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vendredi 7 décembre 2018

HAITI : DU BANDITISME VERS UN ETAT INCLUSIF TOURNE VERS LE DEVELOPPEMENT


HAITI : DU BANDITISME VERS UN ETAT INCLUSIF TOURNE VERS LE DEVELOPPEMENT

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

6 DECEMBRE 2018, 

Revu et corrige le 8 Decembre 2018

Suite à la séance de convocation du conseil Supérieur de la police nation (CSPN) au Sénat de la République sur la sécurité du pays, le mardi 4 décembre 2018, il m’est venu l’idée de produire ce texte.

Cette séance au Sénat n’a pas été à la hauteur des attentes de la population. La montagne a accouché d’une souris. Mais c’était nécessaire d’avoir cette séance pour bien appréhender l’ampleur du phénomène du banditisme haïtien, le juguler et projeter ensemble un nouvel Etat D’Haïti inclusif tourné vers le développement harmonieux de notre pays.

Après près de 10 heures de temps de débats plutôt stériles sur la question de la sécurité du pays, il est clair, pour tous ceux-là qui ont un minimum de bon sens, de tirer la conclusion suivante : le pays est gangrené de bases de banditisme. 

En effet, tous les sénateurs ont fait mention de la prolifération des gangs au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, mais aussi au niveau l’ensemble du pays. Ces gangs se déplacent d’une zone à une autre avec armes et bagages, selon les pressions exercées par les forces de l’ordre. Ces gangs sont alimentés en majeure partie par nos politiciens et aussi par le secteur privé. « ke se swa nan secte prive-a, ke se swa nan gouveneman e nan opozisyon-an, nou tout gen gang», a confirmé l’honorable Saurel Jacinthe.     (Ref. https://web.facebook.com/radiotelevisioncaraibes/videos/358571548232679/?t=11800)


Déjà, nous savions que plusieurs zones du pays avaient des gangs, des bandits, mais nous ne savions pas que le phénomène était aussi répandu. Dans le temps, on parlait de Cité Soleil au niveau  de  la zone métropolitaine de Port-au-Prince, de Chalon au niveau de Miragoâne, de Nan Paul et de Savane Diane à St Michel de Latalaye, des gangs de la Vallée de l’Artibonite, des gangs à Raboteau aux Gonaïves, des gangs à l’entrée du Cap-Haïtien, des gangs à Petit Goâve, aux Cayes, etc.

Récemment, on a mis le focus sur Martissant,  Jalousie, Grand Ravine, village de Dieu, la Saline, Canaan, Remy et Bas Morne à Cabri à Croix-des-Bouquets, sur  Thomazeau dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince ; sur saint Médard), Williamson à l’Arcahaie ; sur Saint Marc ; sur une bonne partie de La Vallée de l’Artibonite ;  sur certains bidonvilles  de la région métropolitaine du Cap-Haïtien ; sur Petit-Goâve (Chabannes), et  sur Miragoâne (chalon[1]).

Maintenant, au cours de cette séance, nous avons compris que le banditisme s’est métastasé et que c’est le pays entier qui en souffre, d’autant que le banditisme, qui était un phénomène marginal sous la dictature, a pris ses galons durant  la période tumultueuse de l’apprentissage démocratique. Les macoutes non désarmés se sont reconvertis pour la plupart en attachés, il en sera de même pour certains membres de l’Armée d’Haïti après la dissolution  de l’institution par Aristide en 1995.

Depuis les élections de 1987, stoppées dans le sang, (souvenez-vous de Ruelle Vaillant) par l’Armée et les attachés, le banditisme a bénéficié de la protection politique. Les élections de 1990, organisées par Mme Herta Trouillot, ont vu la victoire de Jean Bertrand Aristide (JBA). Les masses défavorisées se sont vu propulsées au pouvoir à travers le Président JBA en 1991, qui, face à des rumeurs de coup d’Etat, va faire l’apologie du supplice du collier (caoutchouc). Ce qui n’a pas évité le coup d’Etat sanglant de l’Armée d’Haïti  contre JBA et a mis fin à cette première expérience du processus démocratique.

Pour résister, le peuple va s’organiser en bases jusqu’au retour de JBA après trois ans d’exil à Washington en 1994. Par la suite, les bases vont proliférer sous tous les gouvernements, en particulier sous le 2e gouvernement de JBA (2001-2004) en vue de faire face à tout éventuel et nouveau coup de force contre l’administration d’Aristide. 

Après le renversement de JBA, le 29 février 2004, elles feront une démonstration de force paralysant la zone métropolitaine de Port-au-Prince durant toute une semaine, et organisant par la suite «l’ opération Bagdad », qui va donner du fil à retordre au gouvernement de transition, jusqu’aux élections générales de 2006, ramenant René Préval au pouvoir, le « frère jumeau » de JBA. Elles ont pris tellement conscience de leur force, Préval a dû utiliser les forces de la police Nationale et de la MINUSTHA[2] pour atténuer leur ardeur et terminer son 2e mandat.

Et Martelly a dû composer avec les bases et d’autres forces pour accéder au pouvoir. Tous les élus, à quelque niveau qu’ils appartiennent, utilisent directement ou indirectement les bases et ont dû composer avec elles, à un moment ou à un autre, pour accéder au pouvoir. Les membres des bases, renforcés par d’autres forces (djab mele ak bon mas), se sont transformés, pour la plupart, en militants politiques et/ou en groupes de bandits sous la protection de la majorité de nos politiciens qui les actionnent pour régler leurs comptes avec leurs adversaires et ennemis politiques. Certains sont devenus des politiciens. D’où la gangrène d’aujourd’hui.

Comment arriver à penser le développement dans une telle ambiance ? Actuellement, tous les indicateurs sont au rouge. Les bandits font la loi. L’économie périclite. Le peu de moyens dont dispose le gouvernement est utilisé à des fins d’apaisement social et autres, sans pouvoir allier à sa cause les chefs de gang qui s’arrangent pour manger dans tous les râteliers et créer une situation d’instabilité quasi-permanente en Haïti.

Que faire ? aurait dit Lenine

Avant toute chose, il faut reconnaitre que la prolifération du banditisme est un phénomène social, économique et politique. Pour y face, il faut l’attaquer dans ses trois dimensions.

L’inégalité sociale qui sévit dans ce pays est liée à l’économie. Haïti est l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Cette situation a atteint depuis longtemps son seuil d’intolérance. Il faut la changer au plus vite dans le cadre d’une révolution tranquille ou elle se changera toute seule par la violence aveugle. A nous de choisir. En tout cas, il faudra agir vite politiquement.

