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mercredi 30 septembre 2015

HAITI ELECTIONS 2015: LE SECTEUR AGRICOLE, "LOCOMOTIVE DE LA CROISSANCE"?

HAITI ELECTIONS 2015: LE SECTEUR AGRICOLE, "LOCOMOTIVE DE LA CROISSANCE"?

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 SEPTEMBRE 2015

Revu le 3/10/2015

Haïti a vécu ce mois de Septembre 2015 dans la douleur de la disparition du principal représentant du Vodou, l' "Ati" national, Max Beauvoir qui a  eu droit  à des funérailles nationales. Dans une conjoncture marquée par les activités électorales, manifestations de rue contre les élections du 9 Aout 2015 et contre le CEP, campagnes électorales des candidats à la présidence et  aux communales dont le premier tour est prévu pour le 25 Octobre 2015, le ministère de l'économie et des finances (MEF) a finalisé le budget 2015-2016 et présenté aux candidats à la présidence  le budget triennal articulé autour du secteur agricole comme  "locomotive de la croissance".  Dans ce budget, selon les dires du ministre Laleau, le ministère de l'agriculture aura droit à 20 Mrds HTG sur trois (3) ans, soit en moyenne un montant de 6.67 Mrds HTG/an. Est-ce suffisant pour ce nouveau rôle de "locomotive de la croissance"?  Comme à mes habitudes, avant d'essayer de répondre à cette question, passons en revue quelques faits saillants du mois dont l'adoption par l'ONU des 17 objectifs de développement durable (ODD), attardons-nous  sur le processus électoral, analysons les enjeux liés au rôle de locomotive de croissance du secteur agricole et terminons sur des conclusions appropriées.

Les faits saillants du mois

Le Président Martelly a effectué un voyage en Jamaïque dans le cadre d'une rencontre sur le PETROCAIBE. Il s'est fait accompagner  de son fils Olivier qu'on disait en prison en Floride. C'était une sorte de réponse à cette rumeur persistante.

Le Premier Ministre Paul  a été aux USA rencontrer certaines personnalités américaines dont le Secrétaire d'Etat J. Kerry ,très certainement en relation avec le processus électoral et en lien avec la nomination de Kenneth Merten, ancien ambassadeur américain en Haïti et actuel responsable du dossier Haïti au Département d'Etat américain. A noter que, en 2010, M. Merten était partie prenante des élections de 2010; c'est un Monsieur qui maîtrise le "dossier Haïti". Sa nomination n'est donc pas le fait du hasard.

Un léger  remaniement est intervenu au sein du gouvernement. Mario Dupuy a remplacé R. Francois Jr à la Communication, et Lyonel Valbrun a remplacé F. Dorcin au Ministère de l'agriculture. Valbrun est le 5e ministre de l'agriculture de l'administration Martelly. Cette instabilité au niveau institutionnel s'étend à l'ensemble de l'administration Martelly, si l'on excepte le Ministère des Travaux Publics (MTPTC), le  Ministère du Tourisme (MTIC) et le Ministère de la Santé (MSPP).

Le ministère de l'économie et des finances a pris des mesures d'interdiction contre 20 produits qui ne pourraient entrer au pays que par voie maritime, Ports  de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien. Ces mesures sont un peu controversées. Elles favoriseraient les gros commerçants de Port-au-Prince au détriment de ceux des autres départements frontaliers, en particulier ceux du Nord Est. Elles  créeraient une situation de monopole, et favoriseraient un petit groupe de commerçants. Ces mesures sont aussi perçues comme des représailles vis-à-vis de la République Dominicaine. En ce sens, elles son plutôt bien accueillies.

C'est l'adoption à l'ONU des 17 objectifs de développement durable (ODD) qui remplacent les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et ses 8 objectifs avec une atteinte mitigée des cibles visés. Ramenés à l'échelle d'un pays, ces objectifs pourraient  presque tous appliquer à Haïti. Voyons voir:

1) Mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes, partout ; 2) Éradiquer la faim, garantir la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition, et promouvoir l’agriculture durable ; 3) Garantir la bonne santé et promouvoir le bien-être de tous, à tous les âges ; 4) Garantir une éducation de qualité sans exclusion et équitable et promouvoir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous ; 5) Parvenir à l’égalité entre les sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ; 6) Assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous ; 7) Garantir l’accès à une énergie abordable, fiable, durable, et moderne pour tous ; 8) Promouvoir une croissance économique soutenue, sans exclusion, viable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous ; 9) Construire des infrastructures résilientes, promouvoir l’industrialisation sans exclusion et durable et encourager l’innovation ; 10) Réduire les inégalités au sein des pays et entre les pays ; 11) Faire des villes et des établissements humains des endroits sans exclusion, sûrs, résilients et durables ; 12) Garantir des modèle de consommation et de production durables ; 13) Agir d’urgence pour lutter contre le changement climatique et ses impacts (en tenant compte des engagements pris dans le cadre de la CCNUCC) ; 14) Préserver et utiliser de manière durable les océans, mers et ressources marines pour le développement durable ; 15) Protéger, restaurer et promouvoir une utilisation durable des écosystèmes terrestres, gérer les forêts de manière durable, lutter contre la désertification stopper et combattre la dégradation des terres et mettre fin à la perte de la biodiversité ; 16) Promouvoir des sociétés pacifiques sans exclusion dans le cadre du développement durable, permettre un accès à la justice pour tous et mettre en place des institutions efficaces, responsables et sans exclusion à tous les niveaux ; 17) Renforcer les moyens de mise en œuvre et revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable.

Pour être applicables ici en Haïti, il faudrait des politiques publiques nationales très sérieuses à mettre en œuvre sur une période de 15 ans. Nos politiciens devraient s'en approprier dans le cadre d'une grande concertation nationale de laquelle sortirait un programme national qu'ils s'engageraient à appliquer à tour de rôle.  Ce qui nécessiterait des ressources importantes tant internes qu'externes pour l'atteinte de ces objectifs à l'échelle du pays. Or on est dans une conjoncture de rétrécissement de l'aide externe pour le développement envers Haïti ( seulement 500 M USD actuellement selon le Ministre Laleau vs 1 Mrd USD juste après le tremblement de terre).

Il faut noter que, à l'échelle de la planète,  ces 17 objectifs nécessiteraient 3500 Mrds USD/an pour être mis en œuvre  du 1er   janvier 2016 au 31 Décembre 2030. Or, actuellement, selon ce qu'a rapporté Alain Faujas, " L’aide publique demeure indispensable, mais elle plafonnera à 150 milliards de dollars, ce qui est une goutte d’eau, commente Bertrand Badré...Quand on cumule l’aide publique au développement (135 milliards de dollars en 2014), l’argent envoyé chez eux par les émigrés (de l’ordre de 440 milliards), les dons et les prêts des organismes multilatéraux, on parvient à 1 000 milliards de dollars disponibles par an. C’est beaucoup, mais insuffisant, affirme le rapport « From Billions to Trillions : Transforming Development Finance » élaboré par la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque européenne d’investissement, la Banque interaméricaine de développement, le FMI et la Banque mondiale".

Processus électoral

C'est dans cette conjoncture ponctuée de la visite de Kenneth Merten en Haïti, de lancement de campagnes électorales pour les présidentielles, les communales et le 2e  tour des législatives après la publication surprise des résultats définitifs y relatifs que le Ministre Laleau a décidé de présenter le budget 2015-2016 (122.7 Mrds HTG ou 2.35 Mrds USD) aux candidats à la présidence avec comme toile de fond, le secteur agricole comme "la locomotive de la croissance".  Avant d'y arriver, jetons un coup d'œil sur le processus électoral.

Le CEP a annulé les élections dans plusieurs communes du pays. Tout le monde s'est accordé sur un taux de participation assez faible aux élections du 9 Août 2015. Les résultats préliminaires ont donné lieu à des manifestations de rue à travers le pays. La Plate-forme VERITE s'est retirée de la course électorale malgré ses avances aux législatives du fait que le CEP refuse de réintégrer son candidat à la présidence, Jacky Lumarque. La FUSION DES SOCIAUX DEMOCRATES semble faire de même. LAVALAS veut l'annulation des élections du 9 Août tout en faisant campagne pour les présidentielles: le parti de l'ex-président Aristide joue sur les deux tableaux. Pourtant le CEP a profité de la conjoncture pour donner les résultats définitifs des législatives du 9 Août avec l'élection de deux Sénateurs Youri Latortue dans l'Artibonite et Renel Sénatus dans l'Ouest, en dépit du fait de l'annulation des élections dans plusieurs circonscriptions dans l'Artibonite et dans l'Ouest.

