LA CARAVANE DU CHANGEMENT : UNE STRATEGIE
INNOVANTE ET GLOBALISANTE ET NON UN PROGRAMME
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
Revu le 31 JUILLET 2017
La conjoncture haïtienne est toujours dominée
par la caravane du changement, malgré son redéploiement dans la péninsule Sud depuis
le 1er Juillet 2017, le Sud, la Grande-Anse et les Nippes. Le manque
de compréhension du concept caravane du changement occasionne des sorties à la
limite de cette incompréhension. La position de l’association des maires du Sud
(AMSUD) qui s’inquiète de la mainmise des députés et sénateurs de la zone sur la caravane, la position presque
similaire du maire des Cayes Gabriel
Fortuné, allié du pouvoir en place, la position de l’ex-premier ministre Evans
Paul qui voit dans la caravane, « un
programme improvisé », etc., ces prises de position publique mettent
de l’eau au moulin des opposants à la caravane, rendent encore plus sceptiques
les bienpensants, calment l’ardeur des surexcités et agacent un tout petit peu
les techniciens qui s’y engagent.
Dans une conjoncture marquée, en plus de la
caravane, (i) par le départ massif des jeunes vers le Chili, (ii) par la bataille
pour le salaire minimum fixé en dernier ressort à 350 gourdes/jour par le
Président Moïse (réf. Spécial No 23 Le Moniteur) après un discours d’appel au
calme au lieu des 335 gourdes recommandées par le conseil supérieur des
salaires, menace de reprise des manifestations des syndicats exigeant toujours 800 gourdes/jour
+ avantages sociaux ;(iii) par la grève du petit personnel de l’hôpital
universitaire de Port-au-Prince (Hôpital Général) et celle des greffiers ;
(iv) par la marche programmée et avortée
du Collectif du 4 Décembre ; (v) par la présence quasi permanente de
fatras au niveau de la zone métropolitaine, ce qui a poussé la présidence à
offrir son appui aux maires dans le cadre de travaux à haute intensité de main
d’œuvre ( HIMO) pour assainir les villes constituant la zone métropolitaine,
sans oublier les autres éléments de grogne liés à la situation économique
difficile des ménages haïtiens dont 73.8%, selon l’IHSI, croient à une
amélioration de leur situation grâce à
l’omniscience de Dieu (Dieu seul sait, avec 63 G pour 1 USD), on comprend
l’effet explosif de ces prises de position dont la plupart viennent des alliés
du pouvoir. Il ne faut pas non plus oublier, l’arrêté présidentiel supprimant
les privilèges des anciens Chefs d’Etat non élus dont Jocelerme Privert élu au
second degré, « c’est inélégant »
pour répéter Evans Paul ; la sortie du Sénateur Rony Célestin du Centre, un autre allié du
pouvoir, et la question controversée du recrutement par le ministère de la
Défense des jeunes devant intégrer l’Armée d’Haïti en phase de remobilisation,
sans la nomination préalable d’un Etat-major et une philosophie pour la nouvelle
armée, et sans l’aval des anciens militaires qui menacent de se faire entendre.
Ce qui a poussé le Sénateur Latortue, président du Sénat, à faire une
proposition en dix (10) points pour remédier à la situation, en attendant la
convocation du ministre de la défense par un groupe de députés de la Chambre
basse.
Dans le cas de la caravane, qui n’était même
prévue dans l’énoncé de politique générale du PM Lafontant, c’est la vague
déferlante anti-caravane malgré la bonne performance de l’opération coup de
poing au niveau de la Vallée de l’Artibonite à la satisfaction de la grande
majorité des bénéficiaires directs. Cette initiative présidentielle est donc
perçue comme un programme, un projet du Président. Il n’en est rien. Certes,
c’est une initiative présidentielle, mais elle n’est ni programme ni un projet.
Elle prend sa source dans une stratégie du ministère de l’agriculture, le développement
par pôle de croissance basé sur les cinq (5) principaux châteaux d’eau du pays
dont la visée était de répondre à la déclaration de l’administration Martelly
de faire du secteur agricole « la
locomotive de la croissance ». Le cadre budgétaire 2015-2018 du ministère
de l’agriculture a été monté dans le souci d’atteindre cet objectif. Lors de la longue campagne
présidentielle de J. Moïse, il s’est tu à répéter qu’il allait « continuer, corriger et
innover ». Dès sa prise de pouvoir, il a proposé la caravane du
changement comme stratégie pour continuer les actions en cours, les corriger au
besoin et innover. La caravane du changement est donc cette stratégie
innovante. Elle n’a pas de programmes propres, elle utilise les programmes
existants en les améliorant si nécessaire, quand elle intervient dans une zone.
