HAITI: LES TROIS PILIERS DU DEVELOPPEMENT NATIONAL,
LE DEAL ENTRE HAITIENS ?
JEAN ROBERT JEAN-NOEL
25 NOVEMBRE 2012
Après le passage de Sandy qui a ravagé la cote Nord-est des USA, les
américains ont décidé, le Mardi 6 Novembre 2012, de donner un second mandat à
Obama. La bataille s’annonçait rude et très serrée. Au final, OBama l’a emportée haut la main avec 332 /538 de votes des Grands
électeurs et 50.51% de votes populaires contre 47.85% à Romney. Le peuple
américain a fait son choix sans ambigüité. Le monde entier a semblé soulager.
En Haïti, après les dégâts de Sandy (750 M USD) et l’inondation dans le
Nord du Pays qui a fait une quinzaine de morts au Cap-Haïtien, la deuxième
ville du pays, je nous croyais prêts pour « un complot positif » pour
le « Haïtian Dream », (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2012/10/haiti-apres-sandy-le-complot-pour-le_31.html).
Comme je l’avais écrit, « Nous sommes trop petits pour voir aussi
grand ». Pour être plus positif, voyons
quelques éléments d’actualité avant de remonter le temps pour voir les réponses
données à ces genres de situation et les résultats obtenus, interrogeons-nous
sur la situation actuelle, et essayons de proposer quelques solutions.
Le voyage du Président Martelly
en Europe et le Premier Ministre aux Caraïbes
Au cours de ce mois de novembre 2012, le Président Martelly a visité
officiellement l’Espagne dans le cadre du Sommet Ibéro-Américain où Haïti est
unanimement admise comme membre observateur, a été au Parlement Européen à
Strasbourg (France), a été reçu, en Italie, avec Femme et enfants, par le Pape
Benoit XVI au Vatican, et en a profité pour avoir des discussions avec les agences
de Rome, en particulier la FAO. D’où cet extrait : « La FAO
et le gouvernement de Haïti espèrent obtenir, au cours des 12 prochains mois,
74 millions de dollars pour la réhabilitation du secteur agricole à la suite de
l'ouragan Sandy, de la tempête tropicale Isaac et de la sécheresse qui
a sévi plus tôt cette année. Ensemble, ces trois phénomènes climatiques
extrêmes ont causé des dommages colossaux à l'agriculture et à la pêche. Depuis
le mois d'octobre, deux millions de Haïtiens souffrent d'insécurité alimentaire
et de malnutrition ».
Entre temps, l’insécurité de type banditisme semble reprendre du poil de la
bête ; le Premier Ministre Lamothe a été à St Thomas, en particulier à l’Université
du même nom, là où il a fait sa maitrise, pour parler d’Haïti ; le 18
Novembre 2012 n’a pas été commémoré comme par le passé à cause de l’absence
au pays des deux principales autorités , de plus le monument des Héros de Vertières a été « profané en
rose et blanc » ; la sélection haïtienne est qualifiée pour la phase
finale de la Coupe de la Caraïbe, une bonne chose dans cette grisaillerie
haïtienne du mois de novembre (temps maussade comme la population, on dirait
que la nature est triste pour nous) ; les manifestions estudiantines de
rues suite à l’assassinat de l’un d’entre eux ; la tentative de certains Députés
de présurer le Premier Ministre pour une affaire de 10 M HTG/député qui seraient
distribuées à des députés progouvernementaux (?) ; l’état d’urgence d’un(1)
mois décrété par le Gouvernement Lamothe en réponse à Sandy pour l’application
d’un programme de réponse post-Sandy, etc. Après le passage de Jeanne en 2004
et les 4 cyclones de 2008, aux réponses gouvernementales, quelles autres
réponses Haïti a connues et avec quels résultats ?