A mon humble avis, il serait beaucoup plus sage de reprendre d'abord les élections partielles au niveau de ces circonscriptions avant la proclamation de résultats définitifs. Très certainement, la reprise des élections dans ces circonscriptions aurait changé la donne, peut-être pas pour Sénatus, peut-être pas pour Latortue, mais aurait permis une bataille plus équitable pour la 2e place. Prenons le cas de l'Artibonite, le Bas Artibonite n'aura pas de représentant à la Chambre Haute. Ce qui est une injustice quand on sait que les élections ont été annulées par le CEP principalement au niveau des communes du Bas Artibonite. Et puis d'ailleurs si les résultats sont définitifs, il n'y aura plus nécessité de reprendre les élections sénatoriales au niveau de ces circonscriptions. La reprise de ces élections changerait quoi? Par contre, on ne voit pas d'inconvénient à la proclamation des résultats définitifs pour les députés. On espère que ces résultats définitifs ne viennent pas perturber encore le processus électoral et nuire à la journée du 25 Octobre. Ce sera la faute au CEP qui semble confronter de sérieuses divisions internes (démission d'un des 9 conséillers).

Pour les élections présidentielles, communales et législatives 2e tour, les candidats mettent les bouchées doubles surtout pour les présidentielles.  Jude Célestin, Moise Jean-Charles, Jovenel Moïse, Steve Khawly, Sauveur Pierre Etienne, Jean Henry Céant,  Maryse Narcisse, Steven Benoit, Mario Andresol... sillonnent le pays pour des meetings électoraux; des photos géantes sont un peu  partout; les murs sont placardés de photos de candidats , sans ménager les murs des résidences privées et des services publics. C'est la fièvre électorale. Tout laisse croire que les élections auront lieu le 25 Octobre, en dépit des protestations des uns et des autres. Le Premier Ministre  Paul est très confiant. Le CEP aussi. Pour la majorités des candidats, l'agriculture est la priorité des priorités. Parlons en justement.

Rôle et enjeux du secteur agricole comme "locomotive de la croissance"

L'agriculture  a une forte contribution au PIB global 23-25 % , mais  est traitée en parent pauvre dans le budget national (entre 4 et 7 % du budget national  depuis plus de 20 ans) avec des décaissements en retard sans tenir compte des deux grandes campagnes d'Hiver (25% de la production agricole) et de Printemps (60% de la production). Il est à noter que les décaissements pour le ministère de l'agriculture se font en général durant la 2e moitié de l'exercice et souvent à la fin de l'exercice. Les 6.67 Mrds HTG prévus en moyenne annuellement pour les trois prochaines années (5.5% du budget) restent dans la même fourchette  depuis la prise du pouvoir par l'administration Martelly. Avec un tel montant, il serait difficile pour le secteur agricole de jouer ce nouveau rôle. En effet, une locomotive doit en principe être assez puissante pour entrainer les wagons du train national de développement. Avec 5.5% du budget global, ce serait difficile pour ne pas dire impossible. Heureusement, selon le document final du budget 2015-2016 (Ref. MEF), le MARNDR est crédité de 11,9 Mrds HTG, soit 9.7% du budget global. 

Durant la présidence de M. Martelly, la seule et unique fois que le pays a connu un taux de croissance de 4.3% (2012-2013), si l'on exclut le taux de croissance de 5.5% pour l'exercice 2010-2011 en partie due à la présidence de M. Préval ( le Premier Ministre Conille fut nommé en octobre 2011), c'est quand, à coté du budget normal accordé au ministère, il y a eu un programme d'urgence post-Sandy de 1.4 Milliards de gourdes et une bonne pluviométrie durant l'exercice 2012-2013, cette combinaison de facteurs favorables a permis au secteur agricole de contribuer  au PIB global à hauteur de 4.6%.

10% du budget au ministère de l'agriculture
Etant désigné comme la locomotive de la croissance pour l'exercice 2015-2016, le secteur agricole devrait avoir, à mon humble avis, au moins 10% du budget national pour mener à bien sa nouvelle mission (9.7% du budget est acceptable pour cet exercice). Le MARNDR devrait elaborer un budget triennal avec des tranches annuelles autour de 12 Milliards de HTG ou plus (selon le montant du budget), pour rester en phase avec sa nouvelle orientation basée sur des pôles de croissance articulés autour des 5 châteaux d'eau du Pays et des périmètres irrigués  et irrigables en aval de ces châteaux d'eau.

Dans le cas où l'administration issue des élections voudrait vraiment voir le ministère de l'agriculture jouer son rôle de "locomotive de la croissance", il  faudrait lui donner les moyens de sa politique, à savoir 10% du budget national pour les 3 années à venir dont 5 Milliards de gourdes annuellement du Trésor public  à décaisser selon un calendrier fourni par le ministère et discuté avec les  ministères du plan (MPCE) et  de l' économie et des Finances  (MEF) qui ont très peu fait cas du calendrier agricole durant la présidence de M. Martelly et même avant. Sera-ce différent à la fin de l'administration Martelly?

Ainsi, le ministère de l'agriculture pourrait espérer réussir sa nouvelle mission de locomotive de la croissance, avec (i) cet apport de 10% du budget national, (ii) la bonne  pluviosité attendue après le passage d'Erika, (iii) les investissements  des gros entrepreneurs privés prévus dans le secteur ( Ex: AGRITRANS dans la banane),et (iv) les investissements privés traditionnels de nos petits agriculteurs qui investissent, bon gré mal gré, plus d'un milliard de dollars (1 Mrd USD) annuellement dans le secteur agricole selon les estimations  de certains cadres du ministère de l'Agriculture (plus d'un million d'exploitations agricoles, Réf. RGA).

Bonne gouvernance + moyens appropriés = résultats
Dans le cas où cette tendance à la hausse (9.7% du budget global de 2015-2016) ne se maintiendrait pas par la nouvelle administration qui sortirait des urnes et que le MPCE et le MEF ne tiennent pas compte du calendrier agricole  et de l'année agricole (Mars- Février), les résultats pour 2015-2016 (décaissements à temps) et pour les deux autres exercices à venir 2016-2017 et 2017-2018 (10% du budget et décaissements à temps), ne relèveraient que du miracle . Et les miracles ne dépendent que de Dieu.  Quant aux hommes, sans une bonne planification, une bonne gouvernance et les moyens appropriés, les résultats ne suivront pas.

Conclusions


La plupart des candidats à la présidence misent sur l'agriculture pour amorcer le développement du pays. Il y  en a qui sont ou étaient des agriculteurs ou issus de la classe paysanne. De plus les ODD accordent une place prépondérante à l'agriculture qui nécessite des politiques publiques appropriées. Il serait donc intéressant que, une fois les élections terminées, l'administration qui en sera issue maintienne cette vision  de "locomotive de la croissance" allouée au secteur agricole par l'administration  Martelly, et prenne les dispositions budgétaires en lien avec cette vision, tout en articulant les politiques publiques des autres secteurs autour du secteur agricole, en les intégrant dans un programme de long terme axé sur les ODD dans le cadre d'une grande concertation nationale pour accorder  nos violons en vue de déboucher sur une Haiti sans faim en 2025 et une Haïti émergente à l'horizon des années 2030.

lundi 31 août 2015

HAITI: LES SCENARII SUR LE TAPIS APRES LES ELECTIONS DU 9 AOUT 2015


HAITI: LES SCENARII SUR LE TAPIS APRES LES ELECTIONS DU 9 AOUT 2015
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 AOUT 2015

Tout le long de ce mois d'Août 2015, l'actualité haïtienne a été dominée par les résultats des élections législatives du 9 Aout.  Bien avant la publication des résultats, le Conseil Electoral Provisoire  (CEP) a été accusé d'avoir failli à sa mission. En effet, le processus a été entaché d'irrégularités. Le CEP était accusé d'avoir favorisé les partis proches du pouvoir dans la livraison  des mandats aux mandataires des partis politiques. Au jour J, les mandataires ont été les plus nombreux dans les bureaux et centres de vote que les électeurs. Selon les observateurs, ils ont été pour beaucoup dans les irrégularités relevées. De plus, certains candidats se sont arrangés pour rendre la situation intenable. Ils sont arrivés à perturber le processus dans plusieurs centres de vote (54/1508) et à pousser le CEP à mettre hors course une quinzaine d'entre eux,  à programmer la reprise du processus dans plusieurs villes du pays, à ne pouvoir déclarer l'élection d'un quelconque sénateur au premier tour. De plus, les tendances en lien avec les résultats préliminaires sont en faveur des partis proches du pouvoir comme PHTK, BOUCLIER, VERITE, KID, AAA. Ce qui crée une situation de malaise. Alors, quels sont les scénarii sur le tapis? Avant d'y arriver, attardons-nous un peu sur les faits saillants du mois, passons en revue tout le processus jusqu'aux réactions des principaux acteurs, et terminons avec les scenarii.