Dans un premier temps, il faudra soulager la misère actuelle, apaiser socialement la population, en particulier les couches les plus défavorisées dans les zones les plus défavorisées du monde rural et dans les bidonvilles aux alentours des grandes agglomérations urbaines. Dans le budget 2018-2019 et d’autres budgets à venir, il faudra prévoir des actions d’apaisement social équivalentes  à 10% du budget, où la réinsertion des éléments des gangs et la coercition contre leurs éléments réfractaires et les plus dangereux  seront prises en compte, pour arriver à leur élimination progressive. L’ensemble des programmes sociaux seront regroupés, mis en œuvre de manière concertée par les acteurs impliqués (Etat,  Collectivités territoriales, Secteur Privé, ONG et Société civile) afin de maximiser leurs effets et impacts sur la pacification du pays.

Dans un second temps, il faudra parallèlement, à côté de cette bataille contre le banditisme à coup de programmes sociaux imbriqués par secteur, articulés d’un secteur à un autre et intégrés à l’action gouvernementale, organiser le procès PETROCARIBE, la grande concertation nationale, qui se soldera par le pacte de gouvernabilité et la mise en place du nouvel Etat d’Haïti.

Pour la grande concertation nationale, Haïti dispose des éléments d’un plan de développement inclusif. Le diagnostic est fait sur le plan humain, social, environnemental, infrastructurel, économique et financier, et sur le plan politique/gouvernance, des solutions appropriées sont proposées. Les études sont là : Depuis la commission nationale de la réforme administrative, (CNRA), les diverses commissions présidentielles de l’administration Préval, le Post desasters Needs assesment (PDNA 2010), les documents du secteur Privé, de la société civile, les diverses études du ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE), des bailleurs de fonds, jusqu’aux documents de politiques sectorielles des ministères, le PDNA de 2017, les documents du PNUD-HAITI, de la CNSA,  de la caravane du changement, des états généraux, sectoriels de la nation, etc.

Il nous faudra améliorer tout cela et en faire un plan de développement sur 25 ans pour transformer l’Etat d’Haïti en un État inclusif où tous ses fils et filles vivront en harmonie, dans la prospérité due à l’exploitation correcte de nos ressources naturelles et minières, estimées à plus de 100 trillions de dollars américains[3] par diverses sources dont les plus connues sont le Dr Henri Vixamar[4], l’ing Antoine Dimanche[5], le feu Dr Mathurin pour ne pas les citer.

Depuis 1987, le banditisme a gagné ses galons et plonge le pays dans une forme de crise permanente sous couvert d’un processus démocratique interminable qui a nui considérablement au processus de développement du pays. Cet Etat prédateur, inégalitaire et anti peuple, a atteint ses limites actuellement. Il s’est transformé en un Etat groupusculaire contrôlé par des gangs qui se sont infiltrés dans tous ses interstices et même dans ses sphères d’actions les plus élevées. Il faut juguler cet Etat et le transformer en cet autre Etat inclusif, issu de la grande concertation nationale, en vue d’aboutir à ce développement National d’Haïti rêvé par chacun de ses filles et fils et où il fera bon vivre. Nous pouvons le faire, nous sommes obligés de le faire ! Sans quoi nous périrons tous !



[1] En termes de zone sous contrôle de gang, Chalon est une constante. Entre janvier et Mars 2011, Chalon s’est illustré depuis  comme le point névralgique de la Nationale No2, comme le sera devenu Saint Médard (Arcahaie) depuis l’élection de Jovenel Moïse à partir  janvier 2017 jusqu’à date sur la Nationale No 1.
[2] Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti
[4] Interview à l’émission Le Point du 3 Février 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=-2xh5WyRnSY&t=1201s
[5] Effectivement, selon l’ingénieur Antoine Dimanche, le Pays dispose  de l’or, de l’argent, du cuivre, du pétrole prêt à être exploité,  du gaz naturel (5 Trillion de mde propane), du béton bitumineux à l’état naturel sur 24 km2 (zone de Jérémie), etc. Une fois ces ressources en phase d’exploitation, l’ haïtien le plus pauvre aurait, selon lui, 100,000 USD au minimum sur son compte en banque. Réf. https://jrjean-noel.blogspot.com/2014/08/haiti-imbroglio-politique-desras.html

jeudi 29 novembre 2018

18 NOVEMBRE 2018, LA POLITIQUE A OCCULTE PETROCARIBE, DEMISSION OU ENTENTE ?



18 NOVEMBRE 2018, LA POLITIQUE A OCCULTE PETROCARIBE, DEMISSION OU ENTENTE ?
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
29 NOVEMBRE 2018

Après le 17 octobre 2018, les petro-challengers et « le secteur démocratique et populaire » avaient donné rendez-vous pour le 18 novembre 2018 pour une autre grande manifestation en vue de réclamer « Kob Petro Karibe-a » et « la démission du Président Jovenel Moïse ». Entre temps, les petro-challengers se sont fait entendre par la voix de leur chargée de communication du groupe « Ayiti nou vle-a », tant dans « sa kap kuit » de la chaine 20 que dans l’émission « Invité du jour » de Valery Numa de Radio Vision 2000, ils se sont organisés entre eux pour mener la bataille petrocaribe ; ils veulent proposer quelque chose au pays en 2019 ; ils ne sont pas pour la démission du président ; ils se battent uniquement pour le procès et Haïti. 

D’un autre côté, le secteur démocratique a multiplié des interventions à la radio et à la télévision par la voix de leur principal porte-parole, Me Michei André, rendant le Président Jovenel Moïse responsable de tous les maux du pays, le présentant comme le « mal absolu », réclamant à cor et à cri sa démission, le considérant même déjà comme démissionnaire, et a promis que le 18 novembre marquerait la fin de son règne, quitte à ce que, selon JC Moise, la manifestation du 18 novembre 2018 s’éternise devant le Palais National jusqu’à l’annonce officielle de sa démission. 

Les deux groupes ont notifié le parcours différent de leur manifestation à la police selon la loi. 

Divers incidents avant le 18 novembre 2018

Avant de rentrer dans la manifestation du 18 novembre, il y a lieu de signaler un certain nombre d’incidents qui sont venus envenimer la situation. 

Le mouvement des avocats du Barreau de Port-au-Prince  refusant de plaider pas avant la révocation du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, Me Ocname Daméus qui s’est auto-déclaré « manager du dossier Petrokaribe » et a arrêté des décisions intempestives contre les entreprises impliquées dans ce dossier, l’intervention de la police au village de Dieu pour déloger le bandit Arnel Joseph et l’arrestation de certains de ses acolytes, la tuerie de La Saline attribuée par l’opposition au Président de la République,  la manifestation dans le nord du pays, en particulier au Cap-Haïtien, où le leader Jean Charles Moïse a fait hisser à Vertière le drapeau noir et rouge. 

