sans la participation d’une bonne frange de l’opposition de l’époque. L’administration actuelle se retrouve à peu prêt  dans la même situation. Elle doit coûte que coûte se décider. Certes, c’est une bonne chose de répondre positivement à une sollicitation d’un ultime dialogue avec le G6, et ceci même au sein du Parlement ou sur terrain neutre (un hôtel par exemple), au cas où ces pourparlers éviteraient l’application des solutions extrêmes (démission du G5, passage en force, et autres) de la part du Pouvoir Exécutif. Dans une conjoncture socio-économique et politique aussi potentiellement explosive, aucun sacrifice ne devrait répugner l’Administration Martelly-Lamothe pour atténuer la situation politique. Mais, dans le cas où ces pourparlers se révéleraient une sorte de leurre, cette administration aurait intérêt et gagnerait à mettre tout en œuvre pour organiser le premier tour des élections en décembre 2014 avec ce CEP que tous les observateurs avertis trouvent plutôt acceptable, et  avec une loi électorale amendée prenant en compte tous les nouveaux amendements proposés par la commission sénatoriale.  Car le jeu force à couper.

III.             CONCLUSIONS

Des initiatives heureuses
Le pays est réellement fatigué de tourner en rond. Cet imbroglio politique analysé dans cet article n’a pas empêché le pays de prendre des initiatives heureuses. Citons, entre autre, trois exemples de la volonté du peuple haïtien de sortir de la routine politique déprimante : (i) Le Camp Jeunesse, organisé avec succès, par le Ministère de l’agriculture à l’intention de 1000 jeunes venant de tous les coins d’Haïti, s’est soldé, entre autre, par la promesse du Titulaire de l’agriculture d’inscrire dans le budget 2014-2015 10 M HTG pour la mise en place de 10 projets agricoles, soit un par département ; (ii) l’initiative ô combien honorable du Journaliste bien connu, Valery Numa, d’honorer les 10 lauréats issus des examens d’Etat (Philo) que son mouvement compte accompagner durant leurs études universitaires ; et (iii) la 2e fête du Lac organisée par le Groupe FONHTA (Fondation haïtienne pour le tourisme alternatif) et le Ministère du Tourisme au niveau du Bourg de Thomazeau, a mobilisé les jeunes de la zone dans des activités touristiques et culturelles qui ont permis aux visiteurs de découvrir le formidable potentiel de cette zone riche mais délaissée. Ces trois initiatives venant d’horizons divers ont été bien accueillies par le public, en particulier,  par les jeunes qui ont montré leur soif d’excellence et leur fatigue par rapport à cette situation politique qui n’en finit pas de leur voler leur espoir dans un meilleur futur pou Haïti et pour eux-mêmes.

Desras n’est-il pas incontournable ?

 Il est temps que les protagonistes politiques cessent de nous effrayer, apprennent à nous vendre le rêve, en évitant de nous annoncer des catastrophes politiques, en gardant tout simplement le sens de la mesure et en appliquant les règles de la bienséance. Effectivement, selon l’ingénieur Antoine Dimanche, le Pays dispose  de l’or, de l’argent, du cuivre, du pétrole prêt à être exploité,  du gaz naturel (5 Trillion de m3 de propane), du béton bitumineux à l’état naturel sur 24 km2 (zone de Jérémie), etc. Une fois ces ressources en phase d’exploitation, l’haïtien le plus pauvre aurait, selon lui, 100,000 USD au minimum sur son compte en banque. De quoi nous redonner espoir et paix intérieur. De quoi nous faire rêver. C’est pourquoi  certains d’entre nous ont beaucoup regretté l’annulation par le CEP de la date du 26 octobre pour le premier tour des élections à cause du blocage exercé par le G6 depuis maintenant 158 jours. C’est la persistance de la crise électorale. C’est donc la faillite de l’un des signataires de l’accord Del Rancho, en l’occurrence le Sénat. Le constat de la faillite de l’une des parties par l’ensemble devrait conduire sans hésiter à l’application de l’article 12 de l’accord en question. Ces ultimes pourparlers entre le Président et le G6, s’ils auront lieu vraiment, devraient, quel qu’en soit le résultat, favoriser un consensus sur cette question d’élections. Il serait souhaitable que, en cas d’échec de ces pourparlers, le Président du Sénat n’hésite plus à constater, cette fois-ci, la faillite du Grand Corps et opte, comme les autres parties signataires de l’accord Del Rancho, pour l’application de l’article 12 de cet accord. Et qu’on en finisse! Elections ou chambardement, Desras n’est-il pas incontournable ?

mardi 29 juillet 2014

HAITI : FOOTBALL A GOGO, BEAUCOUP DE BONNES CHOSES ET UN MALAISE INDEFINISSABLE

HAITI : FOOTBALL A GOGO, BEAUCOUP DE BONNES CHOSES ET UN MALAISE INDEFINISSABLE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 JUILLET 2014

Le mois de juin 2014 ne se termine pas comme il a commencé. Et Juillet était encore beaucoup plus calme politiquement. Les manifestations  de rues anti-administration Martelly n’ont pas fait recette comme au début du mois de juin au point que le député A. Bélizaire a dû user d’excès pour attirer l’attention (UZI en bandoulière, prestation vodouesque publique, bourrade au ministre chargé des relations avec le Parlement qui lui a valu d’être exclu de la Chambre basse pour deux mois sans solde, et, fin juillet, grève de la faim). Une période de folie footballistique avec le Mondial brésilien du 12 juin au 13 juillet 2014, des surprises footballistiques, du suspens, une belle fête ! Durant cette période de folie footballistique, le ministère de l’agriculture a pu quand même organiser du 19 au 21 juin 2014, à Kaliko sur la Cote des Arcadins, un intéressant atelier sur « Approche filière/Chaînes de Valeurs: concepts, Enjeux et Implications Politiques» animé principalement par l’économiste Kesner Pharel. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Gouvernement Haïtien ont présenté le rapport sur les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), très instructif et méritant de servir de base à tout programme politique sérieux surtout en une année électorale.  La mort du Président Manigat a pratiquement clôturé le mois de juin, mais ne faut-il pas voir dans cette disparition une entrée triomphale dans l’immortalité, surtout après les réactions de la classe politique par rapport à cette disparition ? La mise en application de la loi de finance 2013-2014 rectifiée et approuvée par le Parlement en mai 2014, une entente pré-électorale (modification du CEP provisoire avec l’inclusion de nouveaux membres et l’élection de Max Mathurin comme  Président en lieu et place de Me Canton, vote probable de la loi électorale par le Sénat),  autant de pistes qui traduisent des signes encourageants vers une amélioration de la situation globale. Pourtant, à écouter la radio, à regarder la TV, à lire les journaux et les médias en ligne et à visiter les réseaux sociaux, on sent une sorte de malaise, en dépit du dépôt par l’Exécutif de la loi de finance 2014-2015 à temps au Parlement (122.7 Mrds HTG), et malgré la 3e édition du carnaval des fleurs fin juillet. D’où le titre de cet article : « Football à gogo, beaucoup de bonnes choses et un malaise indéfinissable ».

Dans cet article, il serait intéressant d’analyser chacun des points cités plus haut et montrer leur cohérence par rapport à la situation globale du pays et expliquer ce sentiment de malaise qui en découle ; mais une telle analyse serait fastidieuse et embrouillerait le lecteur. C’est pourquoi nous nous contenterons de passer à pieds joints sur quatre d’entre eux : 1) le Mondial brésilien, 2) la disparition du professeur Manigat, 3) l’atelier du Ministère de l’Agriculture et 4) le projet de loi de finances 2014-2015, et de terminer cet article par des considérations appropriées.

