HAITI : ELECTIONS LEGISLATIVES INCLUSIVES OU EXCLUSIVES ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 AVRIL 2015
Après
l’inscription des partis politiques le mois dernier, c’est l’inscription des
candidats à la députation et au Senat qui a dominé l’actualité en ce mois d’avril 2015. Au total, le Conseil Electoral Provisoire (CEP) a enregistré 2029
candidats aux postes législatifs, selon le directeur du registre électoral,
dont 262 candidats inscrits au Sénat et 1767 à la députation. De ces inscrits,
111 candidats sont contestés. En attendant les « carnets » du CEP, il
est à noter que, parmi les inscrits pour ces élections, on relève des gens très
valables susceptibles de favoriser la mise sur pied d’un Parlement vraiment
idéal. Toutefois, malgré les promesses d’
« élections inclusives » de l’administration Martelly et du CEP, il y
a de forte chance que certains candidats soient exclus techniquement du
processus. D’où le titre de cet article : « Haïti, élections
législatives inclusives ou exclusives ? »
Avant de rentrer dans le vif du sujet, survolons la situation du pays au cours de ce mois d’Avril 2015. Les divers points et faits saillants retenus sont : (i) le processus électoral suit son cours ;(ii) le Président Martelly a fait le voyage à Panama pour le 7e Sommet des Amériques avec la participation des 35 pays du Continent américain dont Cuba qui a marqué son retour parmi les siens ; Raoul Castro, le Président cubain, a été , avec le Président américain Barak Obama, le point de mire de ce sommet ;(iii) la situation d’insécurité se fait sentir par des cas sporadiques de tueries par balles, des accidents de la route (Ex : Tapion), du naufrage du petit bateau de Borgnes avec près d’une vingtaine de morts par noyade, la manifestation de Ouanaminthe qui a couté la vie à un casque bleu, cette manifestation pour l’électricité sur demande d’un candidat augure peut-être ce qui va se passer au cours des prochaines élections (Haïti en Marche), des cas de règlements de compte (Ex : l’assassinat d’un frère par un autre qui a éliminé aussi le principal témoin à Croix-des-Bouquets) essentiellement liés à la situation politique ; (iv) la bataille au sein du secteur éducation du Ministre Nesmy Manigat pour essayer de changer les choses face aux forces de résistance qui veulent à tout prix maintenir le statu quo ; (v) la semaine de la finance du Group Croissance qui a vu rentrer dans le panthéon de la finance haïtienne de l’institution les noms de : Adrien Castera, Jean-Marie Claude Pierre-Louis et Jean-Philippe Prosper ; (vi) un léger remaniement du Gouvernement avec Lehner Renaud assurant l’intérim aux Affaires étrangères (MAE) en remplacement de Duly Brutus qui serait Candidat à la présidence, tandis que Robert Labrousse est installé le 29 Avril 2015 au Ministère des Haïtiens Vivant à l’ étranger (MHAVE) en remplacement de Olicier Pieriche ; (vii) les ministères de l’Agriculture (MARNDR) et des Affaires Sociales (MAS) en pleine préparation de la fête de l’Agriculture et du Travail qui a lieu au Champs de Mars à partir du 1er mai 2015, une sorte de retour au bercail après plusieurs années.
Maintenant, revenons à nos moutons.
«Décharge et double nationalité : Sophia Martelly plaide non coupable »
Sur 2029 inscrits, on relève 111 cas de contestations dont celui de Mme la Première Dame, Sophia Martelly, candidate au Sénat pour le département de l’Ouest et accusée par ses concurrents de double nationalité et d’avoir été comptable des deniers publics donc de défaut de décharge. On se souvient des accusions d’usurpation de titre et de corruption à l’encontre de Mme Martelly et de son fils Olivier introduites par les avocats André Michel et Newton Saint Juste farouches opposants au régime Martelly et qui actuellement sont membres de la plate-forme JUSTIS qui a contesté la candidature de Sophia Martelly. Mme Martelly est aussi contestée par le Parti Lavalas, en particulier l’ex Sénateur Gérald Gilles, sous les mêmes accusations. Sophia Martelly - à travers ses avocats (G. Mayard-Paul et Consorts)- plaide non coupable. Il faut noter que, selon le Journal, Le Nouvelliste du 28 avril 2015: « A elle seule, Sophia Martelly, l’épouse du chef de l’Etat et candidate au Sénat pour le département de l’Ouest, fait l'objet de pas moins de six cas de contestation ».
