HAITI ELECTIONS 25 OCTOBRE 2015, LA PLUPART DES PRETENDANTS ANNONCENT LA COULEUR DU SANG
JEAN-ROBERT
JEAN-NOEL
31 OCTOBRE
2015
Revu le 2 Novembre 2015
Revu le 2 Novembre 2015
En dépit des mises en garde du
décret électoral, la plupart des candidats à la présidence n'ont pas attendu
les résultats du Conseil Electoral Provisoire (CEP) pour monter au créneau et
annoncer la couleur. Pourtant, selon l'ensemble des observateurs du processus
électoral, la journée du 25 octobre 2015 a été calme (0 mort si l'on excepte la
mort accidentelle d'un policier), sans incidents majeurs (sauf quelque 285 arrestations,
la question de vote des mandataires des partis politiques et des organisations
d'observateurs électoraux, et autres petites anicroches relatives aux élections
haïtiennes). Alors que s'est-il passé pour pousser certains prétendants au
pouvoir et non des moindres à dénoncer
des fraudes massives, accuser le pouvoir en place de "coup d'Etat
électoral ", à demander de mettre dehors le candidat du pouvoir Jovenel
Moïse pour "fraudes massives", et de préparer à investir la rue au
cas où le vote du peuple serait travesti? Il y en a même qui veulent la table
rase (démission de Martelly et du CEP). A écouter le président du CEP, les
résultats pour les présidentielles seront proclamés le 3 Novembre 2015 (le 5/11/15 pour se donner le temps d'analyser les pleintes des partis politiques) et
refléteront le vote du peuple, car le système va rejeter tous les cas de
fraudes et pourra même permettre d'identifier les fraudeurs tant du système
qu'en dehors du système. Ce qui est
plutôt rassurant. Alors?
FAITS SAILLANTS DU MOIS
D'OCTOBRE 2015
Avant de rentrer dans le vif du
sujet, passons en revue quelques faits saillants du mois. (i) La visite en
Haïti de John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, n'est pas, à mon humble
avis, innocente à la "réussite de la journée électorale" tout au
moins sur le plan sécuritaire. (ii) Le retrait du décret créant la commune des
Arcadins qui a paralysé partiellement le pays durant près de deux mois à cause
du blocage de la Nationale No 1 par la population de l'Arcahaie. (iii) La
visite du Président Martelly en République Dominicaine où il a rencontré son
homologue dominicain sur les questions bilatérales, en particulier la mesure
adoptée par Haïti sur les 23 produits interdits par voie terrestre (voir http://jrjean-noel.blogspot.com/2015/09/haiti-elections-2015-le-secteur.html
) et la déportation des haïtiens et dominicains d'origine haïtienne. (iv) Le gouvernement a confié à une firme
israélienne dénommée HLSI la gestion des frontières du pays pour une période de
10 ans. En ce sens, un protocole d’accord a été signé, le vendredi 23 octobre
2015, au ministère de l’Economie et des Finances, entre le gouvernement
représenté par Wilson Laleau, titulaire dudit ministère et la représentante de
la firme Eva Peled, vice-présidente de HLSI. La firme investira environ 49,3 M USD dans la restructuration et
la modernisation d’une dizaine de postes douaniers et aussi dans l’acquisition
de matériels et équipements pour la gestion des frontières. (v) La prise d'un décret par le pouvoir en
place favorisant la mise à disposition, aux ministres et secrétaires d'Etat, des primes de 50 à 40,000 USD pour leur permettre de retourner dignement à la vie
normale; ce décret a fait couler beaucoup de salives, vu la situation
économique du pays actuellement. (vi) Haïti vient de rentrer dans une phase
inflationniste à deux chiffres (10.3% d'inflation en rythme annuel); on
comprend notre inquiétude au cas où nos politiciens, candidats à la présidence,
qui se déclarent gagnants des élections du 25 octobre, passent de la parole aux
actes après la proclamation des résultats par le CEP. Ce sera tout simplement
terrible pour l'économie rachitique et malade d'Haïti. Maintenant, revenons à
la question électorale.