L’humiliation du Brésil
Du 12 juin Football à gogo jusqu’au 13 juillet 2014  dans le cadre du mondial brésilien et ses surprises, le constat a été douloureux pour la plupart et heureux pour d’autres comme il est de mise dans toute compétition sportive. Les deux continents, ténors du football mondial, l’Europe et l’Amérique, se sont mesurés à travers leurs équipes de football. Définitivement, l’Europe s’est adjugée la bonne part du gâteau au détriment du Brésil et de l’Argentine. Le premier constat : Il n’y a plus de petites équipes, la Colombie (malgré sa défaite en quart de final contre le Brésil 2-1) et le Costa-Rica ont été les révélations du Mondial, l’Algérie aussi qui a atteint le 8e de finale. Le Costa-Rica, après avoir pris la tête de son groupe au détriment de l’Uruguay, de l’Italie et de l’Angleterre, trois champions du monde, s’est retrouvé en quart de finale avec plutôt beaucoup de panache, éliminé par la Hollande au tir au but. Il a laissé le mondial sans perdre un match. Il s’est donc hissé parmi les grands. Le deuxième constat, c’est le départ prématuré de certains grands : Espagne, Italie, Uruguay,  partis au premier tour et au 8e de finale. Le troisième constat, le déclin du Brésil fini en 4e position de son mondial loin derrière l’Allemagne. Le quatrième constat, la montée en puissance du football européen, en particulier, l’Allemagne qui a passé un sévère 7-1 au Brésil en demie finale après s’être  débarrassée de la France en quart de finale (1-0) et qui a battu l’Argentine 1 à 0 en finale, et la Hollande qui s’est adjugée la 3e place en battant le Brésil 3 à 0. Pour ce qui concerne la grande surprise de cette coupe du monde, c’est l’humiliation du Brésil sur son terrain par l’Allemagne puis la Hollande. Le cinquième constat, le Mondial brésilien a été une belle fête. Enfin, sur 20 coupes du monde, l’Europe s’est adjugée 11 contre 9 à l’Amérique du Sud ; Close, l’allemand, est devenu le meilleur buteur de tous les temps de la Coupe du Monde  avec 16 buts en 4 coupes du monde au détriment de Ronaldo, le brésilien, qui en a marqué 15 en trois coupes du Monde.

Un monument !
En pleine période footballistique, la disparition du professeur Manigat a fait la une de tous les medias. Que de bonnes choses on a apprises sur la vie du professeur et de son œuvre colossale! Les funérailles nationales organisées, le samedi 5 juillet, à St-Louis de Gonzague, par le pouvoir en place, les propos élogieux et profonds de l’actuel Président de la République, M. Martelly, vis-à-vis du professeur, la participation des personnalités politiques de toutes tendances aux funérailles, les colloques et émissions radiophoniques organisées démontrent, s’il en était besoin, l’importance accordée par le peuple haïtien dans toutes ses composantes à cette disparition et témoignent du vide laissé par ce grand disparu incompris de son vivant. C’est un Patrimoine national. Un monument ! Je réfère le lecteur aux divers articles consacrés au professeur après sa disparition par Le Nouvelliste, « Haïti en Marche » et des medias en ligne. En tout cas, à mon humble avis, Manigat c’est l’homme qui aurait pu mettre Haïti sur les rails du développement. En témoignent ses quatre (4) mois au pouvoir et ses nombreux ouvrages qui portent en eux tous les germes d’un développement harmonieux d’Haïti. Malheureusement, comme pour Firmin, nous n’avons pas su choisir ou, tout au moins, lutter pour le garder au pouvoir même si son choix comme président nous était imposé par nos militaires et non par l’international comme il est de coutume ces derniers temps.

Des concepts complémentaires et non synonymes
En parlant du développement, il serait intéressant de nous pencher sur l’atelier organisé par le ministère de l’agriculture. Cet atelier Approche filière/Chaînes de Valeurs: concepts, Enjeux et Implications Politiques, animé principalement par Pharel secondé par Agr Jeaniton et Dr Pierre, a permis de bien différencier l’approche filière et la chaine des valeurs selon ma compréhension des divers exposés. L’approche filière pourrait se définir selon une démarche « de la fourche à la fourchette » avec une valeur ajoutée à la production brute de départ (matière première, compte d’exploitation ), tandis que la chaine des valeurs est beaucoup plus complexe faisant appel non seulement à l’ensemble des acteurs directement impliqués mais aussi à des structures interinstitutionnelles d’appui imbriquées, articulées et intégrées pour déboucher sur des produits finis et compétitifs. Ce qui se traduit par une approche plus globale de type cluster intégrant l’approche filière et la valeur ajoutée à chaque niveau de ce processus complexe axé sur une gestion de l’ensemble des informations. En d’autres termes, si l’approche filière se concentre sur une ou des filière (s) porteuse(s), la chaine des valeurs fait appel à un ensemble de valeurs ajoutées et  de filières susceptibles d’interagir entre elles et de déboucher, en termes de contribution (avantages comparatifs et compétitifs), au développement durable. Il est donc clair que, à mon humble avis, les deux (2) concepts, d’origines diverses (française et anglo-saxonne), s’ils sont complémentaires, ne sont pas interchangeables, et encore moins des synonymes comme on a tendance à les utiliser dans les documents et au sein du ministère de l’agriculture.

La somme d’efforts à consentir pour hisser Haïti au niveau des économies émergentes de la zone
Pour permettre à l’auditoire de mieux appréhender les nuances de ces  deux concepts, M. Pharel, le principal animateur de cet atelier, a utilisé une approche de comparaison et une approche du global au local contrairement aux autres intervenants qui se sont concentrés, avec bonheur, sur leur sujet à partir d’une démarche plus  classique axée sur la définition, la clarification, le développement de ces concepts sur la base d’exemples bien choisis et assez explicites et les recommandations ; car la démarche des deux autres intervenants a permis aussi une meilleure compréhension des concepts. La pluparts des interventions de Pharel se sont faites en référence à la République dominicaine et la Jamaïque. Il s’est référé aux exigences de compétitivité liées à la mondialisation pour expliquer les avancées/retards de notre pays, s’est attardé sur le plan stratégique pour le développement d’Haïti (PSDH) basé sur la refondation sociale, la refondation territoriale, la refondation économique et la refondation institutionnelle, sur le ministère de l’agriculture, dont il a remis en question le titre actuel qui implique trop de responsabilités pour un seul ministère, et ses diverses politiques, plans et stratégies en relation avec le PSDH, en particulier le plan triennal de relance agricole (PTRA 2013-2015) et a achevé sa présentation en faisant un certain nombre de comparaisons en matière de PIB, de budget d’investissements, de politiques publiques, d’investissements privés, etc., par rapport aux deux (2) pays de la Caraïbe cités plus haut. Cette démarche a permis à l’auditoire de mieux appréhender les concepts, de mieux comprendre le fossé entre ces trois économies et de mieux apprécier la somme d’efforts à consentir pour hisser Haïti au niveau des économies émergentes de la zone à l’horizon 2030. D’où la nécessité de répéter cet atelier non seulement pour plus  de participants au sein du secteur agricole, quitte à l’axer un peu plus sur des filières agricoles répertoriées dans le PTRA, mais aussi au niveau de l’Etat d’Haïti dans toutes ses composantes, en vue d’atteindre un niveau de masse critique maitrisant les outils de développement, incluant les lois de finances qui, en principe, traduisent les priorités et orientations gouvernementales.

Le Projet de loi de finances 2014-2015
Comme pour l’exercice passé, l’Exécutif a fait l’effort de soumettre au Parlement le projet de loi de finances comme l’exige la Constitution espérant que, pour cet exercice 2014-2015, la loi de finances ne connaitra pas le même sort que celle de l’exercice passé ( vote par la Chambre Basse, rejet par le Sénat, reconduction du budget de l’exercice précédent jusqu’en mai 2014, soit une loi de finances mise en application avec 7 mois de retard). Du tort causé au pays à cause des querelles politiques entre l’Exécutif et le Sénat! En tout cas, le projet de loi de finances 2014-2015 fixe le montant global du budget à 122.7 milliards de gourdes (122.7 Mrds HTG ou 2.7 Mrds USD). Le budget se répartit comme suit : le secteur économique (44.3%), le secteur politique (18.8%), le secteur socioculturel (27.8%), et autres dépenses (9.1%) dont 4.1% pour le service de la dette externe. Les hypothèses de départ visent un taux de croissance du PIB de 4.6%, un taux d’échange en adéquation avec le taux de croissance, un taux d’inflation de 7.5%. Le taux de croissance de 4,6% du PIB, « sera supporté par les secteurs de l’agriculture +2,5%, de l’industrie +6 % et de la construction +8% » (Réf. Le Nouvelliste du 22/07/2014).

