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samedi 31 octobre 2015

HAITI ELECTIONS 25 OCTOBRE 2015, LA PLUPART DES PRETENDANTS ANNONCENT LA COULEUR DU SANG


HAITI ELECTIONS 25 OCTOBRE 2015, LA PLUPART DES PRETENDANTS ANNONCENT LA COULEUR DU SANG
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 OCTOBRE 2015

Revu le 2 Novembre 2015

En dépit des mises en garde du décret électoral, la plupart des candidats à la présidence n'ont pas attendu les résultats du Conseil Electoral Provisoire (CEP) pour monter au créneau et annoncer la couleur. Pourtant, selon l'ensemble des observateurs du processus électoral, la journée du 25 octobre 2015 a été calme (0 mort si l'on excepte la mort accidentelle d'un policier), sans incidents majeurs (sauf quelque 285 arrestations, la question de vote des mandataires des partis politiques et des organisations d'observateurs électoraux, et autres petites anicroches relatives aux élections haïtiennes). Alors que s'est-il passé pour pousser certains prétendants au pouvoir et non des moindres  à dénoncer des fraudes massives, accuser le pouvoir en place de "coup d'Etat électoral ", à demander de mettre dehors le candidat du pouvoir Jovenel Moïse pour "fraudes massives", et de préparer à investir la rue au cas où le vote du peuple serait travesti? Il y en a même qui veulent la table rase (démission de Martelly et du CEP). A écouter le président du CEP, les résultats pour les présidentielles seront proclamés le 3 Novembre 2015 (le 5/11/15 pour se donner le temps d'analyser les pleintes des partis politiques) et refléteront le vote du peuple, car le système va rejeter tous les cas de fraudes et pourra même permettre d'identifier les fraudeurs tant du système qu'en dehors du système.  Ce qui est plutôt rassurant. Alors? 

FAITS SAILLANTS DU MOIS D'OCTOBRE 2015

Avant de rentrer dans le vif du sujet, passons en revue quelques faits saillants du mois. (i) La visite en Haïti de John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, n'est pas, à mon humble avis, innocente à la "réussite de la journée électorale" tout au moins sur le plan sécuritaire. (ii) Le retrait du décret créant la commune des Arcadins qui a paralysé partiellement le pays durant près de deux mois à cause du blocage de la Nationale No 1 par la population de l'Arcahaie. (iii) La visite du Président Martelly en République Dominicaine où il a rencontré son homologue dominicain sur les questions bilatérales, en particulier la mesure adoptée par Haïti sur les 23 produits interdits par voie terrestre (voir  http://jrjean-noel.blogspot.com/2015/09/haiti-elections-2015-le-secteur.html ) et la déportation des haïtiens et dominicains d'origine haïtienne. (iv) Le gouvernement a confié à une firme israélienne dénommée HLSI la gestion des frontières du pays pour une période de 10 ans. En ce sens, un protocole d’accord a été signé, le vendredi 23 octobre 2015, au ministère de l’Economie et des Finances, entre le gouvernement représenté par Wilson Laleau, titulaire dudit ministère et la représentante de la firme Eva Peled, vice-présidente de HLSI. La firme investira environ 49,3 M USD dans la restructuration et la modernisation d’une dizaine de postes douaniers et aussi dans l’acquisition de matériels et équipements pour la gestion des frontières.  (v) La prise d'un décret par le pouvoir en place favorisant la mise à disposition, aux ministres et secrétaires d'Etat,  des primes de 50 à 40,000 USD pour leur permettre de retourner dignement à la vie normale; ce décret a fait couler beaucoup de salives, vu la situation économique du pays actuellement. (vi) Haïti vient de rentrer dans une phase inflationniste à deux chiffres (10.3% d'inflation en rythme annuel); on comprend notre inquiétude au cas où nos politiciens, candidats à la présidence, qui se déclarent gagnants des élections du 25 octobre, passent de la parole aux actes après la proclamation des résultats par le CEP. Ce sera tout simplement terrible pour l'économie rachitique et malade d'Haïti. Maintenant, revenons à la question électorale.

LES ELECTIONS DU 25 OCTOBRE 2015

Le taux de participation autour de 25 à 30%
L'ensemble des observateurs ont reconnu que les élections présidentielles, sénatoriales 2e tour, et municipales se sont déroulées dans le calme le plus parfait sous la haute surveillance de la police nationale appuyée par la MINUSTAH, la force des Nations Unies. Le CEP a tenu compte des erreurs commises aux élections parlementaires du 9 aout 2015 et des recommandations des organisations de la société civile et des droits humains. La journée électorale du 25 octobre a été mieux organisée par le CEP, mise à part la question des mandataires qui a fait couler beaucoup d'encre. Les 17 organisations d'observation ont fait les mêmes constats et ont estimé le taux de participation autour de 25 à 30%, dont plus de la moitié des votants (14-16%) sont des mandataires et des observateurs qui, semble-t-il, se sont amusés à voter plusieurs fois et dans divers bureaux de vote (BV) avec la complicité de certains responsables de BV.

Accusations sans preuves 
Il est donc admis par l'ensemble des observateurs qu'il y a eu beaucoup d'irrégularités à cause de la présence des mandataires des partis politiques, des observateurs nationaux dont la pluparts ont commis beaucoup d'impairs. Pour les mandataires, il est rapporté au cours de la semaine suivant la journée du 25 octobre que certains ont utilisé leur statut pour voter plusieurs fois; il y a même une coalition d' observateurs qui est impliquée dans   des fraudes et des irrégularités. Il faut noter que ces fraudes et irrégularités ne peuvent avoir lieu sans la complicité des responsables de Bureaux de vote (BV). Les compables se sont donc désignés. Il serait difficile sinon impossible de trouver les auteurs intellectuels de "ce crime" dont on accuse le pouvoir en place; comme quoi l'ensemble des mandataires, qui sont de partis politiques différents, et des observateurs, neutres en principe, auraient perpétré ce forfait pour le compte du pouvoir. Il en est de même pour les bourrages d'urnes et le changement de bulletins en faveur du candidat du pouvoir dans des bureaux de vote dont les responsables sont des représentants de partis politiques. Réussir un tel coup à la barbe de tous les observateurs tant internationaux que nationaux, de tous les mandataires des autres partis politiques relèverait tout simplement du génie ou de la fiction. Un observateur averti n'accepterait jamais de telles accusations sans des preuves tangibles. Mais pauvre peuple haitien! Comment peut-il saisir de telles nuances dans les accusations et fournies en plus avec un tel luxe de details et une telle assurance par nos prétendants au pouvoir suprême?