Les faits saillants du mois d'Août 2015
La CARIFIESTA, durant une semaine, a permis la fraternisation des pays de la Caraïbe en Haïti. C'était la fête de la culture caribéenne. Elle était riche en couleur  comme le carnaval des fleurs  qui n'a pas eu lieu cette année. La CARIFIESTA a été l'occasion pour le Gouvernement de nous faire revivre le Congrès du Bois Caïman, à Bois Caïman même, avec la promesse de la construction d'un mémorial  sur ce site pour matérialiser cet événement  qui ouvrit la porte à la libération de notre pays par rapport au système esclavagiste.
C'est le processus d'élaboration du budget 2015-2016 avec le secteur agricole comme  locomotive de la croissance. On caresse l'espoir que, cette fois-ci, il sera mis au moins 10% du budget national à la disposition du secteur agricole. Sans quoi, il n'aura pas la capacité de jouer son nouveau rôle de "locomotive de la croissance", à moins que cela veuille dire autre chose dans l'esprit des décideurs. Rappelons que notre pays traverse une période de sécheresse depuis environ trois ans et qu'une telle disposition budgétaire aiderait énormément le secteur agricole et le pays tout entier.
Pour comble de malheur ou de bonheur un autre phénomène naturel vient de frapper Haïti, ce 28 aout 2015, le cyclone Erika. Le passage de ce phénomène a causé quelques dégâts (une dozaine de blesses, Route nationale No 1 coupée, ravage au niveau des plantations), mais a donné un second souffle au pays, car Erika a versé assez d'eau sur Haïti atténuant un peu les effets de la sécheresse. Espérons qu'Erika favorisera une pluviosité plus ou moins acceptable durant la 2e moitié de la saison cyclonique (Septembre-Novembre 2015), favorisant ainsi la réussite de la campagne d'automne et surtout celle d'Hiver.
Il faut noter que cette  deuxième moitié de la période cyclonique  correspond à la période électorale. Il serait intéressant que le secteur agricole encourage les parties prenantes du secteur à profiter de la probabilité de cette bonne pluviosité pour relancer l'agriculture dans le pays. Ainsi, nos politiciens, qui jusqu'à présent ne proposent pas grand 'chose pour sortir le pays de sa crise permanente, pourraient continuer à en découdre soit pour  annuler les élections du 9 aout, soit  pour la continuation du processus, avec l'espoir de pouvoir donner à manger au peuple (même partiellement) après leur accession à ce pouvoir tant convoité.
Le processus électoral
Revenons sur ce qui s'est passé le 9 Aout. Voici ce que j'ai écrit sur FB tout de suite après la déclaration des autorités  électorales et politiques. Je le reproduis textuellement:
"Le 1er Tour des Législatives haïtiennes /appréciation à chaud"
"Aujourd'hui, 9 Aout 2015, Haïti a connu une journée électorale assez mouvementée, en particulier à cause des mandats qui n'ont pas été remis a la plupart des partis politiques à temps. Il en manquait 300,000 mandats sur 800,000 jusqu'à samedi 8 Aout 2015. On a appris plus tard par le CEP que quelqu'un du système l'a sciemment saboté dans l'intention de nuire au processus électoral."
"Ce n'était pas le seul obstacle au processus. Des gens mal intentionnés auraient voulu voir le processus se disloquer et ont agi en conséquence au niveau de certains centres de vote. D'autres ont utilisé toutes sortes de stratagèmes pour arriver à leur fin."
"Heureusement, une grande majorité voulait de ces élections et n'ont pas hésité à faire leur devoir civique, comme moi qui ai appelé le 8830 de DIGICEL pour savoir ou aller voter vers 2h 30 de l'après midi au Centre de vote (CV), Lycée Jacques 1er de la Croix-des-Bouquets et au bureau de vote (BIV # 46).Mon devoir accompli, je suis revenu tranquillement à la maison. Le vote aurait été beaucoup plus significatif en province qu' a la Capitale. Les élections ont bien eu lieu."
"J'ai appris plus tard que 54 CV/1508 (4%) ont du suspendre les opérations de vote avant l'heure, une majorité dans l'Ouest suivi de l'Artibonite, les deux départements les plus peuples; que la mairie de Limbe a été incendiée; qu'une personne a été tuée selon le gouvernement, 3 ou 4, selon Radio Métropole; que , peut être dans 10 jours, on aurait les résultats de ces élections après que les procès verbaux aient été acheminés et traités au niveau du centre de tabulation. Tout ca n'est qu'un bilan partiel."
"On attend les résultats pour voir comment nos hommes politiques vont réagir et si ces élections ont valu la peine d'être réalisées ce 9 aout 2015. Que les meilleurs gagnent!" JR JEAN-NOEL
C'était ma réaction à chaud. Je me suis trompé en parlant "de grande majorité"; le taux de participation officielle , selon le  CEP, est de 18% au niveau national, il est de 8% dans la zone métropolitaine. Ceux-là qui qualifient de "mascarade" ces élections parlent d'un taux de participation inférieur à 10% et ils demandent tout simplement l'annulation de cette mascarade. Quant à celui qui a été accusé, il a par la suite accusé le Président du CEP d'avoir menti. Par rapport aux réactions de nos hommes politiques, je ne pense qu'il ait valu la peine d'organiser ces élections qui nous divisent encore davantage. Analysons les résultats et leurs conséquences.

Les résultats et leurs conséquences
Tout était pratiquement calme le lendemain du vote. Les choses allaient se gâter lorsque le CEP a donné les résultats, le 20 Août 2015. D'ailleurs, mis à part certains députés qui sont élus au premier tour, le CEP n'a jamais dit qui va au second tour parmi les candidats au Sénat. En fonction de nos connaissances du système, nous avons déduit que tel ou tel candidat va au second tour. Le CEP a parlé de reprise des élections dans plusieurs communes du pays où il avait du désordre. Par conséquent, il ne peut pas avoir d' élus dans ces communes ni au niveau des départements concernés.
Après ces annonces, Les Irois,  Aquin, une partie du Sud Est ont donné le ton en brisant, en mettant le feu, en bloquant la circulation et l'accès à certaines zones et localités. Dans la nuit du 26 Août 2015,les tirs sporadiques ont réveillé tout le monde, et j'ai pu remarquer, au matin, qu'on a mis des pneus enflammés dans les rues durant la nuit, tant à Croix-des-Bouquets qu'à Tabarre. Toute la dernière semaine du mois a été émaillée de manifestations de rue  de LAVALAS et d'autres candidats frustrés par rapport aux résultats  contre le CEP et pour l'annulation des élections du 9 Août 2015. C'est à se demander, par rapport à cette situation d'incertitudes faites de violences, de vie chère, de malaise électoral,  de contestations émaillées d'incidents malheureux au bureau de contentieux électoral départemental (BCED), en attendant de porter les contestations au niveau du bureau de contentieux électoral national ( BCEN), et d'alliances électoralistes de ceux qui sont en position inférieure contre ceux  qui sont en tête et contre le CEP, qu'est-ce va se passer?
    Les réactions
Mis à part les partis qui ont une certaine avance, le CEP est sur la sellette condamné à revoir sa copie par la grande majorité. Les candidats qui se sentent lésés se sont ligués contre ceux-là qui ont une avance et contre le CEP accusé de favoritisme. D'autant que, à bien analyser les tendances des votes, les partis proches du pouvoir sont en avance par rapport aux autres, mais il faut noter que les votes reflètent les impressions d'avant le 9 Août, et les sondages qui les avaient précédés à quelques différences prêtes. Les partis les plus agressifs sont les plus en vue comme PHTK, VERITE, BOUCLIER. Mais, il faut le remarquer, tout le monde a trouvé un petit quelque chose. Comme ce sont les partis proches du pouvoir qui mènent la danse, les autres ont crié au scandale et à la magouille. Donc, selon eux, il faudra annuler le 1er tour, organiser les élections générales le 26 octobre, renvoyer le CEP, renvoyer l'administration Martelly, et mettre en place un gouvernement de transition. Un petit groupe est pour la reprise des élections dans les communes où il  y avait du grabuge. Ce sont ses options qui sont proposées par nos politiciens. Pour les organismes des droits humains, il faut faire évaluer le processus par une commission indépendante, prendre les sanctions contre les fauteurs de troubles en appliquant strictement le décret électoral. Pour la communauté internationale, certes il y a eu des irrégularités, des saccages de centres de vote, mais le processus est jusqu'ici acceptable. Quels sont "les scénarii sur le tapis après les élections du 9 août 2015"?