Parallèlement, la cellule ad hoc de pilotage de la caravane, associée au
ministère de l’agriculture, a préparé un dossier pour la mise en place de 9
entreprises agricoles couvrant 4500 ha (actuellement
en cours), un protocole pour permettre à la Fédération des Associations
d’irrigants de la Vallée de l’Artibonite (FASIVAL) d’entamer les travaux de
curage manuel des canaux et drains secondaires et tertiaires par la méthode
haute intensité de main d’œuvre (HIMO) en vue d’améliorer l’irrigation et le
drainage au niveau des parcelles, et un dossier de plus de 180 M USD pour
l’aménagement complet du grand périmètre (32,000 ha )de l’ODVA durant tout le
quinquennat de cette administration et même au-delà, avec accent particulier sur la nécessité de réorganiser l’ODVA
et de renforcer FASIVAL. Ce dernier dossier se base sur une étude de la Firme
GOPA (2002).
Le cas de la Péninsule Sud
Fort de l’expérience encore en cours au niveau
de la Vallée de l’Artibonite, la caravane du changement, après avoir monté, à
travers la cellule ad Hoc, le dossier de la Péninsule Sud d’Haïti avec les
cadres des diverses directions déconcentrées et décentralisées et aussi des
cadres au niveau central des divers secteurs impliqués, en se basant sur les
documents existants tels le PDNA
(MPCE Janvier 2017), « Vers une stratégie régionale de la
Péninsule Sud (MPCE 2008) », les documents du MARNDR et de CNSA, et
d’autres documents des autres secteurs impliqués, s’est redéployée dans le
Grand Sud, le 1er Juillet 2017. Le dossier s’intitule « Le plan d’action pour le relèvement et le développement de la
Péninsule Sud (PARDPS) » .Il inclut l’ensemble des secteurs opérant
dans la péninsule qui ont ajusté leur budget en fonction du plan et qui assurent
la gestion technique et financière de leurs programmes et projets dans le cadre
de la caravane.
C’est ce qui est en train de se passer au
niveau de la Péninsule, malgré les difficultés inhérentes à ces genres
d’initiatives. Il faut rappeler que les objectifs au niveau de la péninsule Sud
sont beaucoup plus ambitieux et diversifiés que dans la Vallée de l’Artibonite. Ce qui implique beaucoup plus de risques à
gérer. C’est pourquoi, il aurait fallu beaucoup plus d’explications, de
communication, de sensibilisation avant le redéploiement dans la Péninsule. A
postériori, il a fallu combler cette lacune en multipliant les rencontres
d’explication avec les ONG, les maires, les directions déconcentrées sur la
vraie nature de la caravane, son rôle catalyseur, sa stratégie de marier
l’urgence au développement, son mode opératoire basé sur deux types d’intervention :
(i) une opération coup de poing (3 à 6 mois) et une opération structurante (le
reste du quinquennat et au-delà).
La caravane du changement, une stratégie
innovante et globalisante et non un programme
La caravane encourage les acteurs et les
secteurs à imbriquer leurs actions (harmonisation), à les articuler avec celles
d’autres acteurs et secteurs (coordination) et à les intégrer à l’action
gouvernementale pour maximiser leurs impacts. La caravane crée aussi les
conditions pour réaliser les actions à moindre coût. Elle ambitionne d’englober
l’ensemble des actions des secteurs et des autres acteurs au niveau de la zone
d’intervention et encourage les élus, en particulier, les collectivités
territoriales à jouer, en plus de leur implication directe dans le suivi
rapproché, à jouer leur rôle de vigile pour réduire drastiquement le niveau de
corruption dans le mise en œuvre des actions, en les poussant à prendre des
mesures répressives contre les fautifs.
Cet article, je l’espère, favorise une
meilleure compréhension de la caravane du changement. Il est écrit dans le
souci de fournir une information de première main à des lecteurs de bonne
volonté qui l’apprécieront selon leur conviction intime. Pour les
irréductibles, rien ne changera, ils continueront à ne voir dans la caravane
que le mauvais côté, même s’ils se
donnent la peine ou non de lire cet
article. Pour d’autres personnes, le scepticisme va persister jusqu’aux
résultats finaux à la fin du quinquennat ; ce sont des saints Thomas (normal).
Pour les convaincus, ils vont suivre cette expérience avec intérêt et peut-être
se l’approprier en y apportant les modifications jugées utiles. En tout cas, ce
qu’il faut retenir c’est que la caravane
du changement est une stratégie
innovante et globalisante et non un programme gouvernemental.
1 commentaire:
Comliments! Je suis convaincu de la strategie! Il me semble que les royaumes des differents Ministeres ne pouront jamais atteindre l'efficacite de La Caravane, geree par un chef des chantiers. Il faudrat bien que Le Gouvernment applique des lessons de ces efforts.
Mais, Je demande encore un peut plus. Meme si nous ne le faisons pas aux centimes, Il faut une estimation des benefices a gagner. Par exemple, citez le temps gagne par une nouvelle route ( de 3 heures parcourt a 1 heure), l'augmentation de production avec un nouveau canal, Le nombre de jour d;inondanation a epargner dans une ville de 50,000 habitants ( chaque jour perdu vaut 50,000)...
Esperons que la conversation tourne les tetes vers les points a gagner!
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