« L’emphase a été mise sur l’agriculture »
Comme l’a exigé le Président Martelly à Damien  (Réf.  http://jrjean-noel.blogspot.com/2014/05/haiti-de-la-turbulence-politique-la.html ), l’Education, l’Environnement et l’Agriculture ont subi une hausse budgétaire par rapport à l’exercice écoulé mais n’ont pas crevé le plafond comme on s’y attendait. Pour ce qui concerne l’agriculture, voici l’explication fournie par la Ministre de l’Economie, Mme Jean-Marie : « Le ministère des Travaux publics a été privilégié parce qu’il y a beaucoup de projets en cours. Vous n’allez pas voir forcément de nouveaux chantiers. Il importe de continuer avec les projets en cours. Quant au ministère de l’Agriculture, c’est parce que tout l’effort déployé dans le cadre des partenariats public-privé, l’emphase a été mise sur l’agriculture et la transformation des produits agricoles. Le secteur agricole emploie jusqu’à présent 40% de la population active. Cela ferait un grand bond si nous arrivons à améliorer les revenus de cette tranche de la population ». Cet effort sur le secteur agricole vise aussi à une augmentation de l’offre des produits alimentaires et à diminuer les importations ». Selon ce qu’a rapporté  Le Nouvelliste du 22 juillet 2014. Il faut noter que les 6.1% alloués au secteur agricole (7.49 Mrds HTG) sont loin des 10%  du budget de l’Etat souhaités par notre groupe, la FONHDILAC, pour permettre au secteur de bien booster l’économie haïtienne.

« Une plus grande autonomie budgétaire »
La précision de Mme Jean-Marie :« Avec le recul constaté du financement externe des projets d’investissement, le poids des recettes internes dans le budget est passé de 40% dans le budget 2012-2013, à 43% dans celui de 2013-2014 et pour le projet de loi de finances déposé au Parlement dernièrement à 49%. Donc, nous maintenons l’effort dans le sens d’une plus grande autonomie budgétaire et cela commence à porter ses fruits » … « Progressivement, nous essayons de nous affranchir de l’aide internationale. Dans la loi de finances 2014-2015, la part financée par les ressources domestiques augmente progressivement par rapport à celle financée par les dons et les prêts des bailleurs internationaux ». Concernant la fiscalité : « Il n’y a aucune disposition fiscale prévue pour augmenter les taxes, que ce soit les droits de douane ou les autres taxes. A l’exception d’une disposition relative aux droits de douane concernant les produits pétroliers. Une disposition qui vise à alléger le poids de la taxation pesant uniquement sur la gazoline. On va répartir la taxation sur la gazoline, sur le kérosène et le diesel », a révélé Madame Jean-Marie.

Considérations
Le jusqu’auboutisme haïtien
La situation haïtienne pour la période sous observation est  marquée par notre grande passion pour le football. Le Mondial brésilien a aidé le gouvernement à souffler par rapport à cette opposition tout azimut qui a voulu le mettre hors jeu. La passion haïtienne pour le football a permis à la population de supporter la misère, d’oublier sa faim. Les fanatiques du Brésil qui sont les plus nombreux ont beaucoup souffert ; ceux de l’Argentine aussi, mais beaucoup moindre. Quand le Brésil a été balayé par l’Allemagne, les « argentins » ont sorti leur cercueil pour enterrer les « brésiliens ». Les « brésiliens » en ont fait de même lors de la défaite de l’Argentine face à la même Allemagne en prolongation. C’est le jusqu’auboutisme haïtien, en football comme en politique (Haïti en Marche). Il faut la disparition de l’adversaire, de l’ennemi. Pas de quartier, pas de négociation. Négociation égale lâcheté. Arnel Bélizaire a mis sa vie en danger pour faire passer ses revendications (grève de la faim au sein du Parlement). Les six sénateurs radicaux veulent tout simplement la tête de Martelly et de Lamothe. Ils ne veulent pas céder un pouce de terrain, la plupart de leurs alliés non plus. Comme en 2004, il faut la tête du coupable, en l’occurrence, le Président.
 La valeur de l’autre se reconnait en général à son départ 
Mais quand vous n’êtes plus là, on reconnait votre valeur. C’est le cas du Professeur Manigat. Toute la classe politique haïtienne a vanté l’idéal politique de Manigat, l’homme intègre, le modèle. De son vivant, il était « un arrogant », « un traitre » qui a accepté le pouvoir des mains ensanglantées des militaires. C’était la même chose sous la présidence de Préval. C’était l’homme à abattre. Il a su, en deux occasions, bien manœuvrer (koule en ba yo, nagé pou soti) pour terminer ses mandats. Au pouvoir, toute l’opposition l’a accusé de n’avoir rien foutu. A son départ du pouvoir, heureusement encore en vie et vivant en paix dans son pays, toute l’opposition a reconnu qu’il a fait du bon travail pour notre pays et a même accusé le pouvoir actuel de procéder à l’inauguration de ce que Préval avait laissé (normal selon le principe de continuité de l’Etat). On pourrait citer d’autres exemples, le cas d’Estimé, le cas de Boniface Alexandre, du Premier Ministre Latortue. L’haïtien reconnait la valeur de l’autre quand il n’est plus là, surtout en politique. J’en tire une leçon : La valeur de l’autre se reconnait en général à son départ.
Tout est donc lié
En guise de conclusion, on ne sait pas ce qui va se passer après le carnaval des fleurs truffé de couleurs, de belles chorégraphies et de musique (fantastique! Mais bilan définitif: 2 morts et environ 700 blessés, de source policière). Ce carnaval a favorisé la prolongation de la période de folie footballistique brésilienne et haïtienne (qualification des moins de 20 ans haïtiens pour le 2e round qualificatif, à Trinidad, du mondial des U20) qui, elle-même, a permis au pouvoir, et sans trop grande pression politique de l’opposition, de continuer avec la routine, (conseils de gouvernement en direct, « gouvenman lakay ou » dont un à Miami qui a fait coulé beaucoup d’encre), d’organiser certains événements comme les examens d’Etat, l’atelier du ministère de l’agriculture sur la filière/chaine des valeurs, d’innover avec lancement d’un programme de reboisement par bombardement aérien, de faire le dépôt  du projet de loi de finances. La question d’éducation est primordiale, la formation continue aussi. Cet atelier sur la filière/chaine des valeurs a fait ressortir cette nécessité d’imbrication, d’articulation et d’intégration des actions pour l’obtention de meilleurs résultats, et mérite d’être étendu à d’autres institutions étatiques (Exécutif, Législatif et Judiciaire). Il en est de même pour la loi de finances2013-2014 qui a été présentée par Pharel lors de l’atelier organisé par le MARNDR en insistant sur la part consacrée aux actions du ministère de l’agriculture. Lors de la présentation du projet de loi de finances 2014-2015, à l’Hôtel Oasis, en compagnie de la Ministre de l’économie, l’accent a été mis sur la nécessité pour l’ensemble des acteurs et des agents économiques de bien maitriser cet outil de développement, tout au moins, d’en être informés. Il est indispensable de montrer, dans la mesure du possible et à chaque occasion, que les réflexions et actions au sein de l’Etat, devraient être en parfaite harmonie. Et c’est la raison pour laquelle le pays dispose d’un plan stratégique, que le gouvernement présente une politique générale qu’il devrait mettre en œuvre dans le cadre de programmes, de projets et de lois de finances annuelles reflétant ses priorités et ses orientations. Tout est donc lié. Le développement n’est avant tout que le développement de l’humain, et ne s’obtient que par l’imbrication, l’articulation et l’intégration des actions au sein d’un Etat. Le malaise indéfinissable ressenti ces derniers temps, n’est-il pas lié à cette anthropie politique (ce désordre), cette désarticulation de l’Etat d’Haïti où chacun essaie de tirer son épingle du jeu ou celle de son clan au détriment du pays, en tentant de faire croire au bon vieux peuple, « analphabète mais pas bête », qu’on se bat pour lui ?  

samedi 31 mai 2014

HAITI, DE LA TURBULENCE POLITIQUE A LA PAIX FOOTBALLISTIQUE (?)