Cet acte de Jean Charles Moïse est condamné par la majorité des secteurs de la vie nationale. C’est un coup politique qui lui a permis d’occuper l’actualité au détriment de PETROKARIBE et qui a cassé un peu l’élan citoyen vis-à-vis de ce dossier. En tout cas, par ce geste, JC Moïse s’est affiché comme le principal leader de l’opposition politique radicale en mettant en défi le pouvoir en place qui est resté figé sans pouvoir appliquer la loi contre cet ancien maire, ancien sénateur, ancien conseiller du Président Préval et ancien candidat à la présidence, classé 3e aux dernières présidentielles (2015 avortées et 2016). 

Après ce geste de JC Moise, les autres leaders de l’opposition, dite démocratique et populaire, qui ont condamné du bout des lèvres leur allié, se sont livrés une véritable bataille dans la véhémence du langage contre l’administration Moïse-Céant, chauffant à blanc les esprits, poussant leurs partisans à la désobéissance civile, qualifiant le Président de la République de « voleur ». 

Les routes nationales No 1 et 2 étaient bloquées selon le bon vouloir de certains groupes acquis à l’opposition sans véritable réaction des pouvoirs publics. La peur a gagné toute la population. 

Les partis politiques les plus modérés se sont mis de la partie pour demander la démission du Président de la République, sauf RDNP, le parti fondé par le feu Professeur Manigat. 

Et depuis le vendredi 16 jusqu’au Mardi 20 Novembre 2018, les tirs nourris ont déchiré le silence de la nuit au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, en particulier la nuit du 17 novembre vers le 18 novembre.

La manifestation du 18 novembre 2018

Cette grande manifestation a quand même eu lieu et a charrié des dizaines de milliers d’individus mais est loin d’être de la dimension de celle du 17 octobre 2018, car elle n’a pas couvert autant de villes que celle du 17 octobre. Elle s’est totalement orientée vers la démission du  Président Moïse, occultant  la simple cérémonie organisée par l’administration à l’occasion, et surtout le dossier PETROCARIBE pour la première fois depuis sa prise en charge par les pétro-challengers. Il faut signaler qu' en réalité on a vu une seule et même manifestation réclamant la démission du Jovenel Moïse.

La Police Nationale d’Haïti (PNH) a eu du pain sur la planche pour éviter les débordements d’autant que l’USGPN, l’unité se chargeant de la sécurité du Palais National a été très tôt filmée avec de nouveaux équipements (nouveaux véhicules, des armes de guerre comme M50 et M60)  et de nouvelles uniformes  de mêmes couleurs que les véhicules (camouflage), une personne en tenue de sniper. On aurait dit une démonstration de force de dissuasion. Pourquoi une telle démonstration?  En tout cas, l’opposition n’a pas pris de temps pour y trouver une explication et a accusé le pouvoir d’avoir utilisé des snipers pour éliminer des manifestants par des tirs dans  la tête. De là à mettre ces morts sous le compte de l’administration en place, il n’y a eu qu’un pas. Il a été franchi.

La déclaration du chef de la Police par rapport à la  présence sans son autorisation de l’USGPN dans la rue avec des armes de guerre, deux jours plus tard,  est venue jeter de l’huile sur le feu et de l'eau au moulin de l’opposition politique qui a capitalisé sur cette déclaration pour accuser le Président de la République d’avoir ordonné l’assassinat des manifestants et a fait tout un amalgame avec ce qui s’est passé à La Saline qu’elle a qualifié de «  massacre de La Saline » perpétré par le pouvoir en place.  Pourtant un organisme des droits humains a eu le courage de jeter la responsabilité de cette tuerie, résultant de la bataille entre deux gangs rivaux de la zone, sous le compte des deux parties, l’opposition et le pouvoir en place.

Les deux jours de grève du 19 et 20 Novembre : adhésion ou peur ?

Les deux journées de grève, qui ont suivi le 18 novembre 2018, commanditées par une organisation syndicale proche de l’opposition radicale, ont totalement paralysé les activités au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, les écoles, l’administration publique, le secteur privé des affaires, le commerce informel. 

Il faut noter que les routes nationales menant vers la Capitale étaient l’objet de barricades au niveau de plusieurs localités, en particulier Saint Médard, Canaan, Miragoâne, Petit Goâve, Gressier, etc., ce qui a paralysé les échanges entre les provinces et la Capitale. 

Les habitants des villes de la zone métropolitaine se sont terrés chez eux par crainte, surtout après les menaces proférées par certains leaders de l’opposition radicale. Globalement, on ne peut pas parler de l’adhésion de la majorité silencieuse. La peur a gagné les esprits durant les deux jours et la journée du mercredi 21 novembre peut être considérée comme une journée supplémentaire de grève tellement les activités étaient au ralenti.

L’appel au dialogue du Président dans son adresse à la nation et de la communauté internationale

Il a donc fallu attendre l’adresse à la Nation du Président Moïse axé essentiellement sur sa détermination de boucler totalement son mandat, d’instruire le Premier Ministre (PM) et le Conseil Supérieur de la Police National (CSPN) d’établir la paix dans le pays, de rétablir le CNDDR[1], et d’entamer le dialogue politique avec l’ensemble des partis politiques de l’opposition, etc. Ce bref discours du Président a été rejeté par l’opposition radicale, en particulier son appel au dialogue.

La déclaration de Kennett Merten, en charge du dossier Haïti au département d’Etat, sur la Voix de l’Amérique, et les notes de l’Ambassade Américaine et du Core Groupe, se rangeant globalement sur la position du Président, en particulier la nécessité d’alternance politique et de dialogue inter haïtien, ont mis en rage l’opposition radicale.

Les déclarations intempestives de l’opposition politique radicale

Cette opposition, par la voix de Michel André, du Sénateur Evalière Beauplan, etc., est montée au créneau avec véhémence pour rejeter non seulement l’appel au dialogue du Président, mais aussi pour lancer une grande manifestation, pour le vendredi 23 novembre, dont la destination est Pétion-Ville, pour forcer le secteur privé des affaires à lâcher le Président. Cette manifestation plutôt improvisée n’a pas fait recette et a été stoppée par la police au niveau de Delmas 60. Ce qui a donné lieu à des jets de pierres  sur l’unité de CIMO présente au niveau de la zone.

C’est dans cette ambiance qu’il faudrait situer les tueries sauvages des policiers (route nationale no 2, zone métropolitaine de Port-au-Prince), des agents douaniers à Malpasse (6 douaniers selon l’association des douaniers). Tout en condamnant la mort violente des douaniers, le Sénateur Sénatus a expliqué cet état de fait par la frustration de la population par rapport au traitement de faveur des douaniers vis-à-vis des grands contrebandiers qui traversent régulièrement la frontière avec les 23 produits interdits. C’est en partie cette situation chaotique qui expliquerait de tels débordements violents.