Citons encore le Nouvelliste : « Les avocats font parler les lois. Chacun essaie de tirer le drap de la Constitution à son avantage. Au Bureau du contentieux électoral départemental de l’Ouest, mardi, parties contestataires et défenderesses utilisent l’arme de la dialectique pour convaincre les juges électoraux. La décharge et la double nationalité, deux exigences majeures pour certains candidats aux législatives comme Sophia Martelly à élucider, s’ils veulent rester dans la course électorale et avoir le laissez-passer du CEP pour les élections du 9 août 2015. Sophia Martelly, Stevenson Jacques Timoléon, Gérald Mathurin, Joseph Lambert, Jacky Jr Khawly, Germain Fils Alexandre, Vladimir Jean-Louis, Jean-Philippe Sassine, Quebro Zamor… Ils sont plusieurs dizaines de candidats aux élections législatives qui se battent dans différents Bureaux du contentieux électoral départementaux pour rester dans la course électorale. Leur candidature a été contestée, chacun en ce qui le concerne, pour des raisons diverses ».
Décision dans 24 heures du BCED
Selon l’article 111.1 du décret électoral, rapporte le Nouvelliste : « le BCEC ou BCED entend l’affaire et prend une décision dans un délai ne dépassant pas vingt-quatre heures. Il notifie sa décision immédiatement au Conseil électoral provisoire. » Les intéressés ainsi que le grand public attendent avec impatience le verdict du Bureau du Contentieux Electoral départemental (BCED) pour savoir qui va participer ou non aux élections législatives.
1. La question de décharge
2. Il faut s’entendre au moins sur la Charte fondamentale mais laquelle ?
3. Les candidats sont inscrits sous la bannière d’un parti ou regroupement politique
Je me trompe peut-être. On dirait que, pour ces élections législatives, il n’y aura pas de candidats indépendants comme par le passé. Les candidats sont inscrits sous la bannière d’un parti ou regroupement politique. C’est une très bonne chose pour la démocratie haïtienne. Le fait de s’inscrire sous la bannière d’un parti n’est pas un choix délibéré. Il est plutôt lié à la loi sur le financement des partis politiques. Le candidat indépendant serait isolé et devrait assumer seul les charges de sa candidature s'il n'avait pas intégré un parti ou un regroupement politique. Certes, cette loi a favorisé un pullulement de partis et regroupements politiques, ce qui est en soi un problème à résoudre ; mais elle a rompu avec le nombre d’indépendants qui caractérisait les élections passées et a favorisé l’intégration des candidats au sein d’un parti politique. Il faudrait financer les partis en fonction du nombre de candidats envoyés aux élections et évaluer leur poids au niveau de l’électorat et leur degré d’enracinement dans la population suite aux élections. Les contestations ne sont pas faites contre les partis politiques mais contre certains membres de parti ou regroupement jugés fautifs et qui sont délibérément visés pour être exclus du processus. Il faut noter aussi que les personnes visées sont prétendument vues comme susceptibles de gagner les élections au niveau de la circonscription ou du département en question. Il faut à tout prix les exclure techniquement.
Elections inclusives ou exclusives ?
En guise de conclusion, l’administration Martelly et le CEP ont promis des « élections inclusives ». C’est ainsi qu’on a enregistré les inscriptions de nombreux partis et regroupements politiques sans distinction d’idéologie, de position anti ou pro pouvoir en place, de modération ou de radicalisation au niveau du langage des dirigeants de ces partis. Le CEP, pour avoir eu des critères très objectifs pour l’acceptation ou non d’un parti ou regroupement politique, s’est jusqu’ici bien tiré d’affaires dans ce processus plutôt difficile. Personne ne l’a accusé d’exclure qui que ce soit pour des raisons politiques politiciennes. C’est l’inclusion totale du point de vue des partis ou regroupements politiques. Par contre, au sein des partis, les 111 cas de contestation visent généralement des personnes ayant un nom, un passé, une certaine popularité comme Mme Martelly, M. Boulos, M. Mathurin, M. Lambert pour ne pas les citer tous. Quand on entend bien les contestataires, ils exercent une forme de pression verbale sur l’institution électorale pour lui forcer la main en vue d’exclure ces candidats. C’est pourquoi il est plus qu’impératif que le CEP prenne des décisions en accord avec le décret électoral et sur la base des informations fournies par les instances compétentes pour ne pas faire le jeu des uns et des autres, et, par ainsi, jeter le processus dans un cycle infernal qui condamnerait le pays à évoluer dans une crise encore plus aigüe que celle dans laquelle il patauge actuellement et qui l’a conduit à cet « Etat failli ». Ainsi, s’il y a exclusion de certains candidats qu’on ne lui en attribue pas la responsabilité. N’est-ce pas la meilleure façon d’avoir des élections inclusives comme promis ?
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