"Jovenel Moise ne peut pas être président"
Parmi les 54 candidats à la présidence, les 36 candidats au Sénat, les multiples candidats à la Députation et aux communales, il y en a qui se sont déclarés vainqueurs de ces élections sans attendre les résultats du CEP. Certains ont mis dehors leurs partisans pour protester et intimider en vue d'infléchir les tendances  des votes affichés dans les centres de vote (CV) en leur faveur, en dépit de l'interdiction formelle du CEP. Quand on spécule à partir des premières déclarations, il ressort que quatre(4) candidats à la présidence émergent de ces élections. Il s'agit, par ordre alphabétique, de Jude Célestin (LAPEH), Jean Charles Moise (Pitit Dessalines), de Jovenel Moise (PHTK) et de Maryse Narcisse (LAVALAS). Il est à signaler que le premier à protester a été J.C. Moise et ses partisans ont occupé les rues du Cap-Haitien, la 2e ville du pays. Le parti LAVALAS a aussi dénoncé le candidat du pouvoir et a clairement demandé au CEP son éviction de la course sans autre forme de procès. Quant à LAPEH, ils ont dénoncé un "coup d'Etat électoral" et déclaré par la voix de l'ancien sénateur Anacassis que "Jovenel Moise ne peut pas être président, en tout cas peut-être plus tard, mais pas à ces élections" , a précisé l'ancien sénateur. Mises à part la réaction du ministre de la communication qualifiant de "mauvais perdants" certains candidats à la présidence, la réponse de Me  G. Mayard Paul au Sénateur Anacassis, et la conférence de presse de Monchéry, un allié de PHTK,  on n'a pas de réaction officielle de PHTK et, en particulier, du candidat de PHTK. Une chose est claire, on va vers un 2e  tour avec deux des candidats dont les tendances du vote placent dans le peloton de tête.

Le pays à feu et à sang comme en décembre 2010?
Quant aux autres candidats de second niveau, selon les premières tendances, ils ont dénoncé "le coup d'Etat électoral", les fraudes et les magouilles orchestrées par le pouvoir, et semblent prêts à  se rallier aux partisans de la table rase. Concernant ceux-là qui n'ont pas participé aux élections du 25 Octobre 2015, ils ont crié victoire et se sont donnés un certificat de satisfécit pour avoir prédit ce qui allait se passer. Ils se sont attribué le faible taux de participation  enregistré et ont déduit que plus de 70% de l'électorat sont pour la transition. Et ils vont se mobiliser pour obtenir le départ de Martelly et du CEP. Naturellement, après les résultats du CEP, ils vont très certainement avoir l'appui de la majorité des perdants pour mettre le pays à feu et à sang (?) comme en 2010 en faveur de Martelly. Mais à la différence de 2010, ce sera contre Martelly et encore contre le pouvoir en place. Et bonjour madame l'inflation et le renforcement du marasme économique dans lequel nous pataugeons!

CONCLUSION

Les rumeurs et informations rapportées par les médias soulèvent beaucoup d'inquiétudes. Les déclarations des candidats créent une situation de confusion et de peur. On se demande qu'est-ce qui va se passer à l'annonce des résultats par le CEP. Comme presque tout le monde avait déclaré avoir gagné les élections, on est sur d'une chose: quels que soient les résultats proclamés par le CEP, il y aura beaucoup d'insatisfaits, et s'ils mettent en application leurs menaces, Haïti va connaitre des moments difficiles sinon catastrophiques.

Il faut rappeler à nos politiciens que notre économie est dans une phase inflationniste ascendante(10.3%). Ce qui est de très mauvais augure pour toute la population. Avec les événements annoncés, la situation du pays sur le plan économique pourrait devenir intenable. Nos hommes politiques doivent en tenir compte dans leurs réactions et mots d'ordre à la population à travers le pays. C'est bien de défendre son vote, il est malsain et irresponsable de pousser la population à mettre le pays à feu et à sang au cas où tel candidat ou tel autre ne gagnerait pas les élections. Il ne peut y avoir qu'un gagnant par poste électif. Et, pour les présidentielles, il ne peut y avoir un 2e tour à quatre (4) candidats. Est-ce que nos politiciens ont bien compris tout cela?

Autre chose, aucun parti politique n'a le droit de décider qui a le droit d'être président ou pas. Seul le vote de la population peut décider du sort d'un candidat. Ce qui s'est passé en 2010 n'était pas du tout démocratique, c'était un accident  de parcours. On n'a pas le droit de le reproduire sous aucun prétexte. Au CEP de trouver la meilleure formule pour contrecarrer les fraudes perpétrées; de faire punir les coupables quels qu'ils soient, sans tenir compte de leur appartenance politique et sans exclusive; de corriger les fraudes et irrégularités,  et de donner les résultats correspondant au vote de la population. A nos politiciens d'accepter le verdict des urnes et non leur verdict personnel!

Il y va de l'avenir du pays et non de celui de quelques clans politiques se réclamant l'exclusivité de l'amour de la patrie. Pensons Haïti d'abord et avant tout. Et pour cela, cessons d'annoncer la couleur du sang! N'est-ce pas, Messieurs et Dames, les prétendants aux destinées de la patrie commune, notre chère et unique Haïti?



mercredi 30 septembre 2015

HAITI ELECTIONS 2015: LE SECTEUR AGRICOLE, "LOCOMOTIVE DE LA CROISSANCE"?

HAITI ELECTIONS 2015: LE SECTEUR AGRICOLE, "LOCOMOTIVE DE LA CROISSANCE"?

JEAN-ROBERT JEAN-NOEL

30 SEPTEMBRE 2015

Revu le 3/10/2015

Haïti a vécu ce mois de Septembre 2015 dans la douleur de la disparition du principal représentant du Vodou, l' "Ati" national, Max Beauvoir qui a  eu droit  à des funérailles nationales. Dans une conjoncture marquée par les activités électorales, manifestations de rue contre les élections du 9 Aout 2015 et contre le CEP, campagnes électorales des candidats à la présidence et  aux communales dont le premier tour est prévu pour le 25 Octobre 2015, le ministère de l'économie et des finances (MEF) a finalisé le budget 2015-2016 et présenté aux candidats à la présidence  le budget triennal articulé autour du secteur agricole comme  "locomotive de la croissance".  Dans ce budget, selon les dires du ministre Laleau, le ministère de l'agriculture aura droit à 20 Mrds HTG sur trois (3) ans, soit en moyenne un montant de 6.67 Mrds HTG/an. Est-ce suffisant pour ce nouveau rôle de "locomotive de la croissance"?  Comme à mes habitudes, avant d'essayer de répondre à cette question, passons en revue quelques faits saillants du mois dont l'adoption par l'ONU des 17 objectifs de développement durable (ODD), attardons-nous  sur le processus électoral, analysons les enjeux liés au rôle de locomotive de croissance du secteur agricole et terminons sur des conclusions appropriées.

Les faits saillants du mois

Le Président Martelly a effectué un voyage en Jamaïque dans le cadre d'une rencontre sur le PETROCAIBE. Il s'est fait accompagner  de son fils Olivier qu'on disait en prison en Floride. C'était une sorte de réponse à cette rumeur persistante.

Le Premier Ministre Paul  a été aux USA rencontrer certaines personnalités américaines dont le Secrétaire d'Etat J. Kerry ,très certainement en relation avec le processus électoral et en lien avec la nomination de Kenneth Merten, ancien ambassadeur américain en Haïti et actuel responsable du dossier Haïti au Département d'Etat américain. A noter que, en 2010, M. Merten était partie prenante des élections de 2010; c'est un Monsieur qui maîtrise le "dossier Haïti". Sa nomination n'est donc pas le fait du hasard.