Les déclarations incendiaires de certains politiciens, qui l’enveniment, favorisent les conditions de métastase du cancer du banditisme non seulement au niveau de la zone métropolitaine mais aussi sur l’ensemble du pays, surtout avec les 300,000 armes en circulation dans le pays selon la dernière sortie de Clarens Renois. Ces poches de banditisme sont actionnées au besoin par nos politiciens, selon diverses sources, pour jeter la pagaille dans des moments de tensions extrêmes.  Ce qui rend invivable le pays dans ces moments - là, car la peur gagne les consciences et paralyse, et cette paralysie s’apparente à une sorte d’adhésion aux mots d’ordre de grève. Il ne faut pas trop  en abuser. D’où cette apparente accalmie de cette semaine de fin de mois.

Les propositions de sortie de crise du secteur politique et de Valery Numa

La situation décrite plus haut a interpellé et interpelle tout le monde, les politiciens, la presse, la société civile. C’est la crise haïtienne à son paroxysme dans un  système à bout de souffle. Il faut s’entendre pour le changer. Tout le monde est d’accord pour le changer, tout au moins en théorie. 

Ce qui a donné lieu à des propositions de sortie de crise. Les partis  politiques de l’opposition sont unanimes, sauf le RDNP, le Président doit partir, ce qui est normal, c’est une opportunité d’accéder au pouvoir le plus rapidement possible. 

L’opposition radicale propose non seulement le départ du Président, mais aussi celui du Parlement. Des élections générales de 2015-2016, il ne resterait que les maires et les CASECs. L’opposition radicale prendrait le pouvoir pour 36 mois, organiserait la conférence nationale, ferait le procès Petro Caribe, changerait la constitution et organiserait les élections générales en octobre 2021. Ce serait une véritable prise de pouvoir par la rue, une nouvelle manière d’accéder au pouvoir « démocratiquement », un véritable coup de force.

Valery Numa  a fait une proposition avec (i) le maintien du Président,  (ii) le gouvernement à l’opposition politique plurielle, (iii) le maintien du Parlement sous une forme ou une autre, une véritable cohabitation pour sauver Haïti et changer le système dans un climat de sérénité.  

Le discours du PM Céant, la mise en application des instructions du Président

Par rapport à l’adresse à la nation du Président et les diverses propositions de sortie de crise, le discours de conciliation du Premier Ministre  CEANT du samedi 24 Novembre est perçu comme  la clarification et la mise en application des instructions du Président. L’interview du PM à Radio Télé Métropole du 26 novembre participe de la même veine pour arriver à cet apaisement social et le dialogue politique. 

Pour l’apaisement social, il faut signaler le lancement, ce 26 novembre, des travaux HIMO au niveau de la zone métropolitaine avec l’objectif de 50,000 emplois sur l’ensemble du pays pour la coquette somme de 2 milliards de gourdes (27 millions d’USD), les actions du FAES dans 130 quartiers défavorisés, les 54 restaurants communautaires en fonctionnement au niveau de la zone métropolitaine; les 60, 000 mères de Ti Manman Cheri, les 25 caisses populaires, etc.,  à travers le pays. Pour le pré-dialogue politique, le PM a informé d’être en en contact avec l’opposition.

Pourtant ces mesures annoncées (et en cours) et les dernières déclarations du chef de la Police sur des mesures en cours pour mettre hors d’état de nuire les bandits responsables de la mort sauvage des policiers n’ont pas empêché des bandits armés d’occuper mardi soir (27 novembre 2018) la zone de Martissant, rançonnant les automobilistes et les passants au vu et au su de tout le monde, et tuant un policier et deux autres personnes le lendemain. Une sorte de défi au DG de la PNH.

« Pi Bel Revolisyon nou ka fè, se chita pale »

En guise de conclusion, toute cette analyse, basée sur les principales informations distillées à travers ce texte, est en lien, en général, avec la situation politique et non avec le dossier Petro Caribe. Or la situation politique actuelle découle de la situation de corruption en cours dans le pays depuis longtemps déjà, dont Petrocaribe en est le symbole. Elle n’a pas permis à l’Etat de faire correctement face à ses obligations vis-à-vis du peuple. 

Les manifestations de rue orientées politiquement  visent la démission du Chef de l’Etat. Ce dernier est  accusé d’être le seul responsable  de la situation actuelle. Les opposants oublient qu’elle est un cumul de problèmes aboutissant  au hideux tableau d’aujourd’hui. Le régime actuel devra être remplacé par un ancien régime qui, lui-aussi, était partie prenante du problème, sous prétexte que PETROCARIBE concerne directement l’actuel locataire du Palais National. 

En outre, Il se trouve que les éléments de l’ancien régime, qui veulent assauter le pourvoir par la rue, sont directement concernés, pour la plupart, par le dossier Petrocaribe, et ont largement profité du système en place. Qui nous garantit qu’ils vont faire un procès équitable, un dialogue inclusif et changer le système après avoir renvoyé le régime actuel? Donc, démission ou entente ? « Pi Bel Revolisyon nou ka fè, se chita pale », selon Clarens Renois de l’UNIR. Violence ou dialogue ? 2004 par rapport à 2018 ? Espérons que les résultats seront différents pour Haïti. A vos marques, messieurs les politiciens !!!



[1] Le comité national de désarmement, de démantèlement et de réinsertion

mercredi 31 octobre 2018

HAITI : PETROCARIBE, 17 OCTOBRE 2018, LE TOURNANT(?)


HAITI : PETROCARIBE, 17 OCTOBRE 2018, LE TOURNANT(?)
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 OCTOBRE 2018

PETROKARIBE n’a pas permis à CEANT d’avoir une période de grâce. Le nouveau Premier Ministre, dont la première mission est de faire la lumière sur ce dossier, est submergé dès le départ par le flot entrainé par ce dossier. De petites manifestations de rue en petites manifestations de rue en relation avec ce dossier, celle du 17 Octobre 2018 s’est soldée par des centaines de milliers de personnes dans les rues au cri de « KOTE KOB PETROKARIBE-A » et, à un degré moindre, de « ABA JOVENEL MOÏSE ».  Cette grande manifestation a été plutôt nationale, en ce sens qu’elle s’est réalisée à travers l’ensemble du pays. C’est le réveil national contre la corruption avec PETROKARIBE comme symbole.  Quand on sait que la corruption est une des causes du sous-développement de notre pays, 17 Octobre 2018 est-ce le tournant attendu après le 17 Octobre 1806?