HAITI, DE LA TURBULENCE POLITIQUE A LA PAIX FOOTBALLISTIQUE (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MAI 2014

C’est la fête de l’agriculture et du travail. C’est le troisième anniversaire de la prise de pouvoir du Président Martelly. C’est l’épidémie de Chikungunya  qui frappe officiellement 15,000 personnes, en particulier au niveau de l’Ouest ; cette fièvre terrible mais heureusement non mortelle a, selon certains observateurs,  déjà touché, au moins, 50,000 personnes dont la plupart des membres du gouvernement et certains amis proches. Ce sont les manifestations de rues de l’opposition plutôt violentes.  C’est le vote du budget 2013-2014 par le Parlement. C’est la mise sur pied du Conseil Electoral Provisoire (CEP) à partir des restes du CT-CEP. C’est l’arrestation d’un militant politique à cause des violences enregistrées dans le cadre d’une manifestation anti gouvernementale. C’est la bousculade par la Police du Sénateur JEAN-CHARLES à l’Arcahaie. C’est la fête des mères, le mois de Marie. C’est la finale, le 24 mai 2014, de la Coupe d’Europe des Clubs Champions entre le Réal Madrid et l’Athlético de Madrid (4-1 après prolongation, 1-1 temps règlementaire) avant la Coupe du Monde du Brésil du 12 Juin au 13 Juillet 2014. D’où le titre de cet article : « Haïti, de la turbulence politique à la paix footballistique (?) ».

Les projecteurs sur l’agriculture
Le 1er  mai a été fêté majestueusement à Damien, le siège du ministère de l’agriculture, avec la présence du Premier Ministre, M. Laurent LAMOTHE, suppléant  à l’absence du Président MARTHELLY pour cause de participation à la rencontre de l’Association des Etat de la Caraïbe au Mexique. Au cours de cette fête de l’agriculture et du travail doublée d’une foire agro-artisanale  de 4 jours,  le Chef de Gouvernement a délivré un certificat de satisfécit au secteur pour sa contribution (4.6%) au PIB Global  (4.3%) pour l’exercice écoulé. Le Gouvernement, cette fois-ci avec la présence du Président, a organisé, le 8 mai, une cérémonie digne de ce nom à l’endroit de la délégation vénézuélienne venue spécialement remettre un lot substantiel de matériels agricoles (48 tracteurs, 40 motoculteurs, 100 pompes, etc.) à l’Etat Haïtien d’une valeur de 14 M USD. C’était l’occasion pour le Président de féliciter les responsables du secteur agricole pour leur performance, de réorienter les priorités du gouvernement pour les deux années à venir vers l’agriculture, l’environnement et l’éducation, en insistant pour que ces priorités se traduisent dans le budget 2014-2015. Et, le 9 mai 2014, le Président s’est rendu à Croix-des-Bouquets, en particulier sur la rivière Grise, pour procéder à la pause de la première pierre pour la construction d’un nouveau barrage de dérivation (6 M USD) pour l’arrosage des terres du périmètre du même nom dans le cadre du projet WINNER actuellement en phase d’achèvement et financé par l’USAID, une agence américaine, à hauteur de 100 M USD depuis environ 5 ans. C’est l’occasion de dire que pour ce mois de mai 2014 l’administration Martelly a mis les projecteurs sur l’agriculture.

De l’huile sur le feu
Parallèlement, le MOPOD a mené tambour battant ses manifestations de rues qui ont pris de l’ampleur tout au long du mois avec la participation de l’ensemble de l’opposition radicale tant en termes de quantité de manifestants qu’en termes de casses jusqu’à l’arrestation d’un  leader du groupe de base Lavalas de Belair (le FOPAK) , Rony Thimothée, accusé par la Police d’être l’auteur des casses. Il faut noter que, bien avant l’arrestation de Thimothée, la Police a intimidé, à Gressier, le Sénateur Moïse JEAN-CHALES, farouche opposant à l’administration Martelly. Ce qui a valu au pays un durcissement de la position du Sénat par rapport à l’administration en place, un report du vote de l’amendement de la loi électorale de 2013 et une accusation  de l’administration Martelly de ne pas vouloir réellement organiser les élections en 2014.  Alors que le Président a invité la population à venir fêter avec lui, au Champs de Mars, le 3e anniversaire de son accession au pouvoir, l’opposition a mis sur pied une grande manifestation avec des pneus enflammés dans diverses rues du  centre ville de Port-au-Prince. Cette manifestation a été stoppée à coup de gaz lacrymogène, de canon à eau lorsqu’elle a voulu franchir l’aire du Champs de Mars. D’où la réplique à coup de pierres des manifestants, des casses de vitres de voitures en stationnement, la tentative d’incendier une station de carburant  dont un agent de sécurité aurait tiré sur un manifestant. C’est dans ce contexte qu’il a été procédé, quelques jours plus tard, à l’arrestation de Thimothée, à l’intimidation du Sénateur JEAN-CHARLES (« bourad e Kalot’t » par un policier encagoulé), à la convocation du PDG de Radio Zénith  par la Justice sur demande du Directeur de la CONATEL (organisme règlementant les médias) pour diffamation. Le PDG de Radio Télé ZENITH a reçu l’appui de l’ensemble des patrons des médias. L’ensemble de ces actions a mis de l’huile sur le feu  et pourrait nuire au processus électoral.

Cap vers les élections du 26 octobre 2014
Malgré tout, l’administration Martelly a pu quand même obtenir du Parlement le votre du budget 2013-2014 avec des prévisions en vue d’une augmentation substantielle pour la police, la santé publique et surtout  les professeurs dont les syndicats, pour la plupart, étaient partie prenante des manifestations de rues et encourageant même les élèves des écoles publiques  à attaquer ceux des écoles privées. Nesmy MANIGAT, le ministre de l’éducation nationale, a mis à profit cette nouvelle donne dans ses négociations avec les syndicats d’enseignants y inclus celui de José MERILIEN. L’aboutissement de ces négociations a privé l’opposition d’une frange importante de personnes lors des dernières manifestations. L’administration Martelly, qui a mis le cap vers les élections du 26 octobre 2014, comme l’a prévu l’Accord  Del Rancho du 14 Mars 2014, a sorti un arrêté nommant les membres du Conseil Electoral Provisoire et a procédé à l’installation de 7 membres  sur 9, Me Néhémy Joseph n’étant pas encore confirmé par le Sénat et Léopold Belanger  se solidarisant avec ce dernier. Cet arrêté a été pris suite à la confirmation  par la Chambre des Députés de ses deux (2) membres au nouveau CEP, de ses trois (3) membres par le Pouvoir Judiciaire et au remplacement de Me Menard par Me Canton par le Pouvoir Exécutif. Le CEP, qui a élu Me Canton à la présidence du Conseil en remplacement de Me Menard muté à la direction générale de l’ONA en remplacement de M. Dégraff mis à pied sous la pression des employés de l’Institution, a proposé un pré-calendrier électoral aux partis politiques pour l’organisation  du 1er tour des élections en octobre et le 2e tour en décembre 2014. 

"… Une solution d’entente, il y va de l’avenir de notre pays"
Selon les rumeurs persistantes, des tractations seraient en cours entre l’Exécutif et le Parlement pour modifier la composition du CEP afin de le rendre plus « crédible » tel que souhaité par la Chambre du Commerce et d’Industrie d’Haïti (CCIH), l’Association des Industries d’Haïti (ADIH) et par la Société civile. A ce qu’il parait, il y aurait de fortes chances que ces tractations aboutissent à un consensus pour l’organisation des élections en 2014. Mais, d’un autre coté, par rapport à l’évolution de la situation politique où certaines déclarations, de part et d’autre, tendent beaucoup plus à aggraver la situation qu’à l’apaiser, le simple analyste se perd en conjectures. En tout cas, aujourd’hui, le Sénateur JEAN-CHARLES, victime hier de bousculade policière à l’Arcahaie, a demandé au Sénat de prendre ses responsabilités et a lancé un mot d’ordre de manifestation pour la semaine prochaine en vue du départ immédiat de la MINUSTAH, de la libération des prisonniers politiques, de la démission de MM. Lamothe et Martelly. L’idée de départ du  Sénateur JEAN-CHARLES était de voir partir l’administration Martelly avant la Coupe du Monde, en particulier avant le 31 Mai 2014. Jusqu’ici, cette administration a pu tenir le coup. Si elle arrive à traverser la semaine de manifestions annoncées par le Sénateur, elle pourra tranquillement passer la trêve du Mondial Brésilien, vu l’engouement des Haïtiens pour le football. Peut-être qu’entre temps, la classe politique finira par trouver une entente comme le croit l’ADIH. En effet : « L’ADIH demeure persuadée que les acteurs politiques arriveront à une solution d’entente, il y va de l’avenir de notre pays et le secteur privé dans son ensemble sollicite que des concessions soient faites pour aboutir au processus électoral cette année.» C’est, selon ce qu’a rapporté Le Nouvelliste, la position de  Madame Sandra Honoré, la Représentante du Secrétaire Général de l’ONU en Haïti, le Chef civil de la MINUSTAH (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/131798/Haiti-ou-lart-de-tourner-en-rond-en-zigzaguant.html ).