L’opération Bagdad/le
Kidnapping érigé en mode opératoire quotidien
En tout cas, en 2004, en réponse au ravage de Jeanne aux Gonaïves, alors
que le Gouvernement de transition de Latortue se battait pour donner une
réponse à la mesure du défi environnemental gonaïvien, on a eu « la
fameuse opération Bagdad » qui a érigé en mode opératoire quotidien le
kidnapping qui jusqu’ici était quelque chose de sporadique. Que de dégâts, que
de ravage psychologique, que de larmes nous a coûtés et nous coûte encore le
kidnapping ! Heureusement, le Président Préval, après les quatre cyclones
de 2008, a continué, sous le gouvernement de Mme Pierre-Louis, même avec
quelques modifications, la politique d’Alexandre-Latortue vis-à-vis des
Gonaïves (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2009/06/haiti-gonaives-des-solutions-la-mesure.html).
Actuellement, avec l’agrandissement de la rivière La Quinte dont la capacité
est passée à plus de 1000 m3 /s, la reconstruction des ponts au niveau de Pont Gaudin et de Mapou et les
interventions même partielles au niveau du bassin versant (70,000 ha) dans le
cadre de plusieurs programmes dont le Programme PIA-Ennery-Quinte financé par la
BID, la problématique gonaïvienne est en voie de solution. Il reste certes
beaucoup à faire. Si les efforts sont maintenus et intensifiés, on finira par
solutionner définitivement le problème gonaïvien, toujours dans le cadre de ce
mariage savant de la gestion de l’urgence et du développement.
Manifestations estudiantines,
l’autre opération (?) et/ou Etat d’urgence environnementale (?)
En 2012, alors que le Gouvernement de Lamothe se bat pour trouver des fonds
pour la mise en œuvre du programme post Sandy, la réponse à Sandy, en dehors du gouvernement,
semble s’acheminer vers des manifestations estudiantines de rues sous prétexte
de réclamer justice pour leur camarade tué par un policier déjà mis aux arrêts
par le Gouvernement avec promesse de le juger. Alors que veulent réellement les
étudiants ? Sont-ils conscients de la situation actuelle de leur pays en
matière environnementale ? Et Sur quelle opération, cette fois-ci, cela
va-t-il déboucher, si on analyse au second degré les prises de position de
certains parlementaires et de la plupart de nos politiciens ? En tout cas,
pas sur ce « complot positif » tant rêvé par le grand naïf que je
suis, pas sur « cette déclaration d’Etat d’urgence environnementale »
discutée lors de la dernière réunion mensuelle de la FONHDILAC (11/11/2012) et
débattue à l’émission de « Mélodie
and Company » du mardi 13/11/2012 entre 5.30-7h PM, animée par Bernard
Ethéart sur Mélodie FM! Sommes-nous vraiment trop petits pour oser envisager
nous-mêmes la manière de sauver notre pays ?
La réponse gouvernementale
et le ministère de l’agriculture
Haïti essaie de se relever difficilement. L’Etat, par l’intermédiaire du
Premier Ministre Lamothe, a estimé à 750 M USD les dommages causés par
l’Ouragan Sandy. Par rapport à la sécheresse et au passage d’Isaac et de Sandy,
les pertes au niveau du secteur agricole sont estimés à environ 400 M USD par
le secrétaire d’Etat Dorcin lors du
dernier conseil de gouvernement (14 Novembre 2012). Le Gouvernement a déclaré l’Etat
d’urgence pour un mois et mis sur pied un programme autour de trois ministères,
le ministère de l’Environnement (MDE), le ministère des Travaux Publics,
transports et Communication (MTPTC) et le ministère de l’agriculture, des
ressources naturelles et du développement rural (MARNDR). Le MARNDR a présenté un programme de réponse post Sandy de 4 Mrds
de HTG dont le financement n’est que partiellement assuré, la communauté
internationale tarde à répondre au « flash appeal » lancé par la FAO
et le MARNDR. Ce programme d’urgence post-Sandy est imbriqué dans un programme
triennal plus large de relance agricole de 62 Mrds de HTG (2012-2015). Sera-ce
une fois de plus un mariage savant de l’urgence et du développement comme aux
Gonaïves ? En tout cas, la solution actuelle au problème du pays haïtien passe
par trois piliers fondamentaux.
Les piliers Fondamentaux du
développent national
En Haïti, tout est prioritaire à cause de la vulnérabilité, de la pauvreté
et de l’extrême pauvreté du pays, la santé, l’éducation, l’infrastructure, l’économie,
etc. Les trois piliers prioritaires pour amorcer le développement d’Haïti demeurent,
à mon avis, la sécurité, l’environnement
et la population. Analysons la situation eu égard à ces piliers.