Les scenarii sur le tapis
La reprise des élections au niveau des communes où il y a eu des turbulences politiques avant les résultats définitifs parait une option assez raisonnable, parallèlement aux corrections à apporter au processus. Ce scénario ne plairait naturellement pas à l'ensemble des candidats qui ne sont pas en position de force.
L'annulation de ce 1er tour au profit des élections générales le 25 octobre. Ce scénario couperait court à toutes les manifestations de rue actuelles pour donner lieu à d'autres manifestations organisées, cette fois-ci, par ceux-là qui avaient une avance, par les partis proches du pouvoir et par le pouvoir lui-même. Quelles seraient les réactions des organismes des droits humains et de la communauté internationale?
La remise en question du processus dans son ensemble. Cette remise en question provoquerait probablement  un grand chambardement, remettant en cause la fragile stabilité issue des négociations qui ont débouché sur le choix d'Evans Paul comme Premier Ministre. Elle pourrait même déboucher sur la mise à pied du Président Martelly et de son administration. Ce qui arrangerait certains de nos politiciens qui tenteraient "une percée louverturienne" pour ne pas rester trop longtemps "en réserve de la République". Ce serait un moindre mal si on arrivait là, à une transition à la manière de Gérard Latortue et Boniface Alexance, soit un retour en arrière de 11 ans.  Ce qui nous attristerait encore plus, ce serait tenter cette aventure qui, à cause de nos divisions et nos turpitudes de peuple, déboucherait sur une perte de souveraineté  totale 100 ans après l'occupation américaine de 1915.

Ce serait de l'inconscience de la part de nos politiciens engagés pour la grande majorité dans la bataille électorale pour défendre leurs propres intérêts et ceux de leur clan au détriment de ceux de notre pays. Alors, pour Haïti d'abord et avant tout, trouvons ensemble la bonne option pour terminer en beauté ces "foutues élections". De toute manière, il y aura des gagnants et des perdants, c'est le principe même de la démocratie. Pensez-y mesdames et messieurs!!!

vendredi 31 juillet 2015

HAITI, CAP VERS LES LEGISLATIVES DU 9 AOUT 2015


HAITI, CAP VERS LES LEGISLATIVES DU 9 AOUT 2015
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 JUILLET 2015

A regarder les photos géantes des candidats au Sénat et à la Députation dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, aux entrées des départements et des villes, il est clair que notre pays, en dépit de multiples problèmes de toutes sortes et des lueurs d'espoir plutôt en relation avec le secteur agricole, "la locomotive de la croissance", met le cap vers les législatives du 9 Août 2015.  Mais avant, concentrons nous un peu, ne serait-ce qu'une dernière fois cette année 2015, sur la disparition de l'Agronome Nader.

Une semaine d'Henriot Nader chaque année, un prix annuel  Henriot Nader
Depuis le décès d'Henriot, le 24 Juin 2015, et son enterrement, le 6 Juillet, tous ses  amis proches, ceux du CONSOC, de la FONHDILAC et de la FONHADI, et ses proches,  nous vivons tous au ralenti, un peu désarçonnés comme des boxeurs après un KO technique . La grande rencontre du 2e dimanche du mois de juillet 2015 de la FONHDILAC , notre fondation, nous a permis d'arrêter un certain nombre de décisions relatives à Henriot en relation avec la perpétuation de sa mémoire: une semaine d'Henriot Nader chaque année, un prix annuel Henriot Nader en relation avec le secteur agricole, tout ceci sous la responsabilité de la FONHDILAC; certains cadres de la Fondation sont désignés pour accompagner, de manière bénévole, sa femme, Uranie, dans  la gestion  globale de l'HYDROTEC , l'entreprise qu'il a laissée , et  dans la mise sur pied d'une fondation Henriot Nader en lien avec  HYDROTEC.

Haïti.. et son lot de problèmes
 Et puis, Haïti continue son petit bonhomme de chemin sans Henriot avec son lot de problèmes qui influence notre vie: le processus électoral, la vie chère aggravée par la hausse du dollar par rapport à la gourde (56 HTG pour 1 USD), par le rapatriement massif  et forcé des Haïtiens illégaux et des dominicains à peau noire  d'ascendance  haïtienne par la République voisine, la mission de l'OEA envoyée en République Dominicaine et en Haïti et le rejet  du rapport de mission par la République Dominicaine, la "gargane" reçue par le Ministre de l'Agriculture, M. Dorcin, de la part de Kiko St-Rémy, le beau frère du Président Martelly, les propos grivois du Président vis-à-vis d'une femme à Miragoâne et les réactions qui s'en suivent (Journal Le Nouvelliste), le 100e anniversaire de l'occupation américaine avec son lot de souvenirs douloureux pour notre pays.

Des lueurs d'espoir
D'un autre coté, des lueurs d'espoir qui nous poussent à tenir:  la grande marche de la société civile  haïtienne contre cet anti-haïtianisme primaire des politiciens dominicains, l'intérêt timide mais grandissant de la population pour le processus électoral, le lancement du projet "CHANJE LAVI PLANTE" le 24 juillet 2015, l'officialisation de l'Unité de Promotion des investissements privés dans le secteur agricole (UPISA), le 27 juillet, à l'Hôtel Montana à Pétion Ville, avec des investissements actuels de plus 100 M USD  et des perspectives de plus de 600 M USD dans le secteur agricole d'ici 2017, selon le ministre de l'agriculture, la déclaration du gouvernement de faire du secteur  agricole "la locomotive de croissance" pour l'exercice 2015-2016, l'équipe  haïtienne battue en quart de finale (Jamaïque-Haïti 1-0) qui a fait bonne figure à la GOLD CUP, remportée par le Mexique face à Jamaïque (3-1). A noter que le 4 juillet, le Chilli est devenu pour la première fois champion de la Copa America au dépens de l'Argentine aux tirs au but (4-1), renvoyant les fanatiques malades haïtiens du Brésil et d'Argentine à leurs études.

Les problèmes, les lueurs d'espoir et les moments d'apaisement procurés par le football n'ont jamais totalement occulté la politique, en particulier le processus électoral.  En termes de bruits, de visibilité, de meetings électoraux, il se dégage trois grands mouvements politiques: VERITE, Parti Haïtien Tete Kale (PHTK) et BOUCLIER. Ces mouvements ont pratiquement occulté les autres. Ils ne sont pas les plus populaires, mais ils sont les plus connus actuellement, car ils s'exhibent avec une rare insolence dans une conjoncture économique plutôt morose.

Une alliance pour la continuité?
Pourquoi ces trois mouvements sont-ils si agressifs (dans le bon sens du terme) sur la scène politique malgré la situation de pauvreté dans laquelle patauge le pays et qui s'aggrave de jour en jour? Tout simplement parce qu'ils disposent de l'argent. La plate-forme VERITE est très liée à une grande frange du secteur privé haïtien tandis PHTK et BOUCLIER sont plutôt proches du pouvoir en place. Les trois ont des liens très forts avec le secteur privé. Les observateurs et les analystes politiques ont vite fait d'établir des liens entre ces structures politiques qui pourraient, une fois les élections gagnées, établir des alliances pour diriger le pays dans la continuité.  En 2010, l'INITE du Président Préval, une excroissance de l'ESPWA, a fait campagne sur le thème continuité, tandis que Martelly  a fait campagne sur le thème  changement.  Ce dernier a gagné la présidence et INITE le Parlement, les deux n'ont pas su faire une alliance fructueuse pour gérer le pays dans le cadre d'un programme de changement dans la continuité. Ils se sont chamaillés jusqu'à comprendre un peu tard la nécessité d'une alliance pour permettre à Martelly de bien gérer son mandat et de le terminer comme le Président Préval a su le faire en deux fois. A un moment de la durée, on a même senti la main de Préval dans certaines décisions de Martelly. Et le pouvoir de Martelly est apparu comme un prolongement de celui de Préval. L'opposition ne s'y est pas trompée en  accusant Martelly de ne rien foutre sinon de continuer les actions de Préval. Ce qui n'était pas tout à fait vrai sans être totalement faux (principe de continuité de l'Etat). Or, actuellement, le pouvoir en place ne vise qu'une chose: la continuité. Alors qu'est-ce qui  empêcherait une alliance pour la continuité entre ces trois entités et d'autres formations politiques  qui leur sont proches, si elles arrivent à gagner les élections législatives?