Un léger  remaniement est intervenu au sein du gouvernement. Mario Dupuy a remplacé R. Francois Jr à la Communication, et Lyonel Valbrun a remplacé F. Dorcin au Ministère de l'agriculture. Valbrun est le 5e ministre de l'agriculture de l'administration Martelly. Cette instabilité au niveau institutionnel s'étend à l'ensemble de l'administration Martelly, si l'on excepte le Ministère des Travaux Publics (MTPTC), le  Ministère du Tourisme (MTIC) et le Ministère de la Santé (MSPP).

Le ministère de l'économie et des finances a pris des mesures d'interdiction contre 20 produits qui ne pourraient entrer au pays que par voie maritime, Ports  de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien. Ces mesures sont un peu controversées. Elles favoriseraient les gros commerçants de Port-au-Prince au détriment de ceux des autres départements frontaliers, en particulier ceux du Nord Est. Elles  créeraient une situation de monopole, et favoriseraient un petit groupe de commerçants. Ces mesures sont aussi perçues comme des représailles vis-à-vis de la République Dominicaine. En ce sens, elles son plutôt bien accueillies.

C'est l'adoption à l'ONU des 17 objectifs de développement durable (ODD) qui remplacent les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et ses 8 objectifs avec une atteinte mitigée des cibles visés. Ramenés à l'échelle d'un pays, ces objectifs pourraient  presque tous appliquer à Haïti. Voyons voir:

1) Mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes, partout ; 2) Éradiquer la faim, garantir la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition, et promouvoir l’agriculture durable ; 3) Garantir la bonne santé et promouvoir le bien-être de tous, à tous les âges ; 4) Garantir une éducation de qualité sans exclusion et équitable et promouvoir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous ; 5) Parvenir à l’égalité entre les sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ; 6) Assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous ; 7) Garantir l’accès à une énergie abordable, fiable, durable, et moderne pour tous ; 8) Promouvoir une croissance économique soutenue, sans exclusion, viable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous ; 9) Construire des infrastructures résilientes, promouvoir l’industrialisation sans exclusion et durable et encourager l’innovation ; 10) Réduire les inégalités au sein des pays et entre les pays ; 11) Faire des villes et des établissements humains des endroits sans exclusion, sûrs, résilients et durables ; 12) Garantir des modèle de consommation et de production durables ; 13) Agir d’urgence pour lutter contre le changement climatique et ses impacts (en tenant compte des engagements pris dans le cadre de la CCNUCC) ; 14) Préserver et utiliser de manière durable les océans, mers et ressources marines pour le développement durable ; 15) Protéger, restaurer et promouvoir une utilisation durable des écosystèmes terrestres, gérer les forêts de manière durable, lutter contre la désertification stopper et combattre la dégradation des terres et mettre fin à la perte de la biodiversité ; 16) Promouvoir des sociétés pacifiques sans exclusion dans le cadre du développement durable, permettre un accès à la justice pour tous et mettre en place des institutions efficaces, responsables et sans exclusion à tous les niveaux ; 17) Renforcer les moyens de mise en œuvre et revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable.

Pour être applicables ici en Haïti, il faudrait des politiques publiques nationales très sérieuses à mettre en œuvre sur une période de 15 ans. Nos politiciens devraient s'en approprier dans le cadre d'une grande concertation nationale de laquelle sortirait un programme national qu'ils s'engageraient à appliquer à tour de rôle.  Ce qui nécessiterait des ressources importantes tant internes qu'externes pour l'atteinte de ces objectifs à l'échelle du pays. Or on est dans une conjoncture de rétrécissement de l'aide externe pour le développement envers Haïti ( seulement 500 M USD actuellement selon le Ministre Laleau vs 1 Mrd USD juste après le tremblement de terre).

Il faut noter que, à l'échelle de la planète,  ces 17 objectifs nécessiteraient 3500 Mrds USD/an pour être mis en œuvre  du 1er   janvier 2016 au 31 Décembre 2030. Or, actuellement, selon ce qu'a rapporté Alain Faujas, " L’aide publique demeure indispensable, mais elle plafonnera à 150 milliards de dollars, ce qui est une goutte d’eau, commente Bertrand Badré...Quand on cumule l’aide publique au développement (135 milliards de dollars en 2014), l’argent envoyé chez eux par les émigrés (de l’ordre de 440 milliards), les dons et les prêts des organismes multilatéraux, on parvient à 1 000 milliards de dollars disponibles par an. C’est beaucoup, mais insuffisant, affirme le rapport « From Billions to Trillions : Transforming Development Finance » élaboré par la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque européenne d’investissement, la Banque interaméricaine de développement, le FMI et la Banque mondiale".

Processus électoral

C'est dans cette conjoncture ponctuée de la visite de Kenneth Merten en Haïti, de lancement de campagnes électorales pour les présidentielles, les communales et le 2e  tour des législatives après la publication surprise des résultats définitifs y relatifs que le Ministre Laleau a décidé de présenter le budget 2015-2016 (122.7 Mrds HTG ou 2.35 Mrds USD) aux candidats à la présidence avec comme toile de fond, le secteur agricole comme "la locomotive de la croissance".  Avant d'y arriver, jetons un coup d'œil sur le processus électoral.

Le CEP a annulé les élections dans plusieurs communes du pays. Tout le monde s'est accordé sur un taux de participation assez faible aux élections du 9 Août 2015. Les résultats préliminaires ont donné lieu à des manifestations de rue à travers le pays. La Plate-forme VERITE s'est retirée de la course électorale malgré ses avances aux législatives du fait que le CEP refuse de réintégrer son candidat à la présidence, Jacky Lumarque. La FUSION DES SOCIAUX DEMOCRATES semble faire de même. LAVALAS veut l'annulation des élections du 9 Août tout en faisant campagne pour les présidentielles: le parti de l'ex-président Aristide joue sur les deux tableaux. Pourtant le CEP a profité de la conjoncture pour donner les résultats définitifs des législatives du 9 Août avec l'élection de deux Sénateurs Youri Latortue dans l'Artibonite et Renel Sénatus dans l'Ouest, en dépit du fait de l'annulation des élections dans plusieurs circonscriptions dans l'Artibonite et dans l'Ouest.

A mon humble avis, il serait beaucoup plus sage de reprendre d'abord les élections partielles au niveau de ces circonscriptions avant la proclamation de résultats définitifs. Très certainement, la reprise des élections dans ces circonscriptions aurait changé la donne, peut-être pas pour Sénatus, peut-être pas pour Latortue, mais aurait permis une bataille plus équitable pour la 2e place. Prenons le cas de l'Artibonite, le Bas Artibonite n'aura pas de représentant à la Chambre Haute. Ce qui est une injustice quand on sait que les élections ont été annulées par le CEP principalement au niveau des communes du Bas Artibonite. Et puis d'ailleurs si les résultats sont définitifs, il n'y aura plus nécessité de reprendre les élections sénatoriales au niveau de ces circonscriptions. La reprise de ces élections changerait quoi? Par contre, on ne voit pas d'inconvénient à la proclamation des résultats définitifs pour les députés. On espère que ces résultats définitifs ne viennent pas perturber encore le processus électoral et nuire à la journée du 25 Octobre. Ce sera la faute au CEP qui semble confronter de sérieuses divisions internes (démission d'un des 9 conséillers).

