HAITI :
DEMISSION DU PM CONILLE, BELLES LEÇONS DU PARLEMENT ?
JEAN
ROBERT JEAN-NOEL
27
FEVRIER 2012
“Que Dieu protège
Haïti !” écrivent les Présidents du Senat et de la Chambre des députés
dans leur « Appel à la Nation » après la démission de Garry
Conille, l’ex-Premier Ministre Haïtien. Ce texte est publié dans Le
Nouvelliste sous le titre évocateur : « Pour l’obéissance aux lois de la cité et le respect de l’ordre
constitutionnel, légal et démocratique. »
Après avoir évoqué l’histoire pour rappeler comment la citoyenneté de la cité
grecque a été élevée «à la dimension d'un sacerdoce », les deux
responsables, co-dépositaires de la souveraineté nationale, se sont posé ces
questions : « Qui aujourd'hui
refuse de se soumettre à l'ordre démocratique ? Qui sont ceux qui font
souffler un vent de fronde au sommet de l'État ? ». C’est clair et
net. L’Exécutif, qui s’est donné en spectacle depuis « l’affaire
Bélisaire » jusqu’à la démission de Conille, en passant par l’incident
chez le Premier Ministre, vient de permettre au Parlement de marquer de
nouveaux points dans sa bataille contre la Présidence depuis la prise du
pouvoir par le Président Martelly, le 14 mai 2011.
Plus loin, dans leur appel à la nation, les deux
signataires visent haut et fort et le font savoir au Président de la
République avec un « p » minuscule, en sollicitant le concours de
tout le monde, en particulier ceux-là qui ont fait 1990 :
« NATION HAÏTIENNE, CONCITOYENNES ET
CONCITOYENS, c'est pour nous, leaders du Parlement, un devoir sacré et un
honneur particulier d'affirmer à la face du monde que vous êtes une entité emblématique
chargée d'histoires.-Vous étiez debout en 1804, en 1934, en 1986 et en 1990. -
Soyez debout aujourd'hui pour le respect du préambule de la Constitution de
1987 et le respect des lois votées par le Parlement!-Soyez debout pour
appeler le président de la République au respect de son serment d'observer et
de faire observer fidèlement la Constitution et les lois de la République! »
Enfin de compte, le Président est rendu responsable du non
respect des délais électoraux et est présenté comme un danger pour la
démocratie :
« Soyez
debout pour sauvegarder les acquis démocratiques, en exigeant des élections
libres, honnêtes et démocratiques dans les délais prescrits par la loi et la
Constitution. »
Belles leçons à la Présidence, au Président et à l’Exécutif
réduit à une seule tête, alors que le
Parlement s’est arrangé pour garder sa cohérence et a su retourner
intelligemment la situation en sa faveur en minant avec l’aide de la Presse
le peu de popularité que le Président dispose et qu’il n’a pas su gérer. Or,
après avoir rejeté politiquement les deux premiers « Premiers Ministres
présentés par le Président, tout le monde regardait le Parlement avec
suspicion, commençait à parler de méchanceté, d’esprit de groupe, d’intérêts
mesquins, de vagabondage et de sabotage.
La Présidence et le Président n’ont pas su gérer cette
situation en leur faveur jusqu’à la ratification de Conille comme Premier
Ministre. Cet avantage a été galvaudé par un ensemble de gaffes commises par
le Président avec la Presse, le Parlement, et liées à des paroles et actions
non conformes à l’image que se font des Haïtiens vis-à-vis de leur Président de la République. En tout cas, le
Président et son équipe sont actuellement dos au mur en dépit de la réussite
du Carnaval 2012. Il aurait dû trouver, en Homme d’Etat, une formule pour
diriger le pays avec le Premier
Ministre Garry Conille et ne
pas laisser le fossé s’élargir entre lui et son Premier Ministre après l’apparition
des premières fissures que le Parlement a su exploiter à fond. N’est-ce pas
un parlementaire qui a alerté le Président lors de cette fameuse réunion chez
le Premier Ministre ? Ce geste était-il partisan ou faisait-il partie d’un
plan machiavélique sachant le coté impulsif et bulldozer du président de la
République ?
En tout cas, notre pays rentre,une fois de plus, dans une période d’incertitude avec la démission de Mr Garry Conille qui
pourrait aggraver la situation globale, augmenter l’insécurité, ralentir l’économie,
favoriser le "wait and see" de la Communauté internationale et conduire notre pays
vers l’abime, avec le gel du budget 2012 en attendant la ratification d'un autre Premier Ministre, ou la reconduction du budget de l'exercice 10-11 dans le cas d'une liquidation trop longue des "affaires courantes" par le PM Conille, compromettant par ainsi les objectifs du budget 2012 et le programme gouvernemental y relatif . Mais d’un autre coté, cette démission pourrait permettre au
Président de choisir un de ses hommes s’il arrive à trouver un accord avec le
Parlement qui reste le maître du jeu politique depuis l’affaire Bélisaire. Et
dans la deuxième hypothèse, on espère que le Président aura appris les leçons
du Parlement qui a su rester solidaire avec ses énergumènes les plus
irréductibles par le sacro saint esprit de corps, esprit d’équipe, et pour des
intérêts mesquins sous couvert d'intérêts nationaux. Belles leçons en vérité du Parlement dans une Haïti de trahison pour
des broutilles et individualiste !!!
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1 commentaire:
Cet article me parait tres interessant et tres courageux. Par contre, j'aimerais rappeler a l'auteur qu' Haiti est definitivement un pays imprevisible et tres volatile.
Let wait and see!
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