Le 1er Janvier 1804 l’histoire mondiale a connu un tournant. Haïti sonna le glas du système esclavagiste, une bande d’esclaves alliés aux affranchis, après avoir battu la plus grande armée de l’époque, celle de Napoléon Bonaparte de France, érigea le premier Etat nègre du monde sous le label «  Union fait la Force », hérité du « Congrès de l’Arcahaie du 18 Mai 1803 » où les noirs et les mulâtres se sont jurés de « vivre libres ou mourir ». Pourtant, deux ans plus tard, le 17 Octobre 1806, les élites noires et mulâtres s’unirent pour commettre le parricide de notre histoire en assassinant le principal héro de l’indépendance, l’Empereur Jean Jacques Dessalines qui prônait une politique de justice sociale : « Et les noirs dont les pères sont en Afrique n’auront-ils donc  rien ? », s’interrogea l’Empereur. Depuis cet assassinat crapuleux, Haïti a connu un autre tournant, la mise en place d’un système étatique reproduisant le système esclavagiste  qui s’est maintenu jusqu’à date.

Le système politique haïtien issu du 17 Octobre 1806 s’est reproduit de gouvernement en gouvernement, de fausse révolution en fausse révolution, de  mouvement populaire en mouvement populaire, avec les mêmes résultats : plus de corruption,  plus d’inégalités sociales, plus de misère, plus de sous-développement, plus de division entre les fils  et filles du pays. Le système est à bout de souffle, ne peut plus se reproduire et manifestement  est en phase d’effondrement. C’est ce qui explique, s’il en était besoin, la couleur du sang des  principaux indicateurs du développement du pays, malgré la présence de ressources naturelles et minières importantes susceptibles de changer positivement la donne. L’une des causes   de cette déchéance est la corruption qui  gangrène le pays à tous les niveaux.

Ce cri « Kotekob Petrokaribe-a » va au-delà de ce dossier. C’est la nation qui demande des comptes à l’Etat. Mis à part les politiciens, qui veulent récupérer le mouvement pour accéder au pouvoir à la place de l’administration actuelle, les gens de tous acabits qui se protègent en criant plus fort que les autres, et certains profiteurs du système qui ne veulent pas du procès  et font feu de tout bois pour l’enterrer  en faisant des amalgames pour jeter la confusion, les vrais pétro-challengeurs sont des jeunes de toutes les catégories sociales sur les réseaux sociaux et dans la rue, les vrais concernés par ce système qui ne leur offrent plus d’opportunités et ne leur sont plus d’aucune utilité. En ce sens, PETROKARIBE est porteur de révolution. C’est pourquoi, il n’y a aucune chance pour bloquer le procès  et, encore moins, pour enterrer  ce dossier.

Les politiciens, qui réclament le départ de l’administration actuelle, en utilisant tous les types d’argumentation[1] et espérant, pour la plupart, accéder au pouvoir pour replâtrer et perpétuer le système, pourront arriver à leur fin, mais n’arriveront  jamais à enterrer le dossier Petro karibe. Il en est de même pour les profiteurs de l’ombre qui veulent maintenir le système. L’administration actuelle, si elle veut se maintenir au pouvoir, doit vraiment faire preuve de leadership, d’imagination et de créativité pour non seulement donner suite à Petrokaribe, mais aussi et surtout favoriser une révolution tranquille en lieu et place de la révolution violente déjà en marche. La révolution violente débouchera sans doute sur le chaos. Il faut à tout prix l’éviter. On ne peut l’éviter que par la grande concertation nationale inclusive pour changer le système.

Sur mon blog, il y a plus d’une dizaine d’articles en lien avec la grande concertation nationale, l’entente nationale, le dialogue national, la conférence nationale. Il suffit de taper ces mots pour y avoir accès. Toute cette démarche n’a d’autre objectif que d’éviter le chaos, la révolution violente, le déchoucage, etc. Car je suis fondamentalement contre la violence qui, avec la corruption, est responsable de la situation de sous-développement du pays.

Le 17 Octobre 2018 est clair. Il faut changer radicalement notre manière d’agir. PETROCARIBE est le catalyseur pour changer les choses. Nos politiciens au pouvoir et dans l’opposition doivent le comprendre de cette manière et non comme un accident de parcours et agir en conséquence. Ce n’est pas le départ d’une administration et son remplacement par une autre qui va apporter la solution à ce tournant qu’est le 17 Octobre 2018.

C’est vrai que le slogan est « KOTE KOB PETROKARIBE-A » pour les petro-challengeurs, et « ABA JOVENEL MOISE » pour les politiciens radicaux qui, d’ailleurs, n’avaient jamais accepté l’élection de Jovenel Moïse à la présidence. Comme on l’a démontré dans cet article, la demande réelle et profonde c’est le changement du système. Changer le système ce n’est pas changer les individus. Si c’avait été le cas, Haïti aurait été, de 1806 à aujourd’hui, la championne du développement. Admettons que  l’administration actuelle soit écartée du pouvoir, comme Jovenel MOISE et son équipe sont considérés comme «  le mal absolu », la tentation de faire tout sans eux et contre eux fera retomber tôt ou tard  le  pays dans les mêmes travers. Or personne ne pourra enterrer le dossier PETROKARIBE, ni faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre dans le cadre du procès y relatif. En outre, 17 Octobre 2018 marque un tournant : c’est le changement du système actuel en place depuis 1806 qui est en cause. L’opposition à elle seule ne peut se charger de cette immense tache. L’administration actuelle non plus. Le pays soupire après cette entente entre nous, cette grande concertation nationale, cette révolution tranquille au prix de sacrifices de part et d’autre, en lieu et place de cette grimaçante révolution violente.

Pour y parvenir,  il nous faut donc nous mettre ensemble pour changer le système dans le cadre d’une grande concertation nationale à partir d’une révolution tranquille, en passant par la gestion des actions d’urgence (création d’emplois, apaisement social, sécurité, le procès), la continuation des actions durables dans le cadre des programmes de développement en cours, en attendant de les coupler avec les résultats de la grande concertation nationale[2].