Pour les élections présidentielles, communales et législatives 2e tour, les candidats mettent les bouchées doubles surtout pour les présidentielles.  Jude Célestin, Moise Jean-Charles, Jovenel Moïse, Steve Khawly, Sauveur Pierre Etienne, Jean Henry Céant,  Maryse Narcisse, Steven Benoit, Mario Andresol... sillonnent le pays pour des meetings électoraux; des photos géantes sont un peu  partout; les murs sont placardés de photos de candidats , sans ménager les murs des résidences privées et des services publics. C'est la fièvre électorale. Tout laisse croire que les élections auront lieu le 25 Octobre, en dépit des protestations des uns et des autres. Le Premier Ministre  Paul est très confiant. Le CEP aussi. Pour la majorités des candidats, l'agriculture est la priorité des priorités. Parlons en justement.

Rôle et enjeux du secteur agricole comme "locomotive de la croissance"

L'agriculture  a une forte contribution au PIB global 23-25 % , mais  est traitée en parent pauvre dans le budget national (entre 4 et 7 % du budget national  depuis plus de 20 ans) avec des décaissements en retard sans tenir compte des deux grandes campagnes d'Hiver (25% de la production agricole) et de Printemps (60% de la production). Il est à noter que les décaissements pour le ministère de l'agriculture se font en général durant la 2e moitié de l'exercice et souvent à la fin de l'exercice. Les 6.67 Mrds HTG prévus en moyenne annuellement pour les trois prochaines années (5.5% du budget) restent dans la même fourchette  depuis la prise du pouvoir par l'administration Martelly. Avec un tel montant, il serait difficile pour le secteur agricole de jouer ce nouveau rôle. En effet, une locomotive doit en principe être assez puissante pour entrainer les wagons du train national de développement. Avec 5.5% du budget global, ce serait difficile pour ne pas dire impossible. Heureusement, selon le document final du budget 2015-2016 (Ref. MEF), le MARNDR est crédité de 11,9 Mrds HTG, soit 9.7% du budget global. 

Durant la présidence de M. Martelly, la seule et unique fois que le pays a connu un taux de croissance de 4.3% (2012-2013), si l'on exclut le taux de croissance de 5.5% pour l'exercice 2010-2011 en partie due à la présidence de M. Préval ( le Premier Ministre Conille fut nommé en octobre 2011), c'est quand, à coté du budget normal accordé au ministère, il y a eu un programme d'urgence post-Sandy de 1.4 Milliards de gourdes et une bonne pluviométrie durant l'exercice 2012-2013, cette combinaison de facteurs favorables a permis au secteur agricole de contribuer  au PIB global à hauteur de 4.6%.

10% du budget au ministère de l'agriculture
Etant désigné comme la locomotive de la croissance pour l'exercice 2015-2016, le secteur agricole devrait avoir, à mon humble avis, au moins 10% du budget national pour mener à bien sa nouvelle mission (9.7% du budget est acceptable pour cet exercice). Le MARNDR devrait elaborer un budget triennal avec des tranches annuelles autour de 12 Milliards de HTG ou plus (selon le montant du budget), pour rester en phase avec sa nouvelle orientation basée sur des pôles de croissance articulés autour des 5 châteaux d'eau du Pays et des périmètres irrigués  et irrigables en aval de ces châteaux d'eau.

Dans le cas où l'administration issue des élections voudrait vraiment voir le ministère de l'agriculture jouer son rôle de "locomotive de la croissance", il  faudrait lui donner les moyens de sa politique, à savoir 10% du budget national pour les 3 années à venir dont 5 Milliards de gourdes annuellement du Trésor public  à décaisser selon un calendrier fourni par le ministère et discuté avec les  ministères du plan (MPCE) et  de l' économie et des Finances  (MEF) qui ont très peu fait cas du calendrier agricole durant la présidence de M. Martelly et même avant. Sera-ce différent à la fin de l'administration Martelly?

Ainsi, le ministère de l'agriculture pourrait espérer réussir sa nouvelle mission de locomotive de la croissance, avec (i) cet apport de 10% du budget national, (ii) la bonne  pluviosité attendue après le passage d'Erika, (iii) les investissements  des gros entrepreneurs privés prévus dans le secteur ( Ex: AGRITRANS dans la banane),et (iv) les investissements privés traditionnels de nos petits agriculteurs qui investissent, bon gré mal gré, plus d'un milliard de dollars (1 Mrd USD) annuellement dans le secteur agricole selon les estimations  de certains cadres du ministère de l'Agriculture (plus d'un million d'exploitations agricoles, Réf. RGA).

Bonne gouvernance + moyens appropriés = résultats
Dans le cas où cette tendance à la hausse (9.7% du budget global de 2015-2016) ne se maintiendrait pas par la nouvelle administration qui sortirait des urnes et que le MPCE et le MEF ne tiennent pas compte du calendrier agricole  et de l'année agricole (Mars- Février), les résultats pour 2015-2016 (décaissements à temps) et pour les deux autres exercices à venir 2016-2017 et 2017-2018 (10% du budget et décaissements à temps), ne relèveraient que du miracle . Et les miracles ne dépendent que de Dieu.  Quant aux hommes, sans une bonne planification, une bonne gouvernance et les moyens appropriés, les résultats ne suivront pas.

Conclusions


La plupart des candidats à la présidence misent sur l'agriculture pour amorcer le développement du pays. Il y  en a qui sont ou étaient des agriculteurs ou issus de la classe paysanne. De plus les ODD accordent une place prépondérante à l'agriculture qui nécessite des politiques publiques appropriées. Il serait donc intéressant que, une fois les élections terminées, l'administration qui en sera issue maintienne cette vision  de "locomotive de la croissance" allouée au secteur agricole par l'administration  Martelly, et prenne les dispositions budgétaires en lien avec cette vision, tout en articulant les politiques publiques des autres secteurs autour du secteur agricole, en les intégrant dans un programme de long terme axé sur les ODD dans le cadre d'une grande concertation nationale pour accorder  nos violons en vue de déboucher sur une Haiti sans faim en 2025 et une Haïti émergente à l'horizon des années 2030.

lundi 31 août 2015

HAITI: LES SCENARII SUR LE TAPIS APRES LES ELECTIONS DU 9 AOUT 2015


HAITI: LES SCENARII SUR LE TAPIS APRES LES ELECTIONS DU 9 AOUT 2015
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 AOUT 2015