LES ELECTIONS DU 25 OCTOBRE
2015
Le taux de participation autour
de 25 à 30%
L'ensemble des observateurs ont
reconnu que les élections présidentielles, sénatoriales 2e tour, et
municipales se sont déroulées dans le calme le plus parfait sous la haute
surveillance de la police nationale appuyée par la MINUSTAH, la force des Nations
Unies. Le CEP a tenu compte des erreurs commises aux élections parlementaires
du 9 aout 2015 et des recommandations des organisations de la société civile
et des droits humains. La journée électorale du 25 octobre a été mieux
organisée par le CEP, mise à part la question des mandataires qui a fait couler
beaucoup d'encre. Les 17 organisations d'observation ont fait les mêmes
constats et ont estimé le taux de participation autour de 25 à 30%, dont plus
de la moitié des votants (14-16%) sont des mandataires et des observateurs qui,
semble-t-il, se sont amusés à voter plusieurs fois et dans divers bureaux de
vote (BV) avec la complicité de certains responsables de BV.
Accusations sans preuves
Il est donc admis par
l'ensemble des observateurs qu'il y a eu beaucoup d'irrégularités à cause de la
présence des mandataires des partis politiques, des observateurs nationaux dont
la pluparts ont commis beaucoup d'impairs. Pour les mandataires, il est
rapporté au cours de la semaine suivant la journée du 25 octobre que certains ont
utilisé leur statut pour voter plusieurs fois; il y a même une coalition d'
observateurs qui est impliquée dans des
fraudes et des irrégularités. Il faut noter que ces fraudes et irrégularités ne
peuvent avoir lieu sans la complicité des responsables de Bureaux de vote (BV). Les compables se sont donc désignés. Il serait difficile sinon impossible de trouver les auteurs intellectuels de "ce crime" dont on accuse le pouvoir en place; comme quoi l'ensemble des mandataires, qui sont de partis politiques différents, et des observateurs, neutres en principe, auraient perp étré ce forfait pour le compte du pouvoir. Il en est de même pour les bourrages d'urnes et le changement de bulletins en faveur du candidat du pouvoir dans des bureaux de vote dont les responsables sont des représentants de partis politiques. Réussir un tel coup à la barbe de tous les observateurs tant internationaux que nationaux, de tous les mandataires des autres partis politiques relèverait tout simplement du génie ou de la fiction. Un observateur averti n'accepterait jamais de telles accusations sans des preuves tangibles. Mais pauvre peuple haitien! Comment peut-il saisir de telles nuances dans les accusations et fournies en plus avec un tel luxe de details et une telle assurance par nos prétendants au pouvoir suprême?
"Jovenel Moise ne peut pas
être président"
Parmi les 54 candidats à la
présidence, les 36 candidats au Sénat, les multiples candidats à la Députation
et aux communales, il y en a qui se sont déclarés vainqueurs de ces élections
sans attendre les résultats du CEP. Certains ont mis dehors leurs partisans
pour protester et intimider en vue d'infléchir les tendances des votes affichés dans les centres de vote
(CV) en leur faveur, en dépit de l'interdiction formelle du CEP. Quand on
spécule à partir des premières déclarations, il ressort que quatre(4) candidats à la présidence émergent de ces élections. Il s'agit, par ordre alphabétique, de Jude Célestin
(LAPEH), Jean Charles Moise (Pitit Dessalines), de Jovenel Moise (PHTK) et de
Maryse Narcisse (LAVALAS). Il est à signaler que le premier à protester a été
J.C. Moise et ses partisans ont occupé les rues du Cap-Haitien, la 2e ville
du pays. Le parti LAVALAS a aussi dénoncé le candidat du pouvoir et a
clairement demandé au CEP son éviction de la course sans autre forme de procès.
Quant à LAPEH, ils ont dénoncé un "coup d'Etat électoral" et déclaré
par la voix de l'ancien sénateur Anacassis que "Jovenel Moise ne peut pas être président, en tout cas peut-être plus
tard, mais pas à ces élections" , a précisé l'ancien sénateur.