De la turbulence politique à la paix footballistique (?)


Ce qui est sur, c’est que cette Coupe du Monde tombe à point nommé pour nous sortir de cette quotidienneté faite de politiques politiciennes, de batailles de clans, de dialogue de sourds, de palabres sans suite ni cohérence au sein de la plupart des stations de radio ou de télévision, de mise en place de stratégies claniques par rapport à des stratégies de développement pour Haïti, notre mère à tous et à toutes. C’est à se poser la question : Haïti est-elle en train de passer de la turbulence politique à la paix footballistique, tout au moins pour le mois du Mondial 2014 ? Rappelons que le mois de juin est  le premier mois de la saison cyclonique qui se concentre du 1er juin au 30 Novembre de chaque année? Espérons qu’après la Coupe du Monde, la turbulence politique coutumière à notre chère Haïti et la saison cyclonique (notre pays étant sur la route des cyclones) ne nous jetteront pas  dans des tourments encore plus terribles. En attendant, oublions la politique politicienne et concentrons-nous sur le Mondial brésilien avec ses lots de surprises footballistiques. Que Dieu nous vienne en aide !!!

mercredi 30 avril 2014

HAITI SUR LE FIL DU RASOIR,… FAUT-IL EN RIRE OU EN PLEURER (?)

HAITI SUR LE FIL DU RASOIR,… FAUT-IL EN RIRE OU EN PLEURER (?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 AVRIL 2014
Dans une conjoncture économique plutôt pénible et morose pour la population haïtienne, le Président Martelly a déclaré, lors d’une tournée dans le Sud en compagnie d’un général américain, « les caisses de l’Etat sont vides ». Il n’en fallait pas plus pour stimuler les manifestants lors de la manifestation de l’opposition radicale du 15 avril 2014, alliée du Sénat qui n’a pas amendé la loi électorale contrairement à la Chambre des Députés dans les délais impartis par l’Accord Del Rancho, pour radicaliser un peu plus leur position par rapport aux deux têtes de l’Exécutif accusées de corruption. Lors de cette manifestation, un sénateur en fonction est allé jusqu’à exiger de « couper la tête de Martelly et de lui infliger la peine de mort » (Réf. Télé Plurielle, Emission de Nouvelles de Marie Lucie Bonhomme). Avant son départ pour Taïwan où il effectue une visite d’Etat en compagnie d’une forte délégation haïtienne, du 20 au 25 avril 2014, le Président a demandé au Sénat de voter la loi électorale amandée pour qu’il puisse enclencher le processus électoral, sans quoi, il serait obligé, à son retour, d’appliquer l’accord du 14 mars 2014. Aussitôt, le pays a eu droit à la réplique du Président du Sénat, M. Simon Dieuseul DESRAS, « Le Parlement n’a pas ratifié l’Accord d’El Rancho. Un accord n’est pas une loi, ni la Constitution. L’article 12 n’est pas imposable au Parlement.» Est-on retourné à la case départ? En tout cas, l’opposition radicale, les 6 radicaux au Sénat ainsi que M. Desras exigent, au préalable, l’application de l’article 289 de la Constitution pour la mise en place d’un autre CEP provisoire contrairement à ce qu’a proposé l’Accord Del Rancho. D’où le titre de mon article : « Haïti sur le fil du rasoir, … faut-il en rire ou en pleurer?».

    1. LES FORCES EN PRESENCE

L’administration Martelly s’explique
Les Ministres Laleau et Jean-Marie ont essayé et sont arrivés à convaincre bon nombre de citoyens que «  les caisses de l’Etat ne sont pas vides ». Les explications fournies correspondent aux explications du Président Martelly depuis Taïwan (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/130105/Les-caisses-de-lEtat-et-larticle-12-Martelly-sexplique.html). Il est à noter que le Président a essayé aussi de calmer le jeu par rapport à l’application de l’article 12 de l’Accord del Rancho.

Lors du 29e Conseil de Gouvernement en direct consacré au budget et aux élections, Mme JEAN-MARIE, le ministre de l’économie et des finances, a détaillé le budget révisé (118.86 Mrds HTG)  soumis au Parlement et a expliqué que le pays dispose de l’argent pour réaliser ce qui a été programmé mais ne peut se permettre de prendre en compte d’autres projets non inclus dans ce budget dont 47% pour le secteur économique, 24% pour le secteur social, 19% pour le secteur politique et 10% pour le reste. Le taux de croissance est revu à la baisse (3.5% au lieu de 4.5%), le taux d’inflation à la hausse à cause même de la dépréciation de la gourde (45 HTG et plus pour 1 USD). Le Premier Ministre a insisté pour montrer que la balle est maintenant dans le camp du Sénat, non seulement pour le budget rectifié mais aussi pour le projet de loi sur « le fonds National de l’Education (FNE) déposé au Sénat depuis un an ».

Le MOPOD se mobilise
Le MOPOD, qui annonce une mobilisation à partir de 26 avril jusqu’au 14 mai 2014, invite tous les partis d’opposition (Lavalas, Fusion, Accao, etc.) à l’accompagner pour la mobilisation d’un million de personnes dans l’objectif d’obtenir pacifiquement la démission de l’administration Martelly, tandis que les groupes de base dont celui de Biron Odije s’apprêteraient à prendre d’assaut le Palais National lors de ces manifestations. Ces manifestations seront appuyées aussi par certains syndicats dont celui de José Mérilien. L’opposition radicale utilise les mêmes thèmes depuis quelque temps : la dilapidation des caisses publiques ; l’accointance des autorités politiques avec le secteur de la drogue, avec le kidnapping ; la corruption, la vie chère, les dérives dictatoriales du pouvoir en place, etc. pour motiver les gens à se mobiliser contre cette administration. Comme par hasard, le MOPOD, qui ne reconnait pas l’accord du 14 mars 2014, est pour l’application de l’article de 289 dans la mise en place du CEP provisoire, tout au moins certains membres du MOPOD. En d’autres termes, le MOPOD est pour l’organisation des élections mais sans Martelly, en témoignent la manifestation pacifique  du 26 avril  au Cap-Haïtien et celle violente du 28 avril à Port-au-Prince.

L’adoption de la position des radicaux au Sénat
A entendre les Sénateurs, mis à part le Sénateur JEAN-CHARLES, ils veulent aller aux élections. Mais ils exigent un CEP provisoire selon l’article 289 de la Constitution, donc le renvoi pur et simple du CT-CEP qui est l’émanation d’un accord entre le Sénat  et l’Exécutif (Dialogue interinstitutionnel) en décembre 2012. Alors pourquoi pas une simple modification du CT-CEP telle que prévue par l’Accord du 14 Mars 2014 afin de gagner du temps ? 1) Parce que le Sénat a fait des réserves quant à la mise en place d’un CEP Provisoire lors du Dialogue inter-haïtien, 2) parce que le Sénat ne fait pas confiance à la majorité des membres de l’actuel CT-CEP « à la solde de l’Exécutif », 3) parce le Sénat veut des élections transparentes, honnêtes et crédibles, ce qui n’est pas possible avec l’actuel CT-CEP même modifié en CEP provisoire suivant les modalités prévues par l’Accord du 14 mars 2014, 4) parce qu’en définitive le Sénat ne reconnait plus l’accord du 14 mars 2014 (l’adoption de la position des radicaux au Sénat).