Tout le long de ce mois d'Août 2015, l'actualité haïtienne a été dominée par les résultats des élections législatives du 9 Aout.  Bien avant la publication des résultats, le Conseil Electoral Provisoire  (CEP) a été accusé d'avoir failli à sa mission. En effet, le processus a été entaché d'irrégularités. Le CEP était accusé d'avoir favorisé les partis proches du pouvoir dans la livraison  des mandats aux mandataires des partis politiques. Au jour J, les mandataires ont été les plus nombreux dans les bureaux et centres de vote que les électeurs. Selon les observateurs, ils ont été pour beaucoup dans les irrégularités relevées. De plus, certains candidats se sont arrangés pour rendre la situation intenable. Ils sont arrivés à perturber le processus dans plusieurs centres de vote (54/1508) et à pousser le CEP à mettre hors course une quinzaine d'entre eux,  à programmer la reprise du processus dans plusieurs villes du pays, à ne pouvoir déclarer l'élection d'un quelconque sénateur au premier tour. De plus, les tendances en lien avec les résultats préliminaires sont en faveur des partis proches du pouvoir comme PHTK, BOUCLIER, VERITE, KID, AAA. Ce qui crée une situation de malaise. Alors, quels sont les scénarii sur le tapis? Avant d'y arriver, attardons-nous un peu sur les faits saillants du mois, passons en revue tout le processus jusqu'aux réactions des principaux acteurs, et terminons avec les scenarii.

Les faits saillants du mois d'Août 2015
La CARIFIESTA, durant une semaine, a permis la fraternisation des pays de la Caraïbe en Haïti. C'était la fête de la culture caribéenne. Elle était riche en couleur  comme le carnaval des fleurs  qui n'a pas eu lieu cette année. La CARIFIESTA a été l'occasion pour le Gouvernement de nous faire revivre le Congrès du Bois Caïman, à Bois Caïman même, avec la promesse de la construction d'un mémorial  sur ce site pour matérialiser cet événement  qui ouvrit la porte à la libération de notre pays par rapport au système esclavagiste.
C'est le processus d'élaboration du budget 2015-2016 avec le secteur agricole comme  locomotive de la croissance. On caresse l'espoir que, cette fois-ci, il sera mis au moins 10% du budget national à la disposition du secteur agricole. Sans quoi, il n'aura pas la capacité de jouer son nouveau rôle de "locomotive de la croissance", à moins que cela veuille dire autre chose dans l'esprit des décideurs. Rappelons que notre pays traverse une période de sécheresse depuis environ trois ans et qu'une telle disposition budgétaire aiderait énormément le secteur agricole et le pays tout entier.
Pour comble de malheur ou de bonheur un autre phénomène naturel vient de frapper Haïti, ce 28 aout 2015, le cyclone Erika. Le passage de ce phénomène a causé quelques dégâts (une dozaine de blesses, Route nationale No 1 coupée, ravage au niveau des plantations), mais a donné un second souffle au pays, car Erika a versé assez d'eau sur Haïti atténuant un peu les effets de la sécheresse. Espérons qu'Erika favorisera une pluviosité plus ou moins acceptable durant la 2e moitié de la saison cyclonique (Septembre-Novembre 2015), favorisant ainsi la réussite de la campagne d'automne et surtout celle d'Hiver.
Il faut noter que cette  deuxième moitié de la période cyclonique  correspond à la période électorale. Il serait intéressant que le secteur agricole encourage les parties prenantes du secteur à profiter de la probabilité de cette bonne pluviosité pour relancer l'agriculture dans le pays. Ainsi, nos politiciens, qui jusqu'à présent ne proposent pas grand 'chose pour sortir le pays de sa crise permanente, pourraient continuer à en découdre soit pour  annuler les élections du 9 aout, soit  pour la continuation du processus, avec l'espoir de pouvoir donner à manger au peuple (même partiellement) après leur accession à ce pouvoir tant convoité.
Le processus électoral
Revenons sur ce qui s'est passé le 9 Aout. Voici ce que j'ai écrit sur FB tout de suite après la déclaration des autorités  électorales et politiques. Je le reproduis textuellement:
"Le 1er Tour des Législatives haïtiennes /appréciation à chaud"
"Aujourd'hui, 9 Aout 2015, Haïti a connu une journée électorale assez mouvementée, en particulier à cause des mandats qui n'ont pas été remis a la plupart des partis politiques à temps. Il en manquait 300,000 mandats sur 800,000 jusqu'à samedi 8 Aout 2015. On a appris plus tard par le CEP que quelqu'un du système l'a sciemment saboté dans l'intention de nuire au processus électoral."
"Ce n'était pas le seul obstacle au processus. Des gens mal intentionnés auraient voulu voir le processus se disloquer et ont agi en conséquence au niveau de certains centres de vote. D'autres ont utilisé toutes sortes de stratagèmes pour arriver à leur fin."
"Heureusement, une grande majorité voulait de ces élections et n'ont pas hésité à faire leur devoir civique, comme moi qui ai appelé le 8830 de DIGICEL pour savoir ou aller voter vers 2h 30 de l'après midi au Centre de vote (CV), Lycée Jacques 1er de la Croix-des-Bouquets et au bureau de vote (BIV # 46).Mon devoir accompli, je suis revenu tranquillement à la maison. Le vote aurait été beaucoup plus significatif en province qu' a la Capitale. Les élections ont bien eu lieu."
"J'ai appris plus tard que 54 CV/1508 (4%) ont du suspendre les opérations de vote avant l'heure, une majorité dans l'Ouest suivi de l'Artibonite, les deux départements les plus peuples; que la mairie de Limbe a été incendiée; qu'une personne a été tuée selon le gouvernement, 3 ou 4, selon Radio Métropole; que , peut être dans 10 jours, on aurait les résultats de ces élections après que les procès verbaux aient été acheminés et traités au niveau du centre de tabulation. Tout ca n'est qu'un bilan partiel."
"On attend les résultats pour voir comment nos hommes politiques vont réagir et si ces élections ont valu la peine d'être réalisées ce 9 aout 2015. Que les meilleurs gagnent!" JR JEAN-NOEL
C'était ma réaction à chaud. Je me suis trompé en parlant "de grande majorité"; le taux de participation officielle , selon le  CEP, est de 18% au niveau national, il est de 8% dans la zone métropolitaine. Ceux-là qui qualifient de "mascarade" ces élections parlent d'un taux de participation inférieur à 10% et ils demandent tout simplement l'annulation de cette mascarade. Quant à celui qui a été accusé, il a par la suite accusé le Président du CEP d'avoir menti. Par rapport aux réactions de nos hommes politiques, je ne pense qu'il ait valu la peine d'organiser ces élections qui nous divisent encore davantage. Analysons les résultats et leurs conséquences.