[1] Selon eux, (i) 2 M de personnes auraient participé à cette grande manifestation du 17 octobre 2018, c’est beaucoup  plus que les électeurs qui ont élu J. Moïse. C’est une sorte de désaveu de la politique menée par l’administration Moïse.  Donc, ce dernier, qui « est le mal absolu » doit partir. (ii) La présence de Jovenel Moïse, qui est indexé dans un  des rapports sénatorial, serait un obstacle à la réalisation du procès.
[2] samedi 19 avril 2008 -LES ACTIONS A PRENDRE APRES LA SORTIE DE LA CRISE HAITIENNE- Rédigé le 1er Mars 2004 

 



dimanche 30 septembre 2018

HAITI : PETROCARIBE VS CEANT


HAITI : PETROCARIBE VS CEANT
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
30 SEPTEMBRE 2018
Revu le 1er Oct 2018

Après les émeutes des 6,7 et 8 Juillet 2018 suite à la hausse ratée des cours du carburant en Haïti, on s’attendait à des décisions drastiques de la part du pouvoir en place, la mise à pied du Premier Ministre (PM) Lafontant, la révocation du Chef de la Police Nationale d’Haïti (PNH), la mise en place d’un gouvernement d’austérité et inclusif. Tout de suite après les émeutes, le dossier PETROCARIBE a pris de l’ampleur à partir d’une campagne intensive sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. Cette intensification de la campagne anticorruption  dans les médias a occulté tout le reste, y inclus le processus de ratification du PM Jean Henry Céant par le Parlement. PETROCARIBE a donc pris le pas sur Céant.

Un gouvernement HIMO
Sans entrer dans une analyse fine, il est clair que les décisions arrêtées sont très en deçà des espérances du peuple haïtien. Mise à part la démission du gouvernement (GOH) de Jack Guy Lafontant, le Chef de la PNH n’a pas été ébranlé, le gouvernement du PM Céant (GOH), s’il est un tantinet inclusif, est loin d’être un gouvernement d’austérité. Avec 22 ministres et 5 secrétaires  d’Etat, c’est beaucoup plus  un GOH de création d’emplois que je qualifierais de gouvernement HIMO. On s’attendait à un gouvernement de 12 ministres au maximum. L’ancien ministre de l’éducation nationale, Nesmy Manigat, en a fait tout un plaidoyer et moi-aussi, en termes de réduction du nombre des ministres. Malheureusement, il n’en est rien.

Très certainement, les négociations avec les alliés (anciens et nouveaux) ont été plus que difficiles, sans oublier le Parlement. Il a fallu peut-être trouver des places pour tout ce beau monde. C’est ce qui expliquerait le temps mis pour la présentation de l’énoncé de politique au Parlement par le PM Céant, avec la certitude d’y avoir une majorité confortable pour la ratification de sa politique générale. En tout cas, l’énoncé de politique générale du PM Céant a été confortablement voté par les deux branches du Parlement. Une fois de plus, l’intérêt public a été sacrifié au profit de l’intérêt politique. PETROCARIBE aidant, les analystes ont passé à pieds joints sur cet état de fait.

Kote Kob Petwokaribe-a
En effet, PETROCARIBE a occupé et occupe le devant de la scène au cri de « kote kob petwokaribe a ». C’est le cri du pays tout entier, c’est le cri d’une bonne partie de la diaspora haïtienne. Les manifestations de rue se multiplient avec des tentatives de casse au début. Heureusement, elles sont vite redevenues pacifiques. Aucun leader. C’est un mouvement citoyen contre la corruption en Haïti. Après l’exposition des photos des indexés dans les deux rapports du Sénat au Champs de Mars, cela devient une sorte d’amalgame ; tout le monde y passe, même les principaux auteurs des deux rapports des commissions sénatoriales.

Dans le discours d’investiture du nouveau GOH Céant, le Président de la République a insisté sur ce dossier[1]. Le nouveau Premier Ministre également. L’Etat s’engage à faire la lumière sur ce dossier. Les institutions étatiques (CSCCA, ULCC, UCREF) se sont fait entendre et ont promis d’y donner suite, en réclamant des moyens pour des études approfondies du dossier. La rue, qui ne fait pas confiance à ces institutions, demande des comptes et veut un procès tout de suite. Dans cet imbroglio, l’Etat doit agir vite et bien pour éviter les débordements.

D’ailleurs, profitant de la situation, les bandits se font entendre à Village de Dieu, un Sénateur a failli perdre la vie, Ti Rosemond, ce superbe ex-footballeur de l’Aigle Noir, devenu entraineur de football depuis, a perdu la sienne. Arcahaie, Chabanne/Petit-Goâve, Chalon/Miragoâne bloquent les Nationales No 1 et 2 selon l’humeur des bandits ; très récemment, Gressier, profitant d’une question de litige terrien, a bloqué la Nationale 2 paralysant quatre (4) départements géographiques, le Sud-Est, les Nippes, le Sud et la Grande-Anse. Ces exemples traduisent un malaise dans le pays, en particulier au niveau de l’Ouest et de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.

Quelques éléments clés de la politique générale du PM CEANT
C’est vrai que l’effet Céant n’a pas pu occulter PETROCARIBE, mais le nouveau Premier Ministre a compris qu’il faut agir vite et bien. Dans son énoncé de politique, il a su tenir compte des priorités du Président : (i) Réformer l’Etat et maintenir la stabilité sociale ; (ii) Transformer Haïti en une destination d’investissement ; (iii) Augmenter la production agricole ; (iv) Construire les infrastructures énergétiques ; (v) Renforcer les infrastructures hydrauliques et sanitaires ; (vi) Améliorer les infrastructures  et la qualité de l’éducation; (vii) Promouvoir la stabilité à l’aide des projets sociaux.

En plus de ces priorités, aucun autre aspect essentiel de la vie nationale n’est négligé. Chaque thème est, pour la plupart, succinctement diagnostiqué, et fait l’objet de réponses appropriées par secteur/domaine. La stratégie de la caravane du changement est retenue comme cadre de mise en œuvre, d’imbrication et d’intégration des actions.

Il faut citer, entre autre, la lutte contre la corruption avec le dossier PETROCARIBE comme cheval de bataille et le renforcement des institutions étatiques pour améliorer l’administration publique, la déconcentration administrative et rendre la décentralisation effective; les aspects sociaux et économiques comme l’éducation (infrastructures et qualité) du préscolaire à l’enseignement supérieur, la santé (infrastructures sanitaires et la qualité des soins de santé), les affaires sociales et le Travail (les filets de protection sociale, la création d’emplois), la lutte contre la pauvreté  (59% de la population) et la pauvreté extrême (25% de la population) en 2013, les infrastructures routières, hydroagricoles, la culture, le tourisme, l’environnement avec la mise en place des centres germoplasmes, l’énergie 24/24 avec les micro centrales intelligentes, les kits solaires  (kay Pam Klere) , les ressources minérales, la diaspora, l’économie (1.7%  en moyenne de croissance de l’économie depuis 2010, 2.1% pour 2018 avec une projection de 4% pour 2019); les affaires étrangères, la planification et la coopération externe pour la redynamisation du cadre de coordination de l’aide au développement (CAED) en vue d’un dialogue permanent avec nos partenaires techniques et financiers pour faciliter l’investissement dans le pays, les aspects politiques : l’état de droit, la justice, l’organisation des élections de 2019, etc.