Bataille politico-juridique
Les Sénateurs, les Députés de l’opposition et l’opposition politique, en particulier le MOPOD, rendent seul responsable l’Exécutif du retard mis dans l’organisation des élections. Ce que récuse l’Exécutif en montrant, lors du 29e Conseil de Gouvernement du mercredi 23 avril 2014, "les 24 étapes franchies" pour aboutir à la situation actuelle, argument repris lors du Gouvènman Lakay à Mirebalais, le 26 avril 2014. Il accuse, à son tour, le Sénat comme l’Institution qui a bloqué le processus jusqu’ici en insistant sur le simple vote des amendements de la loi électorale de 2013 déjà votée par la Chambre Basse, et en expliquant, chiffres à l’appui, que les fonds pour l’organisation des élections, le 26 octobre 2014, sont pratiquement disponibles. Dans cette bataille rangée politico-juridique, il ne s’agit plus de savoir qui a tort, qui a raison, mais de savoir comment sortir de l’impasse pour éviter la forte tentation et propension à résoudre le problème au niveau de la rue.

     2. LES SOLUTIONS POSSIBLES ?

Vraiment compliqué !
L’Exécutif peut-il appliquer seul l’article 12 de l’accord del Rancho ? Non. Ce sont les trois (3) parties prenantes, l’Exécutif, le Législatif et les Partis politiques signataires de l’accord, qui doivent constater la faillite de l’une d’entre elles et autoriser de mettre en veilleuse les articles non conformes de la loi électorale de 2013. Il est donc impératif que le Comité de suivi fasse une évaluation de la situation, en fasse rapport à la Médiatrice qui, après avoir réuni, à nouveau, les trois parties prenantes, pourra statuer avec elles sur la nécessité de  la mise en application de l’article 12. Vraiment compliqué en termes d’application, de délais de mise en œuvre et d’une éventuelle entente entre les parties prenantes !

Que c’est encore plus compliqué !
L’application de l’article 289 proposée par le Sénat conditionnant son vote de la loi électorale de 2013 amendée est-elle possible ? Pourquoi pas  si cela permettra de débloquer la situation? Alors, une fois de plus et dans ce cas précis, c’est l’Exécutif qui doit céder aux exigences du Sénat. Au cas où l’Exécutif accepterait de céder, quelle garantie donnerait le Sénat en vue de favoriser une accélération du processus électoral pour aboutir au premier tour des élections, le 26 octobre 2014 ? Combien de temps prendraient les nouveaux acteurs impliqués  pour désigner et envoyer leur représentant au sein  du nouveau CEP provisoire? Par rapport à toutes ces interrogations, aurait-on le temps matériel d’organiser les élections, le 26 octobre 2014, tel que prévu par l’accord del Rancho? Selon le Sénat, avec de la bonne volonté, la mise en place d’un CEP provisoire selon l’article 289 pourrait se faire en une semaine, alors que le pays a attendu plus d’un an pour la mise en place consensuelle du CT-CEP, après avoir tenté, sans succès, la mise en place d’un CEP permanent selon la Constitution 1987 amendée. Que c’est encore plus compliqué tout cela !

De toute manière, s’il faut en passer par là avec la certitude d’éviter de résoudre le problème dans la rue, il faut le faire. Mais n’est-ce pas le vrai enjeu de toutes ces tergiversations, donner du temps aux alliés de l’opposition pour organiser le déchoucage de l’Exécutif par la rue? N’est-ce-pas « ce foutu processus de Dialogue » enclenché par l’Eglise catholique qui a permis à Martelly de tenir jusqu’ici, penseraient les partisans du raché manyok? Puisque, si le pays ne peut pas fonctionner sans un Parlement élu, il pourra bien fonctionner avec un Exécutif non élu, n’est-ce-pas ? (Ironie et allusion par rapport à la note de la Société Civile d’octobre 2013 accusant Martelly d’avoir en tête de déclarer caduc le Parlement en janvier 2014). Car, en cas de déchoucage de l’Exécutif (Président et Premier Ministre), l’Opposition finirait par trouver une solution politique et/ou constitutionnelle pour mieux faire marcher le pays. Savez-vous qu’en final, en cas de déchoucage de l’administration Martelly,  et, selon l’article 149 de la Constitution amandée, dernier paragraphe, c’est le Président de l’Assemblée Nationale qui aura le destin du pays en main ? Oyez plutôt : « Dans le cas où la vacance se produit à partir de la quatrième année du mandat présidentiel, l’Assemblée Nationale se réunit d’office dans les soixante (60) jours qui suivent la vacance pour élire un nouveau Président Provisoire de la République pour le temps qui reste à courir.»

Il faut injecter des fonds dans l’économie
Entre temps, la situation économique du pays n’est pas au beau fixe. L’Exécutif attend du Sénat le vote du budget révisé 2013-2014 pour renforcer et continuer un certain nombre de choses en matière socio-économique. L’opposition politique table sur la vie chère et le mécontentement grandissant de la population pour recruter le maximum de gens pour ses manifestations anti gouvernementales. Arme à double tranchant qui  pourrait se retourner contre elle une fois le pouvoir conquis, car la cherté de la vie est structurelle. Mis à part les fonds PETROCARIBE et quelques autres bailleurs, dont la mise à disposition des fonds à l’Etat est extrêmement conditionnée, qui permettent à l’Administration Martelly de faire marcher difficilement quelques projets, la situation économique du pays devient de plus en plus compliquée avec un manque criant d’emplois, une circulation monétaire assez restreinte, une décapitalisation progressive de la population, en particulier de la classe moyenne (beaucoup de difficultés au niveau d’entreprises de la classe moyenne). J’en prends pour preuve l’acceptation avec humilité de certains « chimè » notoires, qui se pavanent quotidiennement auprès des ministères comme l’Agriculture, les Travaux Publics et autres, de n’importe quel montant mis à leur disposition (nettement en deçà du plancher de 50 HTG exigées avec arrogance par le passé). Ils comprennent que leurs « bienfaiteurs », surtout ceux de la classe moyenne, n’ont pas les moyens d’agir comme par le passé parce que de plus en plus décapitalisés eux-aussi. Imaginez ce qui se passe eu niveau de la classe des pauvres. Vraiment, il faut de l’argent frais au gouvernement pour injecter dans l’économie !
 3. LE POSITIONNEMENT DES CAMPS ET L’ARBITRAGE INTERNATIONAL

Le décor est bien planté
Par rapport à la situation politique qui se corse et par rapport à la situation économique difficile que traverse le pays, il y a lieu de s’inquiéter. Les acteurs politiques semblent opter pour la polarisation de la situation politique. On est en présence de deux camps totalement opposés, le camp du pouvoir  qui semble opter résolument pour les élections avec comme boussole l’accord du 14 mars 2014 et le camp du MOPOD et tous ceux-là qui sont anti accord qui optent pour le déchoucage de l’Exécutif, de l’administration Martelly dans son ensemble. Le décor est donc bien planté. Va-t-on vers la confrontation avec un règlement de la situation politique à partir de la rue, ou vers une entente minimale pour l’organisation des élections à la fin de l’année 2014 ?

Pour ou contre les élections
L’opposition radicale fait délibérément le choix du déchoucage ; le Sénat semble nuancer ses positions ces derniers jours tout en continuant à bloquer le processus électoral en exigeant l’application de l’article 289 sans se référer à l’accord du 14 mars 2014 (on dirait que pour le Sénat cet accord n’a jamais existé), alors qu’une modification du CT-CEP parait beaucoup plus simple car le Sénat  a la possibilité de changer au moins l’un de ses représentants au sein de cette structure ; l’Exécutif, quant à lui, met le cap sur les élections mais ne peut seul appliquer l’article 12 de l’accord ; cette prérogative revient à l’ensemble des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l’accord.

D’un autre coté, le grand frère américain et la communauté internationale (OEA, Club de Madrid avec la visite de l’ancien Président chilien en Haïti, M. Lagos) optent pour les élections et exercent des pressions sur tout le monde avec un tantinet penchant positif pour l’Exécutif. De toute manière, si le pays veut avoir accès aux 300 M USD programmés pour lui par les USA, il faudra qu’il fasse le choix d’élections législatives et communales pour la fin de cette année (éditorial du 28 avril 2014 de Marcus Gracia sur Mélodie FM). N’en déplaise au MOPOD dont l’option première reste le déchoucage de l’administration en place avec, quand même, une option vers « les élections avec ou sans Martelly », la position américaine et de la communauté internationale va peser lourd dans la balance et pourrait influencer considérablement la position du Sénat qui semble de moins en moins radicale par rapport aux élections.