Les résultats et leurs conséquences
Tout était pratiquement calme le lendemain du vote. Les choses allaient se gâter lorsque le CEP a donné les résultats, le 20 Août 2015. D'ailleurs, mis à part certains députés qui sont élus au premier tour, le CEP n'a jamais dit qui va au second tour parmi les candidats au Sénat. En fonction de nos connaissances du système, nous avons déduit que tel ou tel candidat va au second tour. Le CEP a parlé de reprise des élections dans plusieurs communes du pays où il avait du désordre. Par conséquent, il ne peut pas avoir d' élus dans ces communes ni au niveau des départements concernés.
Après ces annonces, Les Irois,  Aquin, une partie du Sud Est ont donné le ton en brisant, en mettant le feu, en bloquant la circulation et l'accès à certaines zones et localités. Dans la nuit du 26 Août 2015,les tirs sporadiques ont réveillé tout le monde, et j'ai pu remarquer, au matin, qu'on a mis des pneus enflammés dans les rues durant la nuit, tant à Croix-des-Bouquets qu'à Tabarre. Toute la dernière semaine du mois a été émaillée de manifestations de rue  de LAVALAS et d'autres candidats frustrés par rapport aux résultats  contre le CEP et pour l'annulation des élections du 9 Août 2015. C'est à se demander, par rapport à cette situation d'incertitudes faites de violences, de vie chère, de malaise électoral,  de contestations émaillées d'incidents malheureux au bureau de contentieux électoral départemental (BCED), en attendant de porter les contestations au niveau du bureau de contentieux électoral national ( BCEN), et d'alliances électoralistes de ceux qui sont en position inférieure contre ceux  qui sont en tête et contre le CEP, qu'est-ce va se passer?
    Les réactions
Mis à part les partis qui ont une certaine avance, le CEP est sur la sellette condamné à revoir sa copie par la grande majorité. Les candidats qui se sentent lésés se sont ligués contre ceux-là qui ont une avance et contre le CEP accusé de favoritisme. D'autant que, à bien analyser les tendances des votes, les partis proches du pouvoir sont en avance par rapport aux autres, mais il faut noter que les votes reflètent les impressions d'avant le 9 Août, et les sondages qui les avaient précédés à quelques différences prêtes. Les partis les plus agressifs sont les plus en vue comme PHTK, VERITE, BOUCLIER. Mais, il faut le remarquer, tout le monde a trouvé un petit quelque chose. Comme ce sont les partis proches du pouvoir qui mènent la danse, les autres ont crié au scandale et à la magouille. Donc, selon eux, il faudra annuler le 1er tour, organiser les élections générales le 26 octobre, renvoyer le CEP, renvoyer l'administration Martelly, et mettre en place un gouvernement de transition. Un petit groupe est pour la reprise des élections dans les communes où il  y avait du grabuge. Ce sont ses options qui sont proposées par nos politiciens. Pour les organismes des droits humains, il faut faire évaluer le processus par une commission indépendante, prendre les sanctions contre les fauteurs de troubles en appliquant strictement le décret électoral. Pour la communauté internationale, certes il y a eu des irrégularités, des saccages de centres de vote, mais le processus est jusqu'ici acceptable. Quels sont "les scénarii sur le tapis après les élections du 9 août 2015"?

Les scenarii sur le tapis
La reprise des élections au niveau des communes où il y a eu des turbulences politiques avant les résultats définitifs parait une option assez raisonnable, parallèlement aux corrections à apporter au processus. Ce scénario ne plairait naturellement pas à l'ensemble des candidats qui ne sont pas en position de force.
L'annulation de ce 1er tour au profit des élections générales le 25 octobre. Ce scénario couperait court à toutes les manifestations de rue actuelles pour donner lieu à d'autres manifestations organisées, cette fois-ci, par ceux-là qui avaient une avance, par les partis proches du pouvoir et par le pouvoir lui-même. Quelles seraient les réactions des organismes des droits humains et de la communauté internationale?
La remise en question du processus dans son ensemble. Cette remise en question provoquerait probablement  un grand chambardement, remettant en cause la fragile stabilité issue des négociations qui ont débouché sur le choix d'Evans Paul comme Premier Ministre. Elle pourrait même déboucher sur la mise à pied du Président Martelly et de son administration. Ce qui arrangerait certains de nos politiciens qui tenteraient "une percée louverturienne" pour ne pas rester trop longtemps "en réserve de la République". Ce serait un moindre mal si on arrivait là, à une transition à la manière de Gérard Latortue et Boniface Alexance, soit un retour en arrière de 11 ans.  Ce qui nous attristerait encore plus, ce serait tenter cette aventure qui, à cause de nos divisions et nos turpitudes de peuple, déboucherait sur une perte de souveraineté  totale 100 ans après l'occupation américaine de 1915.

Ce serait de l'inconscience de la part de nos politiciens engagés pour la grande majorité dans la bataille électorale pour défendre leurs propres intérêts et ceux de leur clan au détriment de ceux de notre pays. Alors, pour Haïti d'abord et avant tout, trouvons ensemble la bonne option pour terminer en beauté ces "foutues élections". De toute manière, il y aura des gagnants et des perdants, c'est le principe même de la démocratie. Pensez-y mesdames et messieurs!!!

vendredi 31 juillet 2015

HAITI, CAP VERS LES LEGISLATIVES DU 9 AOUT 2015


HAITI, CAP VERS LES LEGISLATIVES DU 9 AOUT 2015
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
31 JUILLET 2015

A regarder les photos géantes des candidats au Sénat et à la Députation dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, aux entrées des départements et des villes, il est clair que notre pays, en dépit de multiples problèmes de toutes sortes et des lueurs d'espoir plutôt en relation avec le secteur agricole, "la locomotive de la croissance", met le cap vers les législatives du 9 Août 2015.  Mais avant, concentrons nous un peu, ne serait-ce qu'une dernière fois cette année 2015, sur la disparition de l'Agronome Nader.

Une semaine d'Henriot Nader chaque année, un prix annuel  Henriot Nader
Depuis le décès d'Henriot, le 24 Juin 2015, et son enterrement, le 6 Juillet, tous ses  amis proches, ceux du CONSOC, de la FONHDILAC et de la FONHADI, et ses proches,  nous vivons tous au ralenti, un peu désarçonnés comme des boxeurs après un KO technique . La grande rencontre du 2e dimanche du mois de juillet 2015 de la FONHDILAC , notre fondation, nous a permis d'arrêter un certain nombre de décisions relatives à Henriot en relation avec la perpétuation de sa mémoire: une semaine d'Henriot Nader chaque année, un prix annuel Henriot Nader en relation avec le secteur agricole, tout ceci sous la responsabilité de la FONHDILAC; certains cadres de la Fondation sont désignés pour accompagner, de manière bénévole, sa femme, Uranie, dans  la gestion  globale de l'HYDROTEC , l'entreprise qu'il a laissée , et  dans la mise sur pied d'une fondation Henriot Nader en lien avec  HYDROTEC.

Haïti.. et son lot de problèmes
 Et puis, Haïti continue son petit bonhomme de chemin sans Henriot avec son lot de problèmes qui influence notre vie: le processus électoral, la vie chère aggravée par la hausse du dollar par rapport à la gourde (56 HTG pour 1 USD), par le rapatriement massif  et forcé des Haïtiens illégaux et des dominicains à peau noire  d'ascendance  haïtienne par la République voisine, la mission de l'OEA envoyée en République Dominicaine et en Haïti et le rejet  du rapport de mission par la République Dominicaine, la "gargane" reçue par le Ministre de l'Agriculture, M. Dorcin, de la part de Kiko St-Rémy, le beau frère du Président Martelly, les propos grivois du Président vis-à-vis d'une femme à Miragoâne et les réactions qui s'en suivent (Journal Le Nouvelliste), le 100e anniversaire de l'occupation américaine avec son lot de souvenirs douloureux pour notre pays.