 Popularité vs l'argent


Heureusement que les élections ne se gagnent jamais d'avance (sauf en cas de magouilles)  et qu'aucune alliance fictive ou réelle n'a jamais pu gérer le pays dans la continuité totale depuis l'indépendance. D'ailleurs c'est l'une des causes de notre sous-développement. Encore que les autres partis et mouvements politiques ne s'avouent pas vaincus. De plus, le CEP semble opter pour des élections démocratiques, libres et honnêtes, à défaut d'être totalement inclusives. Les partis  de  l'extrême gauche et leurs alliés, les partis centristes et tous les autres partis et particules qui sont dans la course vont se battre même sans moyens pour gagner les législatives. Donc la bataille des législatives sera rude surtout avec une forte participation de la population. Ce sera la bataille de la popularité par rapport à celle de l'argent. Le peuple saura faire la part des choses malgré sa misère, car des deux cotés il y a les bons et les méchants. A nous de bien choisir dans les deux camps en pensant Haïti d'abord et avant tout. Alors cap vers les législatives du 9 Août 2015!!!

dimanche 28 juin 2015

HENRIOT NADER OU LA DISPARITION D'UN ETRE D'EXCEPTION



HENRIOT NADER OU LA DISPARITION D'UN ETRE D'EXCEPTION
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
28 JUIN 2015

Pour ceux-là qui connaissaient bien Henriot, ils savent très bien qu'avec lui il y a eu toujours une surprise à l'horizon, une blague hors contexte, une proposition un peu folle mais géniale, une pirouette pour s'en sortir avec bonheur. En laissant ce monde, il est resté fidèle à sa réputation et m'a forcé à changer tout mon programme  de fin de mois de juin et  de début de juillet 2015, et surtout à laisser tomber mon analyse de la conjoncture pour lui consacrer un peu de mon temps, une dernière fois. Mes lecteurs qui ont franchi le cap de 60,000,  le mois dernier, sur mon blog, me pardonneront cette digression et comprendront le bien fondé d'une telle décision en lisant ce papier consacré à la disparition de l'Agr Henriot Nader, cet être d'exception, mon ami et "petit frère".

Un exemple de dignité
La mort d'Henriot à 58 ans, ce mercredi 24 juin 2015, le jour de la fête de Saint Jean-Baptiste, m' a fait perdre tout mon sens de responsabilité, sauf envers lui. En effet, je n'ai pas pu me pencher sur mes affaires personnelles, suivre mes dossiers professionnels, même l'élimination du Brésil ce samedi 27 juin par le Paraguay me laisse totalement indifférent,  moi Le Fanatique. Je n'ai pas pu non plus me concentrer sur la recherche pour mon article du mois de Juin 2015 comme la poursuite du processus électoral et les carnets du CEP aux candidats aux Présidentielles ( le cas particulier de Jacky Lumarque de VERITE), la déportation des haïtiens et des dominicains d'ascendance haïtienne par le gouvernement dominicain, les réactions haïtiennes et de la communauté internationale y relatives, la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, la cherté de la vie qui en découle... Mon ami ne pourra  plus jamais écouter mon analyse contextuelle mensuelle pour le compte de la FONHDILAC,  ni lire mes articles y relatifs. En attendant, je me fais le devoir, depuis le jour  de  son décès, d'aider Uranie, sa femme, à traverser du mieux que je peux cette période entre le décès et l'enterrement, en puisant ma force dans les épisodes de la vie d'Henriot, cet agronome que j'ai transformé en ingénieur civil et qui m'a transformé en agronome, ce grand entrepreneur devant l'Eternel, toujours occupé à faire quelque chose, à émettre une idée folle qui tient du génie, un spécialiste du secteur agricole et aussi  un  simple et bon vivant, surtout un homme courageux. Malgré les ravages du cancer à l'intérieur de son corps, il a su garder sa dignité jusqu'au dernier jour nous montrant à tous, en particulier à ses proches, la voie à suivre. Ces trois enfants, Al (mon filleul), Samie et Beyou, comme ils les appelait affectueusement, ainsi qu'Uranie, sa femme, ont eux-aussi, jusqu'ici, une attitude très digne face à cette échéance arrivée un peu trop tôt. "Eternel a donné, Eternel a ôté, que le nom de l'Eternel soit béni".

Henriot, le modèle d'Agronome réussi
Henriot Nader c'est le modèle d'agronome réussi. Il a su adapter ses multiples connaissances théoriques et pratiques aux dures réalités du pays haïtien et exploiter les moindres parcelles de connaissances acquises en Haïti et à l'étranger pour apporter un plus dans le développement du pays. Professeur émérite de la science d'irrigation et de la gestion sociale de l'eau, entrepreneur dans l'immobilier et dans l'agriculture, accompagnateur du monde paysan, bon mari, bon père de famille, bon professionnel," ranceur" hors paire et bon ami, il a su exceller en tout.

Lui et moi, depuis l'enfance toujours ensemble dans la pratique du Karaté, l'animateur vedette de Club des Jeunes à Radio Trans Artibonite et moi le rédacteur occulte des réponses aux nombreuses lettres des jeunes admiratrices et fans de l'émission très prisée à l'époque jusqu'à l'âge adulte. Nous avons choisi d'épouser deux amies, deux jeunes filles (Andrée et Uranie) du même quartier, la Ruelle Orival aux Gonaïves. Plus tard, comme professionnels de haut niveau, on a produit beaucoup de textes ensemble, beaucoup de rapports d'études sur Haïti, en particulier sur l'irrigation; on a même monté ensemble un bureau d'études, le GRABEX, avec deux amis, Robert Chéry et Hugues Joseph. C'était un Monsieur plein de contradictions, un tantinet suffisant (il se targuait être le meilleur), mais quelle modestie quand il s'agissaitt de prendre l'avis de quelqu'un en qui il avait confiance ou sur un sujet qu'il ne maitrisait pas. Et quelle fierté quand on parlait de la réussite d'un de ses amis ! Le dernier papier d'Henriot que j'ai corrigé, c'était une évaluation pour le compte de l'IICA, un texte  très sérieux qu'il m'a demandé d'agencer. "Tout est là, mais tu es le seul à le rendre cohérent", m'a-t-il lancé comme une sorte de défi. J'ai réordonnancé le texte en ajoutant quelques petites phrases de liaison pour améliorer sa cohérence. Il était sincèrement content et  regrettait qu'on n'ait pas pu "mieux mettre tout ce talent au service du pays".

 Henriot est venu dans ce monde sans rien dans des conditions plutôt défavorables, le dernier d'une famille  monoparentale pauvre de sept enfants dont Marie Antoinette, Jean et Gérard avec lesquels il avait sporadiquement vécu lorsqu'il était enfant, la majeure partie de sa jeunesse fut avec sa mère, "Madan Robert" qui était condisciple de ma mère chez les sœurs  (il y a de ces coïncidences dans la vie!), avec mon papa comme père adoptif aux Gonaïves et avec  moi  comme grand frère à Croix-des-Bouquets lorsqu'il était revenu de UTAH University en 1986 avec sa maitrise en Génie Rural jusqu'à son mariage avec Uranie en 1988. Pourtant, il est parti en laissant un nom, une entreprise très connue, HYDROTEC, dont le fer de lance demeure  son compagnon de travail, Thony Louis-Jacques, une ferme agricole bien équipée de 3 ha 1/2  qu'il voulait transformer en une école de formation pour de jeunes entrepreneurs agricoles. Il avait aussi appuyé sa femme dans le mise sur pied d'une jardinière d'enfants, " Le Crayon de Cire".

Adieu, mon ami et petit frère
Notre chère Henriot est donc parti en paix, le devoir bien accompli en surprenant tout le monde ( Isaac Xavier qui m'a annoncé la nouvelle en pleurant au tel, moi-même qui l'a reçue avec un sanglot ; on s'y attendait mais pas de si tôt). Bernard Ethéart, le président de la FONHDILAC, qui vient de subir deux opérations (occlusions intestinales), a été très surpris lorsque je lui ai annoncé la nouvelle. Quant à Jean Marie Binette, membre de la FONHDILAC, il était encore sous le choc lorsqu'il m'a eu au téléphone. Il en a été de même  pour les autres membres de la FONHDILAC (notre fondation, notre lieu d'évasion mensuelle) et pour les membres du Conseil de la Société Civile de la BID (CONSOC) où il représentait avec moi la FONHDILAC. C'était  un collaborateur très compétent doublé d'un homme de  grand cœur. En effet, avant son dernier voyage à Cuba pour une séance thérapeutique de la dernière chance, il m'a confié avoir reçu un coup de fil du Ministre de l'Agriculture dont il était membre de cabinet. M. Dorcin lui a demandé en fin de conversation :
 "Que puis-je faire pour toi, Henriot?"
" Rien. Il suffit de demander à  votre administration de payer les membres du cabinet", lui a répondu Henriot.
"J'y gagnerai et les autres membres du cabinet aussi", a-t-il fait comprendre  au ministre qui voulait lui venir en aide personnellement, en attendant de régler un peu plus tard cette question de paiement des cadres du cabinet. Il est donc resté solidaire de l'équipe  jusqu'au bout.