Risques d’implosion du MOPOD
Au cas où le Sénat trouverait une forme d’entente avec l’Exécutif pour relancer le processus électoral (Réf. Lettre du Sénat au Président Martelly), cette entente priverait le MOPOD d’un allié de poids dans sa lutte pour la mise à pied de l’administration Martelly et pourrait déboucher sur de sérieuses difficultés au sein du MOPOD. En effet, si le processus électoral arrive à être vraiment lancé, le MOPOD ne pourra pas continuer à manifester dans la rue et parallèlement préparer les élections. Et, s’il sera facile de désigner les candidats du MOPOD aux législatives, aux collectivités territoriales, qui représentera cette plate-forme aux présidentielles ? D’où risques d’implosion et de dissolution par suite de conflits internes.

Torpiller l’accord du 14 mars 2014
Il faut noter que la lettre du Sénat au Président de la République ne fait aucune référence à l’Accord du 14 Mars et encore moins à la Médiatrice. C’est un choix délibéré de torpiller l’Accord. En tout cas, si cette lettre explique que dans une semaine on pourrait mettre en place un CEP provisoire, elle remet en question la loi électorale de 2013 déjà amendée par la Chambre Basse. Oyez plutôt : « L’article 191.1 confie au conseil électoral le soin d’élaborer la loi électorale. Il est donc prématuré de se pencher sur des amendements dont l’opportunité ni le libellé n’auraient pas été préalablement étudiés par l’organisme chargé d’appliquer la loi, d’en expérimenter les imperfections et les omissions et de faire des suggestions à l’autorité compétente. C’est pourquoi le Sénat demande officiellement à Votre Excellence de prendre des dispositions en vue de former un Conseil Electoral Provisoire qui analyserait la loi de 2013, relèverait les écarts et les défauts sur la base de compétence avérée et d’expérimentations de terrain et acheminerait des amendements bien documentés à l’Exécutif « pour les suites nécessaires.»Sans commentaire! Aux lecteurs d’apprécier!

La réponse du Président de la République est claire, avant son départ, le 30 avril 2014, pour le Mexique en vue de participer à la rencontre de l’Association des Etats de la Caraïbe (AEC). Il invite le Président du Sénat à respecter l’Accord del Rancho et à encourager ses pairs à voter la loi électorale amendée comme l’a déjà fait la Chambre Basse.

      4.  CONCLUSION

Faut-il en rire ou en pleurer ?


En guise de conclusion, j’ai toujours prôné de résoudre nos problèmes par le dialogue entre nous. C’est pourquoi, lorsque la Conférence Episcopale s’est offerte comme Médiatrice pour un dialogue inter-haïtien, j’ai accueilli avec enthousiasme sa proposition. Depuis ce qui s’est passé en 2004, je suis contre le déchoucage d’une administration élue et pour l’entente entre nous sans interférence externe, même si je sais, en mon for intérieur, qu’il y a toujours une forte influence du « blanc » dans nos affaires. Cette fois-ci, je voulais voir sa main rester cachée. Malheureusement, pour le triomphe de nos clans respectifs au détriment de notre pays, nous avons perdu, une fois de plus, cette opportunité de faire semblant d’agir par nous-mêmes. C’est encore l’étranger qui nous dicte notre conduite. Même là encore, rien ne nous dit que l’on ne va pas continuer à nous battre pour des broutilles de pouvoir sous prétexte de vouloir changer le pays mais, en réalité, pour continuer la politique « ôte-toi que je m’y mette » en vue de satisfaire nos petits intérêts mesquins et claniques au détriment du développement durable de notre chère Haïti. Haïti est-elle sur le fil du rasoir? C’est le choix délibéré de nos politiciens en allant de bêtise  en bêtise politique, en utilisant un dialogue de sourd et en visant délibérément le spectre du chaos. Et Haïti dans tout cela ? Elle s’en remettra. Elle en a l’habitude depuis 208 ans après l’assassinat de son père fondateur, le 17 octobre 1806! C’est à croire vraiment que nous avons, ou tout au moins, nos politiciens ont « un chromosome en moins » ! Faut-il en rire ou en pleurer ?

jeudi 10 avril 2014

SEPT (7) HEURES D’EMBOUTEILLAGE POUR ÉCOUTER, OBSERVER ET MIEUX APPREHENDER NOTRE SITUATION ACTUELLE


SEPT (7) HEURES D’EMBOUTEILLAGE POUR ÉCOUTER, OBSERVER ET MIEUX APPREHENDER NOTRE SITUATION ACTUELLE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
10 AVRIL 2014

Ce vendredi 4 avril 2014, j’ai vécu une aventure ahurissante en Haïti. De 2.45 h pm à 9.46 Pm, j’ai été pris dans un embouteillage monstre sur une vingtaine de kilomètres de Delmas 31 (Delmas) à Duval 24 (Croix-des-Bouquets).D’où le titre de mon article : « Sept (7) heures d’embouteillage pour écouter et observer et mieux appréhender notre situation actuelle ». Certes, être pris dans un embouteillage de sept heures est plus que contrariant, mais que de choses on apprend en écoutant et en observant pour mieux expliquer notre situation de peuple !

« Gouvernement de couverture, de petits copains, la militarisation du gouvernement »…
Lorsqu’on est dans un embouteillage, on s’ennuie, on s’énerve, on s’amuse avec son téléphone potable, on écoute de la musique, on envoie des SMS, on en profite pour faire certains coups de fil utiles (socialisation et professionnalisme), et on réfléchit aussi. Bref, on s’arrange comme on peut pour tuer le temps.

J’ai passé en revue certaines stations de radio, Radio Caraïbes, radio Vision 2000, radio Scoop Fm, etc. En fin de compte, je me suis arrêté sur Radio Scoop FM de 3h à 5h PM, sur Vision 2000 de 5h à 6h PM et sur radio Métropole de 6h à 9h 45 PM.

J’ai appris que les partis  politiques de l’opposition et même ceux-là qui ont pris part aux pourparlers inter-haïtiens sont généralement défavorables au « gouvernement d’ouverture et d’efficacité » mis en place dans le cadre de l’accord du 14 mars 2014. Il faut le signaler en passant que ce gouvernement est mis en place dans les délais impartis contrairement au Sénat qui n’a pas voté les amendements de la loi électorale de 2013  comme l’a fait la veille la Chambre Base. Ce gouvernement est qualifié de tous les noms sauf d’ouverture. « Gouvernement de couverture », « gouvernement de petits copains », « la militarisation du gouvernement » avec la présence de beaucoup d’anciens militaires, etc.

Le débat entre André Michel du MOPOD et Sauveur Pierre-Etienne de l’OPL
Me André Miche a essayé de faire croire sur Scoop FM, « Haïti en débats », que tous les partis politiques qui ont paraphé l’accord Del Rancho sont automatiquement des alliés du pouvoir en place. Il a affirmé que la bourgeoisie traditionnelle aurait décidé lors d’une rencontre de ne financer aucune personne et aucun parti de tendance peuple et/ou de classe moyenne. Pour faire face à cette stratégie de la  bourgeoisie traditionnelle qui ne représenterait que 3% de la population, les 97% restant devraient financer avec ses maigres  moyens le MOPOD et ses alliés aux nouvelles élections prévues à la fin de cette année.

Garry Pierre-Paul- Charles, le principal animateur de l’émission, a rétorqué qu’il connait des gens de cette bourgeoisie traditionnelle qui financent des œuvres sociales en relation avec le peuple et la classe moyenne (l’exemple de la Croix-des-Bouquets). Selon lui, c’est peut-être une frange de cette bourgeoisie proche du pouvoir en place qui aurait pris cette décision. Ce ne serait pas l’ensemble. Ce qu’a récusé Me Michel en affirmant que c’est l’exception qui confirme la règle. Il a insinué en bon avocat que l’exception qu’a introduite Garry n’a fait que confirmer l’information qu’il a donnée.

Quant à Sauveur Pierre-Etienne, Président de l’OPL, appelé à la rescousse par G. Pierre-Paul-Charles, il a balayé d’un revers de main la théorie de Me Michel en utilisant l’approche de l’interpénétration des classes sociales, en faisant appel à une série de théories en relation avec la sociologie politique pour démentir Me Michel et démontrer que la bourgeoisie ne saurait en aucun cas faire ce choix pour la bonne et simple raison qu’elle cherche toujours à utiliser  les pouvoirs en place pour régler ses affaires. Un tel choix serait suicidaire.