73e Session de l’assemblée générale des Nations Unies et l’énoncé de politique générale
Dans ce même ordre d’idées, le Président Moïse a repris, à la 73e  session de l’Assemblée générale des Nations Unies,  certains thèmes soulevés par l’énoncé de politique générale du PM CEANT comme la lutte contre la corruption, les actions chiffrées[2] à entreprendre en relation avec ses sept (7) priorités dont l’énergie avec la construction d’un réseau de distribution (400 M USD), l’éducation (15,000 salles de classe), la santé (122 centres de santé au niveau des sections communales), l’agriculture (450,000 ha pour 675 M USD), eau potable (220 M de m3 pour 300 M USD) , etc, dont le montant global est 2,8 Mrds d'USD. A son retour au pays, le 28 septembre 2018, le Président a été accueilli par les officiels du GOH à l'aéroport international, Toussaint Louverture, pour un bilan à la nation de sa participation à la 73e assemblée. La communauté internationale mettra-elle ces moyens à la disposition d'Haiti, Ne serait-ce que partiellement?

Moyens pour le procès PETROCARIBE, HIMO et le développement
En tout cas, le GOH CEANT n’a pas les moyens de sa politique. Le budget 2017-2018 a été rectifié mais ne correspond pas aux besoins financiers des actions prévues dans la politique générale. Ce 30 septembre 2018 marque la fin de l’année fiscale. Le budget 2018-2019 doit être repris et adapté à la politique générale du nouveau Premier Ministre, en particulier aux 7 axes prioritaires du Président, découlant des dix plans départementaux établis dans le cadre de la stratégie de la caravane du changement. A cela, il faudra ajouter les fonds pour l’organisation des élections de 2019 et pour l’approfondissement et le procès du dossier PETROCARIBE. Le gouvernement CEANT qui s’engage à donner suite à ce dossier, devra, coute que coute, trouver les moyens financiers pour organiser ce procès en toute transparence sous peine de se retrouver totalement occulté par ce dossier qui empoisonne l’administration Moïse. De plus, la situation actuelle du pays exige des actions urgentes de la part du nouveau gouvernement comme, entre autre, un vaste programme de création d’emplois, la haute intensité de main d’œuvre (HIMO), à travers tout le pays, pour l'apaisement social, et  des actions sectorielles durables visant de faire d'Haiti un pays émergent à partir de 2030. C'est bien beau, mais il faut les moyens!

  


mardi 28 août 2018

HAITI : L’ARROGANCE DE L’IGNORANCE


HAITI : L’ARROGANCE DE L’IGNORANCE
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
27 AOUT 2018

J’ai beaucoup lu et beaucoup écrit. J’ai adapté et créé beaucoup de concepts.  Citons, entre autres, Le concept approche participation-responsabilisation axé sur l’information, la sensibilisation, la communication, la motivation directe, la motivation indirecte, la formation, la structuration et la mise en réseau ; le concept approche hexagonale axé sur l’humain, le social, l’environnemental, l’infrastructurel, l’économique/le financier et la politique/gouvernance ; le concept stratégie d’imbrication, d’articulation et d’intégration des actions (SIAAA) applicable à n’importe quelle structure micro, meso et macro, et le dernier en date, le concept « arrogance de l’ignorance ». C’est  quoi l’arrogance de l’ignorance ? Comment il m’est venu l’idée de créer ce nouveau concept ? En quoi peut-il être  utile à la situation actuelle de notre pays?

C’est  quoi l’arrogance de l’ignorance ?

C’est cette habitude de la plupart des haïtiens d’aborder n’importe quel sujet dont ils ignorent l’ABC comme le pic de la Mirandole. Plus ils ignorent le sujet, plus ils en parlent fort, plus ils en font des affirmations avec cette arrogance qui caractérise les ignorants. Enfin, c'est une combinaison de deux mots donnant naissance à une nouvelle expression pour dire de façon plutôt élégante « taisez-vous quand vous ne savez pas de quoi vous parlez » ou tout simplement  « donnez-vous la peine de vous informer de quelque chose avant d’en parler ».

Comment il m’est venu l’idée de créer ce nouveau concept ?

Depuis la fin du 20e siècle et le début du 21e siècle, je produis des articles suite à de nombreux rapports produits pour des institutions étatiques, des ONGs, des organisations internationales comme  consultant. De 2004 à date, je produis de manière régulière des articles sur Haïti, au moins un article par mois (Réf. www.jrjean-noel.blogspot.com ), parallèlement à mes activités professionnelles comme consultant et/ou contractuel de l’Etat, sans compter les nombreux rapports, documents de projets, manuels de formations sur de nombreuses thématiques. J’ai eu la chance et l’opportunité de côtoyer tant en Haïti qu’à l’étranger des gens biens formés et bien éduqués, des collègues et des amis dont la grande majorité a eu une influence positive sur ma longue carrière et ma formation sur le tas.

J’ai pu aussi observer longuement mes frères haïtiens de toutes catégories, la masse, les classes moyennes et la bourgeoisie, les paysans, les techniciens, les politiciens ; car j’ai eu la chance, durant ma longue carrière, de discuter et de travailler avec tous ces gens qui m’ont beaucoup appris, mais il y en a parmi eux qui parlent de choses qu’ils ne maitrisent pas avec une telle arrogance qu’ils m’ont inspiré ce nouveau concept : l’arrogance de l’ignorance.

Parmi tous ces gens, une catégorie m’a le plus inspiré ce concept. Ce sont les politiciens, certes pas tous, mais la grande majorité. Cette attitude de tout savoir, de parler de n’importe quoi, de débiter des bêtises sur n’importe quel sujet d’intérêt national, est vraiment ahurissante. Je ne sais pas si vous vous donnez la peine de les écouter à la radio, à la télévision.

J’ai collaboré directement ou indirectement à l’élaboration de beaucoup de dossiers sur Haïti, le cadre de coopération intérimaire (CCI), le document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP), le  Post-Desaster Needs assesment  (PDNA 2010) après le tremblement de terre de 2010, le plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti (PARDNH),  le Plan de développement agricole (PDA 2010-2025), le plan national de sécurité alimentaire (PNSAN 2010-2025), le plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH), le PDNA 2017 après le passage de Matthew en octobre 2016, et plus récemment la stratégie caravane du changement et l’actualisation du plan national de sécurité alimentaire (PNSAN 2018-2030).