A nous autres sa famille, ses collègues et amis de maintenir son héritage ô combien précieux et de le renforcer pourqu'il contribue davantage au développement de notre chère Haïti.

La leçon de la vie de ce grand Monsieur : si Haïti disposait d'une masse critique d'Henriot, elle serait déjà redevenue "la Perle des Antilles".

 C'est ma façon à moi de te dire  adieu, mon ami et petit frère . N'oublie pas de saluer les agronomes Barnatre, Milou et Hebel qui sont partis avant toi dans l'espace de deux mois. Dis-leur que nous allons continuer le combat pour l'agriculture et pour le pays haïtien, en attendant notre tour, car la mort, cette cruelle sans pitié, n'épargne personne. Que la terre te soit légère!!!

dimanche 31 mai 2015

HAITI ELECTIONS 2015 : EXCLUSION TECHNIQUE, LA PETITE TEMPETE AVANT LA GRANDE ?


HAITI ELECTIONS 2015 : EXCLUSION TECHNIQUE, LA PETITE TEMPETE AVANT LA GRANDE ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 MAI 2015

L’année 2014, à pareille époque, on parlait de « Mundial Brésilien » qui s’en venait pour nous apporter un répit  footballistique au pays face à la grisaillerie politique, d’élections 2014, qui devraient avoir lieu le 26 Octobre 2014, avec un nouveau Conseil Electoral Provisoire (CEP) avec  Me Max Mathurin à sa tête, celui qui réalisa les élections de 2006, de MOPOD qui occupait la rue en demandant avec violence la tête de Martelly et de Lamothe. Personne ne croyait qu’on allait changer de conseil électoral provisoire une fois de plus. Les élections n’ont pas eu lieu en 2014. Lamothe est parti en  Décembre 2014, remplacé par Evans Paul comme Premier Ministre. En Mai 2015, c’est la poursuite du processus électoral de 2015 (inscriptions et carnets aux candidats à la députation et au Sénat, en attendant les carnets pour nos 71 candidats à la présidence) avec un autre Conseil Electoral Provisoire (CEP) selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987. C’est l’exclusion technique qui commence à faire des vagues (Petit Goâve avec l’incendie du Bureau Electoral Provisoire (BEC), Mirebalais avec les manifestations de rue, etc., l’augmentation des cas de criminalité). Heureusement, on aura une trêve footballistique avec la finale de la Coupe de l’UEFA des clubs champion entre Barcelone et Juventus (3-1), le samedi 6 juin 2015, et la Copa América du Chili, le 11 juin 2015. Le CEP fait l’objet de critiques de la part de la majorité des gens qui ont travaillé dans l’Etat et qui n’ont pas été agréés pour participer aux prochaines joutes électorales soit pour cause de décharge ou de double nationalité. L’ancienne opposition jubile pour l’exclusion technique de tous ces gens à partir de l’application stricte et « abusive» du décret électoral  par le CEP et les rapports de décharge un tantinet controversés de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) qui n’a fait aucun cadeau aux anciens hauts fonctionnaires et anciens élus qui sont donc légalement exclus du processus électoral. Alors cette exclusion technique d’une frange importante des prétendants aux postes électifs  et parmi lesquels des gens très populaires et très valables annonce-t-elle la petite tempête par rapport à la grande qu’on sent venir?

Les faits saillants non stressants
Le mois de mai, mois de Marie, la fête de l’Agriculture et du Travail (1er mai), la fête du Drapeau et de l’Université (18 mai) et la fête des mères (31 mai), c’est aussi le 4e anniversaire de la prise de pouvoir par le Président Martelly, la visite officielle d’un Président Français, celle de M. Hollande, celle de M. Sarkosy en 2010 ayant été de circonstance (Tremblement de terre du 12 janvier 2010) et l’entrée officielle de Dany Laférière à l’Académie Française, le 28 mai.

(i)                   Le Champs de Mars a accueilli les festivités du 1er Mai 2015 organisées par les ministères de l’agriculture et des affaires sociales ; cela fait un bail depuis la dernière fois. C’était un succès populaire, une foire extraordinaire avec plus de 500,000 visiteurs.
(ii)                 Le 12 Mai, le Président Hollande de la France a été chaleureusement reçu par son homologue haïtien, Michel Martelly qui, un instant, lui a servi de chauffeur en imitant M. Obama. Les discours étaient d’une très bonne facture. M. Hollande s’acquittera de « la dette morale » de la France vis-à-vis d’Haïti par « un pacte pour l’éducation » avec le Président Haïtien. Il a été procédé à la signature de 4 accords dans des secteurs importants tels : l’énergie (EDF/EDH), la sécurité aérienne  (appui de la Direction Générale d’Aviation civile (DGAC) et de la Direction des Services de la Navigation Aérienne (DSNA)  à l’Office National de l’Aviation Civile (OFNAC), l’agriculture (accord entre les Gouvernements Haïtiens  et Français favorisant la réalisation d’un partenariat entre deux entreprises privées spécialisées dans la production de banane, l’Union Groupe Production de Banane Guadeloupe-Martinique (UGPBAN) et AGRITRANS d’Haïti)  et l’éducation. « Si nous ne pouvons pas changer l’histoire, que l’histoire nous change », a lancé péremptoirement Michel Martelly. Il a réclamé « un plan Marshal pour l’éducation en Haïti ». Et Hollande de répliquer en signe d’approbation : «  Si on ne peut changer l’histoire, on peut changer l’avenir ». Je reste persuadé que c’est un choix intelligent de passer par l’éducation qui reste le principal moteur de tout changement véritable.

(iii)                Le 14 Mai, c’est la commémoration du 4e anniversaire de la prise de pouvoir par l’administration Martelly. Le Président a procédé à l’inauguration du kiosque Oxide Jeanty rénové avec ces 5000 places assises de tribune et qui se trouve presqu’en face du Ciné Triomphe rénové lui-aussi, un très joli tableau pour les visiteurs qui pratiquent la zone de Champs de Mars.

(iv)               Le 18 Mai, j’ai eu la chance de parcourir une bonne partie de l’Artibonite  le jour même, en particulier la basse plaine des Gonaïves  et certaines localités jouxtant la nationale No 1. Toute la journée et jusque très tard dans l’après midi, les enfants exécutaient des chorégraphies de circonstance. Dans la plaine des Gonaïves un grand réservoir à ciel ouvert conçu pour l’irrigation a été transformé en piscine publique avec tout autour des DJ qui mettaient une animation à tout casser pour permettre aux jeunes de s’amuser.

(v)                 Le 28 Mai, notre « immortel », Dany Laférière, est officiellement reçu à l’Académie Française. Le discours de Dany et la réponse d’Amin Maalouf sont empreints de simplicité, d’une profondeur à nulle autre pareille, d’une érudition à couper le souffle. Dany, le petit fils de Da, succède à  Hector Bianciotti, au fauteuil numéro 2 de l’Académie française. En parlant d’Hector c’est toute une tranche d’histoire, toute la culture que Dany fait défiler devant le monde, c’est Legba, ce loa du Pantéon du Vodou Haïtien, C’est la Pampa de l’Argentine, c’est Borges (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/145469/Discours-de-reception-de-Dany-Laferriere ). En répondant à Dany, Amin Maalouf, cet ancien de Jeune Afrique, actuel immortel comme Dany, a campé notre histoire de peuple, passé en revue la période duvaliérienne, parlé de la culture, la révolution française, la révolution domingoise, etc.   (Réf. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/145471/Reponse-au-discours-de-reception-de-Dany-Laferriere ). Comment moi, le petit Jean-Robert, un simple mortel, je me permets de commenter les discours de ces « immortels » ? Il faut vraiment consacrer du temps à la lecture de ces chefs d’œuvres de discours. Lisez et relisez pour bien comprendre et voir vos limites. Que de choses à apprendre dans ces deux discours, plutôt  des pièces de musée !!!

(vi)               C’est un cadeau offert à notre mère, Haïti. Merci Dany de faire entrer Legba avec  toi à l’Académie Française. A l’occasion de la fête des mères, merci de t’offrir en cadeau à Haïti ; ton épée avec le vêvê de Legba, « le dieu des écrivains », conçue par un Haïtien, témoigne de ton attachement à notre cher pays que nos politiciens n’ont jusqu’ici pas su vendre la meilleure image à l’extérieur et qui se débat pour sortir de cette sorte de crise permanente.

Le malaise
Malheureusement, notre réalité c’est aussi le processus électoral. C’est l’exclusion de la plupart d’entre nous à participer aux joutes électorales parce que certains ont osé servir l’Etat, ont pris une autre nationalité ou sont nés sur une terre étrangère de parents haïtiens. C’est le malaise qui dérange le pays et qui nous fait craindre l’avenir.