(i)
La Sécurité
Après 1986, le phénomène d’insécurité a pris de l’ampleur. Du banditisme d’Etat,
l’insécurité est passée aux mains des groupes organisés et armés, des réseaux
de malfaiteurs. Ce qui a favorisé l’évolution du phénomène d’insécurité du simple banditisme en
kidnapping bien sophistiqué, et tous autres phénomènes désagréables et connexes
confrontés par le pays haïtien actuellement. A partir de 2004, le phénomène va s’aggraver
avec « l’opération Bagdad » jusqu’à devenir un phénomène de société.
Depuis, l’insécurité se conjugue au quotidien, fait beaucoup de dégâts au pays
et à la société haïtienne et ralentit les investissements en Haïti. Le
développement d’Haïti passe par la mise en place d’un système de sécurité
performant. Ce système de sécurité doit prendre en compte l’ensemble des
aspects de la sécurité et se baser sur des politiques publiques permettant le contrôle
des moindres parcelles du territoire national. Il faudrait un consensus
national sur cette question, un « complot positif » contre l’insécurité
sous toutes ses formes y incluse l’insécurité environnementale.
(ii)
L’environnement
L’ensemble des bassins versants méritent d’être réhabilités. La
vulnérabilité environnementale est à la base des inondations fréquentes qui
font des ravages au pays à la moindre averse. Avec moins de 2% de couverture
forestière primaire en particulier au niveau des châteaux d’eau et plus de 25%
de couverture végétale plus qu’au niveau des plaines qu’au niveau des mornes,
Haïti est dans une situation très critique du point de vue environnemental. La
position d’Haïti sur la route des cyclones et sur des failles techtoniques nécessite
des politiques publiques environnementales y afférentes et susceptibles de
favoriser une amélioration de la situation environnementale du pays dans les
trois (3) à cinq (5) prochaines années et au delà. La réhabilitation de l’environnement
haïtien doit se faire dans le cadre d’une « déclaration d’état d’urgence
environnementale » à prendre par le
gouvernement Martelly-Lamothe avec l’appui inconditionnel de l’ensemble des
forces vives de la nation haïtienne. Il faudra viser haut : la
récupération de 25% de la couverture végétale du pays durant les 25 prochaines
années, et ce dans le cadre d’une politique de population bien pensée et
appliquée de manière rigoureuse.
(iii)
La population
Avec plus de 10 M d’individus actuellement sur nos 27750 km2 en
2012, il nous faudra deux choses (i) une révolution des taux de croissance
économique autour de 10%/an et plus (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/05/haiti-necessite-dune-revolution-de.html)
, et (ii) une réduction du taux de croissance de la population autour de 1%/an
et moins, durant les 25 prochaines années. Ce qui nous conduira à une augmentation
de 25% de la population pour 250% d’augmentation de croissance économique, une
réduction drastique de la pauvreté extrême et de la pauvreté tout court, et une
marche ascensionnelle et irréversible vers le développement intégral de notre
pays.
En conclusion : Ainsi, avec un plan de développement
très sérieux axé sur l’humain, le social/culturel, l’environnemental, l’économique/financier
et la politique/gouvernance (Réf. http://jrjean-noel.blogspot.com/2011/08/document-dorientation-pour-la.html),
on a de fortes chances d’atteindre un niveau de développement équivalent à
celui d’un pays émergent, même sur une
période plus longue. Pour cela, il nous faudra contrôler notre sécurité, notre
environnement et notre population, et marier savamment urgence et développement.
Pour un gouvernement haïtien dans le cadre d’un mandat de 5 ans, c’est
difficile sinon impossible. Pour l’Etat et la nation haïtienne unis autour d’un
rêve de grandeur (tous ensemble sans exclusive sur une période de 25 à 50 ans
avec des gouvernements successifs appliquant le même plan par tranche de 5 ans),
c’est un jeu d’enfant. Et c’est là que ça se complique. N’ai-je pas raison ?
Commençons par nous mettre d’accord sur les 3 piliers fondamentaux du
développement national. Pour le reste, on verra plus tard. N’est-ce pas un bon
deal entre nous ?