Un gouvernement HIMO pour affronter les difficultés actuelles et futures…
Les émissions de nouvelles de Vision 2000 et de Radio Métropole ont confirmé le rejet du « gouvernement d’ouverture et d’efficacité » par la totalité des partis politiques qui n’en n’ont pas fait parti. C’est un gouvernement de 23 ministres et 19 secrétaires d’Etat avec le retour très remarqué de Mme Marie-Carmelle Jean-Marie au ministère de l’Economie et des Finances. Certains ont vu du gaspillage de l’argent de l’Etat, alors que le Pouvoir en place aurait du mettre en place un gouvernement d’austérité. D’autres s’interrogent sur la capacité de ce gouvernement à faire face à toutes les difficultés. De toute manière, c’est un gouvernement HIMO pour affronter ces difficultés actuelles et futures : la sécheresse, l’insécurité alimentaire (600,000 personnes en insécurité alimentaire aigue selon le PAM), la vie chère, le chômage, le manque de financement interne et externe, la dépréciation de la gourde qui a franchi le cap de 45 HTG pour 1 USD, le manque de financement de la campagne agricole de Printemps alors que la campagne d’hiver n’aurait réussi qu’à 50/60%, les inondations de certaines zone liées aux premières pluies d’avril 2014, la gestion de la saison pluvieuse et de la saison cyclonique, l’organisation des élections, les manifestations de l’opposition, l’hostilité du Sénat, le détention préventive prolongée, etc. Malgré tout, les nouveaux arrivants au gouvernement promettent de faire de leur mieux pour satisfaire la confiance placée en eux par le Président Martelly et le Premier Ministre Lamothe.

L’Embouteillage
Enfermé dans mon micro climat de ma vieille Terracan (Hyundai) et regardant les 3 lignes de voitures montant et les passants qui ont décidé de laisser les tap-tap (transport en commun) pour continuer à pied à travers cette boue asséchée se transformant en une poussière couleur d’argile blond sale, ma voiture est dépassée par des centaines de gens qui marchaient et des motocyclettes qui se faufilaient à travers les lignes de voitures. Tous ces gens sont du peuple et de la classe moyenne pauvre, des étudiants sac au dos qui se distinguaient parfois difficilement de certains travailleurs utilisant les mêmes sacs mais ayant en main une truelle, une pelle, un niveau de maçon. Souvent, j’ai fait du surplace durant plus d’une trentaine de minutes, malgré la présence de certains policiers à visage recouvert de cache-nez et en uniforme. De temps à autre des sirènes vrombissaient, la police, les ambulances ou les véhicules officiels qui franchissaient en montant la seule ligne descendante, les véhicules qui suivaient ceux de la Police. D’autres voitures laissaient l’embouteillage pour les suivre un moment et gagner quelques mètres. Des motos aussi faisaient la même chose. J’ai bravé un peu la poussière en descendant ma vitre gauche pour entendre le son de la rue. Je l’ai vite remontée pour observer de l’intérieur de ma voiture ce qui se passait dehors. Il y a tout sur cette grande artère construite après 1995 (Super Market, Parc Industriel, Restaurants, boutiques, magasins de matériaux de construction, stations d’essence, etc.). Que de progrès en moins de 20 ans ! Entre temps, le soleil descendit à l’horizon et de plus en plus de gens marchaient, les pieds recouverts de poussière. Ils marchèrent vite et décidés comme s’ils avaient peur du noir qui s’annonçait.

Je regardais  l’horloge de la voiture. Elle marquait 7h PM. C’est l’heure de la musique sur Métropole. Juan Manuel Nova animait. Je constatai que je n’ai parcouru que les ¾ de ma route. Là je profitai du passage d’une voiture de la police pour faire un peu de désordre. Cela m’a permis de gagner 1km. Je me faufilai dans un espace à peine plus grand que ma voiture. Un camarade m’a laissé entrer dans une des deux lignes. Et je me disais, « alors mon pote plus de désordre, tu vas suivre le rythme normal de l’embouteillage ». Une dame bien élancée, assez grande comme je les aime, doublait ma voiture. Elle marchait d’un pas décidé et pourtant avec une grâce de reine malgré son quart de talon. De dos elle était parfaite, un corsage vert pâle prolongé par un pantalon noir et sa valise noir pendait à l’épaule droite. Elle disparaissait dans le noir quelques mètres plus loin. J’étais un peu nostalgique de cette belle image. J’avançais lentement. Je me disais qu’à ce rythme je vais arriver à 8.30 PM à la maison. Entre temps, j’ai du appeler ma femme qui vit  à  Georgia, USA, à partir de mon téléphone portable pour lui dire qu’aussitôt arrivé à la maison je la rappellerai. Je lui ai expliqué l’aventure que j’étais en train de vivre. Un bruit de musique sur ma droite m’interpella. Deux jeunes avec  des pantalons au ras de derrière dansaient à tue tête sur un rythme que je ne connais pas. Ils étaient heureux sous cette lumière un peu blafarde qui déchirait le noir. Je regardais à nouveau l’horloge. Il était 9h PM. Il m’a fallu trente minutes de plus pour arriver sur le pont de Tabarre. Je me disais qu’à ce rythme j’arriverais à 10 H Pm à la maison si je devais suivre le parcours normal.

C’est à ce moment que je me souvenais de cette petite route découpée qui pourrait m’emmener à la maison. Lorsque j’ai laissé le pont, je me faufilais à droite jusqu’à atteindre cette petite route. Si l’entrée de la route est normale, dans la zone habitée qu’elle traverse, elle fait à peine 4 m de large, tortueuse, boueuse, avec des trous par endroits. Les phares  de ma voiture déchiraient la noirceur. Il n’y avait pas âme qui vive. Je suivais la route plus par instinct que par raison. Lorsque j’étais Directeur de Cabinet du Premier ministre Latortue, mon chauffeur et mes gardes de corps l’empruntaient des dizaines de fois. Mais jamais je l’avais empruntée seul. Nécessité obligeait, je conduisais avec prudence mais à un rythme au moins 50 fois supérieur par  rapport au rythme qui m’’etais imposé quelques heures plus tôt.  C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte qu’il pleuvait à petites gouttes depuis au moins une trentaine de minutes. En tout cas, je n’étais pas trop loin de chez moi. Et j’avais cette sensation de sécurité accompagné de radio Métropole qui passait le journal « dènié ralé » ; ils ont pratiquement repris les grands titres traités dans le Journal de 6h PM. D’un coup, je me retrouvais devant cette grande barrière crème. J’ai poussé un ouf de soulagement lorsque le garçon a ouvert la barrière. Il était 9h 46 pm. J’aurais pu faire un voyage aller-retour Port-au-Prince-New-York, pensai-je! Mais que de choses j’ai pu observer en 7 heures d’embouteillage!

Qu’est-ce qui nous étonne… ?

En conclusion, certes nous vivons dans une zone métropolitaine infernale qui s’étend de plus en plus à l’horizontale et qui a la densité de population la plus forte au km2 de notre pays (Réf. http://lesmeilleurstextes.blogspot.com/2014/04/le-metropolocentrisme.html) , certes nous n’avons pas assez de route, certes notre service de circulation est défaillant, certes nous sommes des égoïstes, des indisciplinés, mais un peuple discipliné qui respecterait les lois de la circulation même sans la présence suffisante des policiers aurait franchi cette vingtaine de km en moins de 7 heures de temps. Comme nous nous battons pour tout et même pour des broutilles, le résultat est là. C’est plutôt mental. Nous ne cédons pas un pouce de terrain à l’autre ; résultat : le terrain est mal occupé donc mal géré. Qu’est-ce qui nous étonne donc par rapport à la situation actuelle de notre pays? Reformatons les nouvelles générations pour sauver notre pays. C’est peut-être cela qui motive, de manière inconsciente ou consciente, un groupe privé et le Gouvernement, à organiser cette semaine parallèlement « la semaine de la finance » avec le  Group Croissance en mettant un accent particulier sur la finance municipale (décentralisation), et surtout  « les assises sur la qualité de l’éducation » avec le ministère de l’Education nationale. Et le nouveau ministre de l’Education, M. Nesmy Manigat,  de nous sortir ce proverbe africain : « Pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village ». Sommes-nous, enfin, en train de reformater correctement ce village Haïti? Peut-être pas correctement, mais, en tout cas, la voie de l’éducation  choisie est incontestablement la meilleure !