Les carnets du CEP : absence de décharge et/ou nationalité étrangère
En effet, selon Le Nouvelliste : « Le Conseil électoral provisoire (CEP) a publié sur son site internet la liste des candidats aux prochaines législatives repêchés. Il s’agit de 294 candidats à la députation et 47 candidats au Sénat. Dans sa première liste de candidats agréés pour les législatives, le CEP avait écarté plus de 500, soit 446 candidats à la députation et 76 candidats au Sénat sur 2039 inscrits ». Tout le monde attend maintenant les carnets pour les présidentielles. 71 prétendants sont en attente du verdict du CEP y inclus les contestés, dont 4 candidats au moins de l’ancien MOPOD(Mme Manigat s'etant mise en reserve de la Republique, en attendant peut-etre une percée louverturienne) et une trentaine de candidats alliés du et/ou liés au pouvoir en place (émiettement dans tous les camps), LAVALAS, FUSION et OPL exceptés. Il faut noter que, parmi les repêchés, Mme Martelly, M. Boulos, Agr.  G. Mathurin ne figurent pas et tant d’autres encore. Raisons : absence de décharge et/ou nationalité étrangère.

 Gestion impeccable ou rien
Deux institutions étatiques sont actuellement sur la sellette : Le CEP et la CSCCA. L’un est mis en place après consensus, l’autre est issue du Sénat tel que prévu par la Constitution. Suite à l’Accord Del Rancho, l’Exécutif, à son corps défendant, a dû accepter de sanctionner le choix du Sénat. Et la CSCCA, dans sa composition actuelle, a été mise en place. Cette cour délivre des certificats de décharge sur la gestion des parlementaires, des fonctionnaires de l’Etat et  de ceux des collectivités territoriales. A ce qu’il parait, pour avoir droit à ce fameux certificat, il faudrait que la gestion des comptables des deniers publics soit impeccable. J’en prends pour preuve le cas de l’ex-premier ministre Lamothe. Il aurait reçu un sans faute pour sa gestion du ministère des affaires étrangères, un sans faute pour sa gestion de la Primature, et 0,00028% (7,000,000/25,000,000,000) de problèmes pour sa gestion du ministère de la planification, ce qui lui vaudrait une note négative pour l’ensemble de sa gestion. De toute manière, même s’il avait reçu une note positive, il n’aurait pas de certificat de décharge. Ayant été haut fonctionnaire de l’Etat, seule une commission bicamérale du Parlement (Senat et Chambre des députés) est habilitée à lui délivrer un tel papier. Or, en l’absence du Parlement, il ne peut y avoir accès. Il serait exclu de la course électorale à la présidence. Cette hypothèse tendrait à se confirmer dans les prochains jours pour la plupart des candidats à la présidence et pas des moindres. Alors, face à cette petite tempête faite d’assassinats spectaculaires, d’incendie de bureau électoral de Petit Goâve, de pneus enflammés à Delmas, de manifestations de rue à Mirebalais, etc., quelle sera la situation après « la remise des carnets » aux prétendants aux présidentielles et aux collectivités territoriales (Maires et CASECs)?

La grande tempête ?

La situation devrait en principe empirer d’autant que nos fauteurs de trouble, nos faiseurs d’insécurité et autres malfrats sont aux aguets  et n’attendent que des occasions comme celles qui s’en viennent pour semer la panique et faire leur beurre (vol, viole, assassinat). La police sera tellement occupée à gérer la situation politique que les fameuses associations de malfaiteurs auront pratiquement les mains libres pour opérer. De plus, la République Dominicaine se prépare à nous déverser nos réfugiés économiques, nos frères nés dans ce pays ou qui y ont entré illégalement. Certains parlent de 200,000, d’autres un peu plus. Quelles sont les dispositions prises pour les recevoir ? Avons-nous la capacité d’y faire face ? Pas dans la situation actuelle où le pays connait une situation économique précaire (le dollar américain a franchi le cap de 50 HTG, rendant la vie encore plus chère), où la bataille quotidienne pour le primum vivere se fait sentir de manière la plus visible et la plus aigue. Il faut souligner aussi le démarrage de la saison cyclonique à partir de ce 1er juin jusqu’au 30 novembre 2015, les séquelles de la période de sécheresse qui vient de frapper le pays suite au phénomène del Nino et l’influence de ces phénomènes sur la production agricole, sans oublier les menaces liées à une saison cyclonique qui pourrait nous valoir une ou plusieurs grandes tempêtes. A ce qu’il parait, avec la présence Del Nino, les risques d’un cyclone majeur semblent réduits. De toute manière, la Copa America du Chili sera là pour nous divertir et nous faire oublier notre situation précaire ; il en sera de même pour la Copa de Oro, un mois plus tard. De quoi nous aider à atténuer les effets de la grande tempête (soit politique, soit naturelle) si grande tempête il y aura. Que Dieu, qui nous protège et qui a permis à Legba de conduire Dany Laférière à « l’immortalité » de son vivant, nous ouvre la porte du développement en nous épargnant la grande tempête qui s’annonce!

jeudi 30 avril 2015

HAITI : ELECTIONS LEGISLATIVES INCLUSIVES OU EXCLUSIVES ?



HAITI :   ELECTIONS LEGISLATIVES  INCLUSIVES OU EXCLUSIVES ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 AVRIL 2015

Après l’inscription des partis politiques le mois dernier, c’est l’inscription des candidats à la députation et au Senat qui a dominé l’actualité en ce mois d’avril  2015. Au total, le Conseil  Electoral Provisoire (CEP) a enregistré 2029 candidats aux postes législatifs, selon le directeur du registre électoral, dont 262 candidats inscrits au Sénat et 1767 à la députation. De ces inscrits, 111 candidats sont contestés. En attendant les « carnets » du CEP, il est à noter que, parmi les inscrits pour ces élections, on relève des gens très valables susceptibles de favoriser la mise sur pied d’un Parlement vraiment idéal. Toutefois, malgré les promesses  d’ « élections inclusives » de l’administration Martelly et du CEP, il y a de forte chance que certains candidats soient exclus techniquement du processus. D’où le titre de cet article : « Haïti, élections législatives inclusives ou exclusives ? »

Les faits marquants retenus

Avant de rentrer dans le vif du sujet, survolons la situation du pays au cours de ce mois d’Avril 2015. Les divers points et faits saillants retenus sont : (i) le processus électoral suit son cours ;(ii)  le Président Martelly a fait le voyage à Panama pour le 7e Sommet des Amériques avec  la participation des 35 pays du Continent américain  dont Cuba qui a marqué son retour parmi les siens ; Raoul Castro, le Président cubain, a été , avec le Président américain Barak Obama, le point de mire de ce sommet ;(iii) la situation d’insécurité se fait sentir par des cas sporadiques de tueries par balles, des accidents de la route (Ex : Tapion), du naufrage du petit bateau de Borgnes avec près d’une vingtaine de morts par noyade, la manifestation de Ouanaminthe qui a couté la vie à un casque bleu, cette manifestation pour l’électricité sur demande d’un candidat augure peut-être ce qui va se passer au cours des prochaines  élections (Haïti en Marche), des cas de règlements de compte (Ex : l’assassinat d’un frère par un autre qui a éliminé aussi le principal témoin à Croix-des-Bouquets) essentiellement liés à la situation politique ; (iv) la bataille au sein du secteur éducation du Ministre Nesmy Manigat pour essayer de changer les choses face aux forces de résistance qui veulent à tout prix maintenir le statu quo ; (v) la semaine de la finance du Group Croissance qui a vu rentrer dans le panthéon de la finance haïtienne de l’institution les noms de : Adrien Castera, Jean-Marie Claude Pierre-Louis et Jean-Philippe Prosper ; (vi) un léger remaniement du Gouvernement avec Lehner Renaud assurant l’intérim  aux Affaires étrangères (MAE) en remplacement de Duly Brutus qui serait Candidat à la présidence, tandis que Robert Labrousse est installé le 29 Avril 2015 au Ministère des Haïtiens Vivant à l’ étranger (MHAVE) en remplacement de Olicier Pieriche ; (vii) les ministères de l’Agriculture (MARNDR) et des Affaires Sociales (MAS) en pleine préparation de la fête de l’Agriculture et du Travail qui a lieu au Champs de Mars à partir du 1er mai 2015, une sorte de retour au bercail après plusieurs années.

Maintenant, revenons à nos moutons.