Des lueurs d'espoir
D'un autre coté, des lueurs d'espoir qui nous poussent à tenir:  la grande marche de la société civile  haïtienne contre cet anti-haïtianisme primaire des politiciens dominicains, l'intérêt timide mais grandissant de la population pour le processus électoral, le lancement du projet "CHANJE LAVI PLANTE" le 24 juillet 2015, l'officialisation de l'Unité de Promotion des investissements privés dans le secteur agricole (UPISA), le 27 juillet, à l'Hôtel Montana à Pétion Ville, avec des investissements actuels de plus 100 M USD  et des perspectives de plus de 600 M USD dans le secteur agricole d'ici 2017, selon le ministre de l'agriculture, la déclaration du gouvernement de faire du secteur  agricole "la locomotive de croissance" pour l'exercice 2015-2016, l'équipe  haïtienne battue en quart de finale (Jamaïque-Haïti 1-0) qui a fait bonne figure à la GOLD CUP, remportée par le Mexique face à Jamaïque (3-1). A noter que le 4 juillet, le Chilli est devenu pour la première fois champion de la Copa America au dépens de l'Argentine aux tirs au but (4-1), renvoyant les fanatiques malades haïtiens du Brésil et d'Argentine à leurs études.

Les problèmes, les lueurs d'espoir et les moments d'apaisement procurés par le football n'ont jamais totalement occulté la politique, en particulier le processus électoral.  En termes de bruits, de visibilité, de meetings électoraux, il se dégage trois grands mouvements politiques: VERITE, Parti Haïtien Tete Kale (PHTK) et BOUCLIER. Ces mouvements ont pratiquement occulté les autres. Ils ne sont pas les plus populaires, mais ils sont les plus connus actuellement, car ils s'exhibent avec une rare insolence dans une conjoncture économique plutôt morose.

Une alliance pour la continuité?
Pourquoi ces trois mouvements sont-ils si agressifs (dans le bon sens du terme) sur la scène politique malgré la situation de pauvreté dans laquelle patauge le pays et qui s'aggrave de jour en jour? Tout simplement parce qu'ils disposent de l'argent. La plate-forme VERITE est très liée à une grande frange du secteur privé haïtien tandis PHTK et BOUCLIER sont plutôt proches du pouvoir en place. Les trois ont des liens très forts avec le secteur privé. Les observateurs et les analystes politiques ont vite fait d'établir des liens entre ces structures politiques qui pourraient, une fois les élections gagnées, établir des alliances pour diriger le pays dans la continuité.  En 2010, l'INITE du Président Préval, une excroissance de l'ESPWA, a fait campagne sur le thème continuité, tandis que Martelly  a fait campagne sur le thème  changement.  Ce dernier a gagné la présidence et INITE le Parlement, les deux n'ont pas su faire une alliance fructueuse pour gérer le pays dans le cadre d'un programme de changement dans la continuité. Ils se sont chamaillés jusqu'à comprendre un peu tard la nécessité d'une alliance pour permettre à Martelly de bien gérer son mandat et de le terminer comme le Président Préval a su le faire en deux fois. A un moment de la durée, on a même senti la main de Préval dans certaines décisions de Martelly. Et le pouvoir de Martelly est apparu comme un prolongement de celui de Préval. L'opposition ne s'y est pas trompée en  accusant Martelly de ne rien foutre sinon de continuer les actions de Préval. Ce qui n'était pas tout à fait vrai sans être totalement faux (principe de continuité de l'Etat). Or, actuellement, le pouvoir en place ne vise qu'une chose: la continuité. Alors qu'est-ce qui  empêcherait une alliance pour la continuité entre ces trois entités et d'autres formations politiques  qui leur sont proches, si elles arrivent à gagner les élections législatives?

 Popularité vs l'argent


Heureusement que les élections ne se gagnent jamais d'avance (sauf en cas de magouilles)  et qu'aucune alliance fictive ou réelle n'a jamais pu gérer le pays dans la continuité totale depuis l'indépendance. D'ailleurs c'est l'une des causes de notre sous-développement. Encore que les autres partis et mouvements politiques ne s'avouent pas vaincus. De plus, le CEP semble opter pour des élections démocratiques, libres et honnêtes, à défaut d'être totalement inclusives. Les partis  de  l'extrême gauche et leurs alliés, les partis centristes et tous les autres partis et particules qui sont dans la course vont se battre même sans moyens pour gagner les législatives. Donc la bataille des législatives sera rude surtout avec une forte participation de la population. Ce sera la bataille de la popularité par rapport à celle de l'argent. Le peuple saura faire la part des choses malgré sa misère, car des deux cotés il y a les bons et les méchants. A nous de bien choisir dans les deux camps en pensant Haïti d'abord et avant tout. Alors cap vers les législatives du 9 Août 2015!!!

dimanche 28 juin 2015

HENRIOT NADER OU LA DISPARITION D'UN ETRE D'EXCEPTION



HENRIOT NADER OU LA DISPARITION D'UN ETRE D'EXCEPTION
JEAN-ROBERT JEAN-NOEL
28 JUIN 2015

Pour ceux-là qui connaissaient bien Henriot, ils savent très bien qu'avec lui il y a eu toujours une surprise à l'horizon, une blague hors contexte, une proposition un peu folle mais géniale, une pirouette pour s'en sortir avec bonheur. En laissant ce monde, il est resté fidèle à sa réputation et m'a forcé à changer tout mon programme  de fin de mois de juin et  de début de juillet 2015, et surtout à laisser tomber mon analyse de la conjoncture pour lui consacrer un peu de mon temps, une dernière fois. Mes lecteurs qui ont franchi le cap de 60,000,  le mois dernier, sur mon blog, me pardonneront cette digression et comprendront le bien fondé d'une telle décision en lisant ce papier consacré à la disparition de l'Agr Henriot Nader, cet être d'exception, mon ami et "petit frère".