Mises à part la réaction du ministre de la communication qualifiant de
"mauvais perdants" certains candidats à la présidence, la réponse de Me
G. Mayard Paul au Sénateur
Anacassis, et la conférence de presse de Monchéry, un allié de PHTK, on n'a pas de réaction officielle de PHTK et,
en particulier, du candidat de PHTK. Une chose est claire, on va vers un 2e
tour avec deux des candidats dont
les tendances du vote placent dans le peloton de tête.
Le pays à feu et à sang comme
en décembre 2010?
Quant aux autres candidats de
second niveau, selon les premières tendances, ils ont dénoncé "le coup
d'Etat électoral", les fraudes et les magouilles orchestrées par le
pouvoir, et semblent prêts à se rallier
aux partisans de la table rase. Concernant ceux-là qui n'ont pas participé aux
élections du 25 Octobre 2015, ils ont crié victoire et se sont donnés un
certificat de satisfécit pour avoir prédit ce qui allait se passer. Ils se sont
attribué le faible taux de participation enregistré et ont déduit que plus de 70% de
l'électorat sont pour la transition. Et ils vont se mobiliser pour obtenir le
départ de Martelly et du CEP. Naturellement, après les résultats du CEP, ils
vont très certainement avoir l'appui de la majorité des perdants pour mettre le
pays à feu et à sang (?) comme en 2010 en faveur de Martelly. Mais à la
différence de 2010, ce sera contre Martelly et encore contre le pouvoir en
place. Et bonjour madame l'inflation et le renforcement du marasme économique
dans lequel nous pataugeons!
CONCLUSION
Les
rumeurs et informations rapportées par les médias soulèvent beaucoup
d'inquiétudes. Les déclarations des candidats créent une situation de confusion
et de peur. On se demande qu'est-ce qui va se passer à l'annonce des résultats
par le CEP. Comme presque tout le monde avait déclaré avoir gagné les élections,
on est sur d'une chose: quels que soient les résultats proclamés par le CEP, il
y aura beaucoup d'insatisfaits, et s'ils mettent en application leurs menaces,
Haïti va connaitre des moments difficiles sinon catastrophiques.
Il
faut rappeler à nos politiciens que notre économie est dans une phase
inflationniste ascendante(10.3%). Ce qui est de très mauvais augure pour toute
la population. Avec les événements annoncés, la situation du pays sur le plan
économique pourrait devenir intenable. Nos hommes politiques doivent en tenir
compte dans leurs réactions et mots d'ordre à la population à travers le pays.
C'est bien de défendre son vote, il est malsain et irresponsable de pousser la
population à mettre le pays à feu et à sang au cas où tel candidat ou tel autre
ne gagnerait pas les élections. Il ne peut y avoir qu'un gagnant par poste
électif. Et, pour les présidentielles, il ne peut y avoir un 2e tour
à quatre (4) candidats. Est-ce que nos politiciens ont bien compris tout cela?
Autre
chose, aucun parti politique n'a le droit de décider qui a le droit d'être
président ou pas. Seul le vote de la population peut décider du sort d'un
candidat. Ce qui s'est passé en 2010 n'était pas du tout démocratique, c'était
un accident de parcours. On n'a pas le
droit de le reproduire sous aucun prétexte. Au CEP de trouver la meilleure
formule pour contrecarrer les fraudes perpétrées; de faire punir les coupables
quels qu'ils soient, sans tenir compte de leur appartenance politique et sans
exclusive; de corriger les fraudes et irrégularités, et de donner les résultats correspondant au
vote de la population. A nos politiciens d'accepter le verdict des urnes et non
leur verdict personnel!
Il
y va de l'avenir du pays et non de celui de quelques clans politiques se
réclamant l'exclusivité de l'amour de la patrie. Pensons Haïti d'abord et avant
tout. Et pour cela, cessons d'annoncer la couleur du sang! N'est-ce pas,
Messieurs et Dames, les prétendants aux destinées de la patrie commune, notre
chère et unique Haïti?