 «Décharge et double nationalité : Sophia Martelly plaide non coupable »

Sur 2029 inscrits, on relève 111 cas de contestations dont celui de Mme la Première Dame, Sophia Martelly, candidate au Sénat pour le département de l’Ouest et accusée par ses concurrents de double nationalité et d’avoir été comptable des deniers publics donc de défaut de décharge. On se souvient des accusions d’usurpation de titre et de corruption à l’encontre de Mme Martelly et de son fils Olivier introduites par les avocats André Michel et Newton Saint Juste farouches opposants au régime Martelly et qui actuellement sont membres de la plate-forme JUSTIS qui a contesté la candidature de Sophia Martelly. Mme Martelly est aussi contestée par le Parti Lavalas, en particulier l’ex Sénateur Gérald Gilles, sous les mêmes accusations.  Sophia Martelly - à travers ses  avocats (G. Mayard-Paul et Consorts)- plaide non coupable. Il faut noter que, selon le Journal, Le Nouvelliste  du 28 avril 2015: « A elle seule, Sophia Martelly, l’épouse du chef de l’Etat et candidate au Sénat pour le département de l’Ouest, fait l'objet de pas moins de six cas de contestation ».

La contestation des candidats

 Citons encore le Nouvelliste : « Les avocats font parler les lois. Chacun essaie de tirer le drap de la Constitution à son avantage. Au Bureau du contentieux électoral départemental de l’Ouest, mardi, parties contestataires et défenderesses utilisent l’arme de la dialectique pour convaincre les juges électoraux. La décharge et la double nationalité, deux exigences majeures pour certains candidats aux législatives comme Sophia Martelly à élucider, s’ils veulent rester dans la course électorale et avoir le laissez-passer du CEP pour les élections du 9 août 2015. Sophia Martelly, Stevenson Jacques Timoléon, Gérald Mathurin, Joseph Lambert, Jacky Jr Khawly, Germain Fils Alexandre, Vladimir Jean-Louis, Jean-Philippe Sassine, Quebro Zamor… Ils sont plusieurs dizaines de candidats aux élections législatives qui se battent dans différents Bureaux du contentieux électoral départementaux pour rester dans la course électorale. Leur candidature a été contestée, chacun en ce qui le concerne, pour des raisons diverses ».

Décision dans 24 heures du BCED

Selon l’article 111.1 du décret électoral, rapporte le Nouvelliste : « le BCEC ou BCED entend l’affaire et prend une décision dans un délai ne dépassant pas vingt-quatre heures. Il notifie sa décision immédiatement au Conseil électoral provisoire. » Les intéressés ainsi que le grand public attendent avec impatience le verdict du Bureau du Contentieux Electoral départemental (BCED) pour savoir qui va participer ou non aux élections législatives.

 Certaines Considérations

1.       La question de décharge
La question de décharge est complexe et compliquée. La principale institution, le Parlement, préposée pour donner la décharge aux hauts fonctionnaires de l’Etat est dysfonctionnelle. Quand bien même la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratifs (CSCCA) arrive à analyser les dossiers de tous les anciens ministres et premiers ministres, que le verdict soit favorable ou défavorable, si on veut respecter strictement la loi, ces hauts fonctionnaires ne peuvent obtenir le certificat de décharge. Certes, il y a les premiers ministres  et les ministres de Martelly que les anciens de l’opposition radicale aimeraient voir disqualifiés. Mais il y en a d’autres qui ont introduit leur demande de décharge bien longtemps avant. A cause des querelles intestines entre l’administration Martelly et le Parlement, les dossiers de ces hauts fonctionnaires n’ont pas pu être finalisés. L’Etat a donc failli par rapport à ces dossiers. Pour ce qui concerne, les hauts fonctionnaires qui ont travaillé avec Martelly, ils sont eux aussi victimes de la défaillance institutionnelle de l’Etat. Faut-il les p
énaliser pour avoir servi leur pays dans un gouvernement légitime ? Certains parlementaires qui ont été comptables des deniers publics n’auront-ils pas droit de briguer un autre mandat parlementaire même si le verdict de la CSCCA se révèle favorable. En d’autres termes, faut-ils pénaliser des haïtiens pour avoir osé servir leur pays dont les institutions ont failli?  Faut-il les exclure ?

2.       Il faut s’entendre au moins sur la Charte fondamentale mais laquelle ?
La question de la double nationalité est moins compliquée si l’on se réfère à la dernière loi électorale qui est liée à la Constitution amandée. Il suffit d’être un haïtien d’origine et de renoncer à la nationalité étrangère au moment de poser sa candidature au poste de député ou de Sénateur. Or être un haïtien d’origine c’est être né d’un père haïtien ou d’une mère haïtienne qui n’ont pas renoncé à leur nationalité au moment de la naissance. Là ce sont les explications fournies par nos hommes de loi. En fonction de ces arguments, la question de la nationalité parait assez simple sur la base de la Constitution amandée pour le simple profane que je suis. La complication vient avec cette interrogation, Haïti est sous l’égide de quelle Constitution, celle de 1987 ou celle amandée ? Selon le Sénateur Benoit, celle amandée n’a jamais été publiée intégralement dans le Journal officiel, Le Moniteur, donc n’est pas officielle. Peut-on être sous le régime de deux constitutions en même temps? Très certainement pas ! Dans le cas d’un Etat failli et démocratique, la dictature des lois qu’est la démocratie peut-elle pénaliser un citoyen honnête ou le favoriser? Il faut s’entendre au moins sur la Charte fondamentale mais laquelle? En tout cas, à mon humble avis, pas celle qui exclut le citoyen haïtien, surtout s’il est honnête et contribue à la survie de son pays (droit du sang oblige et 2 Mrds USD en 2014).

3.       Les candidats sont inscrits sous la bannière d’un parti ou regroupement politique

Je me trompe peut-être. On dirait que, pour ces élections législatives, il n’y aura pas de candidats indépendants comme par le passé. Les candidats sont inscrits sous la bannière d’un parti ou regroupement politique. C’est une très bonne chose pour la démocratie haïtienne. Le fait de s’inscrire sous la bannière d’un parti n’est pas un choix délibéré. Il est plutôt lié à la loi sur le financement des partis politiques. Le candidat indépendant serait isolé et devrait assumer seul les charges de sa candidature s'il n'avait pas intégré un parti ou un regroupement politique. Certes, cette loi a favorisé un pullulement de partis et regroupements politiques, ce qui est en soi un problème à résoudre ; mais elle a rompu avec le nombre d’indépendants qui caractérisait les élections passées et a favorisé l’intégration des candidats au sein d’un parti politique.  Il faudrait financer les partis en fonction du nombre de candidats envoyés aux élections et évaluer leur poids au niveau de l’électorat et  leur degré d’enracinement dans la population suite aux élections. Les contestations ne sont pas faites contre les partis politiques mais contre certains membres de parti ou regroupement jugés fautifs  et qui sont délibérément visés  pour être exclus du processus. Il faut noter aussi que les personnes visées sont prétendument vues comme susceptibles de gagner les élections au niveau de la circonscription ou du département en question. Il faut à tout prix les exclure techniquement.

Elections inclusives ou exclusives ?

En guise de  conclusion, l’administration Martelly et le CEP ont promis des « élections inclusives ». C’est ainsi qu’on a enregistré les inscriptions de nombreux partis et regroupements politiques sans distinction d’idéologie, de position anti ou pro pouvoir en place, de modération ou de radicalisation au niveau du langage des dirigeants de ces partis. Le CEP, pour avoir eu des critères très objectifs pour l’acceptation ou non d’un parti ou regroupement politique, s’est jusqu’ici bien tiré d’affaires dans ce processus plutôt difficile. Personne ne l’a accusé d’exclure qui que ce soit pour des raisons politiques politiciennes. C’est l’inclusion totale du point  de vue des partis ou regroupements politiques. Par contre, au sein des partis, les 111 cas de contestation visent généralement des personnes ayant un nom, un passé, une certaine popularité comme Mme Martelly, M. Boulos, M. Mathurin, M. Lambert pour ne pas les citer tous. Quand on entend bien les contestataires, ils exercent une forme de pression verbale sur l’institution électorale pour lui forcer la main en vue d’exclure ces candidats. C’est pourquoi il est plus qu’impératif que le CEP prenne des décisions en accord avec le décret électoral et sur la base des informations fournies par les instances compétentes  pour ne pas faire le jeu des uns et des autres, et, par ainsi, jeter le processus dans un cycle infernal qui condamnerait le pays à évoluer dans une crise encore plus aigüe que celle dans laquelle il patauge actuellement et qui l’a conduit à cet « Etat failli ». Ainsi, s’il y a exclusion de certains candidats qu’on ne lui en attribue pas la responsabilité. N’est-ce pas la meilleure façon d’avoir des élections inclusives comme promis ?