Un exemple de dignité
La mort d'Henriot à 58 ans, ce mercredi 24 juin 2015, le jour de la fête de Saint Jean-Baptiste, m' a fait perdre tout mon sens de responsabilité, sauf envers lui. En effet, je n'ai pas pu me pencher sur mes affaires personnelles, suivre mes dossiers professionnels, même l'élimination du Brésil ce samedi 27 juin par le Paraguay me laisse totalement indifférent,  moi Le Fanatique. Je n'ai pas pu non plus me concentrer sur la recherche pour mon article du mois de Juin 2015 comme la poursuite du processus électoral et les carnets du CEP aux candidats aux Présidentielles ( le cas particulier de Jacky Lumarque de VERITE), la déportation des haïtiens et des dominicains d'ascendance haïtienne par le gouvernement dominicain, les réactions haïtiennes et de la communauté internationale y relatives, la dégringolade de la gourde par rapport au dollar, la cherté de la vie qui en découle... Mon ami ne pourra  plus jamais écouter mon analyse contextuelle mensuelle pour le compte de la FONHDILAC,  ni lire mes articles y relatifs. En attendant, je me fais le devoir, depuis le jour  de  son décès, d'aider Uranie, sa femme, à traverser du mieux que je peux cette période entre le décès et l'enterrement, en puisant ma force dans les épisodes de la vie d'Henriot, cet agronome que j'ai transformé en ingénieur civil et qui m'a transformé en agronome, ce grand entrepreneur devant l'Eternel, toujours occupé à faire quelque chose, à émettre une idée folle qui tient du génie, un spécialiste du secteur agricole et aussi  un  simple et bon vivant, surtout un homme courageux. Malgré les ravages du cancer à l'intérieur de son corps, il a su garder sa dignité jusqu'au dernier jour nous montrant à tous, en particulier à ses proches, la voie à suivre. Ces trois enfants, Al (mon filleul), Samie et Beyou, comme ils les appelait affectueusement, ainsi qu'Uranie, sa femme, ont eux-aussi, jusqu'ici, une attitude très digne face à cette échéance arrivée un peu trop tôt. "Eternel a donné, Eternel a ôté, que le nom de l'Eternel soit béni".

Henriot, le modèle d'Agronome réussi
Henriot Nader c'est le modèle d'agronome réussi. Il a su adapter ses multiples connaissances théoriques et pratiques aux dures réalités du pays haïtien et exploiter les moindres parcelles de connaissances acquises en Haïti et à l'étranger pour apporter un plus dans le développement du pays. Professeur émérite de la science d'irrigation et de la gestion sociale de l'eau, entrepreneur dans l'immobilier et dans l'agriculture, accompagnateur du monde paysan, bon mari, bon père de famille, bon professionnel," ranceur" hors paire et bon ami, il a su exceller en tout.

Lui et moi, depuis l'enfance toujours ensemble dans la pratique du Karaté, l'animateur vedette de Club des Jeunes à Radio Trans Artibonite et moi le rédacteur occulte des réponses aux nombreuses lettres des jeunes admiratrices et fans de l'émission très prisée à l'époque jusqu'à l'âge adulte. Nous avons choisi d'épouser deux amies, deux jeunes filles (Andrée et Uranie) du même quartier, la Ruelle Orival aux Gonaïves. Plus tard, comme professionnels de haut niveau, on a produit beaucoup de textes ensemble, beaucoup de rapports d'études sur Haïti, en particulier sur l'irrigation; on a même monté ensemble un bureau d'études, le GRABEX, avec deux amis, Robert Chéry et Hugues Joseph. C'était un Monsieur plein de contradictions, un tantinet suffisant (il se targuait être le meilleur), mais quelle modestie quand il s'agissaitt de prendre l'avis de quelqu'un en qui il avait confiance ou sur un sujet qu'il ne maitrisait pas. Et quelle fierté quand on parlait de la réussite d'un de ses amis ! Le dernier papier d'Henriot que j'ai corrigé, c'était une évaluation pour le compte de l'IICA, un texte  très sérieux qu'il m'a demandé d'agencer. "Tout est là, mais tu es le seul à le rendre cohérent", m'a-t-il lancé comme une sorte de défi. J'ai réordonnancé le texte en ajoutant quelques petites phrases de liaison pour améliorer sa cohérence. Il était sincèrement content et  regrettait qu'on n'ait pas pu "mieux mettre tout ce talent au service du pays".

 Henriot est venu dans ce monde sans rien dans des conditions plutôt défavorables, le dernier d'une famille  monoparentale pauvre de sept enfants dont Marie Antoinette, Jean et Gérard avec lesquels il avait sporadiquement vécu lorsqu'il était enfant, la majeure partie de sa jeunesse fut avec sa mère, "Madan Robert" qui était condisciple de ma mère chez les sœurs  (il y a de ces coïncidences dans la vie!), avec mon papa comme père adoptif aux Gonaïves et avec  moi  comme grand frère à Croix-des-Bouquets lorsqu'il était revenu de UTAH University en 1986 avec sa maitrise en Génie Rural jusqu'à son mariage avec Uranie en 1988. Pourtant, il est parti en laissant un nom, une entreprise très connue, HYDROTEC, dont le fer de lance demeure  son compagnon de travail, Thony Louis-Jacques, une ferme agricole bien équipée de 3 ha 1/2  qu'il voulait transformer en une école de formation pour de jeunes entrepreneurs agricoles. Il avait aussi appuyé sa femme dans le mise sur pied d'une jardinière d'enfants, " Le Crayon de Cire".

Adieu, mon ami et petit frère
Notre chère Henriot est donc parti en paix, le devoir bien accompli en surprenant tout le monde ( Isaac Xavier qui m'a annoncé la nouvelle en pleurant au tel, moi-même qui l'a reçue avec un sanglot ; on s'y attendait mais pas de si tôt). Bernard Ethéart, le président de la FONHDILAC, qui vient de subir deux opérations (occlusions intestinales), a été très surpris lorsque je lui ai annoncé la nouvelle. Quant à Jean Marie Binette, membre de la FONHDILAC, il était encore sous le choc lorsqu'il m'a eu au téléphone. Il en a été de même  pour les autres membres de la FONHDILAC (notre fondation, notre lieu d'évasion mensuelle) et pour les membres du Conseil de la Société Civile de la BID (CONSOC) où il représentait avec moi la FONHDILAC. C'était  un collaborateur très compétent doublé d'un homme de  grand cœur. En effet, avant son dernier voyage à Cuba pour une séance thérapeutique de la dernière chance, il m'a confié avoir reçu un coup de fil du Ministre de l'Agriculture dont il était membre de cabinet. M. Dorcin lui a demandé en fin de conversation :
 "Que puis-je faire pour toi, Henriot?"
" Rien. Il suffit de demander à  votre administration de payer les membres du cabinet", lui a répondu Henriot.
"J'y gagnerai et les autres membres du cabinet aussi", a-t-il fait comprendre  au ministre qui voulait lui venir en aide personnellement, en attendant de régler un peu plus tard cette question de paiement des cadres du cabinet. Il est donc resté solidaire de l'équipe  jusqu'au bout.

A nous autres sa famille, ses collègues et amis de maintenir son héritage ô combien précieux et de le renforcer pourqu'il contribue davantage au développement de notre chère Haïti.

La leçon de la vie de ce grand Monsieur : si Haïti disposait d'une masse critique d'Henriot, elle serait déjà redevenue "la Perle des Antilles".

 C'est ma façon à moi de te dire  adieu, mon ami et petit frère . N'oublie pas de saluer les agronomes Barnatre, Milou et Hebel qui sont partis avant toi dans l'espace de deux mois. Dis-leur que nous allons continuer le combat pour l'agriculture et pour le pays haïtien, en attendant notre tour, car la mort, cette cruelle sans pitié, n'épargne personne. Que la terre te soit légère!!!