Et à chaque fois qu’il y a un document sérieux sur Haïti, je me donne la peine de le lire pour avoir une bonne compréhension du dossier avant d’en parler ou d’y consacrer un ou plusieurs articles. Souvent, je suis sidéré d’entendre les gens parler de ces documents sans même se donner la peine d'y jeter un coup d'oeil et encore moins de lire le résumé exécutif, en particulier nos politiciens qui ont dirigé, dirigent et aspirent à diriger le pays.

Un exemple flagrant, la caravane du changement. J’ai entendu des gens et pas des moindres débiter des inepties sur cette stratégie novatrice et globalisante. Ce serait « le projet/programme phare du président », qui n’aurait pas de ligne budgétaire donc il y aurait détournement de fonds pour toute activité réalisée dans le cadre de la caravane. On pourrait multiplier à l'infini d'autres affirmations et critiques par rapport à cette stratégie venant, en majeure partie, de la classe politique et aussi d'autres secteurs. 

La caravane du changement, qui n’est qu’une stratégie de coordination et de gouvernance en lien avec l’ensemble des structures étatiques et visant le développement participatif du pays, en utilisant les compétences des structures déconcentrées et décentralisées de l’Etat et des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des actions sectorielles sur l’ensemble du territoire, n’a pas besoin de budget propre, tout se fait à travers les secteurs et les collectivités territoriales et leur budget respectif. 

Pourtant un député, qui est censé maitriser tout ce processus, a accusé récemment le Ministère de l’économie et des finances (MEF) de mettre à la disposition du Président de la République 11 millions de gourdes par semaine comme per diem pour la caravane. Cette déclaration farfelue a été reprise par les médias tandis que la note explicative et rectificative du MEF n’a pas eu le même écho.

Un autre exemple, la nomination de Jean Henry Céant comme premier ministre qui correspond plus ou moins au profil défini au préalable (Réf. https://jrjean-noel.blogspot.com/2018/07/et-lapres-jack-guy-lafontant.html  ), a donné lieu à un ensemble d’articles acides et destructeurs sur ce monsieur que je ne connais pas personnellement ; il en a été de même pour la première ministre Michèle Pierre-Louis en 2008. C’est ahurissant cette capacité de destruction que nous avons.  Ces gens qui ont osé écrire et dire de telles choses connaissent-ils vraiment ce monsieur, ont-ils des preuves de leurs accusations? 

En quoi ce concept peut-il être  utile à la situation actuelle de notre pays?

L’arrogance de l’ignorance est notre mal absolu. Nous ne nous donnons pas la peine de lire, de prendre connaissance des dossiers avant d’en parler. Nous parlons de tout et de rien avec la même arrogance. Quand nous voulons détruire quelqu’un, nous inventons n’importe quoi sur la personne et nous avons une certaine presse et les réseaux sociaux pour nous appuyer dans ce processus de destruction. Nous utilisons des dossiers que nous ne maitrisons pour détruire, pour mener la lutte politique contre nos adversaires, nous accusons sans preuve. Nous mentons impunément, au vu et au su de tout le monde, sans nous soucier du mal que nous faisons à nos concitoyens et à notre pays. Jusqu’à présent la bataille politique ne vise pas le développement du pays, mais la prise du pouvoir par un ou des clans politiques associés. Ôte-toi que je m’y mette.

Actuellement, il y a un réveil lié au dossier PETROCARIBE. C’est une bonne chose qu’un dossier orienté politiquement finit par déboucher sur un réveil citoyen contre la corruption en général. Il est admis que la corruption est responsable de 40% des fonds alloués au développement, si ce n’est un peu plus dans le cas de notre pays. J’ai déjà écrit cinq articles sur la corruption en Haïti depuis 2008. Je suis content que le dossier PETROCARIBE fasse prendre conscience à la majorité des haïtiens de ce fléau qui a contrarié jusqu’ici le développement du pays.

Beaucoup de gens s’embarquent dans ce dossier sans savoir de quoi il s’agit. Je ne vais pas y revenir puisque j’y ai déjà consacré deux articles. Ce dossier traité par deux commissions sénatoriales orientées politiquement souffrent des faiblesses de ses auteurs qui ne maitrisent pas les procédures de fonctionnement de l’Etat en général et de la passation des marchés publics haïtiens en particulier (l’arrogance de l’ignorance) et qui mènent à visière levée une bataille politique à travers ce dossier. Ce qui a provoqué les réactions négatives des indexés qui se retrouvent, pour la grande majorité, dans un même camp politique; normal d’ailleurs c’est ce camp qui a eu beaucoup plus de résolutions dans le cadre de la gestion des fonds  PETROKARIBE par le BMPAD.

La saisine de ce dossier par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) est en soi une bonne chose, en ce sens qu’elle lui a redonné son aspect technique au détriment de son aspect politique, avec beaucoup plus de chance de déboucher sur le procès souhaité par tout le monde.

Un autre élément important dans le cadre de ce dossier, il est inscrit dans  la feuille de route du Président de la République au Premier Ministre nommé. Comme quoi, pour une fois, tout le monde est d’accord pour lutter contre la corruption à travers PETROCARIBE comme symbole de la lutte anti-corruption.

Une réflexion que je voudrais partager avec mes lecteurs pour leur montrer que PETRCARIBE est un élément d’un ensemble plus grand. De 2008 à 2018, les fonds engagés dans le cadre du PETROCARIBE seraient de 3.8 milliards dollars américains. Sur cette même période avec un budget annuel autour de 2 milliards d’USD en moyenne, ce qui ferait un montant global de 20 milliards d’USD engagés. Si on enlevait les 70% environ liés au fonctionnement de l’Etat (14 milliards d’USD),  donc 30% (6 milliards d’USD) auraient été investis dans le développement du pays pour les résultats que l’on sait. 

A partir de cette réflexion, il faudrait demander des comptes pour 6 milliards d’USD et non pas seulement pour les 3.8 milliards d’USD de PETROKARIBE sur la base d’un audit sérieux, de préférence, international. A ce moment-là seuls les plus justes seront sauvés en cas de réalisation de ce procès tant attendu.

En tout cas, pour finir,  il y a nécessité d’une prise de conscience par rapport à cette arrogance de l’ignorance pour nous aider à mieux nous informer et nous former quand on aspire à quelque chose au lieu d’utiliser des coups bas contre nos adversaires, nos concurrents, ou d’utiliser notre ignorance, nos peu d’informations et de connaissances à des fins de destruction. Il serait beaucoup plus profitable au pays que nos ignorants arrogants cessent d’intervenir dans les médias pour donner une chance au pays de s’en sortir. Avec une prévision de croissance économique de 1.8% pour 2017-2018 (Radio Vision 2000/CEPALC), Haïti est loin de sortir de la pauvreté abjecte dans laquelle nous l’avons plongée. Révolution tranquille versus révolution violente? A bon entendeur salut!